L’ancienne Littérature Afghane

19072019

 

 

 

 

 

 

 

 

Parmi les littératures presque inconnues et si rarement étudiées qu’elles peuvent être considérées comme ignorées, figure celle des Afghans. Elle a cependant une réelle importance, un caractère bien marqué d’originalité. Les œuvres qu’elle a produites sont l’expression d’une civilisation qui n’est pas exempte de grandeur et le reflet du génie d’un peuple dont les hommes et les institutions présentent un véritable intérêt. Ce qui fait peut-être qu’elle n’a été jusqu’ici l’objet que d’un petit nombre de travaux approfondis, c’est que dans ses créations où vibre le mieux l’âme nationale, elle est restée pour ainsi dire exclusivement orale. Il y a en effet deux littératures afghanes très distinctes l’une de l’autre: la première, écrite, savante, apprenant peu de chose sur les mœurs du pays, et de date relativement récente, puisqu’elle ne remonte guère qu’au commencement du quinzième siècle; la seconde, toute populaire, toute parlée, et si ancienne qu’il est difficile sinon impossible d’en retrouver les premières origines. Celle-ci a sa source lointaine dans les traditions, les légendes, surtout dans ces chants dont l’auteur est le plus souvent anonyme et depuis longtemps oublié, mais qui passent de bouche en bouche, se transmettent de générations en générations, se conservant fidèlement dans les cœurs autant que dans les mémoires.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ancienne Littérature Afghane  dans Littérature 1561448838-pic1

Ruines de l’ancienne citadelle de Kandahar en 1881

 

 

 

 

 

 

 

La Littérature Écrite

 

 

 

 

La littérature écrite des Afghans peut se résumer assez sommairement. Elle ne forme qu’une bibliothèque très restreinte d’ouvrages historiques, mystiques et poétiques et elle se concentre dans la région de l’est, la plus rapprochée de l’Inde et la plus ouverte aux influences littéraires de Delhi. Le plus curieux de ces livres afghans est une histoire de la conquête entreprise et poursuivie de 1413 a 1424 par les Yûsufzais. la plus belliqueuse des tribus émigrées de Candahàr, puis maîtresse de Câboul et de toute la plaine au nord de la rivière de ce nom, puis s’emparant, dans sa marche en avant, du territoire de Çvàt, sous la conduite de son chef guerrier Malik Ahmad et de son chef législateur le Shaikh Mali, à qui l’on doit les annales de la race victorieuse. Annales précieuses. puisqu’elles renferment la généalogie des familles illustres, leurs titres de gloire et de suprématie. Ce livre d’or est gardé mystérieusement à l’abri des regards profanes par les descendants de Shaikh Mali,dans le Kohestan de Çvàt où est son tombeau.

 

 

 

A côté de cette espèce de Domesday-Book afghan, se placent les œuvres de Bàyazid Ançâri et d’Akhûn Dorvêza, les deux adversaires irréconciliables sur le terrain du dogme : le premier, hérésiarque et communiste, appelé « le Maître de Lumière », le second, docteur orthodoxe, si profond qu’on l’a nommé « le Maître des Ténèbres », l’un et l’autre possédant un grand prestige sur ceux qui les entouraient, écrivains de talent, ayant en une autorité considérable. Bâyazid Ançàrî est l’auteur du Khair el Bàyan et du Khorpan, il passe pour le père de la poésie afghane mais il n’existe malheureusement plus de lui que quelques vers. Akhûn Dorvèza, dont on connaît jusqu’à cinquante ouvrages, encore inédits, se faisait remarquer par la violence effrénée de son langage. La plus répandue de ses œuvres est le Makzan (Makzani Afghani), histoire des Afghans depuis les origines. L’orthodoxie dont elle se vante est très discutée, et l’on en a la preuvé dans ces mots souvent répétés par les auteurs afghans : « Il y a deux sortes d’impiétés, l’une voilée, celle du Makzan de Dorvèza, l’autre ouverte, celle du Livre de Shaikh Mali et du Khorpàn de Bàyazid. »

 

 

 

 

 

