Les Esprits et Les Génies dans Les Croyances Populaire

25012021

 

 

 

 

 

 

Les Esprits et Les Génies dans Les Croyances Populaire dans Croyances & Légendes 800px-L.Girod-Dix_Ans_de_Haut-Tonkin-1899-statue_g%C3%A9nie_de_la_Montagne

 

 

 

 

 

 

 

Frappés du merveilleux spectacle de la nature qui partout nous montre des forces secrètes toujours agissant et toujours se renouvelant, les premiers hommes chez lesquels l’intelligence et l’imagination commencèrent à prendre le dessus sur les facultés brutes de leur nature primitive durent s’imaginer l’existence d’êtres supérieurs ramenant les saisons, la nuit, le jour, présidant à la naissance, à la vie, à la mort des êtres, produisant enfin les phénomènes journaliers dont le spectacle inexpliqué étonnait ces peuples enfants. Mais comment se figurer ces êtres qu’il n’était point donné de voir ? Comment se les représenter, sinon sous une forme connue, tangible pour ainsi dire? Et quelle autre apparence leur donner que celle de l’homme hors de laquelle il n’était guère possible de rien tirer d’idéal ou en rapport avec l’idée préconçue? L’homme créa donc des divinités, des êtres supérieurs faits à son image, des dieux anthropomorphes qu’il doua de ses qualités et de ses défauts personnels et auxquels il donna ses goûts et ses habitudes, tout en leur reconnaissant un pouvoir infiniment supérieur au sien et capable de renverser l’ordre naturel des choses. De là ces esprits des bois, des grottes, des cavernes, des sources ; ces nymphes des fleuves, des rivières et des torrents; ces divinités sylvaines attachées aux chênes et aux autres arbres des forêts; ces nains gardiens des trésors antiques; ces géants qui se jouent des difficultés matérielles les plus extraordinaires; ces elfs et ces lutins qui la nuit dansent au clair de lune leurs rondes animées, tout en s’accompagnant de folles chansons ; ces fées, ces normes, ces moires, ces parques qui président à la destinée des mortels et les suivent dans la vie; ces génies de l’Orient qui obéissent aux ordres des magiciens et qui transportent par les airs, rapides comme l’éclair, les tours et les palais enchantés.

 

C’est donc partout que l’homme a placé ces êtres particuliers, nombreux comme les étoiles du ciel et dont il croyait entendre la voix dans le grondement de la foudre, dans le mugissement du vent, le frémissement de la forêt, le murmure du ruisseau ou l’harmonie de la nature en travail. Suivant ce que chacun de ces esprits était censé représenter, on lui attribua des goûts et des habitudes différentes ; le génie de la montagne fut terrible et menaçant, et pour armes on lui donna la foudre et les rocs arrachés aux pics altiers; tandis que l’esprit des eaux fut gracieux et doux, ordinairement une femme, une nymphe ou ondine aimant å se plonger dans le cristal limpide aux beaux jours ensoleillés de printemps ou d’été, à s’y jouer follement avec ses gracieuses compagnes, ne vivant souvent que pour l’amour et par l’amour.

 

Soit que toutes ces entités mythiques aient leur origine dans l’esprit même de l’homme et se produisent inévitablement dans des circonstances données, soit qu’elles nous viennent de peuples primitifs à l’imagination plus développée et plus portés à l’enfantement de ces croyances, il n’en demeure pas moins que les esprits de l’air, de la terre, des cavernes et des sources, les génies bons ou mauvais, se retrouvent dans la mythologie ou plutôt dans le fonds populaire de toutes les nations, aussi bien celles de l’antiquité que celles des temps plus modernes. Leur nom diffère bien, mais le caractère général est le même. A notre époque encore, nous avons sous nos yeux, dans les races sauvages de l’Afrique, de l’Amérique ou de l’Océanie, des hommes encore à l’état quasi primitif, qui nous reportent presque à l’enfance des races plus développées soit aryennes, soit sémitiques ou mongoles. Ces peuplades ont aussi leurs esprits supérieurs ou inférieurs, leurs génies, leurs lutins identiques aux nôtres. Et c’est là une preuve de plus contre les partisans de certains systèmes mythiques qui voudraient reporter aux Aryas seuls la conception primitive des croyances que nous possédons aujourd’hui.

 

Nous sommes en ceci de l’avis qu’exprimait il y a quelques années un de nos savants les plus infatigables, M. Henri Gaidoz, qui disait : « La croyance aux esprits, c’est-à-dire à des êtres surnaturels qui entourent l’homme à tout instant et dans tout objet, et dont il doit capter la bienveillance ou détourner la malveillance, est en effet la principale religion de l’homme à l’état de nature. Le culte des ancêtres et la sorcellerie en découlent naturellement. »

 

Mais, ainsi que nous le disions tout à l’heure, les divinités de ces peuples primitifs sont sœurs des nôtres ; elles peuvent varier par certains traits accessoires sans qu’on puisse se tromper sur leur parenté originelle. Ce sont toujours bien ces êtres du monde invisible dont Ménandre le Comique disait :

 

Adest autem viro cuilibet dœmon bonus.

Ut primum quis naseitur vitæ arcanus ductor.

 

Ils président à la vie de l’homme, de sa naissance à sa mort ; ce n’est pas pour eux-mêmes qu’ils sont créés mais pour nous; s’ils ont une vie propre, c’est à la condition de se mêler à la nôtre et de la conduire vers un but final, bon ou mauvais. Car les génies sont de ces deux sortes, ou amis des mortels ou leurs ennemis. Les Taïtiens ont des « Atouas » ou dieux inférieurs résidant sur la terre, rappelant les sylvains, les faunes, les Dryades, les Oréades qui ne sont pas toujours animés de bonnes dispositions pour les hommes.

 

De même les Esquimaux, les Polynésiens, les aborigènes de l’Amérique. Les peuples anciens, les Égyptiens, les Assyriens, etc., avaient aussi des divinités bienfaisantes à côté de divinités malfaisantes. Euclide et d’autres auteurs de l’antiquité affirment positivement l’existence de mauvais génies à côté des bons, théorie qui fut le principe de la religion de Zoroastre et que le christianisme aussi bien que l’islamisme admirent en principe dans la distinction qu’ils firent entre les noirs démons de l’Enfer et les anges célestes serviteurs de Dieu qui chantent aux pieds de Jéhovah, de l’Eternel ou d’Allah.

 

Les Romains et les Grecs avaient trouvé dans les croyances populaires la prodigieuse quantité d’esprits et de génies qu’on retrouve chez eux à chaque pas. Aussi les admirent-ils tous dans leur mythologie polythéiste, ce qui faisait dire au poète Prudence :

 

Quamquam, cur Genium Romæ mihi fingitis unum ?

Cum portis, domibus, thermis, stabulis soleatis

Assiguare suos Genios.

 

Chose assez bizarre en effet que de proclamer d’abord un génie spécial de la ville de Rome, puis d’admettre autant de génies particuliers qu’il y avait de portes, de maisons, de bains ou même d’écuries dans la capitale du monde ! Et ces nymphes, ces faunes, ces sylvains, ces dryades, ces esprits sans nombre dont sont remplies les œuvres des écrivains grecs et latins !

 

Les autres peuples indo-européens eurent également leurs dieux inférieurs. Chez les Slaves, les Samovily et les Judy, sortes d’esprits des lacs, de la mer et des montagnes. Chez les Scandinaves, les nornes, les walkyries, les trolls, les elfes. Chez les Celtes, les fées, un peu l’héritage commun des peuples indo-européens, mais qui, chez les Gaulois, prirent le profond caractère que nous leur connaissons. Les peuples germaniques eurent leurs nains, leurs géants, leurs gnômes ou esprits souterrains. Tandis que dans les races latines, ce furent les fées, les géants, les ondines, les orvals, et surtout les lutins qui exercèrent l’imagination du peuple, parfois même des poètes.

 

Nos lutins affectent mille et mille formes, dégagées bien souvent de l’anthropomorphisme primitif. Leur caractère est capricieux et malicieux. La plupart du temps ils ne sont ni bons ni méchants. Ils aiment courir par les nuits sereines, à la clarté de la lune ou des étoiles, par les bois, les bruyères et les landes. Ils dansent des rondes fantastiques au son de chalumeaux rustiques, de violons ou de flûtes, chantent de joyeux couplets et se réunissent sur le gazon autour de mignonnes tables chargées de mets délicieux et de boissons exquises. Si quelque ménétrier de passage les rencontre, vite ils l’entourent et ne lui laissent de repos qu’il ne leur ait joué quelque danse de son répertoire. Il est vrai qu’ils l’en récompensent magnifiquement et que le violoneux n’a pas à se plaindre de sa nuit perdue dans la société des petits êtres.

 

Mais gare au voyageur égaré dans la campagne. Les malicieux lutins lui jouent mille tours de leur façon, le perdent dans les marais, le font danser de force des rondes diaboliques, le rendent bossu ou le rouent de coups !

 

D’autres affectionnent les fermes isolées, prennent soin des bœufs ou des vaches et des chevaux, battent le beurre, rincent la vaisselle ou balayent la maison. Mais si on les irrite en leur donnant une veste rouge, adieu la tranquillité, l’abondance et le bien-être! Le lutin vient toutes les nuits faire un train d’enfer, embrouiller les écheveaux, briser la vaisselle, faire tourner le lait. Heureux encore s’il ne marque pas le bétail de taches noires qui le font mourir!

 

Parfois encore, c’est un petit animal qui vous passe le soir entre les jambes ou un feu-follet capricieux qui cherche à vous égarer; des bruits de chariots ou de voitures lourdement chargées ; des appels désespérés dans le lointain ; ou des apparitions horribles; ou des animaux sans tête ; ou des cavaliers qui passent au galop de leur monture et qui portent leur tête dans la main !

 

On le voit, nos croyances populaires sont à la hauteur de celles des autres peuples. N’allez pas dire à certains de nos paysans que ces petits êtres n’existent pas ; ils nieront bien toute croyance religieuse, les anges, le diable ou Dieu même, mais pour celle des esprits familiers, des lutins, des korrigans ou des goblins, ils vous soutiendront que non seulement ils vivent dans les fermes, les prés ou les bois, mais encore ils vous raconteront sérieusement nombre de démêlés qu’ils ont eus avec eux et où souvent ils ne jouent pas le plus beau rôle !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La légende du célèbre musicien arabe Alfarabbi

12122020

 

 

 

 

 

 

 

La légende du célèbre musicien arabe Alfarabbi dans Croyances & Légendes Al-Farabi

 

 

 

 

Alfarabbi avait appris la musique en Espagne, dans ces écoles fondées par les Califes de Cordoue et déjà florissantes à la fin du neuvième siècle.

