Arts Jbaliens et Rifains au Début du XXème siècle

6022021

Les Années 1920

 

 

 

 

 

 

 

Les artisans jbâliens et rifains ne sont pas tout à fait inconnus dans la zone, française du Maroc. Aux yeux des indigènes, les plus célèbres sont peut-être ces jeunes musiciens et danseurs qui descendent du Jbel, à l’époque des moussems printaniers, pour apporter leur concours dans les réjouissances populaires du Gharb. Réunis par équipes d’une demi-douzaine, revêtus d’une longue gandoura de cotonnade blanche serrée autour des reins par une ceinture, la tête rasée et ceinte d’une couronne de roses, ils dansent pieds nus, au son d’une musique bruyamment rythmée, devant les groupes qui se délectent à leurs jeux et les récompensent, par des « fabors » qui constituent parfois de beaux honoraires. Danseurs équivoques, sans conteste, prisés davantage pour leurs mœurs que pour leur art…

 

 

 

 

 

 

 

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Sabre en argent ramené de la guerre du RIF par un officier colonial 1925

 

 

 

 

 

En fait, ce ne sont pas ces jeunes gens qui nous intéressent ici. Plus dignes de notre attention sont les petits artisans, qui passent généralement inaperçus parce que plus modestes et peut-être plus vertueux. C’est ainsi qu’en cherchant bien, on en trouverait de petites colonies dans maintes cités maghrébines. A plusieurs, il se partagent d’étroits réduits où ils logent et de petites échoppes où ils travaillent, dépensant peu pour réunir, aussi rapidement que possible, des économies qu’ils remporteront, un jour au pays.

 

Ceux que nous connaissons le mieux sont des maroquiniers. On peut en compter une quinzaine dans chacune des villes de Fès et de Rabat. Il y en a jusqu’à Casablanca. Ils confectionnent des porte-feuilles, des porte-billets, des porte-cartes, des liseuses, des sacs à main, des porte-musiques, des serviettes, des coussins, etc., s’efforçant de répondre à tous les désirs, même les plus hétéroclites, d’une nombreuse clientèle de particuliers ou de marchands. Ils emploient de la basane de mouton de couleur fauve ou bise, pour des articles à bas prix, et du cuir de. chèvre de diverses nuances pour ceux de meilleure qualité. Leurs ouvrages sont presque toujours ornés de motifs rectilignes et curvilignes exécutés au plioir et au fer. Leur assiduité au travail et leur souplesse sont telles qu’ils ont gagné la confiance de certains commerçants européens ou israélites qui leur passent des commandes parfois considérables, ou même, les emploient dans leurs ateliers à raison de 10 à 15 francs par jour. Parmi ces ateliers, il en est qui associent à l’ornementation berbère, soit l’ornementation citadine des reliures de Fès, copiée sur des motifs remis en honneur par le Service des Arts indigènes, soit celle de personnages et d’architectures à prétention pittoresque, conçue par des Européens.

 

De telles juxtapositions sont évidemment regrettables et un meilleur parti pourrait être tiré des pratiques jbâliennes, si caractéristiques par exemple dans les grandes sacoches autochtones, à longues franges, fabriquées à Taghzout, Agni et aux Béni Touzine, dites z’aboula (pl. z’aâbel), analogues aux chkâras du Gharb et du Haouz, brodées non de fils de soie, mais de minces lanières de cuir coloré composant des listels d’encadrement et des médaillons curvilignes groupés suivant l’ordonnance géométrique chère à tous les Berbères de l’Afrique septentrionale. Il est curieux d’observer que les Jbâla d’El-Milia (département de Constantine / Algérie) ne procèdent pas autrement, mais qui, plus fidèles à la tradition, ont conservé leur technique intacte dans la préparation de mille objets à l’usage des Européens, principalement vendus sur la place d’Alger.

 

Parmi les ouvriers du cuir, on découvrirait aussi, dans les villes marocaines, des Jbâliens fabricants de babouches et de soufflets alternatifs pour forgerons, mais les ouvriers du métal sont peut-être plus nombreux encore. Autrefois, ils formaient presque tout l’effectif des armuriers de Fès. Ceux-ci confectionnaient des crosses et des platines de fusils qu’ils ornaient ensuite, d’incrustations de nacre et d’argent, ou de damasquinages d’argent ou de cuivre. Depuis l’établissement du Protectorat, cette industrie est naturellement tombée en désuétude et les artisans ont dû rejoindre la montagne ou s’adonner à d’autres travaux. C’est ainsi que, dans le quartier de Bab Es Sensela, à Fès, on peut voir des forgerons, originaires du Jbel, qui façonnent divers ouvrages en fer, notamment des grillages. Aux abords de la place Seffarine, il en est qui se sont spécialisés dans le travail du bronze : ils liment et tournent avec une précision suffisante les arbres et les bobéchons de candélabres et de braseros montés sur pieds.

 

Les Jbâliens et les Rifains ne se livrent pas, semble-t-il, au travail des métaux précieux, or ou argent. Leurs bijoux sont achetés dans les villes ou confectionnés sur place par des israélites, venus du pays makhzen, qui vont et viennent dans la montagne, œuvrant pour le compte de ceux qui les emploient.

 

Nous sommes moins renseignés sur le travail du bois. Mais nous savons que les hauts sommets du Rif sont couverts de forêts de cèdre et, qu’à des altitudes moins élevées, croît le buis. Léon l’Africain note que ces deux essences trouvaient, au XVIe siècle, des débouchés sur le marché de Fès pour entrer : la première dans des ouvrages de charpente et de menuiserie, la seconde dans de plus menus objets. Nos informateurs déclarent que les autochtones confectionnent des huisseries, des coffres grands et petits et divers autres objets qu’ils embellissent parfois de motifs géométriques sculptés et estampés. Cette décoration serait de même nature que celle que l’on observe encore dans les Kabyles algériennes. Le Musée d’Art musulman de Fès compte, parmi ses collections, des poires à poudre sculptées et cloutées, dont un bon nombre doit provenir du Rif et des Jbâla, bien que les plus recherchées, à Taghzout par exemple, venaient des Ghiata.

 

En ce qui concerne le travail de la laine, nos renseignements restent assez incomplets. On a cependant pu noter que certains groupements, tels que les Jaïa, confectionnent des ceintures fort curieuses, dites kerzîyas , représentées dans les Musées d’Art musulman de Fès et de Rabat, d’abord unies ou rayées de filets de coton blanc et bleu, puis teintes par un procédé à réserves qui a pu être qualifié de batik berbère. Procédé d’ailleurs reconnu par M. H. Basset, dans les Art Ouaraïn, sur le versant sud du couloir de Taza, et que nous avons nous-même trouvé dans les Béni Oughlis, sur le versant oriental du Djurjura, dans la région de Gabès (Sud Tunisien), sur le plateau de Ghariane; en Tripolitaine, et jusqu’en Haute Egypte .

 

L’appareil de tissage est un petit métier horizontal à basses lisses, qui n’exclut pas l’emploi d’un métier de plus grand modèle analogue à celui de Tlemcen, de Fès, de Meknès, d’Ouezzane et de Tetouan, employé à Taghzout, par exemple, pour la confection de jellâbas et même des hâïtis.

 

A côté de ces métiers horizontaux maniés par des hommes, et particuliers à des centres de quelque importance, on constate surtout l’existence du métier vertical à haute lisse, si répandu dans tous les milieux berbères de l’Afrique septentrionale, et sur lequel des femmes tissent soit des jellâbas rayées de noir et de brun, soit des hâïks blancs quelquefois rehaussés, vers les lisières, de petits motifs ornementaux, soit, comme chez les Gueznaïa, des nattes d’alfa brut ou teint en noir, soit enfin, comme dans les Jbâla, de nattes de palmier nain. Tous ces travaux font supposer que le filage est de pratique courante, du moins -en certaines régions, car la laine n’est pas généralement abondante. On a noté, il y a quelque temps déjà, que les tisserands tlemcéniens recherchaient, à cause de sa grande solidité et de sa finesse, le fil de chaîne préparé par les femmes guela’îya.

 

Parmi les autres ouvrages féminins du Rif, les poteries sont très dignes de remarque. L’existence en a été révélée pour la première fois, au grand public, lors de l’Exposition franco-marocaine de Casablanca, en 1915, par M. Michaux-Bellaire, organisateur du Pavillon de Tanger. Façonnées à la main sans tour, cuites sans four, elles sont ornées de motifs linéaires peints en noir, dessinés avec une grande, sûreté de main et groupés dans des compositions pleines de caractère et de saveur. Elles ne diffèrent pas, fondamentalement, des poteries des autres groupes berbères nord-africains, tels les: Tsoul marocains, les Msirda, le Dahra et l’Aurès algériens, la Khoumirie tunisienne et le Djebel tripolitain. Ou en trouve d’analogues dans le Zerhoun, où une fraction de tribu du Rif est établie depuis longtemps déjà, mais qui mêle parfois, aux motifs rectilinéaires, des ornements curvilignes et floraux, par contamination, semble-t-il, des poteries émaillées de Fès et de Meknès qui n’utilisent que ce genre d’ornements.

 

La foire de Fès de 1916 fit enfin connaître, pour la première fois, les poteries jbâliennes des environs de la Kalâa des Slès. Le Musée d’Art musulman de Fès en constitua alors une collection. Depuis, les formes et le décor en ont été signalés par M. Lévi-Provençal. Celles-ci se rapprochent davantage encore des poteries des autres régions berbères du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, avec leurs motifs peints en noir et en ocre rouge. Il faut signaler enfin les nombreux spécimens réunis au siège de l’Institut, des Hautes Études marocaines par M. Henri Basset, au cours des dernières années, et qui feront bientôt l’objet d’une importante étude.

