Le Becheraf (ou Bachraf)

2022021

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Nouba se compose d’une introduction en récitatif suivie d’un premier motif à un mouvement modéré qui s’enchaîne dans un second d’une allure plus animée ; puis vient un retour au premier motif quelquefois sur un rythme différent, mais toujours plus vif que le précédent, et enfin une péroraison allegro vivace tombant sur une dernière note en point d’orgue, qui semble rappeler le récitatif de l’introduction.

 

D’ordinaire, l’introduction a un accent de tristesse plaintive, de douce mélancolie, parfaitement en rapport avec le genre d’interprétation que lui donnent les Arabes. Pour le chanteur, c’est un mélange de voix mixte et de voix de tête, et la répétition de chaque phrase en récitatif, sur les cordes graves du violon ou sur le Rebab, vient encore augmenter cet effet.

 

Le récitatif du chanteur est précédé d’un prélude exécuté par les instruments chantants et destiné à indique le mode dans lequel doit être chantée la chanson.

 

Cette manière d’indiquer le ton au moyen d’une mélodie connue de tous, réglée à l’avance, n’a-t-elle pas la même origine que ces Nomes de la musique grecque, auxquels il était défendu de rien changer, parce qu’ils caractérisaient chacun de ses modes spéciaux?

 

Chez les Arabes, ce prélude se nomme Becheraf.

 

Le Becheraf reproduit d’abord la gamme ascendante et descendante du ton, ou, si l’on aime mieux, du mode dans lequel on doit chanter; puis il indique les transitions par lesquelles on pourra passer accidentellement dans un autre mode, soit par les tétracordes semblables, appartenant à deux modes différents; soit par l’extension donnée en haut ou en bas de l’échelle du mode principal avec les notes caractéristiques de la Glose. En effet, la Glose n’est pas, comme on pourrait le croire, entièrement soumise aux caprices des exécutants. Elle est subordonnée à des règles dont il n’est permis à aucun musicien de s’écarter, s’il ne veut qu’on lui applique le proverbe usité autrefois pour les chanteurs comme pour les poètes qui passaient sans transition d’un sujet à un autre, d’un mode principal à un autre qui n’avait avec lui aucune relation : à Dorio ad Phrygium.

La Glose est en quelque sorte indiquée dans le prélude par les développements donnés à la gamme, non plus en conservant l’ordre habituel des sons, mais bien en décrivant des cercles, comme disent les Arabes. Cette expression, décrire des cercles, indique qu’il faut monter ou descendre par degrés disjoints : mais encore faut-il que ces degrés disjoints appartiennent au même trétracorde.

Ainsi : au lieu de ré mi fa sol, par exemple, on fera ré fa mi sol fa ré, et ainsi de suite, soit en montant, soit en descendant.

 

Le Becheraf indique aussi les sons caractéristiques du mode, ceux sur lesquels on doit revenir plus souvent et ceux dont on ne doit se servir qu’avec modération.

Tel est, dans son ensemble, ce prélude obligé de tous les concerts arabes ; ses divisions, ayant un certain rapport avec celles de la mélopée des Grecs (Lypsis, Mixi et Petteya).

 

 

 

 

 

 

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Education spirituelle et fondements de L’art aïssaoui

20122020

Par Chérif Abdedaïm

 

 

 

 

 

Ce texte a fait l’objet d’une conférence animée par Chérif Abdedaïm, le 17 juin 2012 à la Maison de la Culture M’Barek El Mili, sise à Mila, dans le cadre de la 7ème édition du festival des Aïssaoua organisé par la wilaya de Mila( Algérie).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction:

 

L’art aïssaoui était jalousement conservé par les maîtres et réservé uniquement aux membres de la confrérie(Khouanes). Pourquoi ? Les maîtres craignaient qu’il soit vulgarisé de façon anarchique ou déformé.

 

Ce qui n’a pas été sans conséquences sur cette léthargie (Khoumoul) qu’il a connu pendant des années.

 

Maintenant, il a évolué dans une autre direction ; même ceux qui n’ont jamais fréquenté la Hadra des aïssaoua, ni suivi un enseignement mystique peuvent apprendre des chants et les répéter dans les différentes représentations. Doit-on dire qu’il a été dévié de sa vocation première ? Ou au contraire se féliciter de sa large vulgarisation ? Compte tenu du fait qu’il est devenu en vogue, peut-on espérer que les jeunes qui le pratiquent puissent également bénéficier de son impact spirituel à défaut de maîtres et d’enseignement complémentaire, et ce, du fait qu’il renferme également une conceptualisation codée que seuls les initiés puissent déchiffrer ?

 

Cela dit, cet art doit-il constituer une fin en soi ou un moyen ?

 

 

 

 

 

 

A/ Patrimoine poétique et une éducation spirituelle:

 

Dans la tradition soufie la relation maître-disciple (mourid) a de tout temps été à la base de la perpétuation d’un enseignement à la fois mystique et ésotérique. Le rôle du maître est d’aider le mourid à progresser dans la voie de Dieu. Une progression qui obéit, bien évidemment, à des critères et des étapes comme dans toute forme d’enseignement. Une éducation spirituelle donc basée sur une pédagogie pratique. De ce fait, outre l’enseignement dispensé sous différentes formes, la poésie demeure l’un des moyens d’inculquer ce savoir. Joindre l’utile à l’agréable était l’une des méthodes privilégiées des maîtres soufis.

 

A scruter donc le répertoire poétique soufi, on ne peut que remarquer ce contenu qui, de par sa richesse, constitue déjà toute la substance nécessaire à l’initiation dans cette voie. Ce qu’on appelle communément les étapes des itinérants (Essaliquine), composées chacune de stations (maqamat) qui permettent au mourid de progresser et de transcender dans la voie de Dieu.

 

Dans ce sens, nous citerons en exemple quelques unes à la base des thèmes composant ce patrimoine poétique :

 

-Les Débuts (bidayat) : l’éveil (El Yaqadha), le retour à Dieu ( Ettawba), l’examen de la conscience ( El Mouhassaba), la résipiscence ( El Inaba), la réflexion (Ettafakkour), la méditation,( Ettadhakkour), l’écoute ou l’audition (Essama’), etc

 

-Les portes (El Abwab), la crainte, (El Khaouf ) et l’espérance (Erradja), le renoncement (Ezzouhd), le scrupule (El Wara’), etc

 

-Les comportements ( El Mouâmalat) La sincérité (El Ikhlas), la rectitude (El Istiqama) L’appui sur Dieu (Ettawakoul), la soumission (Ettaslim), etc

 

-Les mœurs vertueuses (El Akhlaq) : la patience (Essabr), la gratitude (Echoukr), la pudeur (El haya), la modestie (Ettawadou’)

 

-Les principes (El Ousoul): la résolution (El Âzm), la bienséance (El Adab) Se rappeler de Dieu ( Eddhikr), etc

 

-Les Vallées (El Awdiya) : le bien agir (El Ihsan) , la science, (El I’lm), la sagesse (El hikma), la révérence (Ettaâdhim), la quiétude (Ettouma’nina), etc

 

-Les Etats mystiques ( El Ahwal) : l’amour (El mahabba), la nostalgie (Echawq), l’extase (El wadjd), le goût (Edhawq), etc

 

Et ce, en passant par les liens tutélaires (El Wilayat) les Réalités (El Haqa’iq) et les suprêmes demeures (Ennihayat) couronnées par le Tawhid (l’Unification)

(Pour une compréhension plus détaillées de ces étapes cf. Le Chemin de Dieu, Abdallah El Ansari)

 

Outre les thèmes consacrés à cet enseignement des étapes à parcourir pour la réalisation de soi, d’autres thèmes ayant trait à la connaissance des Nom sacré de Dieu, aux hymnes et à la gloire du Prophète (QLSSSL), de ses compagnons, aux Saints, et à tout ce qui est sacré (Mecque, Kâaba), font également partie de ce répertoire.

 

 

 

 

 

 

B/Fondements musicaux de l’art aïssaoui :

 

Suite à la chute de l’Andalousie et les fameux Ahat (anaphores symbolisant les regrets), dont témoignent les poèmes exprimant l’amertume des arabes lors de leur fuite d’Andalousie, les Écoles de musique andalouse formées en Espagne, se sont répandues au Maghreb, amenant avec elles leurs styles et leurs répertoires lyriques.

 

L’Algérie a accueilli 3 écoles principales :

 

1 – Tlemcen (Grenade)

 

2 – Alger (Cordoue)

 

3 – Constantine (Séville)

 

A une thématique poétique andalouse, que les vicissitudes du temps n’ont nullement altérée, les Cheikh de la Tariqa aïssaouia ont commuté corrélativement des textes mystiques, dans le prolongement de leur éducation spirituelle, tout en conservant leur Sanâa (Air musical). Ce qui explique singulièrement la similarité modale entre les chants aïssaoui de l’Est algérien et le malouf.

 

On trouvera alors, des poèmes mystiques sous formes de Zedjel, d’autres encore ont remplacé les textes du Mahdjouz (poèmes locaux un peu osés) ainsi que les poèmes constituant les 24 noubas (dont la thématique porte beaucoup plus sur les plaisirs, l’amour, le vin etc.)

 

En sus de ce que comportaient les 24 noubas andalouses (relatives aux 24 heures de la journée), les aïssaoui ont puisé également dans la poésie populaire notamment des textes (Qacidas) écrits par des Saints (Awliya) à l’image de Sidi Lakhdar Ben Khlouf, Abou Saïd El Mendassi, Ben m’ssaïb, Kaddour El Alami, El Arbi El Moknassi, Ben Sahla, Abderrahmane El Medjdoub, Ezzerouk, etc.

 

Les chants sont composés sur divers modes musicaux, selon l’impact de ces écoles dans chaque région. On peut donc distinguer quatre modes de base : DHIL ( Do), MAYA (Ré), RAML ( Sol), H’SINE (La).

 

A ces modes basiques, s’ajoutent d’autres modes diatoniques (c’est-à-dire qui procèdent par tons et demi tons dont les 7 principaux sont : Raml Al-Mâya, Iraq, Zidane, Moual, Sika, Mezmoum et Djarka ; sans oublier également les combinaisons et les fusions intermodales.

 

Dans ce contexte, faut-il souligner vigoureusement le rôle déterminant qu’a joué cette confrérie dans la préservation du patrimoine musical andalou. Citant l’exemple de la Hadra de Constantine, cette école aïssaoui a été le terreau de tout musicien souhaitant apprendre les sanâat du Malouf. Les grands maîtres de la musique Constantinoise à l’image des cheikh Omar Chekleb, Hssouna et Mâamar Berrachi, (grandes références pour le Zedjel), Brahim Bellamouchi, Abdelkader Toumi, le talentueux feu Mohamed Tahar Fergani, ainsi que beaucoup de ménestrels du Malouf qui avaient été initiés aux Sanâat chez les Khouanes (frères faisant partie d’une même confrérie).

 

 

 

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Conclusion :

 

Cela étant, le patrimoine aïssaoui a constamment constitué, et demeure, à nos jours, un terreau fertile en réponse aux besoins lyriques des jeunes qui, d’une part, pourront trouver là un moyen d’expression authentique n’ayant rien à envier aux autres cultures ; et d’autre part, sont appelés à être les porte-flambeaux de cet art ancestral.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Yalda Abbasi & Mohsen Mizazade – Le Yare(la bien-aimée)

6112020

 

 

 

 

 

 

 

 

L’histoire de cette chanson est vraie. En effet, les Kurdes de la Provence de Khorasan (en Iran) sont attaqués par les tribus turkmènes. On tue les hommes et capture les femmes.

La chanson est chantée par un jeune kurde qui revient chez lui et voit que son amoureuse est enlevée par les tribus turkmènes.

 

 

 

 

Ô MA BIEN-AIMÉE

 

« Je suis si triste aujourd’hui, ô ma bien- aimée

Ma bien- aimée, ma fleur de grenadier

Ma bien- aimée, mon amie

Je ne vois aucune trace qui t’appartienne, ma fleur de grenadier.

Je ne vois aucune trace qui t’appartienne, ma fleur de grenadier.

 

La souffrance a aveuglé mon cœur pour que je ne puisse pas voir ma bien- aimée

Ma bien- aimée, ma fleur de grenadier

Les vautours ont dévoré mon esprit

Ma bien- aimée, mon amie

Notre rencontre sera pour l’apocalypse.

Notre rencontre sera pour l’apocalypse.