La poésie écrite et classique des Afghans a pour principaux représentants Mirzà Ançàrî, petit-fils de Bàyazîd et Khushhàl Khàn. Cette poésie est née de l’initiation persane, mais supérieure à ses modèles. Plus simples, plus naturels, plus spontanés que le poète du Chîràz (Hàfiz), les lyriques afghans n’ont pas le raffinement des décadents de la Perse, mais leur naïveté n’exclut pas la grâce. Mirzà est mystique et traduit en ses effusions harmonieuses les symboles de l’amour divin, Khushhàl rivalise quelquefois avec lui dans l’art si complexe du symbolisme, mais ce que ce dernier met surtout en œuvre ce sont les thèmes où éclate l’accent des combats. « Quand je levai mon étendard dans le champ de la poésie afghane, s’écrie-t-il, je subjuguai l’empire des mots au galop de mon cheval de guerre.» Après Mirzà et Khushhâl, qui illustra tout le dix-septième siècle, on peut encore citer Mohmand Abdul Rahman, le plus populaire des poètes mystiques, Ahmad Shah qui l’égale de près dans ce genre favori des Orientaux, puis, les conquérants de l’Inde, qui se reposaient de leurs victoires et de leurs exploits en écrivant à leur tour des divans où leurs petits poèmes se rangeaient, comme ceux de Saadi, par ordre alphabétique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Littérature Orale. — Les Chanteurs Populaires.

 

 

 

 

Dans les rues de Kaboul, de Kandahar, de Ghazni, de Héret, tandis que la foule circule affairée ou indifférente, les uns se rendant à leurs quartiers ou mahallas, les autres prenant le chemin du bazar, dont les boutiques attirent les acheteurs, un petit nombre se dirigeant, sunnites ou chiites, vers leur mosquée, voici que tout à coup s’élève une voix imposant silence à toutes les conversations bruyantes et arrêtant tous les pas : un poète-chanteur, un ménestrel ambulant, un dam, comme on dit dans la langue pushtu, commune aux Afghans, a groupé autour de lui un cercle d’auditeurs de tous les rangs et de tous les âges, de toutes les tribus et de tous les Khails ou clans : Pathans aborigènes au beau type régulier et expressif, mollahs au regard rusé, Douranis à la physionomie placide, Shinwaris à l’air farouche, Afridis à l’attitude martiale, le turban fièrement campé sur le coin de l’oreille, le vétement de toile bleue retenu par une ceinture où brillent des couteaux et des pistolets, leur donnant un aspect pittoresque, Kizilbachis ou têtes rouges, reconnaissables au fez qui leur sert de coiffure, Ouzbèkes aux yeux touraniens, Tadjiks lents et lourds révélant leur profession agricole, Arabes, Hindous, femmes pauvres sans voile, femmes riches, cachant leur visage et ornées à profusion de bijoux. Tous prêtent l’oreille et demeurent immobiles, car le chant est la passion dominante de cette population si diverse, et personne ne résiste aux accords du reba‘b dont s’accompagne le chanteur.

 

 

 

 

 

 

Le dum est d’ailleurs respecté. Ceux qui le voient pour la première fois ne savent point si l’homme qui les charme en ce moment et leur fait oublier toutes leurs peines, tant ils sont captivés, n’est pas un maître, un ustàd, célèbre par ses propres chansons qu’on redit a la veillée, à la hujra, avec celles de Khushhâl-Khàn. Et personne n’ignore que parmi ces ustàds il en est plus d’un que l’on invite aux noces des fils de nabab et que l’on comble de présents et d’or. Pourtant, d’ordinaire, le dum, le poète populaire, est de petite race, un artisan, parfois même un ouvrier assez fréquemment un marchand, qui chante pour remplir sa sébile. On en nomme jusqu’à dix qui sont dans ce cas: Muhammad-Din, le tilai ou marchand d’huile, Nûruddîn, le bhâtyârâ ou débitant de boisson, Amànat, le maliâr ou jardinier, Ajam, le dôbî ou blanchisseur. Maqcûd Gal, le tisserand, et d’autres. Chose extraordinaire : on ne les respecte que parce qu’ils sont chanteurs, et quand ils chantent; car, en dehors de ces circonstances, ils ont contre eux leur naissance étrangère : ils ne sont pas Afghans, mais Indiens afghanisés, et lorsqu’ils n’exercent pas le prestige du chant, ils font un métier, ce qui les classe nécessairement dans les races inférieures; 1′Afghan ne connaît, en effet, que deux genres de vie honorable : il est guerrier ou agriculteur. Le mot dum lui-même n’est pas afghan, c’est un terme hindoustani, qui désigne la caste des musiciens, qu’ils soient sédentaires ou errants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Ghazels

