Comment, de 2012 à 2017, les militaires birmans ont orchestré l’élimination et l’exode de la minorité musulmane dans l’ouest du pays. Signée Gwenlaouen Le Gouil, une enquête rigoureuse sur un crime de masse.
Massacres et viols systématiques, villages incendiés, exactions de tous ordres : les récits des survivants, qui s’entassent par centaines de milliers dans le plus grand camp du monde, au Bangladesh, ont fini, trop tard, par être entendus. Au moins 10 000 Rohingyas de Birmanie, mais probablement près du triple, dont des milliers d’enfants, ont été assassinés entre 2016 et 2017 dans la province de l’Arakan. Mais ce que l’ONU a qualifié, après coup, de possible génocide, a commencé bien plus tôt, loin des regards, et a été planifié de longue date par les militaires birmans, comme le montre cette implacable enquête de Gwenlaouen Le Gouil, auteur de nombreux films sur le sujet pour ARTE, notamment, en 2017, Rohingya, un génocide à huis clos, couronné du grand prix au Figra.
Cibles
Entre le Bangladesh, où il recueille les témoignages des victimes rescapées, et des séjours successifs en Birmanie, dont un hallucinant voyage de presse organisé, dans le nord de l’Arakan, en 2018 par le pouvoir militaire birman, qui tentait ainsi de démentir les accusations à son encontre, le réalisateur met en évidence les étapes préméditées d’un crime de masse. Si les Rohingya sont installés depuis des siècles dans la province, cette minorité musulmane, qui s’est ralliée avant l’indépendance à l’autorité coloniale britannique, a été privée en 1982 de sa citoyenneté birmane. Au début des années 2010, prise pour cible par des campagnes haineuses, elle commence à être dépouillée de ses droits. Des meetings xénophobes du moine bouddhiste U Wirathu, opportunément libéré de prison en 2012, à cette vidéo dans laquelle un militaire exhorte des villageois à « prendre machettes et bâtons » pour attaquer les « envahisseurs métèques », le film expose avec précision la mise en œuvre de la logique « génocidaire », et son cortège de persécutions. Il confronte aussi la passivité de la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi et le déni hostile des populations qui ont pris la place des Rohingya dans les campagnes de l’Arakan à l’analyse de ceux qui enquêtent sur ces crimes, dont le juriste Thomas MacManus.
Documentaire complet de Gwenlaouen Le Gouil (France, 2019, 1h02mn)