 

Ils ont tué la gazelle, enlevé les femmes, ô ma bien- aimée

Ma bien- aimée, ma fleur de grenadier

Ils l’ont réduite en esclavage, ô ma bien- aimée

Ma bien- aimée, mon amie

 

Ils l’ont vendue à Arcade, au bazar.

Je suis si triste aujourd’hui, ô ma bien- aimée

Ma bien- aimée, ma fleur de grenadier

 

J’erre dans les ruines, ô ma bien- aimée

Ma bien- aimée, ma fleur de grenadier

Je ne vois aucune trace de toi, ma fleur de grenadier

Je ne vois aucune trace de toi, ma fleur de grenadier »

 

 

 

 

Source de traduction: Kurdistan au féminin

 

 

 

 

 

 

 

 

Paroles en kurde:

 

Ez ku îro pir xemgîn im lê yarê

Lê yarê gulnarê

Çav li bîna negerîn im lê yarê

Lê yarê hevalê

Nîşan ji te ez nabînim gulnarê

Nîşan ji te ez nabînim gulnarê

Derdê dilê min korîye lê yarê

Lê yarê gulnarê

Xosan canê min xwerîya lê yarê

Lê yarê hevalê

Dîdar maye qiyametê gulnarê

Dîdar maye qiyametê gulnarê

 

Ceylan kuştin jinan birin lê yarê

Lê yarê gulnarê

Gulnarê min hêsîr kirin lê yarê

Lê yarê hevalê

Wan firotin li kuçe û bazarê

Ez ku îro pir xemgîn im lê yarê

Lê yarê gulnarê

Çav le pîna negerîn im lê yarê

Lê yarê gulnarê

Nîşan ji te ez nabînim gulnarê

Nîşan ji te ez nabînim gulnarê

 

 

 

 

 

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Tradition Orale de la Musique Classique Andalouse Arabe à Alger

19092020

De la fin de la période Turque au milieu du XXe Siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la période turque, si les juifs sont arabophones, c’est-à-dire parlent l’arabe dialectal, ils ne possédaient pas l’arabe classique puisque sa connaissance passant par l’apprentissage du Coran, la maîtrise du chant se faisait dans les médersas (1) qui excluaient les juifs. Les enfants dans ces écoles devenaient lecteurs du Coran (moudjouidin ) et les meilleurs d’entre eux s’adonnaient à la musique. La psalmodie du Coran restant la base essentielle de la maîtrise du chant.

 

C’est un mufti hanafite d’Alger, dont nous ignorons le nom, qui, un jour, réunit les meilleurs chanteurs et leur proposa d’adapter des airs de noubas (2) aux textes religieux qu’ils psalmodiaient dans les mosquées. Cette innovation, par une adaptation très peu orthodoxe pour les malékites (3) fit pénétrer le chant profane dans le domaine du sacré. Nous sommes ici proche de ce que J.S. Bach effectua en Occident, c’est-à-dire admettre que la musique considérée comme profane, sous-entendue instrumentale, s’empare de plus en plus du sacré.

 

On vit des chanteurs interpréter des textes strictement religieux comme Soubhan allahi wa bi hamdihi soubhan allahi la dhim sur l’air de Khademli saadi. Le succès fut réel et adopté ensuite par d’autres mosquées hanéfïtes à Blida puis Médéa et Miliana. Que cela soit venu des musulmans hanéfïtes n’est pas surprenant puisque ce rite, plus souple dans l’interprétation juridique du Coran, tranchait sur la rigidité du rite malékite majoritaire, certes, mais ne participant pas au pouvoir. Ce fut la période dite des muftis : Cheikhs Sidi Ammar, Ben Ali et Ben Echahed.

 

Ce seraient d’autres muftis hanéfïtes d’Alger notamment : Imam Ali, Cheikh El Bossari, Abdel Hay, El Halabi, Ibnou Morsia, Omm Hani, El Bikri, Mohammed Salah, Ibnou L’Khatib, Sidi Boumédienne, Sidi Abder Rahman Attaalibi et Chemss Eddine Ibnou Djabir, qui par la suite auraient décidés les airs de noubas (4) à utiliser suivant les textes religieux, car les chanteurs utilisaient alors indifféremment les airs. C’est surtout la mosquée Sidi Abderrahmane qui fut le lieu privilégié d’interprétation de cette importante innovation.

 

A partir de cette période les moudjouidin furent appelés qassadin en raison d’un répertoire de qassida (5) fixé et imposé par ces muftis. Cette innovation eut Alger pour origine, mais fut adoptée à Blida, très dépendante d’Alger, puis Constantine. Ceci eut pour conséquence d’écarter dans un premier temps la communauté juive puisque la musique prenait un caractère de plus en plus sacré ; mais celle-ci, connaissant parfaitement la musique profane, allait réinvestir un domaine dans lequel elle avait toujours excellé.

 

Dans l’Algérie pré-coloniale les musiciens chanteurs purement professionnels, comme dans la période abbassside ou actuelle semblent avoir été très rares. Presque tous exerçaient une autre profession et étaient très intégrés au milieu urbain et de ce fait participaient intensément à la vie sociale et aux événements la marquant, soit religieux comme le Mouloud ou l’Aïd, soit profanes comme les circoncisions ou les mariages.

 

Les lieux de concert les plus fréquentés étaient, en matière religieuse, Sidi Abderrahmane, Sidi M’hamed et Sidi Ouali Dada. Le plus connu des maîtres, après la chute du pouvoir turc algérien, fut Cheikh Menemeche (mort à la fin du XIXe siècle) qui possédait une voix agréable, mais peu puissante. Il jouait en virtuose de la kouitra (6) et était le grand maître détenteur de tout le répertoire classique à Alger. Il était accompagné au rebab (7) par Maalem Ben Farachou, de confession juive, qui fut avec Cheikh Menemeche celui qui pratiquait le mieux l’art andalou. Il eut pour élève Cheikh Sfindja qui, en revanche, possédait une voix puissante et étendue.

 

Ben Farachou mourut en 1904, à l’âge de 71 ans, mais eut le temps d’apprendre au Cheikh Sfindja de nombreuses noubas que Cheikh Menemeche n’avait pu lui transmettre. La mort de Mohammed Sfindja, en 1908, marque une étape décisive dans notre connaissance du chant andalou classique. Il fut le grand maître qui reçut l’héritage de la fin de la période turque par Cheikh Maalem Farachou, qui l’avait lui même reçu de Cheikh Menemeche. Il s’est situé dans une période charnière, milieu et fin du 19e siècle, où la musique tint un rôle fondamental pour la conservation de la culture citadine. Symbole de résistance culturelle, les algériens s’y réfugiaient avec d’autant plus de délectation que cette musique ponctuait tous les événements de leur vie profane comme religieuse.

 

Cheikh Sfîndja jouait souvent accompagné par Maalem Mouzino qui passait aussi bien du rebab qu’à la kamandja , par Maalem Laho Seror à la kouitra et par Cheikh Chaloum au mandole. Cheikh Sfindja et son disciple Saïdi participaient fréquemment aux manifestations religieuses, s ‘entourant des nombreux qassadin des mosquées de la Kasbah.

 

Cheikh Mahieddine Bachtarzi racontait comment ces derniers maîtres lui enseignèrent cet art musical qui nous enchantait encore tant lorsqu’il interprétait un ramal maya (8) dans les années 70. Cheikh Sfindja disait-il était la coqueluche de tous les citadins d’Alger, Blida, Médéa, Miliana et Cherchell. Il faut dire que la vie sociale dans la capitale, à la fin du 19e siècle, était bien différente de celle d’aujourd’hui.

 

Un maître comme Cheikh Sfindja, malgré une immense popularité, ne se faisait guère entendre plus de trente fois par an, principalement en été, dans des fêtes familiales. Son cachet pouvait aller de 100 à 150 F par soirée (19h-5h du matin) mais pouvait atteindre 200 F, lorsqu’il se produisait dans une riche famille. De tels cachets étaient exceptionnels puisqu’ils représentaient, pour une année de trente concerts, l’équivalent de cinq ans de travail, mais ici nous avons affaire au « maître » par excellence. Sur son cachet il devait cependant payer ses musiciens, environ six à huit au maximum. En revanche, on n’a pas pu savoir par les interlocuteurs ce que pouvait être le cachet d’un musicien accompagnateur vers 1896, mais nous pouvons l’estimer à environ 4 à 6 F. Cheikh Sfïndja gagnait donc très bien sa vie et possédait ainsi un commerce de chaussures.

 

 

 

 

 

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Cependant, un autre univers de la vie musicale algéroise existait, beaucoup plus populaire, et par ce fait plus fondamental sociologiquement parlant puisqu’à la portée du plus grand nombre : c’était le monde des cafés. Il y en avait quatre très connus dans lesquels tous les grands maîtres se produisaient : les cafés Bouchaachoue et Laareche, dans la Kasbah, avec une clientèle plutôt traditionnelle ; en revanche les cafés Malakoff et El Boza étaient plutôt fréquentés par les jeunes et beaucoup de juifs.

 

Il faut cependant ici préciser que si les juifs n’étaient pas très érudits quant à la connaissance de la langue arabe littéraire, comme il l’était précisé plus haut, et qu’ils furent accusés d’avoir quelque peu contribué à dégrader la poésie arabe andalouse, notamment au XVIIe siècle, certains en revanche, à la fin du XIXe siècle, vont participer à une entreprise de sauvegarde de cette musique.

 

Trois personnages, par leur rencontre, allaient jouer un rôle fondamental dans ce processus, et par leur collaboration non seulement permettre à cette musique de mieux se conserver, mais d’être connue, par la suite, internationalement. Cheikh Mohammmed Sfindja, héritier d’une tradition orale reçue de Cheikh Menemeche par l’intermédiaire de Cheikh Ben Farachou, finit par admettre, un peu avant sa mort en 1908 et après maintes discussions avec Edmond Yafil et Jules Rouanet, la nécessité de transcrire cette musique. Edmond Yafil était le fils de Makhlouf Yafil, surnommé Makhlouf Loubia parce qu’il possédait une gargotte très proche du café Malakoff, dans lequel Cheikh Sfindja venait souvent jouer.

 

Dès son enfance Edmond Yafil eut la chance d’entendre Cheikh Sfindja dans ce café. Le vieux maître le prit en sympathie et lui transmit une grande partie de la tradition orale andalouse. Diplômé d’études supérieures en arabe, Edmond Yafil était aussi musicien. La communauté juive, comme la communauté musulmane, était friande de ces fêtes et de ces lieux de convivialité où la musique jouait un rôle fondamental dans les rapports sociaux.

 

En 1898 Lavignac, abordant le chapitre concernant la musique arabe dans l’Encyclopédie de la Musique, chargea Jules Rouanet de le rédiger. A Alger, il s’adressera à Cheikh Sfindja, mais ce dernier ne parlant pas le français et Rouanet l’arabe, Edmond Yafil qui possédait les deux langues servit non seulement d’interprète mais aussi de collaborateur. C’est à partir de cette date que Sfindja accepta le principe de la transcription et l’on peut penser que Yafil ne fut pas étranger à cette prise de position très mal vue du milieu traditionnel, pour qui seule la tradition orale comptait.

 

D’après Bachtarzi, Rouanet étant paralysé et Yafil souffrant des jambes, c’était Sfindja qui se rendait soit chez Rouanet au Telemly (quartier européen), soit chez Yafil à Bologhine (ex Saint-Eugène). De 1899 à 1902 ils auraient tous trois transcrit 76 airs et Rouanet put terminer à temps ses travaux pour l’Encyclopédie en 1903. Après la mort de Sfindja en 1908 Yafil continua seul le travail de transcription, tout en s ‘entourant de Cheikh Laho Seror et Cheikh Saïdi, car ce travail nécessitait une connaissance approfondie du solfège qu’aucun des autres cheikhs ne possédaient. Lors de la création par les conseillers musulmans de la liste de l’Emir Khaled en 1922 de la chaire de musique arabe au Conservatoire, ce fut Edmond Yafil qui l’occupa.

 

A Alger, les femmes occupaient une place prépondérante et tout à fait singulière car héritières aussi de l’art musical andalou. Elles se produisaient dans les fêtes familiales avec cependant un style qui leur était propre : le haouzi par exemple, qui se singularisait par un tempérament poétique très particulier : le Kalam hazal (paroles futiles). Se trouvaient dans ce style Kheira Djabouni et Kheira Tchoutchoua, toutes deux jouant de la kouitra. En revanche Cheikha Halima Fouad El Beghri n’interprétait que le deff, chant plus austère, d’essence religieuse.