 

La renommée du célèbre musicien, dit un auteur Arabe, s’était étendue jusqu’en Asie. Le sultan Fekhr ed-doula, désireux de l’entendre, lui envoya plusieurs fois des messagers porteurs de riches présents et chargés de l’engager à venir à sa cour. Alfarabbi, craignant qu’on ne le laissât plus revenir dans sa patrie, résista longtemps à ces offres. Enfin, vaincu par les instances et la prodigalité du sultan, il se détermina à partir incognito.

 

Arrivé au palais de Fekhr ed-doula, il se présenta dans un costume si déguenillé qu’on lui eût refusé l’entrée, s’il n’eût dit qu’il était un musicien étranger désireux de se faire entendre. Les esclaves, qui avaient ordre d’introduire les poètes et les musiciens, le conduisirent alors auprès du Sultan. C’était précisément l’heure où Fekhr ed-doula assistait à ses concerts journaliers. La pauvreté du costume d’Alfarabbi n’était pas faite pour lui concilier la sympathie; cependant, on lui demanda de jouer et de chanter.

 

Alfarabbi eut à peine commencé sa chanson que déjà tous ceux qui l’écoutaient furent pris d’un accès de rire impossible à comprimer, malgré la présence du Sultan. Alors, il changea de mode, et aussitôt la tristesse succéda à la joie. L’effet de ce changement fut tel que bientôt les pleurs, les soupirs et les gémissements remplacèrent le bruit des rires. Tout-à-coup, le chanteur change encore une fois la mélodie et le rythme, et amène chez les auditeurs une fureur si grande qu’ils se seraient précipités sur lui, si un nouveau changement ne les eût apaisés, puis, plongés dans un sommeil si profond, qu’Alfarabbi eut le temps de sortir du palais et même de la ville avant qu’on pût songer à le suivre.

 

L’auteur arabe ajout que, lorsque le Sultan et ses courtisans se réveillèrent, ils ne purent attribuer qu’à Alfarabbi les effets extraordinaires produits par la musique qu’ils venaient d’entendre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Quelques Croyances Populaires Marocaines au Sujet des Pierres

29102020

 

 

 

 

 

 

Sur la route qui va de Marrakech à Moulay-Ibrahim, on trouve un petit chemin qui s’appelle Trik el Ghoula, le Chemin de l’Ogresse. Au bord du chemin on voit une grande pierre érigée et en s’en approchant on constate qu’elle présente une ébauche de pieds, de mains et d’yeux.

C’est une ogresse que les habitants de Marrakech poursuivaient. Au moment où ils allaient l’atteindre, elle fut transformée en pierre. On lui fait des sacrifices à l’époque du Miloud et, en général, tous les pèlerins qui viennent de tous les points du Maroc en pèlerinage à Moulay-Ibrahim, lui font une visite, lui allument des lumières et l’encensent avec les sept bons parfums. A Marrakech même il y a dans les bâtiments de la Koutoubya (1) une chambre murée qu’on appelle Bit el Ghoula, la Chambre de l’Ogresse. C’était une ogresse qui avait réussi à pénétrer dans l ville et qui voulait en dévorer tous les habitants. Le génie qui habite la Koutoubya et protège la ville l’y attira et l’emmura dans cette chambre.

 

Sur le chemin de Moulay-Ibrahim, on trouve aussi une chamelle portant une mariée qui a été changée en pierre avec toute la noce. Cette mariée n’était pas vierge et elle implora Dieu de lui épargner la honte qui attend, le jour de leur mariage, les jeunes filles qui n’ont pas été vertueuses. Dieu eut pitié d’elle et changea la noce en pierres. D’autres prétendent que c’était parce qu’elle s’était mariée pendant le mois de Ramadan où les noces sont interdites, que Dieu la châtia ainsi.

 

Dans les montagnes du Glaoui à Kik, près d’Aguergour, il y a également toute une noce changée en pierre. La jeune mariée se rendait chez son époux qui était venu la chercher. Au lieu de rester silencieuse, elle causa avec le muletier qui conduisait sa monture et fut aussitôt punie par Dieu.

 

Au Ras El Aam, c’est-à-dire au premier jour de l’an, les paysans berbères viennent la consulter, car c’est une pierre oraculaire. Ils lui posent des questions sur l’avenir agricole de l’année et ensuite ils appliquent leur oreille contre la pierre pour entendre ses réponses.

 

On prétend qu’un très gros rocher situé à Arbalou (2) des Guedmioua (3) était une chamelle appartenant au saint du pays, Sidi-Ali-Assebdir. On l’appelle Nagat Sidi-Ali-Assebdir, la chamelle de saint Sidi Ali. Elle est à côté de la Zaouïa du saint et ce serait à elle que s’adresseraient les offrandes des pèlerins au moment du Moussem ou fête du saint. Elle guérit de la fièvre paludéenne et on lui consacre les enfants par la coupe des cheveux.

 

Une autre pierre qui se trouve près de l’Oued El Yhoudi, la rivière du Juif dans les Djebala (4), n’est autre qu’un Juif changé en pierre par le saint Moulay-Abdesselam Ben Mechiche. Ce Juif qui habitait Marrakech voulut savoir s’il irait au paradis ou en enfer. Il se déguisa en Arabe et se rendit en pèlerinage à la Zaouïa du saint dans les Djebala, car la légende veut que seuls ceux qui iront en paradis atteignent son sanctuaire situé au sommet de la montagne. Arrivé à la rivière appelée depuis la rivière du Juif, il fut changé en pierre par le saint qui avait deviné son secret désir. C’est dans le sanctuaire de ce saint que se trouve une grosse pierre trouée au travers de laquelle on doit passer trois fois quand on y va en pèlerinage. Cette pierre a ceci de particulier qu’elle se resserre sur les mauvais fils «Meskhoutine», et que si minces soient-ils, ils ne peuvent passer au travers.

 

En général les pierres trouées sont considérées comme Foqra, sacrées. Lorsqu’on en trouve une on la ramasse avec beaucoup d’égards, on la purifie par une lustration d’eau, puis on l’encense avec du benjoin et on la met sous l’oreiller sur lequel on dort la nuit. Elle apporte au dormeur des rêves qui sont de véritables visions de son avenir. On croit le plus généralement que les pierres s’accroissent et aussi qu’elles enfantent.

 

Si une Fqira, femme inspirée, met une pierre dans une boîte avec du lait, des dattes, du sucre et des raisins secs et qu’elle cache cette boîte dans un endroit très secret, quelque temps après, en l’ouvrant, elle trouve une toute petite pierre à côté de la grande et toutes les provisions ont disparu. Cette petite pierre a été mise au monde à la manière d’un enfant et la pierre s’est nourrie du lait, des dattes, du sucre et des raisins pendant sa grossesse.

 

Il y avait autrefois en dehors de la ville de Marrakech de grosses pierres qui en gardaient les portes. C’étaient des génies puissants qui ne laissaient pas entrer les méchants dans la ville. On raconte que jusqu’au règne de Moulay-Hafid (5) il y en eut une à la porte de Bab Rob (6). Elle avait la forme d’une colonne; les femmes allaient la consulter, lui porter des offrandes de lait et de miel. Elles en faisaient sept fois le tour, puis la questionnaient. Moulay-Hafid la fit enlever et en croit généralement qu’il trouva un trésor à sa place.

 

Mais sans aller si loin nous avons eu en 1912, dans la ville de Marrakech, une pierre à laquelle les femmes rendaient un culte et que Si Bouchaib Doukkali, ministre de la Justice, fit briser.

 

Cette pierre que l’on appelait Lalla Khadra, Madame la Verte, se trouvait dans le quartier de Lekat Ennaït. Elle avait une moqaddema qui recevait les offrandes que les femmes de la ville lui apportaient en venant en pèlerinage. Un jour de cette année 1913, la moqaddema raconta aux femmes venues en grand nombre que Lalla Khadra était enceinte. Au moment du terme, elle fit savoir que l’accouchement était proche et recueillit des offrandes considérables de beurre, de semoule, d’argent et de belles étoffes. Puis les couches eurent lieu et les visiteuses trouvèrent une petite pierre à côté de la grosse. Cela était tellement dans l’ordre de leurs croyances qu’elles revinrent en foule pour la fête du septième jour, fête de l’imposition du nom. On organisa des Hadra, ou réunions dans lesquelles on danse des danses sacrées au bruit des tebbilat dont jouaient habilement les Haddadat qu’on a coutume d’inviter aux fêtes du septième jour. Mais en revenant chez lui, un homme ne trouvant pas sa femme à la maison comme de coutume se mit à sa recherche et apprit qu’elle était à la fête du Nom de la fille de Madame Verte, petite pierre née depuis huit jours. Il alla aussitôt porter plainte auprès du Vizir qui fit briser la mère et la fille et emprisonner la moqaddema qui avait ainsi abusé de la crédulité publique. Mais la croyance ne fut pas détruite pour cela; les femmes ramassèrent précieusement les plus petits morceaux de la pierre qu’elles conservent pieusement. On parle encore de Lalla Khadra et de son enfantement et son culte est dans les cœurs de toutes les femmes. Cette année même de 1924, le ministre Bouchaïb Doukkali donna sa démission, mais personne ne croit à une démission volontaire. Chacun imagine qu’elle lui a été imposée et qu’elle est la vengeance de Lalla Khadra.

 

Dans le mellah de Marrakech, on retrouve encore des survivances de ce culte des pierres. Dans la maison de Jacob Attias, à quelques mètres des écoles françaises, on voit encore une pierre suspendues à une poutrelle par une cordelette de palmier tressé. On prétend que cette fragile cordelette ne se casse pas et que de mémoire d’homme elle n’a pas été changée.

 

Cette pierre est longue et étroite; elle a une apparence de tête d’animal fantastique avec de larges oreilles roulées, de petits yeux triangulaires, une grande asymétrie faciale. Elle rappelle vaguement les têtes d’idoles des régions polaires.

La légende veut qu’un rabbin habitant cette maison était une nuit en prière lorsqu’il entendit des voleurs pénétrer chez lui. Il continua ses prières, sans témoigner aucune crainte et aussitôt les voleurs furent changés en pierres. Cette pierre, qui existe encore, serait un nègre qui faisait partie de la bande. Il faut dire qu’elle est particulièrement noire et crasseuse à la suite des nombreux attouchements qu’elle subit chaque jour. C’est une pierre miraculeuse qui guérit les maux de tête, les maux d’yeux. Pour cela il suffit de mettre la main sur la partie malade, puis la poser sur la pierre. Cette pierre s’appelle la pierre de Rebbi Youssef Pinto.

 

Quand une femme juive a un accouchement laborieux on prend une mesure de blé, on la pose près de la malade et on lui fait mettre la main droite dans le blé en le destinant à la pierre. Aussitôt, toutes les mauvaises douleurs passent dans le blé, l’accouchement devient normal et dès qu’il est terminé on porte ce blé en offrande à la pierre. On lui offre aussi de l’argent, des bougies et de l’huile. Ces offrandes sont recueillies pour les descendants du saint Rebbi Youssef Pinto, par les propriétaires de la maison.