 

En résumé, on trouve dans le Rif et les Jbâla, mais à un degré moins développé peut-être, Tes industries d’art connues dans le Moyen Atlas marocain et les Kabylies algériennes et tunisiennes. Ces industries mettent en œuvre des matériaux de même nature et utilisent des techniques identiques. La décoration, quand elle existe, procède du même esprit géométrique, si particulier à toutes les populations berbères de l’Afrique septentrionale. Il convient de noter encore que les artisans de la côte méditerranéenne du Maroc n’ont pas vécu complètement à l’écart des autres populations de la zone intérieure, dans laquelle ils continuent de travailler en dépit des événements actuels.

 

Si l’on considère enfin que dans quelques centres exceptionnels, tels que la ville de Tetouan après celle de Ceuta, qui ont eu, par suite de leur islamisation plus avancée et de leurs rapports suivis avec d’autres cités marocaines ou andalouses, des arts citadins, architecturaux et industriels, plus particulièrement musulmans, recourant à des techniques plus savantes et plus compliquées, utilisant des matériaux non seulement trouvés sur place mais encore importés, on remarque qu’ici comme partout ailleurs le traditionalisme berbère s’est manifesté avec son habituelle résistance en face de l’envahisseur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Le caïdat en Algérie au XIXe siècle – 3ème partie –

4022021

Abderrazak DJELLALI (Université d’Annaba)

 

 

 

 

 

 

 

Le caïdat en Algérie au XIXe siècle - 3ème partie -  dans Attributs d'Algérienneté 201223082848189317

El Habib Caïd des Hassasnas 1895

 

 

 

 

 

 

 

III – Position Sociale et Styles de Vie

 

Examinons à présent la position sociale et le style de vie des caïds engendrés par leur pouvoir tant décisionnel qu’économique durant les deux périodes (ottomane et française). Rappelons que le corps caïdal durant la période turque était formé de quatre catégories distinctes par la jonction et le statut social puisque on trouvait des caïds simples fonctionnaires du beylik et des caïds qui avaient un rôle administratif important et qui faisaient partie de la notabilité. Bien que celle-ci ne puisse être saisie uniquement à travers le pouvoir administratif puisque la notabilité est fondée aussi sur d’autres critères: la civilité (exemple les maures) (1) la descendance religieuse (les chorfa ) ou la capacité guerrière (el adjoud ) ou la fortune (certains commerçants israélites). A cette représentation collective se juxtaposaient des agrégats hiérarchisés par le groupe social dominant : les turcs occupaient le sommet de la pyramide, ensuite venaient par ordre dégressif les koulouglis, les maures et puis les baranis (étrangers à la cité comme les mozabites, les biskris ) les berbères, les chrétiens, les juifs et enfin les esclaves au bas de la société (2).

 

Dans ce contexte d’agrégats hiérarchisés le caïdat n’a pu former un corps homogène en tissant des relations de type horizontal notamment par des alliances matrimoniales (3). Ce cloisonnement était l’apanage du système en place qui renfermait en plus chaque groupe social dans un métier : les turcs dans l’armée, les koulouglis dans l’administration, les biskris dans la vente de l’eau, les mozabites dans les bains-maures et les boucheries, les juifs dans le commerce, et les esclaves dans la servitude de el assied (les seigneurs). Par ailleurs, chaque groupe social occupait et habitait un espace bien délimité, soumis à sa propre législation (4) et se distinguait par ces traits vestimentaires. Les effets pervers d’une société régie par le jeu des rapports raciaux cultivant les différences allant dans le sens du compartimentage ont permis à chaque groupe ethnique de préserver ses traits culturels (la langue d’origine, la religion, les coutumes, etc.).

 

Sous la colonisation française les membres du caïdat étaient parvenus à entretenir des relations internes par des échanges matrimoniaux et économiques grâce à une certaine homogénéisation de leurs corps, à leur appartenance raciale (indigènes) et à la nature du système colonial basé sur le centralisme qui gommait toute velléité d’autonomie régionale. L’élargissement de la propriété privée a effrité le système de Nisba en introduisant l’état civil et a par conséquent disloqué la tribu (5), affaibli la solidarité et fait admettre la richesse comme élément essentiel dans la désignation de la notabilité.

 

Si par son pouvoir décisionnel et économique le caïdat appartenait de fait à la notabilité, néanmoins il évoluait socialement et politiquement en seconde zone du fait de l’idéologie coloniale fondée sur l’exclusion sociale (6). Considérés à l’instar de leurs coreligionnaires comme des gens à civiliser, les caïds n’ont pas pu s’intégrer à la classe dominante et évoluer d’égal à égal avec les européens. Leurs tentatives soit par « l’école républicaine » qui a ouvert ses portes aux loyaux serviteurs désireux d’acquérir un savoir moderne opposé au savoir traditionnel (apprentissage du Coran, hadit, charia) synonyme d’arriération, soit par les mariages mixtes qui sont restés très limités ou soit par l’acquisition de la citoyenneté, sont restées vaines.

 

Leur loyauté envers la présence coloniale leur permettait seulement de bénéficier de certains avantages économiques et sociaux et de se distinguer par rapport aux autres indigènes. Si cette distinction prend les formes citées (le savoir moderne, le mariage mixte) elle apparaît aussi dans le lieu de résidence et la sédentarisation. En effet, les caïds ont bâti de grandes demeures Bordj qui représentaient le pouvoir, symbolisaient la richesse et le statut social par rapport à leurs coreligionnaires qui vivaient dans des tentes ou des gourbis.

 

C’est ainsi que les caïds ont été un élément important dans l’apparition du changement social en introduisant dans leur communauté de nouvelles habitudes architecturales, linguistiques, vestimentaires, alimentaires, lors des cérémonies officielles ils étaient amenés à boire de l’alcool: à consommer des plats différents, etc.. Ils étaient les agents intermédiaires entre deux communautés, deux styles de vie : européen (moderne) et indigène (traditionnel). Les rapports avec leur communauté étaient complexes car régis par des facteurs endogènes et exogènes du fait que les caïds se trouvaient confrontés aux intérêts et aux exigences des deux communautés en présence. On ne peut apprécier la valeur intrinsèque des rapports sociaux si on n’isole pas les principaux partenaires. Ainsi s’ils entretenaient des alliances avec d’autres caïds pour accroître leur emprise sur les régions, il n’en allait pas de même avec les caïds issus d’anciennes tribus rivales avec lesquelles ils avaient des rapports conflictuels.

 

Les autres notables de la communauté à savoir les cadis, muphtis, et marabouts étaient des partenaires privilégiés dans les échanges matrimoniaux et économiques, ce qui a abouti au renforcement de cette classe en formant de ce fait (Ayane el beld ou el Akbar ) des détenteurs de tous les pouvoirs (décisionnel, économique, intellectuel) et à qui on demande conseil, protection et privilèges. Les, membres de leurs clans tiraient avantage de leur lien de parenté et l’utilisaient lors des conflits avec d’autres clans ou tribus. En revanche, avec le reste de la population les rapports étaient exclusivement d’ordre institutionnel, en effet les caïds vivaient parmi eux mais loin d’eux, de leurs préoccupations (7).

 

Pourtant, les premières années de la colonisation étaient caractérisées par l’admiration et le respect que leur portait la population du fait de leurs attributs à savoir le cheval, le burnous rouge porté lors des revues ou des tournées d’inspection. Mais par la suite, l’image du caïd s’est dégradée lorsque la population autochtone prit conscience des intentions du colonialisme et du rôle oppressif des caïds surtout à l’apparition des partis nationalistes.

 

Désormais, les caïds ne symbolisent plus que l’appauvrissement, l’injustice, la corruption. Ils deviennent même synonyme de l’esprit du mal, ce n’est pas pas hasard si dans le langage populaire on qualifie les chefs de bandes de caïds (8).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NOTES

 

 

(1) Sous la Régence, les Maures se moquaient des Turcs les traitant de brutes et d’incultes et affirmaient bien haut leur appartenance à l’Andalousie.

 

(2) Voir P. BOYER, La ville d’Alger à la veille de la conquête, Hachette, 1962.

 

(3) D’après les informations fournies par H. de GRAMMONT, il existait des alliances surtout pour le partage du pouvoir lors de l’assassinat de hauts responsables du deylik ou du beylik, mais d’une manière générale, elles étaient limitées. H. de GRAMMONT, Histoire d’Alger sous la domination turque, Paris, 1987.

 

(4) Chaque groupe social est présidé par un amin qui règle les différends entre les membres du groupe et sert d’intermédiaire avec l’administration beylicale. Pour les litiges entre deux groupes on se réfère à la législation beylicale. Voir à ce propos P. BOYER, La ville d’Alger, op. cit.

 

(5) Voir à ce propos la communication de A. NOUSCHI lors du colloque sur Bourgeoisie et Notables au XIXème siècle, tenu à Nice les 17 et 18 Mai 1990.

 

(6 ) Pour illustrer cette ségrégation il faut souligner : le décret du 21 avril 1886 qui autorisait les indigènes à accéder à la fonction publique. Cependant il contient une discrimination flagrante puisqu’il distinguait deux sortes de musulmans : le musulman-citoyen qui a droit aux mêmes fonctions et emplois publics et le musulman-sujet pour lesquels existe une liste de fonctions limitatives. Les musulmans qui ont obtenu la citoyenneté de 1865 à 1915 sont au nombre de 1726.

Selon les statistiques de 1951 on dénombre 60 à 80 professeurs dont la moitié enseignant l’arabe, une centaine d’officiers, 7 magistrats dont 4 exercent en Algérie et 2 à la cour d’appel d’Alger, une vingtaine de cadres de l’administration civile (préfets, sous-préfets, administrateurs) mais 20 ingénieurs, 78 avocats, 75 médecins, 36 pharmaciens, 11 chirurgiens-dentistes et environ 400 instituteurs . Voir à ce sujet C. COLLOT, op. cit.

 

(7) Un dicton populaire laisse entendre que si le caïd mange le couscous, il ne se prépare pas et ne se mange pas de la même manière, le leur est fait avec de la viande et du beurre, le nôtre avec du lait et de la graisse.