 

La plus remarquable aurait été Yamina Bent Hadj El Medhi née en 1859 et patronnée par le Cheikh Brihmat, directeur de la dernière grande Medersa de la Kasbah à la fui de la période turque. Grand savant, mélomane, il apprit à lire et à écrire à sa protégée ainsi qu’à maîtriser le chant, la kouitra et la kamandja. A la fin du XIXe siècle elle était très connue non seulement en Algérie mais dans tout le Maghreb. Elle enregistra plusieurs centaines de disques de 1905 à 1928, et décéda le 1er juillet 1933.

 

Ces groupes féminins se composaient d’environ 7 à 8 musiciennes et ne se produisaient que devant des femmes. La coutume voulait, pour les mariages, que durant les trois ou sept jours que duraient les noces, ces chanteuses musiciennes soient non seulement hébergées mais habillées. La mère du marié, dès la date du mariage adoptée, décidait en accord avec la Cheikha du groupe des tissus et des couleurs à adopter.

 

Tout cela aux frais des parents du mari. Cette ancienne coutume très coûteuse fut abandonnée durant la guerre 14-18.

 

Actuellement les familles étant obligées de restreindre le coût des mariages, bien peu s’offrent le luxe de déplacer deux orchestres, alors que jadis une séance (al Hadhire ), pour les femmes, avait lieu entre 18 h et 21 h en présence de la mariée et de ses demoiselles d’honneur, ainsi que les femmes des deux familles et celles du quartier.

 

Bachtarzi racontait que, jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, les femmes ne s’habillaient qu’en costume traditionnel et très rarement à l’européenne. Cette remarque mérite qu’on s’y attarde car, dans la période 1970-1984, toutes les femmes s’habillaient encore avec leur robe traditionnelle ; seules quelques jeunes filles se permettaient de s’habiller à l’européenne et de danser ainsi. Il semblerait donc qu’il y ait eu une période, entre les deux guerres mondiales où des femmes s’habillèrent ainsi. A. Meziani rapporte une anecdote dans laquelle une femme, issue d’une des plus vieilles familles bourgeoises d’Alger, osa le faire et fut mise en quarantaine par Cheikha Yamina qui ce jour-là jouait, car elle craignait qu’en raison de la position sociale de cette femme le tout Alger traditionnel s’empare de cette mode ; mais on ne releva que quelques cas. Ce qu’il faut donc constater c’est, qu’à partir de la deuxième guerre mondiale, cela cessa et les femmes reprirent leurs habits traditionnels.

 

 

 

 

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A la suite de Cheikha Halima, c’est essentiellement Meriem Fekkaï et Fadhila El Djezarïa qui prirent la relève.

 

Du chant classique découlait le genre medh qui, à base de poésie populaire, enflammait un grand public car plus accessible. Bien qu’à l’origine chant religieux, celui-ci vira au profane en raison de la nécessité d’adapter les airs divins du classique dans un langage plus populaire. La méconnaissance de la langue classique par une population algérienne qui subissait de plus en plus la rigueur du système colonial, notamment par la destruction massive des écoles coraniques, allait profondément jouer sur ce changement. La misère, le fait d’avoir vécu une guerre de colonisation effroyable durant tout le XIXe siècle, amenèrent la population algérienne à se réfugier de plus en plus dans la tristesse de ce genre musical.

 

De grands maîtres en furent issus et notamment à Alger Cheikh Mohammed Ben Smaïl (1820-1870). Encore marqué par la ruralité, comme c’était souvent le cas dans cette période, il sillonna le pays en troubadour et fut très populaire en dehors d’Alger. Son œuvre la plus connue est celle qu’il consacra à la Guerre de Crimée vers 1856. Cela nous montre comme le lien avec les Turcs était encore vivace et combien ce tragique événement marqua les esprits de l’époque. L’entendit-il d’algériens qui y prirent part ou l’information passa-t-elle plutôt par le truchement des lettrés qui avaient eu la Zitouna à Tunis ou Ezzhar au Caire comme but universitaire? Nous le savons pas…

 

Son fils Kouider sera le premier dans ce style à adopter l’orchestre classique alors qu’à l’origine le medh ne s’accompagnait que du deff et du bendir. Il décéda en 1922 à l’âge de 82 ans. De la même génération on trouve les Cheikhs Mustapha Driouche, Mohammed Essefssafi, Ben Sellam, Ahmed Meknaissi, Hadj El Habib, Mahmoud Zaouche et Memed Bennoubia. C’est dans cette grande lignée que Cheikh Essaidji, plus connu sous le surnom de Cheikh Mustapha Nador, forma celui qui allait devenir un des plus grands maîtres de ce style medh appelé aussi chaabi : Cheikh M ‘hamed El Anka, disparu fin 1978.

 

Il faudrait évoquer pour cette période, fin XIXe début XXe siècle, les rapports que cette musique classique andalouse arabe eut notamment sur un des plus éminents représentants de la musique française : Camille Saint-Saèns. Il fut taxé de « chauvinisme » musicalement parlant, et décrit comme le musicien résumant le mieux la pureté néo-classique, l’intellectualisme raisonneur ; cela en réaction à un wagnérisme dont l’influence se faisait de plus en plus sentir en France. Il semble difficile de suivre totalement Vuillermoz sur ce plan, trop réducteur, car dans bien des cas, Saint-Saëns sut faire preuve d’ouverture aux autres musiques et notamment avec la musique classique andalouse arabe. Il voyageait beaucoup et vint souvent en Algérie.

 

 

Bachtarzi se souvient très bien dans quelle circonstance il le rencontra à Alger vers 1915-17 alors qu’il était jeune lecteur du Coran (moudjouid ) et qu’il chantait à la mosquée de Sidi Abderrahmane, en présence de Charles de Galland, maire d’Alger et ami du compositeur Saint-Saëns, qui le complimenta et lui demanda de chanter ce qu’il avait entendu la veille afin de tenter une transcription. Bachtarzi, tout en ne connaissant pas les règles du solfège, chanta. Saint-Saëns effectua une transcription puis lui demanda de rechanter afin de vérifier sa tentative, mais fut déçu car le niveau de l’improvisation est tel dans ce style de musique que Saint-Saëns n’y parvint pas la première fois. Après huit jours d’écoute, d’écriture et de vérifications, il arriva à transcrire cet air qui durait deux à trois minutes et que l’on retrouve dans l’une de ses symphonies : Les nuits de Blida .

 

André Martin né vers 1908 et dont le père possédait cette fabuleuse villa andalouse sur le haut d’Alger (près du bois de Boulogne), confirmait vers 1978-80 les réceptions en l’honneur de Saint-Saëns que son père faisait, et il se souvenait des visites que le compositeur effectuait régulièrement à la Kasbah au début du siècle dans ces cafés fréquentés par Cheikh Sfindja et tant d’autres.

 

L’interprétation de cette musique implique la notion du tarab car chant et musique ont toujours été considérés comme inséparables dans la vie sociale, et cette notion exprime le lien réel et organique existant entre ces deux éléments. Le tarab est à mettre en relation avec le caractère et le niveau d’improvisation dans les exécutions car le chanteur, improvisant toujours sur un thème, les modulations subtiles et complexes qu’il effectue font qu’il ne chante jamais de la même manière ce thème et celui qui écoute éprouve à chaque fois un plaisir différent d’où une émotion spécifique qui, lorsque l’artiste est possédé par l’improvisation, devient une authentique ivresse sensorielle passant subtilement du chanteur à l’auditoire.

 

Cette musique se base essentiellement sur l’exploitation et les possibilités très diverses de la voix humaine, ainsi le chant est d’abord privilégié, l’instrument restant avant tout tributaire de l’échelle des sons produits par l’instrument naturel : la voix humaine. C’est cela qui est déterminant dans la pratique de cette musique, d’où la nécessité dans un premier temps de maîtriser le chant avant l’instrument, puis les deux, sans jamais perdre le rapport au chant,, cette tradition orale jouant le rôle de conservateur du patrimoine musical et surtout de paravent à l’improvisation considérée avant tout comme la source essentielle de cet art.

 

 

 

 

 

 

Alain ROMEY

Source: Cahiers de la Méditerranée, n°48, 1, 1994.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)- École où l’on apprend le Coran et le chant puis éventuellement, par la suite, la littérature et les sciences.

 

(2) – Composition instrumentale apparentée au genre (maqam) mis au point par Ishaq Al Massili (767-850), d’après la tablature du luth, l’instrument de référence, qui ne possédait alors que quatre cordes.

 

(3) – Rite des musulmans du Maghreb.

 

(4) - Genre musical désignant les différents mouvements dont est composée une pièce de type maqam, recodifié par Ziryab au milieu du IXe siècle à Cordoue. C’est lui qui rajouta une cinquième corde au luth et mis au point le plectre pour en princer les cordes.

 

(5)- Composition où alternent mètres et rythmes diversifiés.

 

(6) – Guitare.

 

(7) – Violon à une ou deux cordes suivant son usage.

 

(8)- Partie d’une nouba.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Le « Aiyaï» un chant de l’ouvert : plaidoyer pour le bédouin

3072020

 

 

 

 

 

 

 

 

 Le « Aiyaï» un chant de l'ouvert : plaidoyer pour le bédouin dans Musique 200418093232520495

 

 

 

 

 

 

 

 

 

«Pour moi le seul progrès réside dans la profondeur, le sens et la simplicité. »

Arvo Part.

 

 

 

 

 

Très peu de travaux ont été consacrés au chant bédouin du sud-centre et sud-centre-est algérien, appelé communément chant saharien, ou plus spécifiquement «aiyaï», ainsi dénommé par la formule interjective et répétitive par laquelle sont scandées toutes les chansons du genre et qui exprime la mélancolie propre, musicalement et poétiquement, à la chanson bédouine.

 

Cet article n’a pas d’autre ambition que d’être une introduction succincte, bien que générale, à un genre musical injustement négligé et considéré trop souvent comme mineur malgré toute sa richesse et la qualité de ses talentueux interprètes.

 

En effet, qui ne connaît l’exceptionnelle voix de Khelifi Ahmed, celle de R. Driassa, la puissance et la présence vocale et interprétative particulière d’un El Bar Amar ou les qualités poétiques et musicales d’un Rahab Tahar? Malgré cela la chanson aiyaï demeure un objet d’apparat que l’on exhibe de temps à autre, l’espace d’une manifestation officielle, mais que l’on maintient soigneusement confiné, pour l’essentiel, au rang de folklore, avec tout ce que cela implique comme connotations péjoratives. Alors que dans la musique arabe, «les deux langages musicaux, savant et populaire, non seulement coexistent mais se mêlent en une synthèse harmonieuse » , il est l’objet d’une double déconsidération:

 

- d’une part, par l’orthodoxie littéraire qui estime que la tradition poético-lyrique bédouine, celle de «melhoun (1)» – corps textuel de ce chant – va à l’encontre des canons de la poésie arabe classique et, d’autre part, par l’orthodoxie religieuse qui pense que la pureté est autant de religion que de langue.

 

 

-déconsidération aussi du chant lui même, de sa musique, par la culture citadine qui a pour ce genre le dédain du «hadhri (2)» pour le «bédoui (3)».

 

 

Pourtant ce chant est un genre musical à part entière. Et peut-être vaudrait-il mieux parler d’ailleurs de genre poético-musical tant la limite entre poésie et musique est mince. Certains, à l’instar de Ahmed Ben-naoum ou Mohamed Lamine vont même jusqu’à dire qu’en melhoun, le poème est composé pour être chanté, non pour être récité. La déclamation est inconnue chez les bédouins, et penser aux paroles, c’est instinctivement penser au chant. Le texte est certes écrit indépendamment d’un processus musical, mais le poète projette immédiatement le poème dans une structure musicale dès le premier vers qui sert d’ailleurs souvent de titre à la chanson. En somme, bien que la liaison poésie-musique fasse encore malgré tout débat sur certains de ses aspects, et notamment sur son caractère naturel, on peut soutenir avec A. Benmoussa que « comme réalité prouvée, il est possible de dire que l’indissociabilité des deux éléments paroles-musique demeure complète dans l’esprit des poétes-chanteurs, amateurs ou professionnels, du genre « aiyai« ».

 

«Leklam sel’ a ouel guerdjouma tbi’ou» (le texte est une marchandise et la gorge – la voix – le vend (4)). La preuve en est dans la cohérence et l’homogénéité entre la métrique du vers et l’équilibre interne de la mélodie.