 

 

 

 

 

 

Quelques Croyances Populaires Marocaines au Sujet des Pierres dans Croyances & Légendes 200928102505321544

Le Kerkour de Sidi Djaber situé dans le quartier du Moukeuf à Marrakech.

 

 

 

 

Les tas de pierres sacrées ou «Kerkour» analogues aux Cairns d’autres pays prouvent bien que le culte des pierres n’est pas encore complètement éteint.

On fait des Kerkour à l’occasion d’un assassinat pour montrer que l’endroit où il a été commis est dangereux. Pour éloigner le mal chaque passant ramasse une pierre qu’il jette sur le Kerkour y jetant ainsi le mal qui le menaçait, puis il s’enfuit rapidement. On fait un Kerkour dans un col de montagne pour y laisser la fatigue. Certains Kerkours sont consacrés à des saints. Devant la Zaouïa de Sidi Ali Ben Hamdouche, à Marrakech, il y avait un gros Kerkour enlevé depuis que la route de la Zaouïa de Sidi Bel Abbès a été faite par les travaux publics. Il y en a un autre assez important devant le sanctuaire de Sidi Djaber, près du quartier du Mouqeuf (7) de Marrakech.

Ce Kerkour est élevé par les gens atteints de rhumatismes. Ce saint les guérit de cette affection, mais avant d’entrer dans son sanctuaire, les malades prennent une pierre, en frottent leur articulation malade et, après y avoir ainsi transféré leur maladie, ils la jettent sur le tas sacré. Chez les paysans, lorsque les gens invités à une noce ne ont pas contents du festin qui leur a été offert, en s’éloignant le matin pour regagner leurs tentes, ils font de petits Kerkours sur leur route afin que personne n’ignore que l’hospitalité a été mauvaise.

 

Ces vestiges du culte des pierres ont été constatés par tous les voyageurs qui ont pénétré le Maroc autrement qu’en circuit automobile.

 

 

 

 

Source: Essai de folklore marocain: croyances et traditions populaires De Doctoresse Légey

 

 

 

 

 

 

 

1. Koutoubia: mosquée du 12è siècle, à Marrakech. (voir ici)

2. Aghbalou: village du Haut-Atlas.

3. Guedmioua: tribu berbère du Haut-Atlas.

4. Djebala: Maroc septentrional.

5. Moulay-Abd-al-Hafid (1873 – 1937); sultan du Maroc de 1908 à 1912.

6. Bab er-Rob: la portes aux raisons.

7. El Moukef.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Rites et Croyances Préislamiques en Arabie Méridionale

11092020

 

 

 

 

 

 

 

 

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Les 3.700 inscriptions connues qui sont rédigées en dialectes arabes méridionaux permettent de refaire en partie sur une période d’une quinzaine de siècles — du VIIIᵉ siècle avant J.-C. au VIIᵉ siècle de notre ère — l’histoire des divers états de l’Arabie Heureuse. Leur évolution politique paraît s’être développée suivant le même processus : théocratie, sous l’autorité du moukarrib, prêtre-prince ou prince-sacrificateur, et royaume laïc dans lequel les tribus sont soumises a l’hégémonie de quelques grandes familles de soldats ‘et de propriétaires.

 

Le régime politique, économique et social des populations sédentaires de l’Arabie méridionale a exercé de profondes influences dans le domaine religieux. L’état, les tribus, les agglomérations, les exploitations agricoles, les particuliers avaient leurs dieux protecteurs. Les temples comptaient parmi les édifices les plus importants de la cité, et de nombreuses inscriptions commémorent leur construction et leur restauration. La divinité y était probablement représentée sous forme humaine ou animale. Le temple pouvait servir de lieu d’asile et possédait des terres et des troupeaux; les frais d’entretien étaient couverts par le produit de diverses redevances.

 

Le service du dieu et du temple était assuré par des prêtres. Une de leurs fonctions consistait sans doute à recueillir les oracles auxquels les inscriptions font de fréquentes allusions.

 

Le personnel du temple comptait également des hiérodules ; originaires d’Arabie, d’Égypte et de Syrie, elles étaient offertes à la divinité et consacrées à son service. Une classe, d’hommes et de femmes appelés lw’ , lw’t, est sans doute à rapprocher des lévites hébreux.

 

On offrait au dieu des esclaves et des animaux. Mention était faite de ces dédicaces sur des inscriptions gravées sur des stèles que l’on plaçait dans le temple. On y offrait aussi des statuettes d’or ou d’argent, représentant le dédicant ou les animaux recommandés à la faveur divine. Des offrandes expiatoires, consistant en payement d’amendes, étaient imposées aux transgresseurs des lois concernant la pureté et l’impureté.

 

Les aromates, que l’Arabie Heureuse produit en abondance, étaient brûlés ou répandus sur les autels domestiques comme dans les temples. La pratique des sacrifices sanglants était très répandue ; toutefois on a prétendu à tort que l’usage des sacrifices humains soit attesté par les inscriptions. Les allusions à des autels à holocaustes prouvent que l’on connaissait les sacrifices parle feu.

 

La coutume des pèlerinages était très répandue, et l’étymologie de plusieurs termes couramment usités permet de conclure à l’existence du rite du circuit autour des sanctuaires et des statues de divinités.

 

Il n’y a pas de trace de prière collective ou imposée à des heures déterminées. Mais on recourait volontiers à la prière privée dans le temple ou ailleurs ; on invoquait le dieu pour obtenir ses bienfaits, et on lui rendait grâces pour les faveurs qu’il avait dispensées.

 

Les Arabes du Yemen pratiquaient la magie et la sorcellerie ; ils portaient volontiers des amulettes, souhaitaient le bon œil, redoutaient les maléfices du mauvais œil, et usaient d’un système d’écriture cryptographique qui devait présenter un caractère magique.

Les tombeaux étaient pourvus d’objets de toutes sortes qui devaient être destinés à l’usage des morts. On connaît un grand nombre de statuettes et de stèles funéraires portant le nom du défunt.

 

Le profane et le sacré, le pur et l’impur étaient nettement distingués. Les infractions aux prescriptions concernant la pureté morale, rituelle ou légale faisaient l’objet d’une confession publique, accompagnée d’une profession de repentir et d’une expiation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




L’Animal-Totem

25062020

 

 

 

 

 

Pour comprendre l’astrologie amérindienne, il est indispensable d’essayer d’appréhender leur vision du Monde.

 

Vivant au cœur même de la nature – qu’ils soient nomades comme les Lakotas ou sédentaires comme les Zunis – tous les amérindiens partageaient le croyance animiste selon laquelle toute créature qu’elle soit minérale, végétale, animale ou humaine possédait une âme et que toutes ces âmes étaient reliées sur la grande toile de l’univers.

 

«Mitakuyé Oyasin» nous sommes tous apparentés, ont coutume de dire les Lakotas; ce qui implique que la vie d’un être humain est à la fois aussi insignifiante et unique que celle de n’importe laquelle des ‘créatures’ misent sur la terre par le Grand Esprit.

Ainsi, le rôle de chacun dans la communauté était de développer ses compétences propres tout en s’intégrant à la vie du clan auquel il appartenait dans un cheminement d’harmonie avec la Terre-Mère.

 

Il en ressort deux éléments de la pensée amérindiennes apparemment antinomiques: un profond individualisme d’une part qui permettait à chacun de vivre selon ses aspirations et un mode de vie communautaire d’autre part axé souvent autour d’un conseil de sages plutôt que érigé par un chef.

 

Afin de pouvoir réaliser pleinement, chaque individu avait besoin non seulement de guides humains mais aussi de guides spirituels symbolisés par les esprits des animaux, végétaux ou minéraux qui les entouraient et vers lesquels ils se sentaient attirés soit par le biais de rencontres soit par le biais de vision spontanée ou recherchée.

 

Afin de matérialiser ces aides spirituelles, chaque homme et femme se construisait un Bouclier de médecine qu’on appelons communément un Totem et dont le but était à la fois de protéger et de l’aider à progresser dans sa vie sur Terre.

 

Ce bouclier était soit peint, soit brodé sur la peau (généralement de la peau de bison) et souvent enrichi de perles, de plumes, ou de petites pièces appartenant à l’animal en question: croc, griffe……..

 

 

 

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Les amérindiens considéraient que plusieurs de ces animaux nous accompagnaient au cœur de nos vies chacun représentant une facette de nos talents cachés ou des aspects à améliorer et que ceux-ci étaient de véritables guides auxquels on pouvait s’adresser par la prière.

 

Les animaux de l’astrologie amérindienne participent à un cheminement de conscience. En effet, très logiquement, leur astrologie découlait de leur observation de la nature et du rythme des saisons et était lié à des animaux Totem contrairement à l’astrologie occidentale basée sur les constellations.

Néanmoins le parallèle existant entre les ‘signes’ occidentaux et les animaux que nous vous proposons est troublant et prouve une fois encore la profonde connaissance et la sagesse de ces peuples.

 

 

 

 

 

Calendrier astrologique

 

Découvrez ici sous l’influence de quelle animal-totem vous êtes né.

 

 

 

Dates

Animal-totem

Clan

Élément

Du 22 décembre au 19 janvier

Du 20 janvier au 18 février

Du 19 février au 20 mars

Du 21 mars au 19 avril

Du 20 avril au 20 mai

Du 21 mais au 20 juin

Du 21 juin au 22 juillet

Du 23 juillet au 22 août

Du 23 août au 22 septembre

Du 23 septembre au 23 octobre

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Morts de Saints et Tombeaux Miraculeux chez les Derviches des Balkans -2ème partie-

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Morts de Saints et Tombeaux Miraculeux chez les Derviches des Balkans -2ème partie-  dans Croyances & Légendes 200105102903623254 

Le tekke de Derviche Hatixhe – Albanie

©AZA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saints se levant de leur tombe, au cours de la nuit, pour faire leurs ablutions

 

Selon une croyance extrêmement courante, les saints se lèveraient de leur tombe, au cours de la nuit, pour faire leurs ablutions rituelle. C’est pour cette raison que l’on voit dans les türbe des récipients contenant de l’eau, ainsi que des serviettes étalées sur les sanduka, offertes par des visiteurs. Dans certains tekke du Kosovo et de Macédoine ex-Yougoslave, le nombre de ces serviettes est tel que le cheikh en offre parfois une ou deux aux hôtes de marque, en signe de bénédiction.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le manteau (hırka) du Cheikh (disparu sans laisser de traces) accomplit des miracles

 

Un cheikh (peut-être nakshbandi) de Bitolj, nommé Cheikh Mahmud, aurait disparu un jour, de façon mystérieuse, en ne laissant dans la cour de sa maison (ou de son tekke?) que sa hırka et son couvre-chef (son tadj?) qui ont été recueillis et conservés par ses descendants. Or, cette hırka accomplit depuis lors des miracles: si quelqu’un est malade de longue date, on verse de l’eau sur la hırka, puis on la fait boire au malade qui, soit guérit, soit meurt peu de temps après.