 

(8) Il convient de souligner que cette image ne s’applique pas à toutes les périodes, ni à tous les caïds puisque certains parmi eux ou leurs descendants ont participé d’une manière directe ou indirecte à la guerre de libération. D’ailleurs, cette option n’était ni fortuite, ni calculée, elle était le fruit d’une prise de conscience de l’appartenance à une communauté indigène méprisée par un système colonial oppressif.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Le Becheraf (ou Bachraf)

2022021

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Nouba se compose d’une introduction en récitatif suivie d’un premier motif à un mouvement modéré qui s’enchaîne dans un second d’une allure plus animée ; puis vient un retour au premier motif quelquefois sur un rythme différent, mais toujours plus vif que le précédent, et enfin une péroraison allegro vivace tombant sur une dernière note en point d’orgue, qui semble rappeler le récitatif de l’introduction.

 

D’ordinaire, l’introduction a un accent de tristesse plaintive, de douce mélancolie, parfaitement en rapport avec le genre d’interprétation que lui donnent les Arabes. Pour le chanteur, c’est un mélange de voix mixte et de voix de tête, et la répétition de chaque phrase en récitatif, sur les cordes graves du violon ou sur le Rebab, vient encore augmenter cet effet.

 

Le récitatif du chanteur est précédé d’un prélude exécuté par les instruments chantants et destiné à indique le mode dans lequel doit être chantée la chanson.

 

Cette manière d’indiquer le ton au moyen d’une mélodie connue de tous, réglée à l’avance, n’a-t-elle pas la même origine que ces Nomes de la musique grecque, auxquels il était défendu de rien changer, parce qu’ils caractérisaient chacun de ses modes spéciaux?

 

Chez les Arabes, ce prélude se nomme Becheraf.

 

Le Becheraf reproduit d’abord la gamme ascendante et descendante du ton, ou, si l’on aime mieux, du mode dans lequel on doit chanter; puis il indique les transitions par lesquelles on pourra passer accidentellement dans un autre mode, soit par les tétracordes semblables, appartenant à deux modes différents; soit par l’extension donnée en haut ou en bas de l’échelle du mode principal avec les notes caractéristiques de la Glose. En effet, la Glose n’est pas, comme on pourrait le croire, entièrement soumise aux caprices des exécutants. Elle est subordonnée à des règles dont il n’est permis à aucun musicien de s’écarter, s’il ne veut qu’on lui applique le proverbe usité autrefois pour les chanteurs comme pour les poètes qui passaient sans transition d’un sujet à un autre, d’un mode principal à un autre qui n’avait avec lui aucune relation : à Dorio ad Phrygium.

La Glose est en quelque sorte indiquée dans le prélude par les développements donnés à la gamme, non plus en conservant l’ordre habituel des sons, mais bien en décrivant des cercles, comme disent les Arabes. Cette expression, décrire des cercles, indique qu’il faut monter ou descendre par degrés disjoints : mais encore faut-il que ces degrés disjoints appartiennent au même trétracorde.

Ainsi : au lieu de ré mi fa sol, par exemple, on fera ré fa mi sol fa ré, et ainsi de suite, soit en montant, soit en descendant.

 

Le Becheraf indique aussi les sons caractéristiques du mode, ceux sur lesquels on doit revenir plus souvent et ceux dont on ne doit se servir qu’avec modération.

Tel est, dans son ensemble, ce prélude obligé de tous les concerts arabes ; ses divisions, ayant un certain rapport avec celles de la mélopée des Grecs (Lypsis, Mixi et Petteya).

 

 

 

 

 

 

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Le caïdat en Algérie au XIXe siècle – 2ème partie –

31012021

Abderrazak DJELLALI (Université d’Annaba)

 

 

 

 

 

 

 

Le caïdat en Algérie au XIXe siècle - 2ème partie -  dans Attributs d'Algérienneté 201223080840287795

Caïd de Tindouf et Officiers Français en 1961

 

 

 

 

 

 

II – Du Capital Décisionnel au Capital Economique

 

Comment le pouvoir dont dispose le caïd a-t-il pu déboucher sur des privilèges économiques démesurés ? Ce qui frappe lorsqu’on étudie le caïdat c’est que même si les caïds aoutans (1) occupaient des fonctions supérieures par rapport aux autres caïds et avaient pour principales attributions, le recouvrement des impôts, le maintien de l’ordre, et la participation aux razzias, leurs champs d’intervention n’étaient pas clairement définis faute de textes administratifs et juridiques qui explicitent leurs fonctions, c’était le cas également des hauts-fonctionnaires du beylik (le bey et de dey).

 

Pour mieux appréhender les rouages de cette structure rappelons que l’attribution de tous les postes depuis le bey en passant par le caïd était fonction de la valeur de l’impôt que pouvait verser le prétendant au trésor de l’Etat (2). Les possibilités d’accès, les chances de maintien et de reconduction étaient liées à la valeur des taxes prélevées aux tribus assujetties, en d’autres termes la valeur des taxes est un paramètre utilisé pour déterminer l’aptitude et la capacité du caïd à administrer et/ou gouverner, d’autant plus que la richesse des tribus et le nombre de ses clans sont connus par administration beylicale.

 

Le système d’imposition extrêmement diversifié constitue en fait l’ossature du régime turc et détermine les rapports entretenus entre chaque responsable et sa hiérarchie (caïd/bey ; bey/Dey ; Dey/Porte sublime) (3). En effet, le système local n’est ni unifié, ni organisé c’est pourquoi on distingue une multitude de taxes d’origines diverses. Aux impôts coraniques (zakat, aïd el fitr, aïd el Kébir, achoura, mouloud ) qui constituaient l’élément de base de la fiscalité s’ajoutaient les impôts fonciers kharadjan, hokr et enfin les taxes mobilières (gharama et lezma )(4). Pour être complet, il faut mentionner les impôts relatifs à la conjoncture : audifa (impôt d’invitation), bak el burnous (impôt d’investiture) audifa el ada (impôt coutumier) hak el hekad (impôt sur le cheval) (5).

 

Faut-il rappeler aussi que l’impôt à lui seul ne suffisait pas au maintien dans le poste d’où le recours fréquent aux pratiques de présents et offrandes. Force est de constater que cette situation contraignante a abouti inexorablement à l’affaiblissement économique et au redéploiement des tribus abandonnant leurs terres fertiles et n’hésitant pas quelquefois à fomenter des résistances larvées pouvant déboucher facilement sur une insoumission déclarée (6). Les maintiens devenant incertains bon nombre de caïds et autres fonctionnaires amassèrent des fortunes rapides dans l’intention de s’assurer contre une éventuelle déchéance surtout à la fin de la régence (7). Cependant du fait du climat d’intrigues, des emprisonnements et confiscations des biens qui touchaient également les membres de son entourage, toute accumulation était impossible ; d’autant que les charges n’étaient pas héréditaires. De surcroît le poids de la fiscalité, l’instabilité politique, le compartimentage de la société sont des facteurs entre autres qui ont empêché l’accumulation du capital et partant l’apparition d’une classe bourgeoise

 

Voyons à présent l’époque française et ce qui a changé. L’administration française a octroyé de larges pouvoirs aux caïds surtout lors de la création des communes mixtes (8). En effet, le caïd avait une double fonction paradoxalement inconciliable car il devait veiller aux intérêts des deux parties antagoniques (l’administration coloniale et les autochtones). Donc, il était d’une part l’agent de l’administration française du fait qu’il surveillait politiquement son douar et aidait les percepteurs au recensement et au recouvrement des impôts, et d’autre part, il représentait la population indigène de son douar en présidant les réunions de la djémaa et en présentant leurs demandes et leurs revendications auprès de la S.I.P. (Société indigène de prévoyance) (9).

 

Ces larges prérogatives ont permis au caïd de tirer des avantages matériels (terre et bétail) et financiers surtout dans les périodes de récoltes puisqu’il était récompensé au détriment des personnes dont les biens ont été confisqués. De surcroît, vu son salaire insuffisant par rapport aux tâches multiples auxquelles il s’adonnait, abus et offrandes étaient largement répandus d’où un renforcement du caractère quasi-féodal de l’institution caïdal. Son pouvoir décisionnel, qui était étendu du fait qu’il était l’unique intermédiaire entre l’administration coloniale et ses coreligionnaires notamment auprès du conseil de révision créé le 7 septembre 1927, lui permettait soit d’exiger soit de ne pas refuser les dons lors par exemple de son intervention pour exempter de jeunes appelés, ou lors de la mobilisation des jeunes remplaçants (10). De plus, le caïd recevait des dons en argent ou en nature (bétail, céréales) pour ses services en déclarant des mariages ou des naissances lorsqu’ils ne répondent pas aux lois en vigueur (le cas des femmes mineures ou des naissances qui n’avaient pas été enregistrées au moment voulu).

 

Malgré les restrictions apportées à la fonction de caïd par l’administration militaire leur avidité et leur convoitise remontaient aux premières années de la colonisation même lorsqu’ils étaient choisis parmi les notables (11). Si la France, en effet, a recouru dans un premier temps à ceux-ci (guerriers ou religieux, voire même déchus par l’administration turque) vu leur influence auprès de leur population afin d’éviter des troubles, la logique du système colonial n’en reposait pas moins sur la spoliation et l’appauvrissement des tribus par l’usage de la force ou de la loi (12).

 

Ce paradoxe a donné l’occasion aux caïds de constituer ou d’augmenter leur fortune du fait de leur collaboration avec le colonialisme, accroissement tributaire de l’extension de l’occupation française (13) surtout durant les premières décennies caractérisées par l’absence de lois régissant leur carrière. Ainsi ils s’appropriaient le dixième des impôts arabes perçus et le cinquième du montant des amendes infligées par eux aux contrevenants aux ordres de l’administration (14). Ces revenus recherchés par les caïds se heurtaient à la résistance des tribus surtout dans les conjonctures économiques difficiles (mauvaises récoltes, disettes, épidémies) recourant parfois à l’assassinat de leurs caïds puis à la rébellion ouverte systématisée (révoltes de cheikh el Mokrani, el Haddad, ouled sidi cheikh, zaâtcha, aures etc…)- Et même lorsque des lois ont été instaurées, devenant des fonctionnaires de l’administration, leur avidité n’a pas cessé.