 

 

Fondé donc autant sur le texte poétique que sur la musique, le genre aiyaï renvoie, dans cette indistinction même, au mode de vie nomade qu’il exprime. Son espace géographique recoupe en gros une zone délimitée au nord par une ligne M’sila-Tiaret et au sud par un arc de cercle allant de Biskra à El-bayedh en passant par Laghouat ou même El Goléa. Les confédérations de tribus vivants dans cet espace ont été le berceau et le noyau central dans lequel s’est constitué cette tradition. Le terme de «babouri (5)», par exemple, serait lié, selon Rahab Tahar, aux monts des babors, au nord de Bou-Saada, et le terme de «gharbi (6)», déjà utilisé par Bela Bartok pour désigner un genre musical qui, selon sa description, pourrait s’apparenter au aiyaï, évoque pour une grande partie des poètes et musiciens de cette tradition (7) ce qui se chante à l’ouest de Biskra, extrême est des limites géographiques de la région où se chante le aiyaï, dans une zone incluant Sidi-Khaled, Ouled-Djellal, Bou-Saada, Djelfa, etc. Frontalier autant avec le bédouin oranais à l’ouest, dont il se différencie notamment par des caractéristiques musicales plus amples, qu’avec le chaoui (8) des Aurès ou le sraouin du sétifois, il s’est cependant étendu comme pratique musicale ou tout simplement festive autant au nord qu’au sud, à l’est qu’à l’ouest de son espace d’origine, si bien qu’il n’est pas rare de voir des chanteurs de aiyaï se produire à certaines occasions à Bouira, Tiaret ou dans la région de Sétif .

 

 

Autant par les textes que par la musique, le aiyaï dit le mode de vie nomade des bédouins de l’atlas saharien, continuellement en voyage entre steppe et oasis. Les textes des poètes contiennent presque toujours une partie consacrée au «parcours » et souvent, chez chaque poète, un texte au moins décrit un itinéraire. Ces poèmes sont d’ailleurs souvent l’occasion de chanter une manière d’exil et de nostalgie des espaces sahariens glorifiés par rapport au nord, le tell. On peut citer par exemple le célèbre texte de Cheikh Smati (poète de la région de Sétif, au début du XXe siècle) chanté par Khlifi Ahmed :

 

 

Rabbi sidi talet el ghorba biya … Ayani dhe tell rouhi dhaket fih

 

(Ô mon dieu, mon exil a trop duré. . . Ce tell me fatigue et je m’y ennuie)

 

et plus loin:

Men Merriouet nou ‘ougbou el Hayhaya … Ouen dahem satarnou (9) oueslahi fih

 

Diwan el ‘Eulma ou Bazer (10) ya khouya … ou nerfed menhoum fatha ouen zid elhih

 

Nou’goub lelkherba djifi mahouaya ou … Ain Azel n’dahmou sabeh narouih

 

Nakhlat M’doukal banou djebbaya etc.

 

(de Merriouet nous allons à el-Hayhaya … et je passe à Saint- Arnaud, pour mon bien

Profiter des vertus d’el-’Eulma et de Bazer, mon frère … je fais une prière avant

de pousser plus loin.

Je passe à El Kherba, pour mon plaisir … et à Ain Azel, de bon matin, pour l’abreuver (11)

Les palmiers de M’Doukal m’ apparaissent alors au loin etc. (12) )

 

 

 

 

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Ou bien le chef-d’œuvre de Ben Guittoun, Hizya

 

Fettell m’sayfine djina mahdourine … lessahra kasdine naw ettaouya

 

Sagou djhaf ettlal hattou Aïn-Azel … Sidi Lahcène g’bal ouezzarga hya

 

Kasdou Sidi S’id ouel Metka’ouek zid… M’Doukal el djerid fiha ‘achaya

 

Rakou chaou essbah ki habbet leryah .. Sidi-M’hammed chbah ardou ma’ fia

 

Menha sakou ledjhaf hattou fel Mekhraf … lazreg louken sef yethaoua biya

 

B’nessghayer ksad bmouchem la’dhad … ba’d en kat’ou loued djaou m’a el-Hania

 

Hattou rouss edjbal fi sahet larmel … ouatn Ouled djellal guenneg el mechia

 

Menha rahlou nness hatou fel Besbes … bel Hrimeku kias bekhti Hayzya.

 

(Après avoir passé l’été dans le Tell, nous redescendîmes vers le sahara, ma belle et moi

Ils ont conduit les palanquins des belles, et ont campé à Aïn-Azel, face à Sidi-Lahcène et à Zerga.

Ils se sont dirigés vers Sidi-S’id, vers el-Metka’ouek, puis sont arrivés le soir à M’Doukal.

Ils sont repartis de bon matin, au lever de la brise, vers Sidi-M’hamed, ornement de cette paisible contrée

De là, ils ont conduit les litières à el-Makhraf. Mon cheval, tel un aigle, m’emporte dans les airs, en direction de Bensghayer, avec la belle aux bras tatoués.

Après avoir traversé l’oued ils sont passés par el-Hania.

Ils ont dressé leurs tentes à Rous et-Toual, près du désert. L’étape suivante mène à Ouled-Djellal.

De là, ils se sont dirigés vers el-Besbes, puis vers el-H’rimek, avec ma bien-aimée Hayzya (13)).

 

 

L’itinéraire, autant que le patronyme ou le lieu d’implantation désigne la tribu et l’espace dans lequel elle se déplace. Et c’est ce déploiement dans l’espace, repérable autant dans la poésie que dans la musique, qui caractérise ce chant dont l’écoute offre une vraie sensation de voyage.

 

Car la musique aussi y est déploiement. Elle est sans brisure, sans cassure. Quand ils parlent du aiyaï, les poétes-chanteurs ou les musiciens nomades ne pensent jamais au rythme; ils différencient leur chant du chant rythmé. Belguendouz, barde de Djelfa, avec beaucoup d’autres, soutient que: «El aiyai h’oua b’la mizan» (le aiyai est un air sans rythme). Rares sont les chansons rythmées. Bien qu’elles disposent de cadences élaborées et bien agencées, la majorité des pièces ne recourent pratiquement jamais au «mizan» (rythme). Elles se développent uniquement dans une mélodie qui se caractérise, par rapport au chant citadin, par de longues et lentes mélopées, souvent tristes ou mélancoliques, mais dont l’effet est saisissant. L’absence de rythme est à l’image de ces vastes espaces continus, sans aspérité, sans relief, avec seulement des ondulations que les mélodies restituent par des modulations continuellement répétées, mais avec, à chaque fois, des nuances différentes. Elle renvoie également au mode de vie qui s’écoule, continu, rythmé seulement par les cadences naturelles. Comme dans le chant, le temps réel dans ces lieux n’est pas coupé en séquences. Ni la mélodie, ni l’espace, ni le temps ne sont morcelés. Ils s’écoulent, sobres et dépouillés. Rien mieux que le aiyai, dont la structure mélodique traduit l’atmosphère intemporelle du désert, ne saurait rendre la vérité et la profondeur de ces contrées. Par son amplitude et son déploiement sans cesse recommencés, par sa sobriété et son dépouillement, ce genre exprime l’étendue des espaces dont il est issu. Avec une musique épurée à l’extrême le aiyai est, à l’image de ses terres, un chant de «l’ouvert»

 

 

Certes, quelques morceaux, célèbres notamment grâce à Khelifi, Ababsa (hayzya), ou El Bar Amar (ras b’nadem), associent mélodie et rythme. Dans ce cas, c’est plus l’imaginaire porté par les textes qui renvoie au aiyai que la mélodie elle-même, car cette dernière est plutôt construite selon une orchestration «açri (14)», même si elle reste d’inspiration saharienne. D’ailleurs, à part quelques rares pièces, la grande majorité des chansons rythmées relèvent plus du répertoire religieux (medh).

L’exception la plus notable est bien sûr le célèbre poème de Mohamed Ben-Guittoun, Hayzya dont il existe au moins quatre interprétations :

Khelifi Ahmed et El Bar Amar la chantent uniquement avec flûtes et bendir.

Ababsa avec orchestre (à dominante cordes : ‘ud-luth- et violon) Édition complète Ici)

R. Driassa soit avec flûte et bendir soit avec orchestre.

Il faut dire que ce monument de la chanson algérienne, tous genres confondus, se rattache au genre bédouin autant par le poème, d’une très grande beauté et d’une profonde sensibilité, construit selon les canons classiques de l’élégie, que par la musique, dont le thème et le mode s’enracinent totalement dans le genre aiyai. Cette chanson reste l’un des joyaux du patrimoine saharien.

 

 

 

 

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Proche de la vie quotidienne, la poésie melhoun du aiyai tire de son environnement et des conditions d’existence des populations nomades toute l’inspiration qui l’irrigue. L’humilité tout autant que le courage, et surtout la patience et l’endurance sont des valeurs très souvent chantées :

« la touknout ya khatri sa’af lakda … ouetmahel lemsayeeb edahr el fani».

(Ne désespère pas, mon cœur obéis au destin! … Et incline toi devant les rigueurs du temps éphémère. A. Ben Kerriou)

Les animaux aussi sont souvent sollicités : si le chameau, et surtout le cheval, représentant toute la symbolique chevaleresque, sont très présents dans cette poésie, la gazelle, ou bien le pigeon et la colombe, fidèles messagers du poète amoureux ont aussi leur place. Car bien que la thématique du melhoun s’organise autour de la totalité de l’imaginaire bédouin et pastoral et comprend aussi bien des poèmes liturgiques et religieux (medh) ou épiques, des chants d’exil et de nostalgie, des élégies, le thème de l’amour reste l’axe central de tous les poètes du genre. Même lorsque la lettre du texte chante l’amour mystique du prophète par exemple, le sens caché renvoie souvent à l’amour de la bien-aimée. La coexistence religieux-profane caractérise d’ailleurs beaucoup de morceaux de la production poétique bédouine. Imposée par le puritanisme de la société musulmane traditionnelle, elle requiert alors toute la force et la virtuosité du poète pour évoquer, sous forme allusive, des sentiments amoureux tout en usant d’images religieuses. Le chantre le plus en vue du poème d’amour reste le grand poète de Laghouat Abdallah Ben Kerriou (1869 ou 1871/1921). Voici ce qu’écrit à son sujet A. Benmoussa :

« Une démarche poétique qui donne à l’amour une toute autre dimension: il prend l’allure de perfectionnement moral, une voie obligatoire qui conduit à la pureté de l’âme et c’est parce que sa valeur morale lui semble capitale qu’il acceptera, sans contrainte ni retouche l’amour avec ses situations contradictoires qui vont de la souffrance totale à la phase de l’extase. Il accepte le destin tel qu’il lui est imposé, mais cela ne l’empêche point du tout d’exprimer les sentiments du cœur meurtri.». Cheikh Si Hamza Boubakeur ne dit pas autre chose lorsqu’il en parle. Pour A. Ben Kerriou dit-il, «l’amour est dés lors une méthode de perfectionnement moral, une voie qui conduit à la pureté de l’âme».

 

 

Indiscutablement, l’instrument principal d’accompagnement du aiyai est bien entendu la flûte, appelée «gasba (15)» pour la différencier du «jawak» ou du «f’hel », autres sortes de flûtes utilisées dans les traditions citadines, ainsi que du «ney», plus usité dans les musiques d’inspiration orientale.

Par la fluidité du son ininterrompu qu’il émet, cet instrument rend parfaitement l’atmosphère de continuité intemporelle propre à ce monde. Longtemps le chanteur n’a été accompagné que d’un seul «gassab» (flûtiste). D’après Saad Belgacem, grand gassab professionnel aujourd’hui décédé et qui accompagna les plus grands (Khelifi, El-Bar Amar…), l’introduction d’une deuxième gasba n’est apparue que vers les années 1930. Depuis, la majorité des chanteurs se font accompagner par au moins deux gassab, quand ce n’est pas, comme dans l’orchestre de l’ex RTA (Radiodiffusion-Télévision Algérienne) ou dans certains groupes jouant à l’occasion de manifestations officielles, trois, quatre, voire plus. Toutefois, quel qu’en soit le nombre, une seule doit toujours être l’instrument mélodique «r’kiza», l’autre (ou les autres) jouant le rôle de « r’dif». La gasba r’kiza, qui signifie colonne, support, ainsi dénommée par la fonction de pilier qu’elle occupe dans l’ensemble, jette les bases de la mélodie par l’introduction de la phrase musicale. Elle est en quelque sorte le soliste. La seconde, la gasba r’dif, de radif qui signifie suivant, et par extension accompagnateur, se limite uniquement au jeu de la note principale, en bourdon, « toujours en sorte de pédale continue et sans presque jamais couper le souffle». L’ensemble donne ainsi ce sentiment de continuum, d’enveloppement caractéristique du chant aiyai.

