Les Hal Ben Ali disent descendre d’une colonie djouala (idolâtre) qui habitait jadis Tobna, sur le versant sud du Djebel Ouled Sultan. C’est une opinion accréditée chez eux et chez tous les Arabes, que leurs pères se seraient faits chrétiens avant de se faire musulmans, et qu’ils auraient ainsi subi les influences de tous les dominateurs de l’Afrique.
Ils semblent, en effet, entachés de réprobation aux fois après leur soumission à la France, ils marchèrent au combat, les Arabes ennemis les insultaient en leur criant « Chiens de chrétiens! vous êtes bien dignes de votre origine! infidèles! fils d’infidèles! »
Selon leurs tolbas, voici leur histoire:
Autrefois, vivait à Tobna une ancienne famille en grande vénération dans tout le pays et dont le chef s’était acquis une juste réputation de sagesse. C’était a l’époque de l’invasion musulmane. Cet homme, aimé de Dieu bien qu’il fût idolâtre, reçut en songe cet avertissement, que Tobna serait menacée le jour où l’on découvrirait dans les environs la trace d’un chameau.
Or, un jour qu’il avait envoyé un domestique chercher, avec un âne, des fruits dans un jardin à quelques lieues de la ville, il vit sur le soir l’âne revenir sans son guide et les paniers inégalement charges donc on avait tué son serviteur, donc on avait pris des fruits dans panier à moitié vide. Son rêve lui revenant à l’esprit, il partit le lendemain pour visiter les environs, et découvrit avec effroi les pas d’un chameau empreints dans le sable. A quelques jours de là, ses préparatifs de fuite étaient faits, il avait réalisé tous ses biens en numéraire, et il allait chercher sur la montagne un refuge hospitalier. Cependant l’homme sage ne pouvait pas partir sans prévenir ses compatriotes du malheur qui les menaçait il prit donc un couple de pigeons pluma la femelle et
la renferma sous un vase avec ce billet « Qui fera comme le compagnon de ce pigeon fera bien qui ne fuira pas, sera dépouillé comme celui-ci». Et il alla se réfugier sur le Bou Taleb, d’ou il lâcha le second pigeon après lui avoir attaché au cou un billet sur lequel ce seul mot, Bou Taleb était écrit.
Les habitants de Tobna qui n’avaient pu s’expliquer l’avertissement symbolique du pigeon plumé, en comprirent le sens en voyant revenir le pigeon messager. Tous cependant n’y voulurent pas croire; les esprits forts bravèrent l’oracle, les plus peureux se sauvèrent sur le Bou Taleb; ceux-ci furent les plus sages, car Tobna, assiégée quelque temps après par Ali, chef de l’armée musulmane, fut prise, pillée, saccagée.
Au milieu du désordre, une femme se sauvait à travers les rues ensanglantées, en pressant sur son cœur un fardeau, enveloppé dans ses vêtements; comme un soldat voulait le lui arracher, elle tomba à genoux en s’écriant « C’est mon fils, Mouloud!» et elle entrouvrit son haïck; l’enfant sourit au soldat en lui tendant les bras. Ali passait par là la mère était belle, il la fit conduire dans sa tente. Plus tard, il adopta l’orphelin et lui donna son nom.–Ce fut le père des Hal Ben Ali.
Mouloud Ali parvint à une haute fortune dans le Tell, et, à sa mort, son commandement fut partagé entre ses trois fils.
Saoula, l’aîné, fut hakem de Constantine; Ali Ben Ali, le second, commanda dans le Tell depuis Sétif jusqu’au Roumel; Dif Allah, le troisième, placé directement sous les ordres d’Ali Ben Ali, partageait avec lui l’autorité.
Des querelles leur mirent bientôt les armes à la main. Ali Ben Ali, battu d’abord, puis abandonné par ses troupes, se vit enfin contraint de fuir dans le Sahara, où l’accueillirent les Dreïdes, alors maîtres absolus du désert.
Selon la chronique, il dut ce bienveillant accueil à cette circonstance, que les Dreïdes n’avaient pas de chevaux à cette époque, et qu’il arriva citez eux monté sur un très-beau cheval. Hardi cavalier, Ali fixa sur lui l’attention de ses hôtes, qui lui donnèrent une tente et le marièrent à l’une des plus belles filles de la tribu. Son courage à la guerre aidant sa fortune, il fut bientôt, et d’une voix unanime, élevé à la dignité de cheikh el arab dignité héréditaire qui devait se perpétuer dans sa famille, mais qui, par suite de guerres et de révolutions dont il est difficile de suivre les phases, passa, vers l’époque de l’invasion turque, chez les Gannah, descendants de Dif Allah.
Hal Ben Ali, restés au désert, y devinrent si puissants, bien que leur chef eut été déshérité du titre de cheikh el arab, qu’ils prélevaient des impôts jusque chez les Beni Mzab. Vaincus plus tard et soumis par les Turcs, ces nouveaux conquérants les tinrent néanmoins en si grande estime, qu’ils les constituèrent makhzenia, titre qui les exemptait de tout impôt.