 

 

 

 

 

 

 

 

Corps d’un mort resté intact

 

On cite parfois le cas d’un saint, ou d’un cheikh, dont le corps a été retrouvé intact au moment de l’ouverture de sa tombe, très longtemps après son inhumation. On connais pour l’instant trois cas de ce genre: le premier est celui d’un «juste», nommé Ram Sali de Dečani au Kosovo, enterré vers le début du XIXe siècle (?), sur la tombe duquel on a fait construire par la suite un türbe; le deuxième est celui d’un cheikh halveti de Skoplje, Salih Baba, dont le corps, resté intact jusqu’au moment de son exhumation, avait été vu, pendant quelques brefs instants, avant de tomber en poussière (vers 1954-1955) par Cheikh Haydar, cheikh rifâ’i bien connu de Skoplje. Le troisième cas révèle d’une croyance populaire liée au fameux cadi (et auteur de plusieurs ouvrages renommées), Hassan Kâfî de Prusac en Bosnie (mort en 1616), dont le corps serait intact jusqu’à nos jours!.

 

 

 

 

 

 

 

 

Malheur frappant ceux qui s’attaquent aux cheikhs et aux derviches, ainsi qu’à leurs tombes

 

Comme on peut s’y attendre, le malheur frappe obligatoirement ceux qui s’attaquent aux cheikhs et aux derviches, ou à leurs türbe, et nous en connaissons plusieurs exemples: un pacha de Novi Pazar (Serbie) ayant voulu faire assassiner, par jalousie, le saint bektachi local nommé Gurbi Baba, devint muet, ainsi que ses hommes de main, mais grâce à son prompt repentir l’affaire se termina bien; un passant ayant injurié le cheikh halveti Nuh Baba de Gostivar tomba gravement malade le soir même et ne retrouva la santé qu’après s’être repenti, puis devint le serviteur de celui-ci pendant quatre ans; un officier (miralay, commandant) arrivé à Kosovska Mitrovica, ordonna de détruire le türbe du saint bektachi Gülbaba, afin de faire construire des écuries à cet endroit, mais il fut impossible de détruire le türbe: les soldats qui avaient entrepris de le faire devinrent tous fous, et l’officier en question mourut sur le champ; un autre officier turc ayant injurié un saint rifâ’i albanais, le cheikh Mehemet- efendi de Shkodër, et ayant frappé de son sabre la porte du tekke de celui-ci, tomba mort de son cheval, peu de temps après; enfin, un officier autrichien qui avait voulu photographier la tombe de Kâ’imî Baba (un cheikh kadiri de Sarajevo, enterré dans un türbe au-dessus de la ville de Zvornik) fut blessé au visage, car l’appareil explosa au moment où il prit la photo. Visiblement le saint ne voulait pas se laisser photographier!.

 

 

 

 

 

 

 

 

Commémoration d’un mort illustre et vie dans l’au-delà

 

Chez les Bektachis (de même chez les Rifâ’is et les Sa’dis albanais du Kosovo et de la Macédoine ex-Yougoslave, mais peut-être aussi chez quelques autres derviches des Balkans) la plus grande commémoration collective d’un mort illustre est sans conteste le mâtem chiite. Il s’agit des nuits de deuil (mâtem geceleri) des dix premiers jours du mois de Muharrem, durant lesquelles on commémore les événements tragiques qui se déroulèrent en l’an 63 de l’Hégire, à Kerbela, et notamment la mort de l’Imam Hussein, petit-fils du Prophète, combattu par Yazid, fils de Mu’âwiya. On trouvera chez N. Clayer une description détaillée de cette commémoration: jeûne et abstinence, réunions quotidiennes au tekke, le soir ou la nuit, au cours desquelles on lit ou on récite la Hadika (1) selon un programme très précis; puis, pour marquer la fin de cette période d’abstinence et de deuil, consommation en commun de l’ashure (plat sacré à base d’un mélange de céréales et de fruits secs de toutes sortes). Il faut signaler cependant que le mâtem n’est apparemment pas ou peu pratiqué dans les tarikat plus «orthodoxes», en particulier chez les musulmans non-albanais, comme par exemple chez les musulmans de Bosnie-Herzégovine, où cependant l’on commémore souvent la mort d’un cheikh local par une cérémonie ayant lieu quarante jours après, ou avec de plus grands intervalles (six mois ou un an après, etc., suivant la situation et l’occasion).

 

Quant à la vie dans l’au-delà, les Bektachis balkaniques (comme les autres, bien entendu), croient comme on le sait à la métempsycose, doctrine d’après laquelle l’âme peut animer successivement des corps différents. À ce sujet, et concernant plus particulièrement les Bektachis d’Albanie, N. Clayer écrit:« En outre, il n’y a pas de mort véritable, car l’homme se transforme et se retrouve en Dieu, dans son fils, dans le corps d’un animal. La revue Albania de Faik Konitza publia une ‘’notice sur la métaphysique des Bektachis’’, où l’on expliquait que les Bektachis emploient le mot ‘’passage’’ pour signifier la mort et qu’après sa mort apparente, l’homme passe dans le corps d’un animal plus ou moins exposé aux souffrances en fonction du mal qu’il a fait dans sa vie…».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mesures contre les inhumations hors-cimetière

 

À propos des tombes, il faut signaler que l’arrivée des «temps nouveaux», à savoir les débuts de la période post-ottomane, a apporté quelques perturbations dans certaines traditions séculaires, comme par exemple dans le domaine de l’inhumation des cheikhs et des derviches (ainsi que de leurs proches), notamment lorsque les nouvelles autorité interdisent (ne serait-ce que pendant un temps, car visiblement ces interdits ont pu être contournés par la suite) les enterrements en dehors des cimetières, empêchant ainsi quelques cheikhs connus d’être ensevelis dans le türbe de leur tekke, auprès de leurs prédécesseurs. Signalons, parmi les cas de ce genre, ceux notés par Djordjević, au sujet des Sinânis de Prizren, ainsi qu’à propos du cheikh rifâ’i de la même ville, Cheikh Hussein, qui fut enterré solennellement, en 1929, non pas dans le türbe de son tekke, mais dans le cimetière communal.

Selon A. Popovic, on a entendu parler plus d’une fois de faits similaires, comme, en septembre 1985, à Djakovica, où l’on me raconta comment un cheikh sa’di du tekke dit Tekke de Cheikh Vehbi (ou parfois Tekke de Cheikh Salih), Cheikh Hussein, fut enterré dans le cimetière se trouvant juste en face de son tekke.

On sait par ailleurs que le cimetière de Foča, en Bosnie, qui se trouve devant le tekke nakshbandi situé à la périphérie de l’agglomération, n’existe que depuis 1878, date à laquelle les autorités austro-hongroises interdirent de procéder à des enterrements dans la ville même.

 

 

 

 

 

 

 

 

Saints à tête coupée

 

On relate souvent, dans les milieux des derviches balkaniques, la légende d’un saint (d’un «juste», ou encore d’un simple derviche) qui, ayant été tué au cours d’une bataille (ou exécuté injustement), se met à cheminer en portant sa tête sous le bras. Quelqu’un l’aperçoit et s’écrie généralement «Regardez l’homme sans tête qui marche»: il s’effondre alors immédiatement en rendant l’âme pour de bon; ensuite on construit sur place un türbe, au-dessus de sa tombe. Djordjević mentionne plusieurs variantes de cette légende, à propos des personnages suivants: un certain Cheikh Mujo et son fils, tués tous deux au cours d’une bataille qui aurait en lieu «à Modrič en Bosnie»; un Arabe, dont on ne connaît pas le nom, enterré à Novi Pazar; deux saints (veli) «originaires de Bagdad», enterrés à Rogačica près de Gnjilane; deux frères, originaires d’Anatolie, nommés «Evliya» et «Mevliya», tués au cours de la conquête («au temps du Sultan Fatih») et enterrés dans le village Divač (?) situé près de Zvornik, sur la rivière Drina; un autre saint tombé comme şehit au moment de la conquête de la Bosnie par Mehmed II, nommé Veis [Üveys] Dede, enterré dans le village de Teočak (arrondissement de Zvornik); deux autres şehit, dont on ignore les noms, enterrés à côté de la mosquée «Fetije» [Fethiyye] et de la mosquée «Hajrije» [Hayriyye] de Zvornik; un célèbre guerrier nommé Imer [Ömer] Baba, tué (pendant qu’il dormait) dans la ville de Serrès en Macédoine grecque, et enterré près du mont Cviljen (sur la route menant de Prizren vers les villages de Leskovac et de Ljubičevo); un autre guerrier illustre (qui était également un derviche rifâ’i), Šukri Baba de Sinop, tombé selon la légende en 1389, lors de la bataille du Champ des Merles («Kosovo Polje»), enterré dans le village de Daljardovac (arrondissement de Kumanovo); un dénommé Dalga Baba dont le corps aurait été rejeté à Ohrid (sur les rives du lac du même nom) par une vague (dalga en turc) alors qu’il tenait sa tête coupée sous son bras; enfin, Hassan Baba, le célèbre saint de Manastir/Bitolj, qui fut mis à mort à l’âge de 23 ans, au XVIIe siècle, à la place de son maître, un certain Djer Baba.

 

 

 

 

 

 

 

 

Türbe «ne supportant pas de toit»

 

D’après une autre légende très courante dans les milieux des derviches du Kosovo et de la Macédoine ex-Yougoslave, certains türbe «ne supportent pas de toit», celui-ci s’effondrant chaque fois qu’on le construit, car, dit-on, le saint qui y est enterré désire reposer à ciel ouvert. C’est le cas notamment du türbe du village de Trnovac (près de Bujanovac); du türbe du village de Beleg (arrondissement de Djakovica); des tombes du tekke halveti de Cheikh Osman de Kumanovo, du türbe de Cheikh Šerif de Kumanovo; du türbe d’un bektachi nommé Šukri Baba de Kumanovo; du türbe d’un tekke disparu, dit tekke de «Cheikh Rama» situé dans la rue principale de Djakovica; des türbe du tekke (disparu) des Nakshbandis de Štip, situé rue Cvetan Dimov; etc.