 

Bien que ni théorisée ni codifiée, la musique bédouine est cependant parfaitement structurée. On peut reprendre, à son sujet les propos de Simon Jargy concernant la musique populaire arabe: «Cette musique se présente sous deux aspects apparemment contradictoires mais qui en réalité se complètent: elle comporte des schémas selon des structures métriques, rythmiques et mélodiques stéréotypées auxquelles doivent se conformer poètes et chanteurs de tous temps et de tous âges; mais elle reste en même temps le fruit d’une improvisation constante et appartient pratiquement à un fonds commun que les générations successives viennent enrichir, mais où chacun vient puiser son inspiration».

 

 

Alors qu’une apparente simplicité se dégage du aiyai, il suffit d’approfondir un peu plus l’écoute pour entrevoir la richesse certaine et la grande diversité des nuances et des teintes mélodiques, que l’on reste dans le cadre d’un même naw’ (variété, genre, mode) comme chez les interprètes traditionnels, ou que l’on passe d’un naw’ à un autre, comme dans le répertoire moderne de chanteurs talentueux comme Khelifi ou Driassa. Ces derniers, influencés sans doute par la tradition orientale, usent parfois de modulations pour passer d’un naw’ à un autre, un peu à l’image de la musique arabe d’orient où il est possible de passer par une série de modes, l’un à la suite de l’autre.

Qu’il s’exécute dans son milieu originel, le milieu nomade, ou que ce soit dans un spectacle plus urbain ou institutionnel (orchestre RTA par exemple), le aiyai reste principalement axé sur le chant solo, et une relative liberté est laissée au chanteur qui doit cependant jouir de grandes compétences vocales. La place du chanteur y est par conséquent centrale. Résumant l’évolution de l’interprétation du chant bédouin, A. Benmoussa écrit : « On remarque que la production musicale bédouine était très répandue par l’existence d’un grand nombre de meddah-gawwal (16) qui présentaient leur large répertoire sur les places publiques des villes et des villages du sud Algérien. Ces chanteurs populaires se produisaient en solitaire et s’auto accompagnaient au début par un gumbri ou un rbab (17); puis ils ont remplacé leur instrument par le violon, pour devenir finalement des ghennayines (18) accompagnes par une ou plusieurs gasbat».

 

 

Aujourd’hui, la disparition progressive du meddah-gawwal a petit à petit laissé place à un chanteur interprète intégré dans un ensemble musical aiyai. D’une manière générale, on peut distinguer trois catégories dans l’interprétation du aiyai, toutes issues de milieux populaires plus ou moins bédouins :

 

- Les meddahs ou gawwals, qui se produisent dans les villes et villages à l’échelle régionale, mais rarement au nord : Belfattachah, Belguendouz, Boukrab

 

- Les chanteurs amateurs accompagnés de gasbat. Eux aussi ont rarement chanté devant les publics du nord, se produisant le plus souvent dans des festivités bédouines : Smaîn El-Boussaadi, Amar El-Boussaadi. . .

 

- Les chanteurs qui, tout en étant du même milieu bédouin, ont vu leur écoute et leur notoriété s’élargir à la ville, et même au-delà, à l’échelle nationale : El Bar Amar, Khelifi Ahmed, pour ne citer que les plus célèbres.

 

 

Bien évidemment, avant les moyens d’enregistrement modernes, le aiyai n’a été uniquement transmis que par voie orale. C’est surtout par le disque et la radio, à partir des années 30, par l’élargissement du public au delà du milieu d’origine (Bessissa, Haddadi, Haba, Meggari…),et par l’accroissement du nombre des interprètes dont certains atteindront une très grande célébrité, même à l’échelle internationale (Khelifi Ahmed, Rabah Drissa. . .) que la diffusion se fera par la suite.

 

 

Sans entrer dans les détails des formes d’organisation d’un chant aiyai, on peut se contenter de dire que, généralement, une chanson aiyai non rythmée comporte les éléments suivants : une introduction instrumentale, puis l’alternance équilibrée poésie chantée-musique, pour s’achever soit par l’interjection aiyai, soit par un final instrumental joué par la gasba r’kiza.

 

D’une manière générale, le aiyai a relativement su garder l’essentiel de ses traits et n’a été que très peu affecté par les influences qu’il a eu à subir, notamment celle de la musique orientale. Comme pour la langue où l’orthodoxie se réfère à l’arabe classique, l’idéologie arabo-islamique dominante, notamment au niveau des institutions culturelles de l’état, a toujours diffusé comme référence première de l’authenticité la musique arabe d’orient. L’influence de cette tradition orientale longtemps considérée comme modèle, voire comme repère identificatoire, à quoi viennent s’ajouter sans doute les effets de l’évolution récente des conditions d’existence des chanteurs et des musiciens ainsi que de la production musicale elle-même, fait que l’on trouve de plus en plus souvent, pour accompagner le chanteur, des instruments tels que le quanun, le’ud, le violon, le ney, le tar et la derbouka. Ces pratiques, conséquences de la sédentarisation progressive de cette musique et de ses porteurs, se rapprochent plus des musiques urbaines ou citadines sans toutefois dénaturer l’essentiel du genre. Des expériences ont été tentées par de grands maîtres du genre (Khelifi, Driassa, Ababsa, Rahab) : tentatives d’enrichissement par l’introduction de nouveaux instruments, ou par la transformation de la présentation. Elles ont toutefois gardé intact l’esprit du genre, car le aiyai s’inscrit naturellement dans le très vaste champ de la musique arabe. Il peut arriver, parfois, que l’exécution d’un chant aiyai puisse ouvrir sur un muwachchah (19) ou une chanson de Mohammed Abdelwahab ou de quelqu’un d’autre, sans produire de dissonance ou de discordance, ni altérer la prestation générale. D’ailleurs, souvent, des chanteurs capables de théoriser ou de conceptualiser leur pratique dans le sens d’une insertion plus grande dans l’espace musical arabe en général, usent, pour les nombreuse dénominations de leurs chants, de comparatisme avec les modes musicaux de l’orient et parlent autant de toubou’ et de maquamat (modes) que de anwaa (pluriel de naw’, genre). Le babouri est par exemple l’équivalent du sika (oriental, pas celui qui se joue dans la musique «andalouse» algérienne); le aghouati (souvent appelé «trente-six» ou «setta ouetlathin», en référence à l’année où cette variété s’est largement répandue) serait pour Ababsa l’équivalent du rast. Cependant pour la majorité des chanteurs et musiciens, c’est le naw’teryach qui équivaut au rast (20). Ce qui tendrait à être plus juste car, comme pour le rast, considéré par beaucoup de musicologues à la suite du Baron D’Erlanger comme le noyau central de la musique arabe, le genre teryach occupe une place très importante dans la chanson bédouine au vu de la quantité qui en est chantée dans le répertoire général.

 

 

Il reste que malgré toutes ces influences, qui peuvent du reste constituer des enrichissements à condition de ne pas perdre l’essentiel, le «phrasé logique» cohérent, continu, homogène de la gasba et de la voix, qui est l’âme du chant bédouin, demeure. Alors qu’aujourd’hui le champ musical, de plus en plus soumis au marché, s’éloigne progressivement des logiques festives et ludiques, et que le tarab constituant essentiel de la culture musicale arabe se perd petit à petit, une tradition subsiste et se perpétue continuant à se pratiquer en gardant l’essentiel de ce qui fait sa spécificité.

 

 

Ce n’est pas le lieu, ici, de lamentations nostalgiques ou de déclamations de l’authenticité; un patrimoine vivant existe, et c’est une richesse. À nous de voir comment le recueillir et lui donner sens par l’enregistrement des maîtres du genre et des voix emblématiques, par l’encouragement de la recherche musicologique, et par sa diffusion la plus large possible. Peut-être alors contribuerons-nous à faire connaître une part importante de nous-même qui est loin d’être la plus superficielle.

 

 

 

 

Abdelhafid Hamdi-Cherif

Universitaire, Constantine-Paris.

 

 

Source: Horizons Maghrébins – Le droit à la mémoire, N°47, 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. Qui signifie littéralement « mis en mélodie », ce qui renvoie pour certains au caractère mélodieux de ce genre de poésie, tandis que d’autres y voient la preuve que c’est fait pour être chanté.

 

 

2. Citadin, et par extension cultivé, civilisé.

 

3. Bédouin.

 

4. Belguendouz, cité par Benmoussa.

 

5. Variété du aiyai.

 

6. Idem

 

7. Par exemple, dans un poème de Cheikh Smati, Ya chem’a, chanté par Driassa

Wel gharbi mengoul medjm’na saher (le gharbi, – le aiya -, porté, c’est-à-dire chanté).

 

8. Chant propre au Chaouïas, de la région des Aurès.

 

9. De sra, la campagne; chants de la campagne. Nom que les gens les gens de la région de Sétif donnent à leur chant.

 

  

10. Déformation usitée en arabe de Saint-Arnaud, aujourd’hui El-eulma, localité située à 20 km à l’est de Sétif. .

 

11.Il est bien entendu question du cheval.

 

12. Traduction personnelle.

 

13. Traduction de Sonnêck, revue par A. Hadjiat, in Promesse, revue littéraire n° 4, (1969). Spécial poésie populaire, Alger 1969, p. 68, 69.

 

14. Genre moderne d’inspiration orientale, plus ou moins occidentalisé, et renvoyant plus à la variété.

 

15. Flûte de roseau. Le mot vient de l’arabe quassaba tuyau. Cependant en Algérie, le mot peut signifier à la fois tuyau, roseau, ou la flûte elle-même.

 

16.Conteurs.

 

17. Instruments traditionnels.

 

18. Pluriel de ghannay, chanteur.

 

19. Genre poétique chanté dans la tradition savante.

 

20. Babouri, aghouati, setta ouetlathine (36): genres de aiyai, sika, rast: modes musicaux orientaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




عف عف عف همي زند اشتر من ز تف تفي

16052020

 

 

 

 

 

Compositeur: Majid Derakhshani

Poème: Molana

 

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Paroles:  (en persan) 

 

 

poème

 

Source: كليات شمس تبريزى

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




‘Sarı Gəlin’ Chant Traditionnel Azéri

2042020

 

  

 

 

 

 

 

 

Sarı Gelin” une chanson populaire revendiquée par les peuples de l’Iran, du Caucase du Sud, et de l’Est de l’Anatolie. Mais le plus important, au delà de ces “revendications”, c’est qu’elle soit chantée sur toutes ces terres et depuis bien des générations… Quand la chanson nous enveloppe, on n’entend plus les revendications des unes et des autres et on se laisse porter par la musique sans frontières, emporter même …

La mélodie ne diffère pas selon la région et la langue, même si les paroles sont différentes. Le thème est le point commun à toutes les versions. Elles parlent d’une histoire d’amour impossible, où le garçon ne peut atteindre sa bien aimée…

 

 

Sarı Gelin” ou “Sari Aghjik” est soit une grande fille blonde ou une fille de la montagne, ou une mariée habillée en jaune… selon la langue dans laquelle la chanson est chantée. En arménien c’est Սարի Աղջիկ Sari Aghjik, en azerbaïdjanais : Sarı Gəlin / ساری گلین , et en turc Sarı Gelin

 

 

 

 

 

 

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En Azarbaïdjan c’est Huseyn Javid, poète et dramaturge du 20 ème siècle qui avait mis en scène Sarı Gelin dans l’actualité de 1914, en apportant une nouvelle dimension dans cette histoire d’amour impossible. Dans Sheikh Sanan, la version théâtrale de Huseyn Javid, le garçon était un musulman et la fille une chrétienne.

L’histoire a été également adaptée au cinéma par Yaver Rzayev, en 1999. Le film parle de la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Le garçon se nomme Gadir et il a une vision d’une jeune mariée vêtue de jaune. Cette couleur est le symbole de la mort dans les deux cultures.

 

 

 

 

 

 

 

Parole (Azéri)

 

 

Sarı Gəlin

 

Saçın ucun hörməzlər

Gülü sulu dərməzlər

Sarı gəlin.

 

Saçın ucun hörməzlər

Gülü sulu dərməzlər

Sarı gəlin.

 

Bu sevda nə sevdadır

Səni mənə verməzlər

Neynim aman, aman

Neynim aman, aman

Sarı gəlin.