 

Pourtant grâce à cette réglementation la promotion leur était assurée puisqu’ils pouvaient accéder aux statuts supérieurs (caïd, caïd des caïds, agha, bachagha) et percevoir par conséquent une augmentation de salaire (15) qui inexorablement continuait de dépendre des services rendus à l’administration française. Ajoutons à cela que la promotion de leurs supérieurs (administrateurs et administrateurs-adjoints) était elle-même conditionnée par les mêmes critères et par conséquent les services du caïd devenaient utilitaires pour ne pas dire nécessaires.

 

C’est ainsi que les caïds étaient parvenus à accumuler des fortunes importantes d’autant plus que cette fonction était devenue quasiment héréditaire (16). Avec l’évolution économique la richesse se diversifiait (commerce, immobilier), or le caïdat n’a pu devenir une réelle force économique car le capital était resté entre les mains d’une poignée de colons qui régissait les mécanismes de l’économie coloniale et ses lois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes:

 

(1) Les caïds aoutane avaient de larges prérogatives qui selon certains témoignages pouvaient atteindre pour leurs administrés un parcours de vie et de mort, l’exemple du caïd de bordj Sebou en est un exemple.

 

(2) II faut signaler que les attributions de fonctions ne s’appuient pas sur des critères objectifs mais plutôt sur des rapports de force, les alliances allant parfois jusqu’à des cas de succession caricaturaux chez les deys comme ce laveur de cadavre devenu simple Khodja (secrétaire) et peu après le successeur du dey Ahmed.

 

(3) Les cadeaux offerts par le Dey à la Porte sublime ne signifient pas la soumission à celle-ci car de longue date les deys d’Alger sont désignés par l’oudjak et ne sont pas toujours turcs. Les présents s’inscrivent plutôt dans l’idéologie de la Umma islamique puisque la Porte sublime offre en contrepartie des armes surtout pendant les conflits avec les espagnols, anglais et danois. De même l’Algérie et la Tunisie ont offert des aides en troupes et en nature à Istanbul lors de sa guerre contre la Russie en 1759.

 

(4) Tarfik el MADANI cite dans les Mémoires de Hadj Ahmed Cherif Zahar, SNED, Alger, 1980, la valeur des impôts religieux donnés au trésor d’Alger.

 

1 – Le beylik de l’ouest :

- 10.000 SAA (plus d’un quintal) de blé et 1000 quintaux aux hauts fonctionnaires.

- 10.000 SAA d’orge et 1000 (q.) aux hauts fonctionnaires et 6.000 têtes de moutons,

 

2 – Le Beylik de l’est verse en plus :

- 2.000 têtes de bovins,

- une barque de graisse, de dattes et d’olives.

 

3 – Le beylik de Titeri : sa région est pauvre et ne versait en impôt que des moutons.

 

4 – Le beylik de Sebou :

- 1.000 paires d’huile,

- 1.000 quintaux de figures,

- 100 quintaux de cire,

- 500 SAA (q.) de blé,

- 500 SAA (q.) d’orge.

 

(5) Sur ces multiples impôts voir A. TEMIMI, op. cit.

 

(6) Pour la collecte des impôts, le beylik mobilise plusieurs Mhalas en s’appuyant sur les tribus zouaves.

- Les Mhalas de l’ouest exercent au mois d’avril,

- les Mhalas de Titeri exercent en été et durant trois mois,

-les Mhalas de l’Est exercent au début de l’été et durant six mois.

 

(7) Le beylik de Constantine a connu durant la période (1772-1836) plusieurs assassinats et des changements rapides avec une vingtaine de beys successifs alors que de 1713-1792 seuls cinq beys ont été désignés. Pour de plus amples détails voir Leïla BABÉS, op. cit.

 

(8) II faut rappeler que l’administration française pour organiser le territoire algérien a pris en 1863 comme base la tribu et cela afin de la maintenir au sol, de la contrôler et donc de la désorganiser. Puis elle a crée le système de douar qui est doté d’une djemaa (sorte de Conseil) présidé par le caïd. Enfin avec l’avènement de la république en 1890 l’administration française a créé les communes mixtes et les communes de plein exercice peuplées en majorité de colons.

 

(9) Voir C. COLLOT, op. cit.

 

(10) Généralement les notables ( cheikh, mufti, caïd, cadi, etc. . .) ne veulent pas envoyer leurs enfants au service militaire, de sorte qu’ils recourent à des remplaçants, en offrant à de jeunes volontaires 1.500 F ; on les appelle d’ailleurs les hommes de 1.500 F.

 

(11) Sur les 721 caïds des communes exerçant en 1937, une centaine sont issus de familles appartenant à la noblesse guerrière ou djouads, 200 de familles de la noblesse religieuse ou chorga, 350 de la petite bourgeoisie rurale, 60 autres sont d’anciens officiers de l’armée française. Voir à ce propos C. COLLOT, op. cit.

 

(12) Exemple : le Senatus-Consulte du 22 avril 1863 ; loi Warnier 26 juillet 1873.

 

(13) Nombre de douars et de représentants indigènes en 1895

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Voir pour de plus amples informations les archives nationales d’Outre-Mer et les archives du gouvernement général, Aix-en-Provence K K 17.

 

(14) Les Algériens paient jusqu’en 1918 des impôts directs et indirects de type européen, plus des impôts arabes auxquels s’ajoutent des corvées (gardiennage des forêts, lutte contre les sauterelles, transport, etc…).

 

(15) Selon l’arrêté du 8 Mars 1826 et du 29 Avril 1927 le corps des caïds se divisait en 6 rangs

- 6ème rang le caïd perçoit 6.000 F

- 5ème rang le caïd perçoit 6.500 F

- 4ème rang le caïd perçoit 7.000 F

- 3ème rang le caïd perçoit 7.600 F

- 2ème rang le caïd perçoit 8.400 F

- rang spécial le caïd perçoit 12.000 F.

L’agha perçoit en plus 3.600 F et le bachagha 6.000 F. Voir J. DARGNAC, L’administration de commune mixtes en Algérie, 1927.

 

(16) On compte 13 caïds chez les Michri et 6 chez les Gaba à Tebessa, 10 chez les Bardiaf à M’Sila.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Les Mamelouks

29012021

 

 

 

 

 

 

 

 

Le peuple égyptien, occupant un pays plat et un sol fertile, n’est point fait pour guerroyer, son rôle doit se borner à cultiver la terre. On ne remarque point chez lui l’énergie, le courage et l’esprit d’indépendance des habitants des montagnes.

 

Il y a un demi-siècle environ que brillait en Égypte une troupe remuante, guerrière, pleine d’audace et de bravoure, distinguée surtout par la beauté du corps. Elle était presque seule capable d’entrer en campagne et de tenir tête à l’ennemi.

 

 

Cette troupe était composée de Mamelouks, cavaliers d’élite, habiles dans le maniement des armes et d’une valeur à toute épreuve; mais ces hommes ardents à la guerre, comme à toutes les jouissances de la vie, n’étaient point Égyptiens.

 

Les Mamelouks, ou Mameluks, dont le nom signifie acquis, possédés, étaient recrutés tous les ans dans la Géorgie, la Circassie, la Mingrélie, l’Anatolie. Achetés dans leur enfance de parents chrétiens, on les obligeait à embrasser la religion mahométane, ils étaient circoncis, puis instruits avec soin, et ils acquéraient le savoir nécessaire pour occuper tous les emplois du gouvernement jusqu’aux fonctions même les plus élevées.

 

C’était dans cette milice qu’on prenait les vingt quatre beys, gouverneurs des provinces égyptiennes.

 

Mais ce corps, cette sorte d’aristocratie, livrée à un luxe effréné, toujours disposée à la mutinerie, ne voulant se plier à aucune discipline, se croyant plutôt faite pour commander que pour obéir, et dévorée d’ambition, faisait le désespoir des Pachas, lieutenants en Égypte de l’empereur de Turquie. Ces fonctionnaires, ne jouissant d’aucune espèce de considération, demeuraient comme prisonniers dans la citadelle du Caire, sans initiative et sans autorité.

 

Les Mamelouks les renvoyaient les uns après les autres suivant leur caprice. Jamais le Sultan ne leur refusait une demande de changement du Pacha qui gouvernait en son nom.

 

Ce fut Méhémet-Ali qui eut l’énergie et la gloire de débarrasser son pays de ces maîtres despotes et gênants. Il usa d’un moyen violent, il est vrai, en les faisant tous massacrer, comme chacun sait, le 1er mars 1811.

 

On montre sur les remparts de la citadelle du Caire l’endroit où fut effectuée cette boucherie, et la place où l’un de ces Mamelouks, Anym ou Hassan Bey, sauta avec son cheval d’une hauteur de plus de 15 mètres. Le cheval resta mort sur le coup, et l’homme fut le seul qui échappa au massacre. Mais ce malheureux devint fou et, dans ses accès, croyait toujours voir les Albanais de Méhémet-Ali massacrant ses compagnons. L’égorgement de toute cette race s’étendit aux diverses provinces de l’Égypte.

 

 

 

 

 

 

Les Mamelouks  dans Histoire 201218081836936648

Horace Vernet : Le Massacre des Mamelouks à la citadelle du Caire, en 1811

 Méhémet-Ali, voulant détruire le corps redoutable des Mamelouks, prend, pour mettre son projet à exécution, le jour d’une cérémonie qui devait précéder le départ d’un de ses fils pour la Mecque. Les Mamelouks reçoivent l’ordre de se rendre dans le château du Caire pour suivre le cortège ; ils y arrivent montés sur leurs plus beaux chevaux, et magnifiquement vêtus.