 

 

 

 

 

 

 

 

La mort annoncée

 

Plusieurs cheikhs et derviches auraient prédit leur mort et leurs prédictions auraient été suivies d’effet. En voici quelques exemples: le célèbre cheikh halveti du XVIIIe siècle, dont nous avons déjà parlé plus haut, Cheikh Mehmed d’Užice, aurait dit à son entourage, le jour où il allait être tué: «Je périrai aujourd’hui»; un «juste» dont on ignore le nom, enterré à Livno (Bosnie du sud-ouest), qui était «originaire d’Arabistan» d’où il était arrivé à Livno «en une seule journée», il y a de cela «cinq cent ans»; un autre «juste» déguisé en mendiant, enterré non loin de Livno, dans le village de Strupnić; un certain Hadži-imam, de Prizren, qui avait fait construire une mosquée et une école dans cette ville, un certain Veli-baba, également de Prizren, dont la mort provoqua la guérison d’un enfant gravement malade qui allait mourir; le célèbre cheikh halveti du village de Njivokaz (situé non loin de Djakovica dans le Kosovo), Cheikh Štara (Tara) qui était un homme «juste» (njer i mir en albanais) et qui avait dit: «Demain je vais mourir, enterrez-moi ici»; le fondateur du tekke rifâ’i de Skoplje, Mehmed Efendi (dit «Haziedar») auquel son muršid, Cheikh Hadji Hatifi Abdulatif, avait prédit (un an à l’avance) qu’il mourrait trois jours après son retour du pèlerinage à La Mecque; et enfin un certain Baba Arif, derviche shâdhili de Djakovica (venu soit de l’«Arabistan», soit du «Khorasan») qui se serait couché sur le sol, à l’endroit de sa future tombe, en disant: «Vous allez voir comment on meurt», aurait fermé les yeux, puis serait mort.

Ajoutons enfin un cas très particulier, celui d’un «juste» du village de Brina, près de Livno, qui, au moment où il se sentit mourir, sauta avec son cheval du haut d’une montagne et s’écrasa sur le sol.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mort au cours d’un zikr

 

Certains derviches seraient morts au cours d’un zikr, c’est-à-dire au cours d’un rituel collectif où les affiliés se livrent à des pratiques qui varient d’une confrérie à une autre, tout en remémorant les noms de Dieu. C’est le cas notamment de quelques derviches blessés mortellement, de façon accidentelle, lors des zikr dits «violents», durant lesquels les participants se transpercent le corps, à divers endroits, au moyen d’ustensiles employés à cet effet. Il s’agit cependant d’un sujet dont on n’aime pas beaucoup parler….. (2)

 

Deux autres cas nous ont été racontés (à D. Tanasković et A. Popovic) dans le tekke sa’di de Djakovica dit «Tekke de Cheikh Tebdil», en septembre 1985. le premier concerne un derviche de ce tekke, nommé Miftar, qui «était parti» alors qu’il était dans le hâl (ce mot désigne chez les derviches un «état spirituel», que les profanes assimilent à l’«état de trase») à l’époque de Mahmud II, donc dans la première moitié du XIXe siècle. Le second concerne un autre derviche de ce tekke, un certain Baba Dan Nakib. Celui-ci s’opposait à une guerre fratricide et refusait en l’occurrence d’aller combattre les musulmans de Bosnie-Herzégovine qui s’étaient révoltés contre les réformes que voulait introduire ce même sultan. Il mourut en şehit (martyr) : lors d’un zikr, alors qu’il était dans le hâl, il sauta la tête la première, à travers une fenêtre, du haut de la semâ’-hâne (salle où se déroule le zikr) située au premier étage du tekke. Mort sur le coup, il fut enterré de l’autre côté de la rue, en face du tekke.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le nom du cheikh mort devenu tabou

 

Une très curieuse croyance a cours dans le village de Damnjane au Kosovo (village situé à l’ouest de la route allant de Djakovica à Prizren, tout près de la frontière albanaise). Dans ce village, la personnalité du second cheikh du tekke halveti local, Cheikh Mustafa, était tellement forte de son vivant (il passait son temps en retraite spirituelle [halvet], faisant continuellement le zikr) qu’elle y est toujours présente: depuis sa mort, aucun enfant du village n’a reçu le nom du Mustafa, car dans le cas contraire il serait mort!.

 

 

 

 

 

 

 

 

Un taj pas comme les autres!

 

Le taj (la coiffe) surmontant la sanduka se trouvant au-dessus de la tombe d’un cheikh kadiri de Köprülü/Veles («Titov Veles») était tout à fait particulier. On dit que lorsque le saint enterré à cet endroit voulait honorer tout particulièrement le visiteur venu s’incliner sur sa tombe, le tadj en question tournait «d’un cran»!.

 

 

 

 

 

 

 

 

Un mort récalcitrant

 

Ali Dede, un «juste» de Kosovska Mitrovica (qui de son vivant avait fait preuve de son pouvoir miraculeux), mort très âgé, fut enterré dans le cimetière de la ville, se trouvant non loin du türbe du célèbre saint Djul-Baba (Gülbaba). mais au lendemain de son enterrement, on retrouva son corps dans le türbe en question (dont le mur avait été détruit pendant la nuit), à côté de la tombe du saint. On l’enterra donc de nouveau dans le cimetière, mais rien n’y fit, car il recommença! De guerre lasse, et après plusieurs tentatives, on décida finalement de le laisser à l’intérieur du türbe, et on l’enterra (pour de bon!) à gauche de la tombe du saint.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)Sur la Hadika qui est une traduction/adaptation en albanais de l’ouvrage bien connu Hadiqatû’s-su’adâ du poète Fuzuli (mort en 1556).

 

 

(2)On enregistre également parfois des cas de mort naturelle survenue au cour d’un zikr, comme par exemple au tekke kadiri de Sarajevo en 1980.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 




Morts de Saints et Tombeaux Miraculeux chez les Derviches des Balkans -1ère partie-

29032020

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme partout ailleurs dans le monde musulmans, la mort (sous ses divers aspects) est omniprésente dans les milieux des derviches balkaniques. Car la visite des tombes (türbe, ou parfois kubur) des saints et des cheikhs pour chercher guérison, mais aussi pour la simple bénédiction (baraka) ou encore pour les demandes les plus diverses (fécondité, succès en amour, réussite sociale, etc.), est un acte extrêmement répandu, qui tend à prouver non seulement que le pouvoir de ces saints (ou de ces cheikhs) morts est multiple, mais aussi qu’il est peut-être encore plus grand que celui dont ils disposaient de leur vivant…..

 

On signale ici quelques croyances populaires ayant cours dans les milieux des confréries musulmans (tarikat) et des derviches des Balkans, croyances liées, d’une façon ou d’une autre, aux tombes et à la mort en général.

 

Les renseignements présentés ici et regroupés en un certain nombre de rubriques proviennent soit de lectures, et notamment des notes prises par le grand ethnologue serbe Tihomir R. Djordjević (1868-1944), consignées dans son monumental ouvrage intitulé Notre vie populaires, soit de ce que Alexandre Popovic (auteur de cet article) a pu entendre, ici et là, lors de ses pérégrinations chez les musulmans des Balkans et du Sud-Est européen, ou encore chez ceux qui ont émigré de ces régions et se sont installés en Turquie ou dans les pays arabes du Proche-Orient. Il s’agit donc d’un échantillon qui ne vise nullement à l’exhaustivité.

 

 

 

 

 

 

 

 

Saints à multiples tombes

 

 

Quelques saints musulmans balkaniques ont la particularité d’avoir plusieurs tombes connues.

Le «champion» incontestable dans ce domaine, aussi bien par le nombre de ses tombes (plus d’une dizaine en l’occurrence), que par sa popularités et sa renommée, est naturellement Sarı Saltı (ou Saltuk) sur lequel on a beaucoup écrit.

 

On ne sait pas grand chose de sa vie, mais ses cénotaphes sont signalés: en Thrace orientale (à Baba Eski et à Edirne), en Roumanie (à Buzeu, et surtout à Babadag, dans la Dobroudja), en Bulgarie (à Kaliakra), en Grèce ( dans l’île de Corfou), en Albanie (à Kruja, et dans le Has, région située entre Kruja et la ville de Djakovica au Kosovo), en Macédoine ex-Yougoslave (dans le couvent de Saint-Naum, sur la côte sud du lac d’Ohrid), en Herzégovine (à Blagaj, près de Mostar) et ailleurs, jusqu’à….Gdansk! Il s’agit là, bien entendu, d’une «Ur Legende» par excellence, selon l’expression employée par H. J. Kissling.

 

On connaît cependant quelques autres cas qui, tout en étant beaucoup moins célèbres, s’inscrivent dans la même lignée. Peu de gens savent par exemple que selon des légendes qui circulaient il y a une soixantaine d’années, dans les milieux musulmans du Kosovo (vers 1932 plus exactement), Gülbaba, le fameux saint bektachi de Budapest du XVIe siècle, aurait eu sept tombes à travers le monde, dont une à Kosovska Mitrovica, tombe qui jouissait d’une grande renommée dans toute la région.

 

 

 

 

Morts de Saints et Tombeaux Miraculeux chez les Derviches des Balkans -1ère partie-  dans Croyances & Légendes 200105073355186345

Tombeau de Sari Saltuk, İznik

 

 

 

 

 

 

 

Quant à Hasan Baba de Manastir/Bitolj, un saint nakshbandi de la première moitié du XVIIe siècle, il aurait sept cénotaphes: tout d’abord à Bitolj, où se trouve également sa mosquée, puis (quelque part) au Kosovo, à Skoplje, à Edirne, à Istanbul (sur Divan Yolu), en Anatolie et en Égypte.

 

Enfin, Ali Baba du Khorasan, un saint bektachi de Kumanovo, de la première moitié du XIXe siècle, aurait (selon une légende locale recueillie sur place par Djordjević, le 5 juillet 1933) cinq tombes connues: à Kumanovo, Bursa, Eskişehir, Bergama et Yenişehir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saints dont la Tombe se trouve sur l’emplacement d’un sanctuaire chrétien ou pré-chrétien

 

 

Quelques tombes de saints ont la particularité d’être situées sur l’emplacement d’un sanctuaire plus ancien, chrétien ou pré-chrétien (païen). les cas les plus célèbres dans les Balkans se trouvent tous en Albanie. Il s’agit des tombes de trois saints bektachis: la tombe de Sarı Saltık, située dans la montagne près de Kruja (à une heure d’escalade depuis la ville, dans une grotte où, selon la légende, le saint aurait tué un dragon à sept têtes avec une simple épée de bois); la tombe de Balım Sultan, située dans la montagne au nord d’Elbasan, près de Martanesh; et enfin la tombe de Abbas Ali (demi-frère présumé des petits-fils du Prophète, Hassan et Hussein), située sur les pentes du mont Tomor, à l’endroit où «Abbas Ali, venu d’Arabie sur un grand cheval blanc, avait délivré la région des barbares».