 

Si les poètes populaires afghans ne sont pas de race afghane, les formes de leur poésie n’ont point une origine primesautière. Ils les prennent à l’lnde d’où ils viennent eux-mêmes. La plus usitée est le ghazal ou ghazel, qui se compose d’un certain nombre de strophes de deux vers et dont le sujet varie : érotique, bachique ou mystique, quelquefois épique lorsqu’il dit les guerres saintes ou jihads soutenues contre les étrangers (feringhis), quelquefois satirique, lorsqu’il raconte les escroqueries des gens de l’autorité, ou dramatique quand il narre la tragique histoire d’Adam Khàn et de Durkhànî, les Roméo et Juliette de l’Afghanistan, ou les amours de Jalàd et de la fille de Nà-Muslim.

 

 

 

Amour, religion, légende, nouvelle romanesque, politique même, le ghazel, et en réalité la chanson populaire afghane sous toutes ses formes, aborde, comme on le voit, tous les genres; mais ceux qu’on préfère sont le récit historique, qui n’est fréquemment qu’un cri de bataille, l’hymne sainte, la narration légendaire, le poème où le cœur dit son secret au cœur, enfin la ballade où les mœurs du pays ont leur écho.

 

 

 

 

 

 

 

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Guerriers Afghans lors de la seconde guerre anglo-afghane, entre 1878 et 1880

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Chanson Historique

 

 

 

 

 

La chanson historique a un intérêt spécial: elle jaillit des événements, elle éveille dans les imaginations, dans les souvenirs, les faits qui ont récemmentou dans des temps plus reculés ému les tribus. Elle retentit comme un cliquetis d’armes, comme un choc de bataillons, elle enflamme et électrise les esprits, en produisant ces enthousiasmes. Elle reconstruit les cycles des guerres restées célèbres, et des victoires écrasantes tour a tour remportées, et des défaites qui firent rouler les unes par-dessus les autres les dynasties, depuis les Ghaznévides jusqu’à Ahmed-Abdallah, depuis ce fils de Zemaoun jusqu’à Dost-Mohammed, depuis la fin de la monarchie des Douranis jusqu’à Abdurrhaman, qui régnait à la fin du 19ème siècle à Kaboul.

 

 

 

 

Ecoutez le Ghazal de Muhammad-Jàn et sa lutte contre les Anglais:

 

 

Il lutte toujours, ne fuit jamais, l’admirable jeune homme! Il bondit sur les Firangis : son nom est Muhammad-Jàn.

 

 

 

Les Anglais sont venus de Londres dans la pensée de prendre Kabùl, il tire sur eux ses grands pistolets, de seconde en seconde.

 

 

 

Il fait la guerre à ceux qui croient dans la loi du Prophète et lui se couvre d’honneur, il couvre de honte tous les païens.

 

 

 

La place des païens est dans l’enfer Sagar; pour eux profond est l’abîme, étroite est la tombe; ils brûlent dans les flammes éternelles.

 

 

 

Celui qui est monté si haut dans l’échelle des martyrs, couleur de fleur, repose sur son lit dans le Paradis.

 

 

 

Puisque tu dois partir de ce monde, Ô Muhammad-Din, ceins le sang et fais-toi derviche à la porte du Turc glorieux.

 

 

 

Il lutte toujours, ne fuit jamais, l’admirable jeune homme! Il bondit sur les Firangis : son nom est Muhammad-Jân.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Chanson Religieuse

 

 

 

 

 

 

La chanson religieuse et mystique, dont les Afghans sont si amoureux, parce qu’elle répond a la tristesse qui est le fond du caractère de ce peuple pourtant si belliqueux, offre le plus souvent une suite de méditations sur la mort, des appels à la clémence divine, des regrets du passé, des prières, des conseils, quelquefois des légendes sacrées, pareilles aux récits bibliques.

 

 

 

 

Ô fils de l‘homme, le monde s’évanouit; sur la surface de la terre quel est l’homme qui demeure?

Toute fortune et toute richesse est vanité, à. la fin, c’est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

Tu as oublié le Seigneur, mais la tombe est ta patrie.