 Ce tableau représente le moment où, entrés dans l’intérieur du château, les portes se referment sur eux. A l’instant, des Albanais dévoués, cachés derrière les créneaux, remparts, sur les tours, font, à un signal donné, un feu des plus terribles sur ces malheureux, qui sont impitoyablement massacrés. Le pacha , placé au sommet d’une sur les terrasse, sans pouvoir être aperçu, et ayant derrière lui trois de ses officiers, ses confidents intimes, est témoin de cette affreuse catastrophe. C’est ainsi que fut détruite presque entièrement l’audacieuse milice des Mamelouks.

 

 

 

 

 

 

Il est bien remarquable que ces Mamelouks, dont la belle et forte constitution se perpétuait dans leur pays natal, ne pouvaient pas se reproduire en Égypte. Leur génération s’y appauvrissait, et tous leurs enfants périssaient en bas âge. Cependant ce même climat d’Égypte a été bien favorable à la multiplication des Hébreux. Cette race blanche s’y était acclimatée, suivant la Bible, et avait habité pendant plus de 400 ans la vallée de Gessen.

 

Sous le joug des Mamelouks l’Égypte était en proie à l’anarchie de la féodalité; sous celui de Méhémet-Ali elle souffrit des rigueurs du despotisme. Le fellah fut en définitive aussi malheureux après la réforme du massacreur des Mamelouks qu’il l’avait été sous le pouvoir de ces vampires.

 

Le massacre des Mamelouks ne fut pas seulement une boucherie, mais aussi une magnifique opération financière. Celui qui le fit exécuter s’empara, bien entendu, de tous les biens de ces aristocrates indépendants, et ils étaient aussi considérables que l’avaient été leurs exactions, le plus souvent atroces.

 

Mais bourreau de leur argent comme il le fut de leur personne, Méhémet-Ali se livra à l’exécution de grands travaux d’amélioration pour son pays et ne tarda pas à voir diminuer son trésor. Des emprunts forcés lui parurent alors un moyen simple et facile de remédier à l’épuisement de sa caisse. Il ne se fit pas faute d’en user, d’en abuser même; et il faut rendre à sa mémoire la justice de dire qu’il agit avec impartialité, car il puisa indistinctement à pleines mains dans toutes les poches de ses sujets..

 

Cette productive méthode a été volontiers mise en usage par quelques-uns de ses successeurs.

 

Mais ce qui ne sera pas imité, il faut l’espérer, c’est la manière dont il s’acquitta envers ses prêteurs. A ceux qui n’osèrent pas lui demander le remboursement de leur argent, il ne rendit rien ; mais quant à ceux qui eurent la maladresse de lui faire des réclamations, il obtint aisément quittance de leurs créances en ordonnant qu’on leur tranchât la tête, Moyen certain de faire taire toutes les criailleries.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Le Caïdat en Algérie au XIXe siècle – 1ère partie -

27012021

Abderrazak DJELLALI (Université d’Annaba)

 

 

 

Le Caïdat en Algérie au XIXe siècle - 1ère partie - dans Attributs d'Algérienneté 20122307464537419

Caïd d’Alger 1870

 

 

 

 

 

 

Étudier le système du caïdat dans l’Algérie du XIXème siècle revient à le saisir simultanément et durant la période finissante turque, et durant la première partie de la colonisation française, afin d’aboutir à une vision générale de cette institution qui soulève encore bien des questions eu égard aux équivoques et au rejet dont elle a fait l’objet au moment de la montée du nationalisme algérien, et d’une manière générale dans la mémoire collective.

 

Cette approche comparative, devrait même si ce champ d’étude reste peu abordé, conduire à expliciter les multiples sens que véhicule la notion de caïdat pour témoigner de l’objectivité, et des mécanismes qui ont présidé au maintien de ce système de commandement tant décrié durant la colonisation française. Si cette institution a connu une longévité importante, l’étude des systèmes turcs et français, bien que les deux régimes politico-administratifs diffèrent à maints égards, met en évidence les fluctuations du rôle administratif du caïd avec ses avantages et ses privilèges économiques qui déterminent son statut social et son style de vie.

 

C’est autour de ces phases que s’articule notre étude qui a vu surgir immédiatement une difficulté relative à l’évocation des dernières années du régime turc où l’administration en décomposition n’est pas représentative de plus de trois siècles de domination car les institutions au sens moderne du terme ont varié de même que la terminologie. Ceci témoigne donc du caractère très complexe du système de caïdat qui varie selon les époques en fonction de l’influence croissante ou décroissante de l’administration centrale et de ses représentants.

 

 

I – Pluralité et Diversité du Caïdat

 

L’approche du caïdat en tant que système administratif nécessite au préalable une définition du mot caïd car la notion est vague et imprécise d’autant plus que dans le langage du sens commun il traduit l’idée d’agents omnipotents et d’un corps administratif homogène, alors que le contenu de (cette motion renvoie en fait à l’hétérogénéité de la fonction caïdale aussi bien sous la période ottomane, que française (1). Le terme de caïd est générique pour ne pas dire polysémique puisqu’il véhicule des significations diverses. Etymologiquement le mot caïd vient du verbe arabe (qad) guider. Le caïd est celui qui vient en premier et qui guide, il signifie aussi gérer et diriger. Le terme caïd ne prend sa véritable signification qu’à travers (2) la fonction occupée qui elle-même attribue le statut administratif et social du récipiendaire.

 

Les travaux relatifs à la période turque révèlent parfaitement la diversité de cette fonction du fait que chaque caïd a pour charge un aspect précis de la vie sociale ce qui engendre une classification entre un caïd Eddar numéro deux du Makhzen chargé des affaires administratives et sécuritaires de l’ensemble du beylik, équivalent aujourd’hui d’un ministre, et les autres caïds, dont l’autorité de certains ne dépasse pas le périmètre d’un marché hebdomadaire : ainsi le caïd Essouk chargé des taxes et du maintien de l’ordre dans les marchés, le caïd Ezzabel au service des ordures de la ville, le caïd el Cassaba à la sécurité de la ville, le caïd el Aioun chargé des fontaines publiques, etc.. D’autres encore exercent les fonctions qui ne dépassent pas la servitude du bey tels le caïd Essouina s’occupant du parasol du bey lors de ses déplacements le caïd Ettassa de la taxe et le caïd Esebssi de la pipe du bey.

 

Cette hiérarchie trouve aussi ses fondements dans la nature même du système administratif turc basé sur le dualisme ville/campagne et la gestion binominale. Les campagnes peuplées par des tribus sont du ressort du caïd el Aoutane (3) chargé des déplacements, emplacements et prélèvement des impôts. De même, selon l’importance des tribus administrées, et l’espace géographique surveillé, la hiérarchie et la fonction varient car elles sont déterminées par la nature des liens entretenus avec l’administration beylicale et les possibilités de promotion dans ce corps par des alliances matrimoniales ou par des intrigues (4).

 

Néanmoins la puissance turque n’était pas aussi étendue et hégémonique comme on semble le croire, des régions entières étaient soustraites à son autorité comme celles dirigées par les béni Djelab à Touggourt où les chefs ont refusé même l’appellation de caïd et lui ont substitué celle de sultan. Il n’était pas rare de voir des pouvoirs locaux forts comme les harrar chez Henancha (région de Souk-ahras) et les ouled Amokrane de Bejaïa (région de la petite Kabylie) avec lesquels le pouvoir central a essayé de collaborer pour soumettre les tribus réfractaires d’où reconnaissance des chefs autoproclamés ou encore exemption d’impôts (5).

 

 

 

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Maintenu pendant la colonisation française, le système du caïdat a été uniformisé en ce sens que la fonction de caïd devenait essentiellement administrative et les prérogatives se précisaient progressivement; les autres domaines de la gestion de la vie sociale étant confiés à des employés contrairement à l’époque turque. Néanmoins, la hiérarchie de ce corps (caïd, caïd des caïds, agha, bachaghas) était demeurée inchangée.

 

Même si les fonctions exercées par les caïds diffèrent d’une phase politico-administrative à une autre, allant d’un pouvoir étendu (juridico-financier) à des tâches d’exécution de simple police où le grade supplante la fonction, il convient de s’interroger sur les causes de la pérennisation de ce système malgré les différences entre les deux systèmes ottoman et français quant à la nature de l’occupation et les objectifs visés.

 

Quatre raisons peuvent être avancées.

 

1 – Combattre les notabilités dont le caïd fait partie, et plus particulièrement le caïd el Aoutane, aurait engendré un risque de soulèvement, risque que l’administration française ne pouvait courir surtout durant les premières années vu leur influence, leur statut social et la solidarité tribale ; pour assurer sa sécurité elle a recouru au moment de la conquête (6) à l’octroi de garanties aux interlocuteurs importants même lorsqu’ils étaient turcs et donc la cible privilégiée de la France.

 

2 – L’occupation de l’Algérie n’a pas fait l’unanimité sur la nature du système à mettre en place. Si l’intention de coloniser demeurait, les formes de gestion et d’administration n’étaient guère définies d’autant plus que la France était confrontée à de graves problèmes internes et externes (Monarchie de Juillet 1830-1848, insurrection de la IIème république de 1848, guerre de la défense nationale 1870-1871). C’est pourquoi de maintes spéculations eurent lieu sur la forme que devait prendre la colonisation : colonie de peuplement, royaume arabe, département français ou unité administrative autonome ? (7).

 

3 – La méconnaissance par les occupants européens de la structure interne de la société algérienne — en particulier le rôle de la religion, de la famille, de la tribu, de la propriété, de la langue etc.. hormis les informations limitées contenues dans des rapports de diplomates, de voyageurs et de commerçants — implique la reconduction du système administratif caïdal auquel étaient habituées les tribus. Ceci pour éviter des réactions négatives et l’élargissement du champ de confrontation ; en outre, un nouveau système administratif exigeait des moyens matériels et humains qui auraient pu alourdir la charge et le budget du Ministère de la guerre.