Cette tribu, vraiment aristocratique, très orgueilleuse de son antique noblesse, a conservé sa race dans toute sa pureté; ses familles ne s’allient qu’entre elles; il n’est permis aux jeunes gens de déroger à cette règle qu’en faveur des belles filles de la tribu des Abd el Nour.
L’arbre généalogique des Hal Ben Ali était déposé dans la mosquée de Sidi Okba; il a disparu, et toutes les recherches pour le trouver ont été vaines. Ils accusent les Hal Ben Dif Allah, leurs frères de la branche cadette, de l’avoir brûlé lorsque Ben-Gannah, le cheikh el arab, fit en 1840 une expédition à Sidi Okba.
La tribu des Ben Ali est du nombre de celles où se recrutent ces audacieux aventuriers, qui courent le désert pour piller les voyageurs. Des espions disséminés dans toutes les oasis informent exactement leurs bande de l’arrivée d’une caravane, de la nature et de l’importance de son chargement, du nombre de cavaliers qui l’accompagnent, de la direction qu’elle doit prendre.
De leur côte, les chameliers étudient le terrain; ils ont eux aussi leurs espions, hommes spéciaux, roués au métier d’éventer la marche des flibustiers du Sahara. C’est par eux que la caravane sait où croisent la bande Doudène, celles de Mamraf, de Nami, et surtout celle de Refèze, la plus redoutée de l’est. Si le péril est imminent, si la caravane est trop faible, elle attendra, dans l’oasis où elle est campée, pendant trois, quatre, six mois au besoin, que d’autres voyageurs viennent la renforcer, ou que les pillards, fatigués, soient allés chercher fortune ailleurs mais, quand ils ont flairé la proie, quand ils savent qu’elle est là sous les palmiers, à l’horizon, sous les murs de cette ville, protégée par une tribu amie, et qu’il faudra bien enfin qu’elle reprenne la route, ils luttent avec elle dé patience: feignant une retraite, ils la provoquent à la confiance et ce sont alors des marches et des contre-marches dans tous les sens au jour, ils décampent à grand bruit et s’enfoncent à l’est si la caravane est à l’ouest, au sud si elle est au nord; mais ils laissent en partant un espion, couché dans le sable comme un chacal au guet, ou recouvert de branches comme un buisson, gardant jusqu’à la nuit l’immobilité la plus complète. Ils reviendront alors, au grand galop de leurs chevaux ou de leurs chameaux, au bivouac de la veille, interroger leur vedette. Ces hommes de fer manœuvrent ainsi pendant des mois entiers, sous le soleil ardent, mangeant un peu de farine buvant un peu d’eau saumâtre; et si enfin, les chameliers abusés, ont plié leurs tentes et se sont remis en voyage « alors, disait Refèze, dont nous citons textuellement les paroles, il se fait dans l’air un changement que je ne puis définir; mais la solitude du désert est troublée, et, quoique toute une journée de marche nous sépare de la caravane, un bruit imperceptible m’apprend que le moment d’agir est arrivé. Légers comme la gazelle, nous nous élançons dans une direction qui n’est jamais la mauvaise, et nous découvrons bientôt à l’horizon de la grande plaine le bienheureux nuage de sable qui achève de nous orienter.»
Ces rencontres sont d’horribles luttes où l’un des deux partis est anéanti.
Une de ces expéditions fut entreprise en 1843 par cinquante cavaliers, ils avaient été avertis du prochain passage d’une riche caravane sur la route du Djerid à Souf. Leur première halte, en sortant de Biskra, fut à El Haouch, nom que prend la rivière de Biskra à dix ou douze lieues de cette ville, au sud-est de Sidi Okba. Comme dans le lit desséché de beaucoup d’autres rivières, on trouve de l’eau dans celui de l’Oued Haouch en creusant à quelques centimètres de profondeur.
La seconde halte fut à Bou Loutet où l’on se procure de l’eau par le même procédé, peine qu’évitent souvent aux voyageurs les nombreux sangliers qui fouillent le ravin pour se désaltérer.
La troisième halte fut à Ben Mel où l’eau est rare et saumâtre.
Le quatrième jour au matin, la caravane était en vue; elle se composait de 69 chameaux à midi, elle était pillée. Une partie des objets volés appartenait à des marabouts vénérés elle leur fut religieusement renvoyée par l’intermédiaire du cheikh el arab.
Les Ziban fournissent deux bandes de ces voleurs; elles se réunissent pour faire leurs coups de main si les caravanes sont bien escortées.
Refèze, chef de la bande à laquelle il a donné son nom est un homme vraiment extraordinaire c’est une célébrité. On dit de lui qu’il a une si grande habitude du désert, qu’il lui suffit de flairer le sable pour reconnaître, sans jamais se tromper et quelle que soit d’ailleurs l’obscurité de la nuit, le lieu où il se trouve. La teinte plus ou moins foncée du terrain lui indique où gît un filet d’eau et à quelle profondeur.
Nous avons entendu répéter cela si souvent par tant d’autres Arabes, et particulièrement ‘par des gens de Souf, que, sans oser le donner comme un fait acquis, noua n’oserions pas non plus le révoquer complètement en doute.
Avant l’occupation de Biskra par l’armée française, le cheikh el arab et les cheikhs des tribus avaient une part de prise dans ces expéditions.