 

À signaler que selon la croyance locale ces trois tombes communiquaient ensemble. Ainsi lorsque J. Swire visita le tekke de Balım Sultan, vers 1937, on le conduisit dans une galerie située derrière la tombe du saint, galerie qui menait à des souterrains allant d’un côté au sommet du mont Tomor et de l’autre au rocher dominant Kruja, c’est-à-dire aux deux autres tombes mentionnées ci-dessus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Tombes servant de «sanctuaire mixte» aux musulmans et aux chrétiens

 

 

 

On connaît le cas de beaucoup de tombes de saints, de cheikhs ou de derviches, servant comme «sanctuaire mixte», donc aussi bien aux populations musulmanes qu’aux populations chrétiennes. La plupart du temps, il s’agit de sanctuaire bektachis, mais pas toujours, comme on le verra un peu plus loin.

 

En Albanie, le sanctuaire de ce genre le plus connu était (jusqu’à la période communiste et la fermeture de tous les lieux de culte, en 1967), celui du mont Tomor, dont on vient de parler. «Les chrétiens continuaient d’ailleurs à y venir lors d’un grand pèlerinage qui avait lieu à la fin du mois d’août pour y célébrer la ‘’Shem Ri’’, c’est-à-dire la Sainte-Vierge; alors que les Bektachis, au même moment, vénéraient le türbe que la légende attribuait à Abbas Ali… À cette occasion, Bektachi et Chrétiens (jusqu’à huit à neuf mille personnes selon J. Swire) venaient en pèlerinage

 

Pour la Bulgarie, Bernard Lory écrit:

«Certains lieux de cultes étaient communs aux deux religions. L’exemple le plus célèbre est sans doute celui de l’église St. Dimitri à Thessalonique, transformée en mosquée, mais où le tombeau du saint restait accessible aux chrétiens. L’origine chrétienne de certains bâtiments musulmans était même signalée par une petite croix, inscrite dans le croissant, qui les surmontait: nous en avons l’attestation pour le teke de Demir Baba, dans le Deli Orman, la mosquée de Draganovtsi dans le Gerlovo, celle de Kărk Djami à Varna, l’église des 40 Martyrs à Tărnovo.

Mais le monde ottoman tolérait des paradoxes, plus déroutants encore: en certains endroits, chrétiens et musulmans (chiites) célébraient le même jour, auprès du même tombeau attribué à un saint portant deux noms différents, une cérémonie à peu près identique de kourban suivie de réjouissances. Ainsi, le 2 août, les Kăzălbachi du Deli Orman se rassemblaient au tekke de Demir Baba, saint musulman que les chrétiens vénéraient sous le vocable de St. Élie, le détenteur du tonnerre. Ou bien les 1er et 2 mai, Turcs, Gagaouzes et Bulgares se retrouvaient au tekke d’Ak Azălă Baba, au nord de Varna, dont le patron était assimilé à St. Athanase, invoqué en cas de bétail disparu. Ailleurs Sară Saltăk et St. Nicolas se confondaient, tout comme Kasăm et St. Dimităr. Ce syncrétisme populaire se retrouve dans tous les Balkans.»

 

 

 

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D’autre «sanctuaires mixtes» (un peu moins fameux certes, mais bien connus quand même) se trouvent en Macédoine ex-Yougoslave et au Kosovo.

Citons pour la Macédoine: le monastère de Saint-Naum d’Ohrid, déjà mentionné, qui servait de lieu de pèlerinage aux Bektachis de Koritza/Korça; le tekke bektachi de Kalkandelen/Tetovo, dont le saint enterré à cet endroit, Sersem Ali, était confondu par les chrétiens avec saint Elias; le türbe bektachi de Makedonski Brod (agglomération située à l’est de Kičevo, sur la route de Kičevo-Prilep) transformé en église (ou plutôt en chapelle?) dédiée à saint Nicolas; le sanctuaire bektachi (plus exactement la tombe de Karadja Ahmed) du village appelé Tekija, près de Kumanovo, que les chrétiens visitaient à la Sain-Georges; et enfin, le türbe du tekke rifâ’i de Daljardovac (village situé près de Kumanovo) où, d’après le témoignage de Jovan Hadži Vasiljević, «il y avait à un moment donné plus de chrétiens dans le tekke de Daljardovac que dans n’importe quelle église [de la région]…..».

 

Quant à la région du Kosovo, on pourrait mentionner les cas du tekke sa’di de Daždinci (village se trouvant non loin de Gnjilane); du türbe (seule survivance d’un ancien tekke) sinâni de Kačanik; du türbe d’Imer [Ömer] Baba situé sur les pentes de «Šar-Planina» près du mont Cviljen, non loin de Prizren; ainsi que du türbe d’un tekke shâdhili de Djakovica (tekke de Cheikh Ćuli, situé dans le quartier dit Mula Yusuf) qui est encore très visité par des gens venant chercher la guérison, et cela non seulement par des musulmans, mais aussi par des chrétiens (catholiques et orthodoxes) «venant même de Belgrade».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Visites aux tombeaux des Saints

 

 

Les derniers exemples cités nous amènent directement à un thème bien connu. Il s’agit de la guérison éventuelle que l’on vient chercher sur les tombeaux des saints (ainsi que des «miracles» [keramet] qui se sont produits à certains endroits), et en règle générale des vœux que l’on vient formuler au-dessus de la tombe du saint, des offrandes que l’on y fait, etc. Contentons-nous de signaler rapidement quelques observations précises, se rapportant à la manière dont cela se fait.

 

La plus courante semble être celle qui consiste à mener le malade sur la tombe, à lui faire dire des prières et allumer des bougies, puis à le faire dormir pendant quelque temps sur ou auprès de la tombe. Parfois une heure ou deux, parfois trois fois une demi-heure, mais dans le cas des malades mentaux beaucoup plus longtemps (quarante jours au maximum). À certains endroits, on croit que si le malade s’endort sur la tombe, c’est signe qu’il va guérir. Selon A. Popovic, il a pu voir d’ailleurs, dans le türbe de l’un des plus célèbres tekke sa’di de la ville de Djakovica (au Kosovo), le tekke «Tebdil», une sanduka dont un côté peut être soulevé grâce à l’existence de charnières (donc tout à fait comme une porte) afin de permettre au malade de s’allonger directement sur la tombe, pour y passer la nuit, à l’intérieur même de la sanduka.

 

Parmi les autres pratiques très courantes, on apporte de l’eau dans un récipient qu’on laisse pendant la nuit sur la tombe du saint, puis on la fait boire au malade; on laisse la chemise (ou un autre vêtement) du malade sur la tombe pendant une nuit, puis on la remet sur le malade; etc.

 

Signalons enfin, à propos de la visite aux tombeaux des saints, un épisode en quelque sorte complètement à rebours, qui est, semble-t-il, unique en son genre, à savoir la visite officielle, en 1980, de la tombe du maréchal Tito à Belgrade (endroit nommé «Kuća Cveća»/« La maison des fleurs») par une délégation de quarante-sept cheikhs, vekil et derviches du Kosovo et de Macédoine (qui étaient venus à Belgrade, il est vrai, pour un tout autre motif: l’installation du nouveau Reis ul-ulema de Yougoslavie de l’époque, Naim ef. Hadžiabdić).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Türbe construit à l’endroit où a coulé le sang d’un «juste»

 

 

Certains türbe n’ont pas été construits sur la tombe réelle ou supposée d’un saint, cheikh ou derviche, mais à l’endroit où aurait coulé un peu de sang du corps d’un «juste». On connaît plusieurs cas de ce genre et notamment ceux-ci: le türbe de Kamber Baba de Drishti (Drivast ou Drivasti près de Shkodër), bâti à l’endroit où celui-ci avait perdu un doigt, alors que le türbe édifié sur sa tombe se trouve à environ 300 mètres de là; au Kosovo, sur la route entre Gračanica et Janjevo, on avait fait construire un petit tekke à l’endroit où avait coulé un peu de sang du corps de Sultan Murat [Ier], au moment où on le transportait à Bursa; selon la tradition populaire, plusieurs türbe auraient été construits le long du Danube, en amont de la ville de Smederevo, à savoir à tous les endroits où le héros musulman Alibeg avait subi des blessures infligées par le héros chrétien Zmaj Ognjeni Vuk; le türbe de Djul-Baba (Gülbaba) de Kosovska Mitrovica aurait été bâti à l’endroit où un peu de sang de ce saint bektachi avait coulé de son corps, lorsqu’on le transportait de Buda à Bursa; enfin, toujours au Kosovo, dans le village nommé Beleg, non loin de Djakovica, existe un très vieux türbe sur lequel on ne possède aucun renseignement précis, hormis le fait qu’il fut élevé à l’endroit où avait coulé le sang d’un «juste» dont on ignore le nom.

 

 

 

 

 

 dans Croyances & Légendes

Tombe du Sultan Murad Khan I

 

 

 

 

 

 

 

 

Tombes miraculeuses

 

 

Plusieurs tombes de saints ont des particularités miraculeuses. Ainsi, sur la tombe d’un très célèbre cheikh halveti d’Užice, Cheikh Mehmed, qui fut tué dans le village de Balotići, près de Rožaj au Monténégro, au XVIIIe siècle, aurait poussé immédiatement une rose. Lorsqu’on a transporté plus tard le corps de ce cheikh à Rožaj, afin de l’enterrer près de la mosquée de la ville, on a réussi à y transplanter également la rose en question. Elle s’y trouverait encore, exhalant toujours le même parfum. Beaucoup de gens auraient essayé depuis, paraît-il, de la greffer ailleurs, mais sans véritable succès, car ailleurs son parfum ne serait plus du tout le même.

 

D’une autre tombe de cheikh, un certain Kaplan Baba d’Ohrid, on entendrait souvent, au cours de la nuit, provenir une étrange musique, à savoir le bruit d’un tumbelek (sorte de tam-tam en terre) qui viendrait directement de la tombe.

 

 

 

 

 

 

 

 

Lumière brillant la nuit au-dessus des tombes de saints.

 

 

On prétend, dans les milieux de derviches, dans beaucoup d’endroits des Balkans, que l’on voit parfois briller la nuit une lumière au-dessus de certaines tombes. Selon la croyance populaire, cela signifie que le cheikh ou le derviche enterré en ce lieu est devenu un saint. Citons par exemple le cas de Nuh Baba, derviche halveti enterré à Gostivar; celui du célèbre türbe «des sept» (Yediler) de Sarajevo (que certains auteurs veulent attribuer à la confrérie [tarikat] des Nakshbandis, ce qui semble faux); le cas de la tombe d’un certain Baba Arif, derviche shâdhili enterré à Djakovica au Kosovo, venu selon les uns de l’«Arabistan», et selon d’autres du «Khorasan», et qui aurait été un «ami de Dieu» (veli).

 

 

 

 

 

 

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Yediler Türbesi – Sarajevo

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

à suivre………….