 

4 – La reconduction du système caïdal est liée à l’idéologie discriminatoire et raciale du colonialisme français d’où ségrégation entre européens et « indigènes » sur les plans, politique, juridique et administratif. En effet l’occupation française a instauré deux formes de gestion administrative, l’une régie par les dispositions en vigueur en métropole ayant compétence sur la colonie européenne (dans les communes appelées de plein-exercice) et cela afin d’attirer et d’aider les colons à se stabiliser ; et l’autre organisé par un système caïdal propre aux indigènes dans les communes dites mixtes ou subdivision maires (8). Bien que cette fonction soit réservée uniquement aux algériens, les caïds sont désignés non pour leur compétence mais pour leur audience et leur influence sur les groupes qu’ils doivent administrer, leur loyauté à l’autorité française, et les états de services rendus (9).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes

 

 

(1) II faut signaler que les turcs n’ont pas importé leurs institutions, bien au contraire ils ont conservé les structures existantes tout en les modifiant selon les besoins de la conjoncture et en introduisant d’autres. Quant à la France elle a maintenu au début de la colonisation cette fonction, puis elle y a mis fin par les arrêtés du 20 Mai 1868 et du 24 novembre 1871. Puis elle réapparut sous l’appellation adjoint municipal indigène dans le décret du 24-12-1870, et fut modifiée par les arrêtés du gouverneur général le 13 avril 1898. Enfin elle prend le titre de caïd dans les décrets du gouvernement général en février et août 1919. Voir à ce propos C. COLLOT, Les institutions de l’Algérie durant la période coloniale (1830-1962), CNRS, Paris et OPU, Alger, 1987.

 

 

(2) L’analyse lexicale du verbe qad revêt un sens précis et différent de la traduction littérale française guider, on dit en arabe guider par devant et diriger par derrière : guider renvoyant à l’idée de modèle et d’un chef exposé en premier au danger. Il est opportun d’apporter des précisions sémantiques sur ces diverses nuances. Voir entre autres le dictionnaire arabe Moubitel Mouhit de Boutros El Boustani, librairie Liban, Beyrouth, 1987.

 

(3) El aoutane est le pluriel du mot arabe, watan qui signifie territoire, patrie. Pour exemple nous citons le Beylik de Constantine qui possède 20 caïds et Aoutane, 4 caïds qui dirigent les moubas (petites villes avec garnison) de Tebessa, M’sila, Mila, Zemmoura et 11 cheikhs de tribus. Voir la Revue Africaine n° 3, année 1858-59, op. cit.

 

(4) Nous citons quelques exemples tels Mohamed EL MILI qui après avoir occupé la fonction El Aouissi (tribu haracta ) est devenu bey de 1818 à 1819 ou le caïd de M’Sila CARA MUSTAPHA devenu bey de Constantine pendant un mois en 1818. Voir Histoire des derniers bey s de Constantine, Revue Africaine, n° 6, année 1862, éd. OPU, Alger, 1985.

 

(5) Voir Leila BABES, Etat, pouvoir central, pouvoir local dans le beylik de Constantine, URASC, Université d’Oran, 1988.

 

(6) Voir les déclarations du général de Baumont aux habitants d’Alger, le Duc de Ravigo aux habitants d’Annaba, les garanties données à Ahmed bey, etc..

 

(7) C. COLLOT, op. cit.

 

(8) II faut souligner que pendant les premières décennies caractérisées par la lutte de l’Emir Abdelkader, l’Algérie a connu 3 types d’administration :

A – l’armée française a maintenu le système turc jusqu’en 1840 surtout sur le littoral (Oran, Alger, département de Constantine).

B – La France juxtapose le système de l’Emir Abdelkader qui a essayé d’uniformiser l’administration par la création du système de Khalifa.

C – Sur ces deux types elle superpose une administration militaire, celle des bureaux arabes qui ont été supprimés en 1870 et en 1902 dans le Sud.Pour plus de détails voir C. COLLOT, op. cit.

 

(9) Les renseignements exigés pour le recrutement du personnel administratif indigène chargé de la surveillance politique et administrative des populations musulmanes sont :

1 – Le rôle politique de la famille du candidat durant la période turque.

2 – Les services rendus par la famille du candidat à la France et les contreparties

reçues.

3 – Renseignements sur le candidat :

- âge, intelligence, niveau d’instruction ;

- les titres militaires et administratifs reçus ;

- les relations avec les européens et son influence sur ses coreligionnaires.

A ce propos consulter les fiches de renseignements — affaires indigènes, département de Constantine, gouvernement général, archives d’Aix-en-Provence K.K.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Les Esprits et Les Génies dans Les Croyances Populaire

25012021

 

 

 

 

 

 

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Frappés du merveilleux spectacle de la nature qui partout nous montre des forces secrètes toujours agissant et toujours se renouvelant, les premiers hommes chez lesquels l’intelligence et l’imagination commencèrent à prendre le dessus sur les facultés brutes de leur nature primitive durent s’imaginer l’existence d’êtres supérieurs ramenant les saisons, la nuit, le jour, présidant à la naissance, à la vie, à la mort des êtres, produisant enfin les phénomènes journaliers dont le spectacle inexpliqué étonnait ces peuples enfants. Mais comment se figurer ces êtres qu’il n’était point donné de voir ? Comment se les représenter, sinon sous une forme connue, tangible pour ainsi dire? Et quelle autre apparence leur donner que celle de l’homme hors de laquelle il n’était guère possible de rien tirer d’idéal ou en rapport avec l’idée préconçue? L’homme créa donc des divinités, des êtres supérieurs faits à son image, des dieux anthropomorphes qu’il doua de ses qualités et de ses défauts personnels et auxquels il donna ses goûts et ses habitudes, tout en leur reconnaissant un pouvoir infiniment supérieur au sien et capable de renverser l’ordre naturel des choses. De là ces esprits des bois, des grottes, des cavernes, des sources ; ces nymphes des fleuves, des rivières et des torrents; ces divinités sylvaines attachées aux chênes et aux autres arbres des forêts; ces nains gardiens des trésors antiques; ces géants qui se jouent des difficultés matérielles les plus extraordinaires; ces elfs et ces lutins qui la nuit dansent au clair de lune leurs rondes animées, tout en s’accompagnant de folles chansons ; ces fées, ces normes, ces moires, ces parques qui président à la destinée des mortels et les suivent dans la vie; ces génies de l’Orient qui obéissent aux ordres des magiciens et qui transportent par les airs, rapides comme l’éclair, les tours et les palais enchantés.

 

C’est donc partout que l’homme a placé ces êtres particuliers, nombreux comme les étoiles du ciel et dont il croyait entendre la voix dans le grondement de la foudre, dans le mugissement du vent, le frémissement de la forêt, le murmure du ruisseau ou l’harmonie de la nature en travail. Suivant ce que chacun de ces esprits était censé représenter, on lui attribua des goûts et des habitudes différentes ; le génie de la montagne fut terrible et menaçant, et pour armes on lui donna la foudre et les rocs arrachés aux pics altiers; tandis que l’esprit des eaux fut gracieux et doux, ordinairement une femme, une nymphe ou ondine aimant å se plonger dans le cristal limpide aux beaux jours ensoleillés de printemps ou d’été, à s’y jouer follement avec ses gracieuses compagnes, ne vivant souvent que pour l’amour et par l’amour.

 

Soit que toutes ces entités mythiques aient leur origine dans l’esprit même de l’homme et se produisent inévitablement dans des circonstances données, soit qu’elles nous viennent de peuples primitifs à l’imagination plus développée et plus portés à l’enfantement de ces croyances, il n’en demeure pas moins que les esprits de l’air, de la terre, des cavernes et des sources, les génies bons ou mauvais, se retrouvent dans la mythologie ou plutôt dans le fonds populaire de toutes les nations, aussi bien celles de l’antiquité que celles des temps plus modernes. Leur nom diffère bien, mais le caractère général est le même. A notre époque encore, nous avons sous nos yeux, dans les races sauvages de l’Afrique, de l’Amérique ou de l’Océanie, des hommes encore à l’état quasi primitif, qui nous reportent presque à l’enfance des races plus développées soit aryennes, soit sémitiques ou mongoles. Ces peuplades ont aussi leurs esprits supérieurs ou inférieurs, leurs génies, leurs lutins identiques aux nôtres. Et c’est là une preuve de plus contre les partisans de certains systèmes mythiques qui voudraient reporter aux Aryas seuls la conception primitive des croyances que nous possédons aujourd’hui.

 

Nous sommes en ceci de l’avis qu’exprimait il y a quelques années un de nos savants les plus infatigables, M. Henri Gaidoz, qui disait : « La croyance aux esprits, c’est-à-dire à des êtres surnaturels qui entourent l’homme à tout instant et dans tout objet, et dont il doit capter la bienveillance ou détourner la malveillance, est en effet la principale religion de l’homme à l’état de nature. Le culte des ancêtres et la sorcellerie en découlent naturellement. »

 

Mais, ainsi que nous le disions tout à l’heure, les divinités de ces peuples primitifs sont sœurs des nôtres ; elles peuvent varier par certains traits accessoires sans qu’on puisse se tromper sur leur parenté originelle. Ce sont toujours bien ces êtres du monde invisible dont Ménandre le Comique disait :

 

Adest autem viro cuilibet dœmon bonus.

Ut primum quis naseitur vitæ arcanus ductor.

 

Ils président à la vie de l’homme, de sa naissance à sa mort ; ce n’est pas pour eux-mêmes qu’ils sont créés mais pour nous; s’ils ont une vie propre, c’est à la condition de se mêler à la nôtre et de la conduire vers un but final, bon ou mauvais. Car les génies sont de ces deux sortes, ou amis des mortels ou leurs ennemis. Les Taïtiens ont des « Atouas » ou dieux inférieurs résidant sur la terre, rappelant les sylvains, les faunes, les Dryades, les Oréades qui ne sont pas toujours animés de bonnes dispositions pour les hommes.