 

Bu sevda nə sevdadır

Səni mənə verməzlər

Neynim aman, aman

Neynim aman, aman

Sarı gəlin.

 

Bu dərənin uzunu,

Çoban qaytar quzunu, quzunu.

 

Bu dərənin uzunu,

Çoban qaytar quzunu, quzunu.

 

Ne ola bir gün görem,

Nazlı yarımın üzünü

Neynim aman, aman

Neynim aman, aman

Sarı gəlin.

 

Ne ola bir gün görem,

Nazlı yarımın üzünü

Neynim aman, aman

Neynim aman, aman

Sarı gəlin.

 

 

 

 

 

(Traduction Française)

 

 

 

Jeune fille blonde

 

La pointe de tes cheveux ne devrait pas être tressée,

La fleur pleine de rosée ne devrait pas être cueillie,

Jeune fille blonde.

 

La pointe de tes cheveux ne devrait pas être tressée,

La fleur pleine de rosée ne devrait pas être cueillie,

Jeune fille blonde.

 

Quel amour est cet amour !

Ils ne te donneront pas à moi !*,

Que devrais-je faire, aman, aman** ?

Que devrais-je faire, aman, aman ?

Jeune fille blonde.

 

Quel amour est cet amour !

Ils ne te donneront pas à moi !,

Que devrais-je faire, aman, aman ?

Que devrais-je faire, aman, aman ?

Jeune fille blonde.

 

Le long de cette vallée,

Berger, ramène le mouton, mouton.

 

Le long de cette vallée,

Berger, ramène le mouton, mouton.

 

Si je pouvais un jour, juste voir

Le visage de ma bien-aimée.

Que devrais-je faire, aman, aman ?

Que devrais-je faire, aman, aman ?

Jeune fille blonde.

 

Si je pouvais un jour, juste voir

Le visage de ma bien-aimée.

Que devrais-je faire, aman, aman ?

Que devrais-je faire, aman, aman ?

Jeune fille blonde.

 

 

 

 

 

 

 

* Ceci est absolument littéral, la signification en est vraiment qu’il ne me laisseront pas t’épouser, mais selon l’ancienne tradition, les filles étaient données… et quand quelqu’un voulait se marier, on disait aux gens, par exemple, « la famille d’Aliyev ne vont pas nous donner leur fille ». Dans le passé, l’opinion des filles n’était pas importante, maintenant les traditions ont changé mais l’expression ‘donner la fille’ est toujours en usage. »

 

** ‘Aman’ est une expression de peine. C’est une interjection.

 

 

 

 

 

 

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En Turquie et en 2009 le DVD d’un documentaire négationniste intitulé Sarı Gelin, La vrai histoire du problème arménien (Ermeni Sorununun İç Yüzü Belgeseli) fut distribué dans les écoles par le Ministère d’Education turque et projeté aux élèves. Cette initiative avait provoqué de multiples réactions aussi bien de la part des arméniens que des turcs, et de certains syndicats enseignants, comme d’organisations de société civile progressistes, parce que considérée comme une démarche pour « semer la haine sous prétexte de projet pédagogique ».

 

 

 

 

 

En turc 

 

 

Erzurum çarşı Pazar,

leylim aman! aman! (x2) sarı gelin.

İçinde bir kız gezer, ay! nenen ölsün,

sarı gelin aman! (x3) suna yarim.

Elinde divit kalem,

leylim aman! aman! (x2) sarı gelin.

Dertlere derman yazar,

/ Katlime ferman yazar, ay! nenen ölsün,

Sarı gelin aman! (x3) suna yarim.

Erzurum’da bir kuş var,

leylim aman! aman! (x2) sarı gelin.

Kanadında gümüş var, ay! nenen ölsün,

sarı gelin aman! (x3) suna yarim.

Palandöken güzel dağ,

leylim aman! aman! (x2) sarı gelin.

Altı mor sümbüllü bağ ay nenen ölsün

sarı gelin aman! (x3) suna yarim.

Vermem seni ellere,

leylim aman! aman! (x2) sarı gelin.

Niceki bu halimse, ay! nenen ölsün,

sarı gelin aman! (x3) suna yarim.

 

 

 

 

 

 

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En arménien

 

 

Վարդ սիրեցի՝ փուշ դառավ,

Դլե յաման, (x3), Գնաց, ուրիշին առավ…

Ա՜խ, մերըդ մեռնի, սարի աղջիկ, օ՜յ, օ՜յ,

Քարի աղջիկ, օյ, օյ, Քար սիրտ աղջիկ, օյ, օյ,

Չար սիրտ աղջիկ:

Գնաց, ուրիշին առավ, Դլե յաման, լեյլի ջան, ջան:

Մինուճարիս մեղքացիր, 

Դլե յաման, (x3) Թույն մի ածա թեժ վերքիս…

Ա՜խ մերըդ մեռնի, սարի աղջիկ, օ՜յ, օ՜յ…

Քարի աղջիկ, օյ, օյ, Քար սիրտ աղջիկ, օյ, օյ,

Չար սիրտ աղջիկ:

Թույն մի ածա թեժ վերքիս… Դլե յաման, լեյլի ջան, ջան:

Եղնիկ եմ՝ նետը կրծքիս,

Դըլե յաման, (x3) Տիրել ես խելք ու մտքիս…

Ա՜խ մերըդ մեռնի, սարի աղջիկ, օ՜յ, օ՜յ…

Քարի աղջիկ, օյ, օյ, Քար սիրտ աղջիկ, օյ, օյ,

Չար սիրտ աղջիկ:

Տիրել ես խելք ու մտքիս… Դլե յաման, լեյլի ջան, ջան:

 

 

 

 

 

 

 

 

En perse

 

 

 

دامن کشان ، ساقی می خواران

از کنار یاران مست و گیسو افشان ، می گریزد

در جام می ، از شرنگ دوری

وز غم محجوری ، چون شرابی جوشان ، می بریزد

دارم قلبی لرزان ز غمش ، دیده شد نگران

ساقی می خواران از کنار یاران مست و گیسو افشان می گریزد

دارم چشمی گریان به رهش روز و شب بشمارم تا بیای

 

 

 

آزرده دل از جفای یاری ، بی وفا دلداری

ماه افسونکاری ، شب نخفتم

با یادش تا دامن از کف دادم شد جهان از یادم

راز عشقش را در دل نهفتم

از چشمانش ریزد به دلم ، شور عشق و امید

دامن از کف دادم ، شد جهان از یادم راز عشقش را دل نهفتم

دارم چشمی گریان به رهش روز و شب بشمارم تا بیاید

آخ دارم چشمی گریان به رهش روز و شب بشمارم تا بیای

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source:

 

Kedistan

 

Mama Lisa’s World

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La Musique Andalouse

22022020

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On l’appelle Musique hispano-musulmane, musique arabo-musulmane, musique arabo-andalouse ou même musique arabe; toutes ces dénominations sont fréquentes dans les ouvrages spécialisées; cependant, elles sont déficientes, et ceci pour la simple raison qu’elles ne manifestent pas la réalité de la musique andalouse. Une dénomination satisfaisante exigerait la prise en considération d’un ensemble de données historiques, sociales, et artistiques propre au contexte de l’élément en question, et, dans le cas de la musique andalouse, il s’agit de l’ensemble des courants musicaux qui ont contribué a sa formation essentielle et qui se maintiennent, d’une façon ou d’une autre, dans son présent. Ces courants sont:

 

- La musique arabe originaire d’Orient, avec ses influences persanes et grecques.

 

- La musique péninsulaire autochtone, remontant aux époques antérieures; musique religieuse, musique profane, musiques européennes et musique byzantine.

 

- D’autres musiques de l’époque andalouse: musique byzantine, musique européenne profane et musique grégorienne, entre autres.

 

Cette globalité d’influences est due au fait que la relation entre les composantes culturelles des différentes factions de la société andalouse n’était pas hétérogène une fois l’osmose sociale réalisée; une homogénéité culturelle et raciale d’un très haut niveau a eu lieu; et, dans le domaine musical, son grand artifice fut Avempace, le philosophe andalou du douzième siècle: en fait, nous avons affaire à une musique hispanique-chrétienne et arabo-musulmane en même temps. Elle est hispanique-chrétienne car la culture ibérique est, d’une part, la base initiale de sa formation et, d’autre part, un élément d’influence permanente. Elle est, en outre, arabo-musulmane, car la musique, la culture et la langue arabes, et l’islam ont profondément imprégné sa formation et son interprétation.

 

D’autre part, la musique andalouse est une musique savante; elle est basée sur une théorie musicale rationnelle et intelligible et sur une modalité très exigeante et régide (on dirait même l’une des plus rigides et rationnelles du monde des musiques modales). Cependant, il ne s’agit pas de l’acceptation du mot «savant» qui fait référence à une écriture et une théorisation souvent très élaborée; la musique andalouse ne connaît pas de transmission écrite ni – depuis la chute d’ai-Andalou – une théorie musicale; cependant, les moyens de transmission et la conception de fixité varient d’une culture à une autre; et, dans certains aspects, la transmission orale est plus fidèle que l’écriture; certains paramètres traditionnels, sociaux et même spirituels ne pourraient être transmis que par l’oralité. Quant à la fixité, elle n’est recherchée que dans certaines traditions musicales; d’autres voient dans les changements nuancés un dynamismes sain et intrinsèque à la bonne évolution d’une tradition. Finalement, la théorie musicale andalouse, bien qu’actuellement défaillante, n’en reste pas moins présente, de façon latente, au cœur des mélodies. Cette théorie est, nul doute, très élaborée et obéissante à une logique bien définie, ce qui confirme le caractère savant de la musique andalouse.

 

 

Tenant compte de ce qui a été dit, on se voit en mesure de donner une définition satisfaisante à la musique andalouse:

 

La musique andalouse est une musique savante, créée par les habitants d’al-Andalou d’identités culturelles chrétienne et musulmane, à partir du XIIe siècle, et héritée par les Maghrébins.

 

Cette musique, qui a eu la chance de l’accueil maghrébin après la chute d,al-Andalou, se verra, inévitablement, influencée par les nouvelles tendances, goûts et préférences locales. Le nouveau contexte imposera de nouvelles priorités, soit au niveau du goût général, des convictions propres aux musiciens ou du domaine de la théorie scientifique. Cette nouvelle situation a, sans doute, eu des conséquences positives sur la musique andalouse:

 

1. La conservation du répertoire, par son adoption comme musique propre, très respectée voire sacrée, et, autant que possible, inaltérable.

 

2.L’enrichissement du répertoire, par la composition de nouvelles mélodies dans le style andalou et leur intégration dans le corpus originel. Citons-en quelques exemples:

- Qa’im Wa Nişf al-Raşd, par Larbi sayyar.

- Poèmes composés pour les deux tawšiyyas (mélodies instrumentales) suivantes: tawšiyya de Bassit Ghariba al-Houssayn et tawšiyya de la şan’a Ana koulli milkoun lakoum de qouddam al-Maya, labeur réalisé par Hamdoun ibn al-Hadj (m. 1816).

 

3. La création d’un nouveau genre poétique, support de mélodies, connu sous le nom Malhoun / Barwala, inspiré du zéjel andalou.

 

 

4. L’intégration de nouveaux instruments, tels ceux de la famille des violons, la clarinette, la harpe ou le piano.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Histoire Amputée

 

En réalité, la carence de la musique andalouse ne se limite pas à sa théorie musicale; son histoire officielle est, également amputée. La plupart des écrits historiques n’en contemplent que l.élément arabe, et les auteurs considèrent que les musiciens d’al-Andalou (Avempace, Ibn al-hasib, etc.) étaient des Arabes de race et de culture, c’est-à-dire portant une identité exclusivement arabo-orientale. Cette exclusion des identités non arabes et cet orgueil excessif envers la composante arabo-islamique, même si illégitime, il a sa raison d’être; d’une part, les Andalous utilisaient le concept d’ascendance arabe comme prétexte pour légitimer leur pouvoir; les arabes, «purs» de race, et dont la lignée remonterait aux premiers musulmans, voire même aux grandes figures de l’époque préislamique, devraient avoir un privilège sur les autres citoyens andalous. Le premier émir omeyyade, Abderrahmane I (VIIIe siècle), al-Moutamid de Séville (XIe siècle) et d’autres utilisèrent cet argument, renforcé par des écrits qui glorifiaient la généalogie arabe (par exemple, Jamharat anssab al-’arabe d’Ibn Hazm) .