 

 




La Main et la «Segmentante» Quinaire chez les Berbères

18022020

Gabriel Camps

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Associé aux doigts et à la main, le nombre cinq a une importance particulière reconnue dans la plupart des ethnies et des cultures. Chez les Berbères, en plus de la valeur prophylactique et surtout apotropaïque de la main grande ouverte opposée au mauvais œil, le nombre cinq tient une place particulière dans l’organisation sociale.

 

La main et ses cinq doigts, à la fois individualisés et solidaires de la paume, donnent l’image idéale de la tribu et cette relation étroite entre la main et la tribu apparaît clairement en touareg, où la tribu porte précisément le nom de tawsit qui désigne aussi la paume de la main ou le poignet.

Afus, qui désigne la main, est un terme pan-berbère connu dans l’ensemble du domaine. Dans plusieurs parlers du Nord (Kabyle, Tachelhit, Tamazit), afus désigne certains groupements et plus précisément l’association de cinq clans constituant une tribu. Cette notion quinaire peut s’étendre à d’autres formes de regroupements. C’est ainsi que le « peuple » touareg se présente idéalement sous forme d’une main aux doigts écartés dont chacun s’identifie à l’un des groupes traditionnels (Kel Ahaggar, Kel Ajjer, Kel Air, Iulemmeden…). D’après K.A. Mariko (renseignement oral), cette représentation porte le nom d’azimzim.

 

Mais c’est dans l’organisation politique de la « super-tribu » des Ayt Atta (Jbel Sarho, Maroc) que le système quinaire atteint sa perfection et son plus haut degré de complexité. D. Hart a su analyser et expliquer cette curieuse structure en « cinq cinquièmes » : chaque khoms (cinquième) comprend plusieurs clans mais ne constitue pas d’unité territoriale, ainsi peuvent se regrouper sur le même terrain des clans appartenant à des khoms différents. L’Amar n’ufella, chef suprême de la confédération ou super-tribu (selon l’appellation proposée par D. Hart), était élu chaque année lors d’un choix revenant à tour de rôle, à chacun des khoms, mais cette élection était faite par les membres des quatre autres khoms qui ne pouvaient, cette année-là, fournir l’élu. L’élection avait lieu dans le Jbel Sarho ; les candidats du khoms qui devait fournir le chef suprême s’asseyaient en rond tandis que les électeurs des quatre autres khoms fixaient leur choix. Celui-ci étant acquis, ils tournaient autour du cercle jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’élu qu’ils faisaient lever. On lui présentait un bol de lait qu’il buvait maladroitement afin d’en provoquer l’écoulement sur sa barbe et ses vêtements, image d’abondance… La rotation du pouvoir entre les khoms et l’élection annuelle étaient ressenties comme de sages précautions contre l’établissement d’un pouvoir tyrannique.

 

 

La Main et la «Segmentante» Quinaire chez les Berbères dans Croyances & Légendes 1574068036-sans-titre

 

D. Hart a retrouvé des reliques du système quinaire dans l’organisation politique et les structures sociales de plusieurs super-tribus ou confédérations du Nord du Maroc. Chez les Ayt Ouriaghel (Ayt Wariaar) du Rif oriental, le souvenir de la constitution de la tribu en cinq cinquièmes explique la répartition en cinq parts égales de l’amende tribale que les membres du conseil infligeaient à un meurtrier ayant commis son forfait au souk ou sur le chemin menant au souk, un jour de marché.

 

 

Dans la province de Nador (Rif oriental), les Guelaya sont d’origine berbère diverse, Nefza, Matmata, Beni Snassen, Beni Merin et autres Zénètes auxquels s’étaient ajoutés, au XIIIe siècle, quelques contingents d’Arabes Maqil. Jean Léon l’Africain ne donne pas un tableau très précis de cette importante confédération ; mais heureusement pour les historiens, un auteur anonyme décrit, en 1533, ses structures politiques : la tribu se composait de cinq parties ou fractions désignées sous le nom d’ai khumus (cinquième) suivi de l’appellation de chacun des groupes : Beni Chikar, dans la presqu’île des Trois Fourches, Beni Bûgâfar, entre la mer et l’oued Kert, Beni Sîdâl à l’est de l’oued Kert, Mazzûja, le long de la lagune de Bû Areg et Beni Bûyafrûr dans le jbel Wisân et dans la région de Salwân.

 

Chez les Doukkala, tribu berbère arabisée anciennement, établie au sud-ouest de Casablanca, le cas est encore plus curieux puisque c’est le Maghzen lui même qui, s’appuyant sans doute sur une tradition tribale non complètement oubliée, réorganisa les neuf clans en cinq cinquièmes qui fournissaient chacun un nombre fixé de cavaliers pour la barka du Sultan.

 

Plus au sud, les Ait Khoms avaient de bonnes terres dans le bassin de l’oued Ifni. Occupant le versant ouest de l’Anti-Atlas, ils ne pouvaient moins atteindre l’Océan dont les séparaient les Sbouia, leurs adversaires de toujours.

 

La tribu comptant cinq clans se retrouve en Mauritanie où la tseshesemsha (de semmes = cinq) désigne le groupement politique de cinq tribus zwawa (zwahia). On peut être surpris de retrouver, en Mauritanie et en Grande Kabylie, le même nom qui désigne habituellement un important groupement de tribus distant de quelque trois mille cinq cent kilomètres. La tradition mauritanienne attribue à ce groupement un ancêtre commun dont les cinq fils seraient, chacun, à l’origine d’une des cinq tribus. Il est aussi surprenant de retrouver la même tradition précisément chez les Zwawa de Kabylie selon Boulifa, le premier habitant de Djurdjura était un géant, père de cinq fils qui furent chacun à l’origine d’un clan lignager. Bientôt à ces cinq familles vinrent s’agréger de nouveaux venus et ainsi chacun des clans primitifs donna naissance à une tribu et ces cinq tribus formèrent la confédération zwawa. Nous retrouvons le souvenir de cette organisation quinaire jusque dans la littérature moderne, dans Le fils du pauvre, M. Feraoun voit dans les Kabyles les descendants des cinq fils de Mezoug, c’est-à-dire Amazi, l’ancêtre des Branes.

 

Ainsi du Nord marocain, où nous la reconnaissons chez les Rifains Guelaya, les Ghiaia, les Ait Wariaghar, la structure quinaire de la société a laissé des traces jusqu’au Sahara méridional. À la tseshesemsha mauritanienne, correspondent les confédérations zwawa homonymes de Kabylie et de l’Adrar mauritanien. Plus à l’est, les Iberkoreyan sont cités dans les Chroniques d’Agadèz comme l’une des cinq tribus qui au XIIIe siècle constituaient la confédération Santal. Il ne fait pas de doute qu’une enquête systématique apporterait bien d’autres exemples de cette organisation.

 

 

II était tentant de rechercher chez les Paléo-berbères de l’Antiquité les témoignages d’une telle organisation. En 1970, L. Galand avait, avec prudence, proposé de rapprocher de cette division/regroupement par cinq, le nom des Quinquegentanei donné par les Romains à un ensemble de cinq tribus (gentes) de Kabylie. Julius Honorius situe cette importante confédération entre Saldae (Béjaïa/Bougie) et Rusuccuru (Dellys), c’est exactement le territoire qu’Ibn Khaldoun attribuera, dix siècles plus tard, aux Zwawa, entre Béjaïa et Tedelès (Dellys). On est même tenté de donner les noms des tribus constitutives des Quinquegentanei, puisque nous connaissons précisément cinq tribus qui aux IIe-IIIe siècles occupaient cette région, ce sont les Toulensii, les Baniouri, les Tyndenses, les Nababes et les Massinissenses.

 

Quelle que soit l’origine du nom des Quinquegentanei, comment ne pas mettre en rapport cette dénomination administrative et les traditions quinaires si répandues aujourd’hui encore chez les Berbères ?

Il paraît possible de localiser ces tribus montagnardes Pline situe les Nababes à l’est du fleuve Usar (Isser) jusqu’à la Sava (oued Soumam) mais une autre tribu homonyme, à moins qu’il ne s’agisse d’un rameau détaché des Nababes de Kabylie, appartient, à notre avis, à la confédération des Misiciri aux confins de la Numidie et de l’Africa. On est tenté de localiser les Massinissenses à l’Est de la Soumam, chez les Msisna de la région de Mlakou. Les Tyndenses étaient leurs voisins. Les Toulensii étaient une fraction établie auprès du Castellum Tulei. Quant aux Baniouri, ils semblent avoir occupé la Kabylie maritime.

Les Quinquegentanei prirent une part importante aux révoltes du IIIe siècle. Leur alliance avec les Bavares orientaux, en 259, n’empêcha point C. Macrinius Decianus, le légat de Numidie dont la province avait été envahie, de les battre successivement, d’abord les Bavares conduits par quatre rois dans la région de Mila, ensuite aux confins de la Numidie et de la Maurétanie Césarienne, en troisième lieu les Quinquegentanei venus de cette province. Au cours de l’insurrection de la fin du siècle, les Quinquegentanei constituent l’élément principal de la rebellions. Seule, l’intervention en 297 de l’Empereur Maximien mit fin aux actions des Quinquegentiens qui furent déportés et dispersés.

 

Le regroupement des cinq tribus qui caractérise la confédération des Quinquegentanei n’est peut être pas isolé durant l’Antiquité. Il m’a semblé qu’une grande tribu, celle des Misiciri qui, aux confins de l’Algérie et de la Tunisie, occupait la région montagneuse au nord de la Médjerda connaissait la même organisation quinaire. Notre hypothèse s’appuie sur une soixantaine d’inscriptions libyques citant les MSKRH et trois inscriptions latines nommant les Misiciri (et non point Misictri comme avait lu S. Gsell ). L’examen des inscriptions libyques donnant le groupe de lettres MSKRH, conduit le lecteur à reconnaître que ce mot n’a pas la valeur d’une formule funéraire, mais qu’il peut avoir un sens ethnique ; ce que confirme l’épitaphe bilingue de Chinidal de la tribu Misiciri.