 

De même les Esquimaux, les Polynésiens, les aborigènes de l’Amérique. Les peuples anciens, les Égyptiens, les Assyriens, etc., avaient aussi des divinités bienfaisantes à côté de divinités malfaisantes. Euclide et d’autres auteurs de l’antiquité affirment positivement l’existence de mauvais génies à côté des bons, théorie qui fut le principe de la religion de Zoroastre et que le christianisme aussi bien que l’islamisme admirent en principe dans la distinction qu’ils firent entre les noirs démons de l’Enfer et les anges célestes serviteurs de Dieu qui chantent aux pieds de Jéhovah, de l’Eternel ou d’Allah.

 

Les Romains et les Grecs avaient trouvé dans les croyances populaires la prodigieuse quantité d’esprits et de génies qu’on retrouve chez eux à chaque pas. Aussi les admirent-ils tous dans leur mythologie polythéiste, ce qui faisait dire au poète Prudence :

 

Quamquam, cur Genium Romæ mihi fingitis unum ?

Cum portis, domibus, thermis, stabulis soleatis

Assiguare suos Genios.

 

Chose assez bizarre en effet que de proclamer d’abord un génie spécial de la ville de Rome, puis d’admettre autant de génies particuliers qu’il y avait de portes, de maisons, de bains ou même d’écuries dans la capitale du monde ! Et ces nymphes, ces faunes, ces sylvains, ces dryades, ces esprits sans nombre dont sont remplies les œuvres des écrivains grecs et latins !

 

Les autres peuples indo-européens eurent également leurs dieux inférieurs. Chez les Slaves, les Samovily et les Judy, sortes d’esprits des lacs, de la mer et des montagnes. Chez les Scandinaves, les nornes, les walkyries, les trolls, les elfes. Chez les Celtes, les fées, un peu l’héritage commun des peuples indo-européens, mais qui, chez les Gaulois, prirent le profond caractère que nous leur connaissons. Les peuples germaniques eurent leurs nains, leurs géants, leurs gnômes ou esprits souterrains. Tandis que dans les races latines, ce furent les fées, les géants, les ondines, les orvals, et surtout les lutins qui exercèrent l’imagination du peuple, parfois même des poètes.

 

Nos lutins affectent mille et mille formes, dégagées bien souvent de l’anthropomorphisme primitif. Leur caractère est capricieux et malicieux. La plupart du temps ils ne sont ni bons ni méchants. Ils aiment courir par les nuits sereines, à la clarté de la lune ou des étoiles, par les bois, les bruyères et les landes. Ils dansent des rondes fantastiques au son de chalumeaux rustiques, de violons ou de flûtes, chantent de joyeux couplets et se réunissent sur le gazon autour de mignonnes tables chargées de mets délicieux et de boissons exquises. Si quelque ménétrier de passage les rencontre, vite ils l’entourent et ne lui laissent de repos qu’il ne leur ait joué quelque danse de son répertoire. Il est vrai qu’ils l’en récompensent magnifiquement et que le violoneux n’a pas à se plaindre de sa nuit perdue dans la société des petits êtres.

 

Mais gare au voyageur égaré dans la campagne. Les malicieux lutins lui jouent mille tours de leur façon, le perdent dans les marais, le font danser de force des rondes diaboliques, le rendent bossu ou le rouent de coups !

 

D’autres affectionnent les fermes isolées, prennent soin des bœufs ou des vaches et des chevaux, battent le beurre, rincent la vaisselle ou balayent la maison. Mais si on les irrite en leur donnant une veste rouge, adieu la tranquillité, l’abondance et le bien-être! Le lutin vient toutes les nuits faire un train d’enfer, embrouiller les écheveaux, briser la vaisselle, faire tourner le lait. Heureux encore s’il ne marque pas le bétail de taches noires qui le font mourir!

 

Parfois encore, c’est un petit animal qui vous passe le soir entre les jambes ou un feu-follet capricieux qui cherche à vous égarer; des bruits de chariots ou de voitures lourdement chargées ; des appels désespérés dans le lointain ; ou des apparitions horribles; ou des animaux sans tête ; ou des cavaliers qui passent au galop de leur monture et qui portent leur tête dans la main !

 

On le voit, nos croyances populaires sont à la hauteur de celles des autres peuples. N’allez pas dire à certains de nos paysans que ces petits êtres n’existent pas ; ils nieront bien toute croyance religieuse, les anges, le diable ou Dieu même, mais pour celle des esprits familiers, des lutins, des korrigans ou des goblins, ils vous soutiendront que non seulement ils vivent dans les fermes, les prés ou les bois, mais encore ils vous raconteront sérieusement nombre de démêlés qu’ils ont eus avec eux et où souvent ils ne jouent pas le plus beau rôle !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La Senaïa dans La Milice

23012021

 

 

 

 

 

 

La Milice existait sous les Turcs. Elle fut créée en 1692 par Chaaban Khodja. La Senaïa (corps des métiers d’Alger) dut, pour sa part, fournir 30 hommes sur les 60 qui étaient exigés pour la garde de nuit.

 

 

 

 

La Senaïa dans La Milice dans Attributs d'Algérienneté 800px-Janissaire_d%27Alger 

 

 

 

 

 

En 1695, Baba-Ahmed confirma ces dispositions. La milice forma un corps de 360 hommes appelé Senaïa (les métiers) ou eus (le guet). Elle se composa de 12 noubas de 30 hommes chacune. Les contingents de chaque nouba furent ainsi constitués :

 

1ᵉ Nouba : 25 forgerons, 3 chaudronniers.

 

2ᵉ Nouba : 30 épiciers.

 

3ᵉ Nouba : 5 armuriers, 17 bottiers, 3 tourneurs, 5 fourbisseurs.

 

4ᵉ Nouba : 12 hommes fournis par le marché des Kabyles, 7 fabricants de couvertures, 7 hommes de la colonie de Djerba, 4 arroseurs.

 

5ᵉ Nouba : 21 courtiers, 5 fabricants de nattes, 2 marchands de sucrerie, 2 potiers de terre.

 

6ᵉ Nouba : 14 galniers, 2 marchands beurre, 10 fabricants, de babouches, 4 hommes de la R’taya.

 

7ᵉ Nouba : 20 cordonniers, 3 fabricants de savon, 7 fabricants de chéchias.

 

8ᵉ Nouba : 30 barbiers.

 

9ᵉ Nouba : 30 fabricants d’ouvrages de soie.

 

10ᵉ Nouba : 30 corroyeurs.

 

11ᵉ Nouba : 30 boulangers.

 

12ᵉ Nouba : 30 fruitiers.

 

 

 

En 1700, Baba Hassan-Pacha confirma les décisions précitées. Les Turcs n’y figurèrent que pour un tiers. Le reste fut fourni par les citadins et par les tribus.

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Chasses de l’Algérie: La Chasse Au Faucon

21012021

 

 

 

 

 

 

 

 

La chasse au faucon, en Algérie, est restée l’apanage des grandes familles du pays.

C’est un des principaux reliefs de la véritable aristocratie arabe.

Quelques parvenus ont essayé de se le donner; mais quand on les voit à l’œuvre avec le faucon, on s’aperçoit bien vite que ce noble oiseau ne leur est pas familier, et qu’il est déplacé entre leurs mains.

C’est qu’en effet on ne s’improvise pas maître en fauconnerie; c’est une science qu’il faut avoir longtemps étudiée ou posséder de tradition.

 

 

 

 

 

 

Chasses de l'Algérie: La Chasse Au Faucon   dans Coutumes & Traditions 20121308033585147

Biskra – chasseur au faucon  – Algérie 1900 

 

 

 

 

 

Les grandes familles de la province d’Alger qui se servent du faucon, et que les indigènes appellent Hell-el-thiour, gens d’oiseaux, sont les suivantes :

 

Les Oulad-Mokhtar:

Leurs meilleurs fauconniers sont : Mahiddine, Bou-Dissa, Lakhdar.

 

Les Oulad-Chaïd :

Leurs meilleurs fauconniers sont les fils de Djedid.

 

Les Oulad-Nayls :

Leurs meilleurs fauconniers sont : Kouider-ben-Legbèche, Telli-ben-Lekhal.

 

Les Bou-Aïche :

Leurs meilleurs fauconniers sont : Slimen, Abd-el-Selam, Rahmoun.

 

Les Oulad-Aïssa :

Leurs meilleurs fauconniers sont : Si-Djelloul, Siben-Salem.

 

Les membres de ces familles djouades (1) chassent de père en fils; ils ont, pour les aider dans le service des faucons, des façons d’écuyers-fauconniers, plus particulièrement chargés de prendre les oiseaux de race, de faire leur éducation, de les nourrir, de les porter et d’aider à leur rappel quand on vole le lièvre ou l’outarde.

 

Il y a parmi ces gens, que l’on appelle biâzes, oiseleurs, des types d’une grande originalité; le fond de leur caractère est un amour-propre démesuré à l’endroit de leur science en fauconnerie.

 

Il y a deux sortes de faucons :

Les étrangers,

Les indigènes.

 

Les premiers sont préférés, ils sont très courageux et chassent aussi facilement la plume que le poil. Les fauconniers du moyen âge les appelaient sors; ils viennent le plus souvent de la Suède, de la Norvège et de la Finlande.

Ce sont des faucons de haut vol, genre gerfaut, avec lesquels on attaquait, au moyen âge, le héron, la grue, l’oie sauvage, etc.

 

 

Le faucon indigène de l’Algérie est celui désigné en histoire naturelle sous le nom de lanier. Il est aussi très brave, et de haut vol; l’éducation développe ses qualités naturelles. Pour prendre les faucons, les biâzes se servent de perdrix, de pigeons et de gangas. 

Ils enveloppent ces volatiles d’un réseau de lacs et les mettent en vue en plein champ, ou les placent près des endroits où se remisent les oiseaux qu’ils veulent prendre.

 

Le faucon, en se précipitant sur ce qu’il croit être une proie, se prend les serres dans les lacs disposés à cet effet; il en détermine l’action en cherchant à emporter l’appât qui est attaché à une ficelle fixée à une pierre assez lourde pour ne pas être enlevée.