 

D’autre part, la période de conservation de la musique andalouse (après la chute de Grenade en 1492) coïncidera avec d’autres faits qui vont marquer à tout jamais les relations entre la chrétienté et le monde islamique. Au-devant de ces faits, il y a l’influence des Croisades, qui ont eu lieu presque à la même époque que les conquêtes chrétiennes d’al-Andalou: la première conquête importante fut celle de Tolède en 1085 par Alphonse VI, les Croisades débuteront en 1095. les Croisades s’achèvent vers 1291 et les conquêtes d’al-Andalou en 1492. il s’agit, en somme, de quelque deux siècles de confrontation entre deux populations, définies principalement par leurs religions et leurs apparences culturelles, des confrontations communes à l’Occident et à l’Orient. À cela, si on ajoute d’autres faits comme la nouvelle croisade, bénie par Alexandre VI en 1494, la prise de Mélille par les Espagnols en 1497 – acte qui accomplit la volonté de la Reine Isabel de Castille de coloniser l’Afrique et de propager la véritable foi sur cette terre d’infidèles – et les conquêtes de Mazalquivir et d’Oran en 1509, on comprendra la gravité et l’ampleur des conséquences. Ajoutons l’occupation de Sebta, les attaques espagnols aux ports maritimes maghrébins au XVIe siècle, les confrontations navales entre les rois d’Espagne et Solimane, empereur Ottoman, la conquête de Tripoli (1511 – 1551), de Djerba (1510 – 1520, 1560), de tunis (1535, 1573, 1574), de Bizerte (1573-4), de Malte (1565), de Modon (1572), de Lépante (1571), de Coron (1534), etc. Tous ces faits vont s’étaler au long des XVIe et XVIIe siècles, afin d’étendre l’hégémonie maritime, celle du règne de Carlos V face à celle de Salim I.

 

Tout cela finira par créer un climat de frustration et de haine dans les sociétés arabo-islamiques, haine partagée, pour des raisons analogues, par les chrétiens occidentaux. L’Occident a, historiquement, refusé la civilisation d’al-Andalou, il l’a considérée comme étant un intrus dans le développement de la civilisation européenne et il a voulu interpréter tous les acquis de cette civilisation comme s’il s’agissait d’un simple plagiat de la science et de la connaissance grecques; Felipe Pedrell, suivi de plusieurs spécialistes comme Manuel Fernàndez-Nuñez, ont nié toute influence arabe (andalouse) sur la musique chrétienne de la péninsule Ibérique. Même Juliàn Ribera, défenseur, par excellence, de cette influence (dénommée thèse arabe), a dit:

 

Après tout, cette musique (l’andalouse) dérivait de celle des peuples chrétiens de l’Orient, desquels les musulmans l’ont apprise; de telle façon qu’Alphonse le Savant, en l’acceptant, ne faisait que renouer, de manière indirecte, les relations avec les civilisations classiques et chrétiennes.

 

Dans ce contexte de déformation de l’histoire de la musique andalouse, il faut aussi rappeler que, quand les musulmans y ont débarqué, la péninsule Ibérique n’était point un désert aride, dénué de peuples, de cultures, de coutumes, de goûts et de musique. Les Arabes n’y auraient-ils écouté aucune musique autochtone? N’y résidaient-ils par ces groupes humains qu’on surnommera plus tard les mozarabes et les mouladis, c’est-à-dire les natifs péninsulaires, chrétiens et musulmans, réciproquement? Ces derniers, à l’époque andalouse et dont le nombre était d’entre sept et huit millions, figurant entre eux un bon nombre de savants, d’artistes, d’intellectuels et d’hommes d’État (les beni Bono, Abdellah Ibn Vivax, Abou Othman Ibn Leon, Ibn Corral, Ibn Salvador), auraient-ils oublié les mélodies et les airs de leurs ancêtres en se convertissant à l’Islam? Les chrétiens mozarabes d’al-Andalou auraient-ils cessé de chanter leurs chansons et de réciter leurs poèmes durant toute la période andalouse? Par ailleurs, les créateurs de la musique andalouse auraient-ils été tous arabes de race et de culture, complètement isolées de leurs voisins hispaniques indigènes, et ceci des siècles durant, à l’abri des goûts, courants musicaux et airs des anciens natifs de la péninsule Ibérique? Voisins hispaniques qui, d’ailleurs, étaient, radicalement, majoritaires, sur une terre qui a connu des millénaires d’histoire, de culture et de civilisation. Rappelons simplement que, selon la relation faite par les ambassadeurs du Royaume d’Aragon au Pape Clément XI, en 1311, d’entre les 200 000 habitants de Grenade, il n’y avait pas plus de 500 sujets de race arabe, et tous les autres étaient des descendants de chrétiens.

 

 

Continuons notre raisonnement, qui se voit renforcé par tous types de données: les goûts de tous ces nouveaux musulmans se seraient-ils complètement métamorphosé? Comment prétendre ce changement radical et cet isolement total entre les goûts et les tendances artistiques arabes d’une part, et hispaniques locaux, d’autre part ? En Orient, les musiciens arabes n’ont-ils pas été influencés par la musique non arabe? Rappelons le cas d’Ibn Sourayj et ses rapports avec la musique persane, le cas d’Ibn Mouhariz et ses relations avec les mélodies persanes et byzantines. La coupole du Rocher, en Palestine, ne puis-t-elle pas la nature de son architecture de l’art byzantin ? Les arts, en général, des premiers temps de l’Islam n’ont-ils pas été enrichis par ceux des sociétés sédentaires du Proche-Orient? Cette affirmation se voit encore plus renforcée quand on réalise qu’au commencement de l’ère andalouse (VIIIe siècle), la culture arabe arabe n’avait pas encore atteint le niveau de civilisation qui sera atteint aux IXe et Xe siècles; elle ne pouvait donc s’imposer par la force de son poids.

 

Répétons-le: la musique andalouse se soumet à la réalité de son peuple créateur; d’origine ibérique, elle comporte de fortes composantes arabo-islamiques; une musique qui manifeste la capacité historique des Andalous à assimiler différentes composantes en un tout cohérent, produisant un système intelligible et, identitairement homogène, à l’image de la réalité social d’al-Andalou. Blas Infante, père de la partie andalouse, a exprimé la même idée à un niveau plus global: « …les Andalous n’avons jamais cessé d’être ce que nous sommes réellement, euro-africains, hommes universalistes et synthèse harmonique d’hommes« .

 

Qu’en est-il l’idiome des Andalous, ou, plutôt, des idiomes? Pourquoi la musique andalouse ne se chante qu’en langue arabe et ses dérivées? En fait, si cette musique ne conserve aujourd’hui que ses poèmes en langue arabe et ses dialectes, c’est parce que les langues romanes des Andalous ne font pas partie de la réalité linguistique du Maghreb d’aujourd’hui. Les Maghrébins se sont, progressivement, débarrassés des poèmes et des vers qui utilisent les dialectes des «mécréants européens», de ceux qui «les ont chassés de leurs terres». Pour cette raison, l’immense nombre de poèmes bilingues existant à al-Andalou (kharjas et autres) sont, actuellement, totalement absents des chansonniers andalous conservés au Maghreb. Ce phénomène d’épuration linguistique est très commun, et même la péninsule Ibérique l’a souffert dans le cas de la poésie galicienne, qui a été éliminée des poèmes qui mélangeaient galicien, castillan, aragonais et catalan, à cause de la non-compréhension de cet idiome. Comment les Maghrébins auraient-ils pu comprendre, assimiler, chérir et s’identifier à des poèmes des genretypes suivants?

 

Ben yâ sahhârâ

Alba quee stà kon bi-al-fogore

K(u)and bene bide amore

 

 

Ya mama tanto lebo

De al-wa’di de al-bugag

Da’i hagra man qati’

Fa-al-qat’u fi samag

 

La légitimité d’établir une histoire de la musique andalouse qui prend en considération la composante occidentale classique et médiévale s’appuie aussi sur le fait que la musique occidentale postérieure à l’époque hellénique se caractérise par un développement propre assez isolé et introverti, suivant une logique grecque assez homogène dans toute l’Europe, ce qui confère une grande force à la tradition musicale européenne, en général, et hispanique, en particulier, chose qui lui permit de subsister et de s’imposer à l’époque andalouse, malgré l’importance indiscutable de la tradition musicale arabo-islamique contemporaine aux faits.

 

Pour toutes ces raisons, nous disons que les thèses favorables à l’influence arabe, comme celle de Ribera ou celles contraires (Felipe Pedrell, Manuel Fernàndez-Nuñez, Higinio Anglés, etc.) sont déplacées de leur juste contexte. Quand Fernàndez-Nuñez dit au sujet de deux exemples de musique traditionnelle espagnole: « La deuxième chanson est plus en accord avec les modes arabes. Cependant, elle ne s’adapte pas à l’échelle orientale (il lui manque la seconde augmentée) et ne comporte pas de sixte augmentée, assez patente dans les modèles de mélodies arabes», il confond la musique arabe orientale, ses caractéristiques intervalliques et ses tendances, avec l’andalouse, qui utilise, majoritairement, la modalité médiévale occidentale.

Sa défense de ce type de modalité dans la musique populaire espagnole aurait été justifiée et en harmonie avec l’idée de la même connexion entre la musique andalouse et la modalité médiévale s’il avait eu conscience de ce fait, en cette première moitié du XXe siècle.

 

Dans ce même contexte, la musique chrétienne médiévale à la péninsule Ibérique n’a pas été fortement influencée par la musique arabe, malgré le grand poids d’influence d’al-Andalou dans nombreux domaines de la connaissance, car, justement, la musique andalouse n’était pas purement arabe et l’influence ibérique y était grande. De cette façon, les Cantigas de la Sainte Marie n’étaient pas influencées par la musique d’Orient, mais tout comme la musique andalouse, elles puisaient leur identité de différentes sources communes, locales et orientales.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Mode Musical et la Théorie Andalouse

 

Actuellement, l’une des lacunes les plus profondes qui existent dans le domaine de la musique andalouse est celle d’une définition au mode musical andalou ou tab’ (طبع). Le mode andalou est différent du mode arabe oriental (maqam - مقام ), ainsi que de l’occidental moderne; le mode andalou a émergé de sa propre réalité, celle d’une musique modale médiévale et dont les caractéristiques obéissent à la logique de l’époque. La recherche d’une définition pour ce type de modalité nous rappellera un autre vide aussi grave, celui de la théorie musicale; aussi surprenant que cela puisse paraître, la musique andalouse ne possède aucune théorie musicale dans l’actualité, et la recherche historique démontre que cette dernière a été absente tout au long de ces derniers siècles. Les musiciens ont interprété cette musique sans en cerner les lois, ne se basant que sur leur instinct et leur goût pour guider le jeu et l’assimilation des mélodies. La raison de cette absence est bien logique: d’une part, les Andalous émigrés au Maroc n’ont pas pu sauvegarder leurs écrits théoriques, détruits par l’inquisition espagnole, ou par le chaos propre à l’expulsion forcée et, généralement, brusque. On peut comprendre comment les Arabes orientaux ont pu conserver nombre de leurs écrits médiévaux (al-Kindi, al-Farabi, Ibn al-Mounajjim, etc), les Européens occidentaux également ( Saint Augustin, Boèce, Aristide Quintilien, Saint Isidore, partitions aux points juxtaposés avant l’an mil, tonaires, etc); ni les premiers ni les deuxièmes ont été chassés de leurs terres. Cependant, les dépositaires de la musique andalouse ne détiennent aucun écrit musical théorique de l’époque andalouse; à part quelques documents assez insignifiants telle la Risala fi al-alhan d’Avempace, tout ce dont ils disposent actuellement c’est de quelques allusions à la vie musicale et à quelques épisodes, intégrés dans les livres d’histoire ou de littérature (cet état rappelle celui de la musique grecque des siècles antérieurs à Platon et à Aristote). D’autre part, les Marocains héritiers de ce patrimoine, n’ont pu récupérer la théorie musicale andalouse, pour les raisons suivantes:

 

 

1.La civilisation marocaine n’a pas atteint le niveau acquis par celle d’al-Andalou. Il y a manqué une profondeur d’études suffisante pour cerner la musique andalouse dans son aspect théorique.