 

La consultation du Recueil des Inscriptions libyques nous apprend aussi que le groupe de lettres MSKRH se trouve rassemblé dans un territoire bien délimité, dans la région forestière et montagneuse de la Cheffia, au nord de la Médjerda. La zone occupée par les Misiciri est assez vaste pour qu’on puisse y reconnaître des divisions territoriales correspondant à cinq clans respectivement nommés NNDRMH, NBIBH, NFZIH, NSFH et SRMMH. Les trois premiers sont des toponymes ou ethnonymes connus ailleurs dans le Maghreb ainsi, le toponyme actuel de la ville de Nédroma s’écrirait en libyque NDRM. Nababes, semble-t-il, est le nom d’une tribu de Grande Kabylie citée et localisée par Pline. Les NBIBH (Nababes) fraction des Misiciri habitaient dans le voisinage de Mechta Djenaïne. À l’autre extrémité du territoire, à Kef beni Fredj, autour de l’antique Thullio, se trouvaient les SRMMH. Les NSFH, contrairement aux précédents, ont un territoire étendu ; on les trouve à la fois à Ain el-Hofra et à Ain Kerma. Un peu plus au sud, dans la vallée de l’oued Bayada, vivaient les NNDRMH. Sur un territoire exigu, à Ain Karmat Smine, résidaient les NFZIH, dont le nom est conservé dans celui de la région de Kebili Nefzaoua ; la même racine se retrouve dans le nom de Nefza entre la Kroumirie et les Mogods. Ainsi tout porte à croire que les Misiciri étaient organisés en cinq clans ayant chacun sa nécropole.

 

Il est possible également de faire appel à l’étymologie et de retrouver peut-être, comme le suggère L. Galand, dans le nom des Zimises établis entre Jijel et l’embouchure de l’oued el-Kébir, le rappel de l’organisation par cinquièmes puisque cinq se dit semmes en berbère. Il n’est pas impossible que les Zamazii, qui selon Ptolémé semblent avoir occupé la Haute Moulouya, en Maurétanie Tingitane, tiraient leur nom de la même racine.

 

Retrouvée depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours et dans des régions aussi éloignées les unes des autres que la Kabylie, le Maroc, la Mauritanie et les pays touaregs, l’organisation quinaire paraît un élément sociologique parfaitement caractéristique du monde berbère.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Le Lion dans la Croyance Populaire Algérienne

9012020

 

 

 

 

 

Le lion est en Afrique , dit le général Daumas, un être redoutable, sur lequel on raconte un grand nombre de mystérieuses et terribles légendes, dont une superstition épouvantée protège la formidable majesté. Avec cet esprit observateur qui les distingue, les Arabes (Algéries) ont fait sur le lion une sérié de remarques dignes d’être recueillies et conservées.

 

 

 

 

 

 

 

Le Lion dans la Croyance Populaire Algérienne dans Croyances & Légendes 1573206712-ct0372-1 

Algérie, La lionne de Sidi M’Hamed Benaouda 1900

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pendant le jour , le lion cherche rarement a attaquer l’homme ; d’ordinaire même, si quelque voyageur passe auprès de lui il détourne la tête et fait semblant de ne pas l’apercevoir. Cependant, si quelque imprudent, côtoyant un buisson où il est couché, s’écrie tout à coup : « Il est là (ra hena), » le lion s’élance sur celui qui vient troubler son repos.

 

Avec la nuit, l’humeur du lion change complètement. Quand le soleil est couché , il est dangereux de se hasarder dans les pays boisés, accidentés, sauvages : c’est là que le lion tend ses embuscades, qu’on le rencontre sur les sentiers qu’il coupe en les barrant de son corps.

 

Voici, suivant les Arabes, quelques-uns des drames nocturnes qui se passent alors habituellement. Si l’homme isolé, courrier, voyageur, porteur de lettres, qui vient à rencontrer le lion, a le cœur solidement trempé, il marche droit à l’animal en brandissant son sabre ou son fusil, mais en se gantant de tirer ou de frapper. Il se borne à crier: Oh ! le voleur, le coupeur de routes , le fils de celle qui n’a jamais dit non! Crois-tu m’effrayer? Tu ne sais donc pas que je suis un tel , fils d’un tel? Lève-toi et laisse-moi continuer ma route.

 

Le lion attend que l’homme se soit approché de lui, puis il s’en va se coucher à mille pas plus loin. C’est toute une série d’effrayantes épreuves que le voyageur est obligé de supporter. Toutes les fois qu’il a quitté le sentier, le lion disparaît, mais pour un moment seulement; bientôt on le voit reparaître, et, dans toutes ses manœuvres, il est accompagné d’un terrible bruit. Il casse dans la forêt d’innombrables branches avec sa queue, il rugit, il hurle, il grogne, il lance des bouffées d’une haleine empestée, il joue avec l’objet de ses multiples et bizarres attaques, qu’il lient continuellement suspendu entre la crainte et l’espérance, comme le chat avec la souris. Si celui qui est engagé dans cette lutte ne sent pas son courage faiblir, s’il parvient, suivant l’expression arabe, à bien tenir son âme, le lion le quitte et s’en va chercher fortune ailleurs.

 

Si le lion, au contraire, s’aperçoit qu’il a affaire à un homme dont la contenance est effrayée, dont la voix est tremblante, qui n’a pas osé articuler une menace, il redouble , pour l’effrayer davantage encore, le manège que nous avons décrit. Il s’approche de sa victime, la pousse avec son épaule hors du sentier, qu’il intercepte à chaque instant, s’en amuse enfin de toute manière, jusqu’à ce qu’il finisse par la dévorer à moitié évanouie.

 

Rien d’incroyable, du reste, dans le phénomène que tous les Arabes ont constaté. L’ascendant du courage sur les animaux est un fait incontestable.

 

Suivant les Arabes, quelques-uns de ces voleurs de profession, qui marchent la nuit armés jusqu’aux dents, au lieu de redouter le lion, lui crient, quand ils le rencontrent:

 

Je ne suis pas ton affaire. Je suis un voleur comme toi; passe ton chemin , ou , si tu veux, allons voler ensemble.

 

On ajoute que quelquefois le lion les suit et va tenter un coup sur le douar où ils dirigent leurs pas. On prétend que cette bonne amitié entre les lions et les voleurs se manifeste souvent d’une manière assez frappante. On a vu, dit on, des voleurs, aux heures de leurs repas, traiter les lions comme des chiens, en leur jetant, à une certaine distance, les pieds et les entrailles des animaux dont ils se nourrissaient.

 

Des femmes arabes ont aussi, à ce qu’on raconte, employé avec succès l’intrépidité contre le lion. Elles l’ont poursuivi au moment où il emportait des brebis, et lui ont fait lâcher sa prise en lui donnant des coups de bâton, accompagnés de ces paroles : « Voleur ! fils de voleur !»

 

La honte, disent les Arabes, s’emparait alors du lion , qui s’éloignait au plus vite. Ce dernier trait prouve que le lion, chez les Arabes, est une sorte de créature à part, tenant le milieu entre l’homme et l’animal; une créature qui, en raison de sa force, leur paraît douée d’une intelligence toute particulière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir aussi Croyances autour de la chasse au lion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Les Kil es Souf: Une Superstition Touarègue

30112019

 

 

 

 

 

Les Kil es Souf: Une Superstition Touarègue dans Croyances & Légendes tombeau-neolithique-algerie1 

 

©Photo Yann Arthus Bertrand

Sépulture néolithique à enclos, au sud de Djanet, Tassili n’Ajjer, Algérie 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Kil es Souf, ou Ahl et Trab (revenants); sont ,des êtres, facétieux qui, alliés aux djenoun et aux ogres, s’ingénient à trouver le moyen d’être désagréables aux voyageurs ; sous prétexte que tout ce qui est sous.,terre leur appartient, ils accaparent toute l’eau des, puits, mangent, les racines des plantes qui ne peuvent plus pousser, etc., etc.; leurs mauvais tours vont jusqu’à la cruauté, témoin la légende que voici :

 

Deux frères fort pauvres, voyageant ensemble, rencontrèrent une caravane venant du Soudan. Les gens de la caravane, pris de pitié pour eux, leur firent don,d’une brebis. Les deux frères continuèrent leur route et s’arrêtèrent, pour y passer la nuit, dans un endroit complètement désert et dépourvu de végétation. Il n’y avait là qu’une tombe dont les chouahed (témoins) (1), faute de pierre aux environs, avaient été faits de deux blocs de bois.

 

Les voyageurs égorgèrent leurs brebis, puis l’aîné, ne voyant aucun moyen de la faire cuire, dit à son frère :

« Va me chercher une de ces bûches, pour faire le feu. »

 

— Le jeune homme obéit; mais, quand il voulut ébranler la bûche, il entendit une voix plaintive qui, du fond de la tombe, poussait des Ahan ! déchirants à chaque secousse.

 

— Effrayé, il vint raconter ce qui se passait à son frère qui, haussant les épaules, lui renouvela l’ordre déjà donné.

 

—Après trois tentatives infructueuses, l’aîné dit à son frère: « Reste auprès de la brebis, j’y vais », et, à son tour, il se mit en devoir d’arracher la bûche.

 

— « Ahan ! » fit le mort.

 

— « Eh ! Ahan toi-même ! » dit l’autre; «j’ai besoin de ton bois pour faire cuire notre brebis et tu n’en as que faire ! »

 

D’un vigoureux coup d’épaule, il jeta la bûche à terre, l’emporta et, trouvant son frère endormi auprès de la brebis égorgée, il alluma le feu et fit cuire la bête.

 

— Quand le feu commença à pétiller, le mort sortit de son tombeau et vint s’asseoir entre les deux frères. La brebis fut bientôt à point, et le rôtisseur, trouvant assez naturel que son fournisseur de bois revendiquât sa place au festin, fit trois parts de la viande.

 

— « Pourquoi fais-tu trois parts? » demanda le défunt.

 

— Mais, dit celui auquel il s’adressait, parce que nous sommes trois : «Toi, mon frère et moi. »

 

Ton frère est mort. — « Il dort. — Il est mort. — Il dort.»

 

— Bientôt le mort et le vivant en vinrent à discuter, puis à s’injurier.

 

A la fin, impatienté, ce dernier s’écria : « Si mon frère est mort, tu l’es aussi », et, prenant son fusil, il fit feu sur son interlocuteur qui s’enfuit vers sa tombe où il disparut.

 

Le voyageur, qui l’avait poursuivi, revint vers son frère qui paraissait toujours dormir, mais il ne put le réveiller : comme l’avait dit le revenant, il était mort. La balle tirée par l’aîné des deux frères n’avait traversé qu’une ombre, et était venue frapper en plein cœur l’homme endormi.

 

On ne sait pas au juste où ce tragique événement s’est passé, pas plus qu’on ne se rappelle le nom des deux frères héros de l’aventure.

 

Les Kil es Souf ne sont pas beaucoup plus sociables; ils vont quelquefois jusqu’à se montrer a deux voyageurs marchant ensemble, mais jamais à trois et encore moins à un plus grand nombre.

 

Quel que soit le scepticisme des Touareg de l’Ouest. ils ne s’en couvrent pas moins le corps d’amulettes, en tout semblables à celles que portaient les musulmans d’Algérie. Toutefois, il est nécessaire que le cordon qui les supporte soit jaune ou rouge, c’est un fait établi, mais on n’a pu nous en donner la raison.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1) Les chouahed sont, ordinairement, deux pierres placées debout, l’une à la tête et l’autre aux pieds.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 







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