 

Le biâze, qui est resté à l’affût, s’approche alors avec précaution, s’empare du faucon, qu’il coiffe tout d’abord d’un chaperon pour lui ôter toute défense.

 

Il lui met ensuite de petites manchettes en cuir, auxquelles il attache des lanières de six à huit pieds de longueur, rattachées par leur autre extrémité au gant en cuir à la crispin que porte tout fauconnier lorsqu’il a son oiseau sur le poing. : Le dressage de l’oiseau de race se fait à peu près de la même manière qu’il est indiqué dans les anciens « Déduicts de fauconnerie » du roi Modus ou de Gaston Phœbus.

 

 

 

 

 

201213080336952986 dans Coutumes & Traditions

Algérie, la chasse au faucon, cavalier et son aide avec leurs faucons – 1885

 

 

 

 

 

Trente ou quarante jours suffisent ordinairement pour amener le faucon à fondre, au milieu des gens et des chevaux, sur les lièvres et les outardes, à les prendre à pleine serre, à les tuer à coups de bec, à obéir au cri de rappel, et enfin à venir se poser sur le leurre quand la proie a été manquée.

Chaque fauconnier élève plusieurs faucons, parmi lesquels il fait un choix des meilleurs. Pendant la période d’éducation des oiseaux, des renseignements sont pris par les fauconniers sur le nombre et le degré de perfection des faucons de tel ou tel djouad. Une grande émulation, des rivalités, s’emparent de leur esprit. Souvent ces rivalités s’établissent entre les membres d’une même famille, il en résulte des défis et des paris sur le plus de force ou de sagacité qui sera déployé par tel ou tel oiseau. On donne aux faucons des noms qui sont presque toujours ceux de leurs maîtres, ou de personnages connus par leur bravoure et leurs prouesses. La saison de chasse une fois terminée, la liberté leur est rendue.

 

On leur met préalablement, quand ils ont du mérite, une marque à laquelle on puisse les reconnaître plus tard; soit un anneau d’or ou d’argent autour d’une serre, avec un chiffre, ou des pointes de feu à la naissance du bec.

 

Les faucons indigènes ne s’écartent guère des parages où ils naissent; on les retrouve et on les reprend quelquefois plusieurs années de suite dans les mêmes endroits.

 

Quand un fauconnier capture un oiseau de race marqué d’un signe autre que le sien, il est tenu de le rendre à son propriétaire, s’il le connaît.

 

Quelquefois néanmoins, et par exception, des fauconniers gardent d’une année à l’autre des oiseaux tout à fait hors ligne, auxquels ils se sont attachés. La chasse se fait de la fin de novembre à la fin de février.

 

Pendant ces trois mois d’hiver, l’oiseau de race a toute sa vigueur, ses plumes ont acquis tout leur développement; son appétit,qui est considérable, le stimule encore.

Mais, vers le mois de mars, arrive la saison des amours, qui lui fait abandonner la chasse et son maître , si, à ce moment, on ne lui rend sa liberté.

Quand les oiseaux de race sont dressés, et que le moment de s’en servir est venu, les djouades s’avancent, avec leurs familles, leurs clients, leurs serviteurs et leurs troupeaux, vers le Sahra.

C’est alors une grande joie pour tous, car cette région possède un attrait puissant qui agit sur toutes les organisations et sur tous les âges.

Vieillards, adultes, femmes, enfants, considèrent comme un jour de fête celui où ils quittent les pentes pluvieuses du Tell pour s’enfoncer dans le pays du soleil.

 

Les animaux eux-mêmes sont accessibles aux charmes de cette transhumance hivernale, qui leur promet un climat plus doux et des pâturages plus précoces.

Quand donc les campements sont établis en plein Sahra, que différentes régions ont été explorées, on commence la chasse, qui s’exerce uniquement sur les lièvres et les outardes.

On ne peut bien chasser au faucon que dans un pays découvert où le gibier, une fois lancé, peut presque toujours se voir, et où le faucon, en fondant sur sa proie, ne court aucun risque de se blesser.

 

Les immenses plaines du Sud, couvertes d’une végétation d’alfa et d’armoise qui ne forme pas d’obstacles, sont essentiellement propices pour le vol.

C’est vers deux heures de l’après-midi que se fait ordinairement le départ de la chasse, parce que la faim, qui est le principal stimulant des oiseaux de race, ne se prononce que vers ce moment, quand ils ont été repus la veille.

Les réunions pour le vol au faucon se composent presque toujours :

 

Des djouades ayant leur faucon favori sur le poing;

 Des biâzes avec trois ou quatre faucons qu’il portent, un sur le poing gauche, un sur la tête et un sur chaque épaule;

 Des parents, étrangers ou invités ;

 

Enfin, d’un plus ou moins grand nombre de cavaliers et de serviteurs pour traquer et porter le gibier.

Le départ est plein d’entrain. L’Arabe, toujours grave dans tous les actes de sa vie, laisse voir dans ce moment-là une partie de la passion qui l’entraîne.

Il est gai, il rit volontiers, ses gestes sont animés. Il fait caracoler son cheval devant les tentes du douar, où il sait que des yeux le regardent avec des sentiments qui ne sont pas ceux de l’indifférence; il parle à son faucon, lui demande s’il se comportera dignement, s’il y a de lui, aujourd’hui.

Enfin tous se mettent en marche en invoquant le nom de Dieu.

 

Quand on est arrivé sur le terrain où l’on compte trouver le gibier, on se forme sur une ligne un peu concave, les fauconniers au centre. Tous les assistants sont répartis aux ailes et distancés entre eux de quelques pas.

Au signal du chef qui dirige la chasse, la traque commence.

 

On marche au pas, on fait du bruit en frappant de l’éperon contre l’étrier et en criant de temps à autre à pleins poumons : haou! haou!

 

Les traqueurs agitent les pans de leurs burnous comme s’ils chassaient vivement des mouches. Ces gestes effrayent et font lever les lièvres.

 

On dirige les chevaux sur les touffes les plus épaisses d’alfa ou de chihh (armoise); on fouille celles-ci avec de grands bâtons à l’extrémité desquels est une petite fourche, pour prendre les lièvres au gîte ou les relancer quand ils s’arrêtent effrayés au milieu des traqueurs. Enfin, chacun fait ce qu’il peut pour faire lever ces pauvres lièvres, qu’une sorte d’instinct semble prévenir des dangers qu’ils vont courir, et qui ne débusquent qu’à leur corps défendant. Les faucons sont débarrassés des lanières qui retiennent leurs manchettes en cuir. Ils sont portés sur le poing à la hauteur de l’épaule.

 

On leur laisse la tête couverte du chaperon; il n’est fait d’exception à cette règle que pour les vieux faucons, bien dressés, qui chassent de l’ail sur le poing de leur maître. Il y a avantage, dans ce cas, à déchaperonner l’oiseau, parce que sa vue est tellement perçante qu’il découvre, bien avant l’homme, le gibier levé. Il fait alors des tentatives pour prendre son vol et attire l’attention du chasseur vers le point où il regarde.

 

Voilà à peu près tous les préliminaires du vol au faucon; on les a amenés au point où l’action va commencer.

 

 

 

 

 

 

(1) Djouades, noblesse militaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La Tribu des Oulad Daoud (Aurès) – 2ème partie -

19012021

 

 

 

 

 

 

Fractions

 

 

 

 

 

 

 

 

La Tribu des Oulad Daoud (Aurès) - 2ème partie - dans Attributs d'Algérienneté 201208095719612608

 

 

 

 

 

La tribu des Oulad Daoud se compose de cinq sections dont les habitants, au nombre de 9.225, sont disséminés sur tout son territoire formé par une bande de terrain allant du Nord-Est au Sud-Ouest et d’une longueur de 70 kilomètres environ sur une largeur moyenne de 20 kilomètres.

 Par suite du mélange de ces cinq fractions, il n’est pas possible de présenter une étude particulière de chacune d’elles.

 Les principaux villages de la tribu sont, en commençant par le Sud-Ouest : Guelfen, Tazmalt, Oulad Daoud, Haddada, villages aujourd’hui à peu près abandonnés et qui passent pour être le berceau de la tribu avec Taghit M’Zidane, les villages précités sont les seuls qui ne soient pas situés dans la vallée de l’Oued El Abiod.

 Les autres villages pricipaux sont : Tiranimine, Belhioud, Tabentout, Tagrourt, Amar, El Hamra, Saneuf, Nerkeb, El Beïda, Arris, El El Hammam, Oulad Moussa et, dans la vallée de l’Oued Bacha, principal affluent de l’Oued El Abiod, Hadjedj et Bacha ; enfin, dans la partie nord de la tribu, le village de Foum Toub.

Les Oulad Daoud ont la même origine berbère que les Oulad Abdi ; ils descendent du troisième fils de la seconde femme de Bourek ben Helal ben Ali, originaire de Sidi Okba.

Les indigènes de cette tribu, sont généralement très laborieux. La prostitution, bien qu’y étant moins en honneur que dans l’Oued Abdi, y est pratiquée d’une façon bien marquée.

Les terres de culture des Oulad Daoud sont plus importantes que dans l’Oued Abdi ; elles se composent d’enclaves forestières et des terres de la vallée de l’Oued El Abiod. Les terres de Médina et de Foum Toub, provenant du séquestre et louées aux indigènes, sont d’excellente qualité.

Les jardins dans les Oulad Daoud, sont par contre, bien moindres que ceux situés dans l’Oued Abdi.

L’altitude varie de 800 à 1800 mètres. Le climat, très rigoureux dans la partie nord, est beaucoup plus tempéré dans le sud. La situation sanitaire est bonne.

Le seul personnage religieux de la tribu est le marabout Si Mohammed Saddok ben Tazeronalt, mokkadem de l’ordre des Rahmania, qui dirige la zaouïa d’El-Amra, près Arris. Ce personnage a une influence religieuse très grande, non seulement dans la commune, mais encore dans les Achèches, les Amamras et les Beni Oudjana. il n’a jamais passé pour nous être hostile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 







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