 

2.Les siècles de guerre entre chrétiens et musulmans, soit à al-Andalou, soit en Orient, on façonné pour toujours la regrettable relation entre la chrétienté et l’Islam, comme déjà dit: une relation de haine qui a rendu les Andalous (comme c’est le cas inverse pour les chrétiens) totalement hermétiques à la reconnaissance de toute contribution de la composante chrétienne dans la création de la civilisation andalouse; pourtant, cette reconnaissance est condition nécessaire pour pouvoir déchiffrer convenablement la musique des Andalous. Le débat aurait été stérile à cette époque (comme il l’est toujours aujurd’hui, malheureusement).

 

 

Comme aspect positif, si les Arabes d’Orient ont conservé leurs ouvrages théoriques, et non pas leurs anciennes mélodies, les Andalous ont hérité de centaines de mélodies qui se veulent de l’époque andalouse; ceci fait que la matière première pour l’étude de la théorie de la musique andalouse existe toujours, c’est le corpus des nawbas et qui constitue le répertoire musical d’al-Andalou, hérité et conservé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source: La musique hispano-arabe, Al-Ala. De Amin Chaachoo

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Haouzi «عقلي بهواك مضى لي »

13012020

 

 

 

 

 

 

حوزي من كلام الشيخ بن درمش رحمه الله

 

 

عقلي بهواك مضى لي * و ضحى عقلي مفتون من هواك ابتلا

منك يا زهو أنجالي * صادف قلبي ليعات دمعتي سايلا

داوي يا عذراء حالي

 

 

 

بـــــيـــــت

نيران الحب رقات * في داخل حشايا قوات

هاجت بيّ الليعات * زيدت محنتي

يا باهية الصفات * منك روحي فنات

يا سلطانة البنات * ترتضاي قتلتي

باغي ننظر شامات * راني هنت الحياة

منّك ما صبت نجات * يا ضيا مقلتي

 

 

 

طـــالـــــــع

ماذا بهواك جرى لي * روفي عن عبدك راي ناره شاعلا

و أنتيّ قلبك سالي * مالك شفقة عنّي يا غزال الفلا

داوي يا عذراء حالي

 

 

 

بـــــيـــــت

سألتك بالّي خلقك * من البهاء صور

لا تقصر في وعدك * زاد عليّ هلاك

جار عليّ صدّك * في ليالي الحالك

قلبي حاصل عندك * راه تابع رضاك

لابد نرجا وصلك * عقلي صار ممتلك

مفتون راه بحسنك * ليس يوجد الانفكاك

 

 

 

طـــالـــــــع

غيرك ما يخطر بالي * يكفا من ذا الهجران زورني عاجلا

جوّد و انعم بوصالي * يزهى قلبي بلقاك و الرقيب ينجلا

داوي يا عذراء حالي

 

 

 

بـــــيـــــت

نطقت قالت بجواب * ليس يا هذا النصاب

قلبي عنّك يرطاب * وصلي ما تقربه

خرجت تخفق بثياب * طار عليها الحجاب

سحرتني يا الاحباب * بالجفا تطّلبه

فنى ذا القلب و ذاب * قلبي التزم للعذاب

بهوا كحيلة الاهذاب * ودموعي يسّكبوا

 

 

 

طـــالـــــــع

خلّفني حبّ غزالي * هايم مهموم غريق في بحور الفلا

راني نشبه لخيالي * نحيل الجسم عديم و الاحشا مبتلا

داوي يا عذراء حالي

 

 

 

بـــــيـــــت

انحيل الجسم ضرير * راه عقلي يطير

بهواها صرت حقير * حالي ما ننظره

مالك في الحسن نظير * فقت بدر المنير

زينك في الناس شهير * حتى حد ما ينكره

من بهاها الشّمس تغير * هيفاء تسبي الفقير

و العابد كيفش يدير * بالبها تقّهره

 

 

 

طـــالـــــــع

زانك مولانا العالي * اعلى جمع الريام بالسرارة تنجلا

من شفرك حسن عوالي * الثيوث جناح غراب و العيون ذابلا

داوي يا عذراء حالي

 

 

 

بـــــيـــــت

الجبين كما الوضّاح * و العيون كما الرماح

الخدود كما المصباح * باهي وجه المليح

الرّيق مثيل الرّاح * سكّر و مسك فاح

دوا اللّي به جراح * من ذاقه يستريح

هيفاء تسبي الأرواح * بجيد وعقود ملاح

و النهود كما التّفّاح * ساق خلخاله يصيح

 

 

 

طـــالـــــــع

اعيا وصفي في غزالي * ما مثلك في العذرات هيفاء مزعبلا

بن درمش قال أصغى لي * نظمي من قول ظريف قلب به ينسلا

داوي يا عذراء حالي

 

__________________

 

 

Mètre: Refrain, 7 syllabes + 10 syllabes + finale en 7 syllabes.

          — Couplet, 6 syllabes + 5 syllabes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Interprétation de Cherif Ben Rachi

 

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TRADUCTION

H’aouzi du cheikh Ben Dermech

 

 

 

 

Ma raison, dans l’excès de ma passion pour toi, s’en est allée!

Mon cœur, plein de troubles, est malade de son amour pour toi.

 

C’est par toi, ô jouissance de mes yeux,

que mon cœur a connu les désirs cuisants et que mes larmes coulent!

Ô Vierge, soigne mon mal.

 

 

 

COUPLET

Les feux d’amour se sont attisés et ont grandi dans mes entrailles.

Les désirs me bouleversent. Je sens s’accroître mes épreuves!

Belle, qui resplendis de qualités, c’est toi qui m’a perdu!

Ô sultane des jeunes filles, il t’agrée donc de me faire mourir!

Ah! que je vois ces grains de beauté et je ferai peu de cas de ma vie

puisque je n’ai rien trouvé qui me sauve de toi, ô lumière de ma prunelle !

 

 

 

REFRAIN

Quelles suites a eues mon amour! Sois clémente pour ton esclave. Son feu le dévore;

et toi, ton cœur tout consolé n’éprouve aucune pitié pour lui. Ô gazelle des déserts.

Ô Vierge, soigne mon mal!

 

 

 

COUPLET

Je te le demande par Celui qui te créa et te façonna si belle,

ne reste pas en deçà de tes promesses, car ma détresse va augmentant.

C’est une torture pour moi que ton éloignement dans mes nuits noires.

Mon cœur est pris en toi. Je suis pas à pas ton caprice.

Je ne puis me passer de l’espoir que tu viendras à moi car mon esprit t’est asservi,

mon cœur est sous la séduction de ta beauté et je ne saurais rompre le charme!

 

 

 

REFRAIN

Nul que toi ne hante mon rêve! C’est assez me tenir rigueur. Visite-moi au plus tôt.

Sois généreuse et octroie moi un rendez-vous que mon cœur s’éjouisse de ta présence tandis que notre espion sera en défaut.

Ô Vierge, soigne mon mal.

 

 

 

COUPLET

Elle m’a parlé. Elle m’a dit en réponse : « Tu as beau faire, séducteur,

mon cœur ne s’attendrira pas pour toi, et tu n’avances pas ma venue !»

Et elle est sortie faisant battre l’air à ses vêtements si bien que son voile s’est soulevé.

Ah! mes amis, elle m’a ensorcelé, par cruauté, car c’est le but de sa coquetterie.

Et ce cœur s’est vu perdu; il s’est fondu ; il s’est voué à la souffrance.

(Et depuis) par amour pour la belle aux cils noirs mes larmes s’épanchent.

 

 

 

REFRAIN

L’amour de ma gazelle m’a laissé égaré, anxieux, noyé dans des mers de tristesse.

Je ressemble à mon ombre, le corps émacié, anéanti et l’âme malade.

Ô Vierge, soigne mon mal.

 

 

 

COUPLET

Le corps émacié, épuisé, ma raison s’envole.

Mon amour m’a fait tomber dans le mépris et je n’ose plus envisager mon état!

Tu n’as pas ton égale en beauté. Tu surpasses la lune dans son éclat.

Ta grâce est réputée parmi le monde : il n’est -personne qui la nie.

Le soleil est jaloux de ta splendeur. Belle à la taille élancée, tu charmerais un ascète : comment pourrait résister un serviteur de Dieu à ta beauté triomphante?

 

 

 

REFRAIN

Notre Maître Très-Haut t’a parée de préférence aux autres gazelles, et tu rayonnes d’attraits.

Tes cils ont l’éclat des pointes de lances. Tes cheveux sont les ailes du corbeau. Tes yeux sont pleins de langueur.

Ô Vierge, soigne mon mal.

 

 

 

COUPLET

Ton front est comme l’aube, tes yeux comme les lances,

tes joues comme les flambeaux: brillant est le visage de ma beauté!

Ta salive est semblable au vin : c’est du sucre et du musc qui embaument.

C’est le remède des blessures que tu fais : qui en goûtes est ranimé.

Svelte, tu captives toutes les âmes par la souplesse de ton cou et tes beaux colliers.

Tes seins sont comme des pommes et ta jambe fait crier ses anneaux.

 

 

 

REFRAIN

J’ai épuisé mon art à décrire ma gazelle. Tu n’as pas ta pareille parmi les vierges,

belle à la taille élancée, à la démarche ondulante.

C’est Ben Dermech qui vous a dit(ici): Écoutez-moi car ma composition est d’un style élégant, le cœur en est récréé.

Ô Vierge, soigne mon mal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Référence: le Troubadour El-Hadj Mohamed Tahar Fergani

 

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Air Populaire Marocain: Sobhan Ed-Daïm

4122019

 

 

 

 

 

 

Dans le domaine strictement populaire la musique marocaine est riche en thèmes originaux, d’un dessin nettement marqué, mais généralement assez bref, voire fragmentaire, caractéristique du chant populaire.

 

On les classer en deux genres : le sacré, le profane ; mais il est presque inutile de faire remarquer combien ces deux formes se pénètrent et se confondent même, tant la vie religieuse imprègne tous les actes de la vie courante, au Maroc plus encore qu’en tout autre pays d’Islam.

 

 

 

 

 

 

 

 

 Air Populaire Marocain: Sobhan Ed-Daïm dans Musique 1572762944-sans-titre0

 

 

 

 

 

Parmi les chants religieux les plus célèbre de la confrérie Aïssaoua Sobhan Ed-Daïm cette formule «Gloire à l’Éternel» a pour principal caractère de se répéter un nombre interminable de fois, pour mieux symboliser, sans doute, l’éternité divine. Il est vrai que les confréries musulmanes possèdent beaucoup de ces prières à répétition.

 

 

Le chœur est divine en deux groupes qui alternent toutes les quatre mesures et se partagent ainsi un travail pour lequel il n’est pas mauvais de ménager son souffle.

 

 

Cette loi d’alternance qu’on retrouve dans presque tous les chants religieux, s’applique aussi au travail manuel. Les rues de la Médina où s’occupent les cantonniers retentissent de « Yallah » profonds et sonores rythmés à quatre temps par le bruit des dames martelant le sol :

 

 

 Sans titre

 

 

 

 

 

 

Le « Sobhan ed-Daïm » est l’un des rares chants religieux comportant un accompagnement instrumental. C’est l’hymne des Aïssaoua : le texte en est écrit en prose cadencée et dédié à leur saint patron, Sidi M’hammed ben Aïssa, qu’ils appellent aussi Sidna Aïssa.

 

 

Le poème, entremêlé de distiques rimes, équivaut comme longueur à 90 vers. Au cours de leurs cérémonies nocturnes, les Aïssaoua initiés le psalmodient entièrement. La mesure est parfois modifiée, la mélodie estropiée, étirée ou tronquée, pour mieux suivre les irrégularités rythmiques de la prose. Dans les processions, par contre, où les voix sont soutenues et dominées en même temps par les « raïta » et les « tobbal », on se borne à répéter les deux phrases, mieux cadencées que la suite du poème.

 

Au point de vue mélodique nous avons bien affaire, semble-t-il, à notre mode majeur, mais avec prédominance de la quinte, ce qui aboutit à l’incertitude tonale.

 

 

Peut-être y aurait-il lieu de voir autre chose que de la « tonalité » en ces équivoques, en ces oscillations modales. Ne sont-ce point là des nuances d’expression intermédiaires entre nos seuls modes majeur et mineur, dont les caractères s’opposent si parfaitement ? Telle est sans doute l’origine et la raison d’être de cette « polytonalité » dont se réclament plutôt les musiciens modernes.

 

 

Quoi qu’il en soit, pour les Arabes cet air appartient au mode «djorka » correspondant au mixolydien du plain-chant, à l’hypophrygien des Grecs, qualifié de grave et sévère par ces derniers. Le « djorka » revêt à vrai dire toutes les formes et se retrouve dans nombre de chansons légères.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 







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