En rien de ce que tu fais, tu ne fais le bien; mais à la fin c’est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

Grande est ton avidité, tu oublies le Seigneur, tu altères ta nature. mais la tombe est ta patrie, et à la fin c’est le néant, à la fin c‘est le néant.

 

 

 

Fixe ta pensée, adore le Seigneur, accepte ses commandements et contriste Satan.

A la fin c’est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

Quand viendra la mort, ton ami ne te connaîtra pas; tous te seront hostiles et nul ne t’aidera.

Car à la fin c’est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

Tu partiras seul jusqu‘au tombeau, ils te tourneront le dos, prête-moi bien l’oreille ;

A la fin c’est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

Une fois dans le linceul et enseveli dans la tombe, que feras-tu là-bas si à présent tu ne fais le bien ?

A la fin c‘est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

 

Quand la vie durerait mille années, 6 mon ami, elle passera à la fin, si longue qu’elle soit.

A la fin c’est le néant, à la fin c’est le néant.

 

 

 

 

Comme sont partis tous tes amis, toi aussi tu partiras comme eux. Ton lieu est la poussière. Écoute ce conseil de moi :

A la fin c’est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

 

C’est ton heure à présent, tu peux encore ce que tu désires; vite, adore Dieu, renonce à faire le mal.

A la fin c’est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

 

Si tu as de l’or en abondance, il restera tout à tes héritiers; tout le bruit que tu fais n’est que vanité et ta demeure est ta tombe.

A la fin c’est le néant. à la fin le néant.

 

 

 

 

Que tu sois Khan ou Emir, que tu sois pauvre ou fakir, tu trouveras a la fin le linceul quand tu seras couché dans la tombe.

A la fin c’est le néant, à la fin le néant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Ballade Dramatique

 

 

 

 

Cependant cette mélancolie est traversée par des rayons de joie, et, quand l’étreinte des cœurs a cessé, quand le dam a déposé le rebâb, on réclame des chansons moins sombres. Alors il évoque ces figures réelles ou fictives qui parlent à. tous les esprits, jeunes ou vieux, et à la douceur ou à la fierté poétique desquelles on croit fermement. Elles ont au reste presque toute une origine historique qui n’est devenue romanesque que dans le cours des âges, parce qu’elle est peu a peu apparue comme en une vision de rêve.

 

 

La plus populaire de toutes est celle des malheurs d‘Adam Khan et Durkhani. Il faudrait la citer tout entière — et elle est longue — pour en faire Saisir l’intensité dramatique croissant de péripétie en péripétie; mais elle n’est pas la seule qui émeuve a ce point les Afghans. Avec quelle attention soutenue ils entendent le ghazel du Fakir et de la Princesse qui a comme un accent des plus belles ballades de Schiller ou de Hugo!

 

 

 

 

Il était un fakir voyageur, son nom était Fayaz. Dieu lui avait donné le royaume de l‘Hindoustan.

 

 

Le Fakir vint près du roi et lui dit : Salut.

 

 

— Ô Roi, je te demanderai une chose, si tu me garantis la vie ?

 

 

Le roi dit : Je te donnerai Shirinai (ma fille), mais remplis-moi sept puits d’or et apporte-les moi.

 

 

Le Fakir arriva au bord de la mer et s’y agenouilla.

 

 

Toutes les pierres de la mer se changèrent en rubis et en pierres précieuses ; il les chargea sur des chameaux et se mit à en remplir les puits.

 

 

Le Fakir vint au devant du roi et lui dit : Salut ! envoie-moi ta fille, je l‘ai gagnée.

 

 

Le roi répondit : Je te donnerai Shirinai, mais amène la mer au pied de mon château.

 

 

Le Fakir se mit la tête sur les genoux, il était profondément embarrassé. il prit sa hache au manche vert et se mit en route.

 

 

Le Fakir est arrivé au bord de la mer, tout le monde se réunit pour le spectacle.

 

 

Il frappait des coups sur la cime de la montagne, la terre tombait en morceaux et se nivelait.

 

 

Le Fakir était en avant, derrière lui se formait un ruisseau.

 

 

Une vieille femme, pleine de perfidie, s’en alla vers le roi : ô roi, fais tes préparatifs et va-t-en de ton pays.

 

 

Le fakir furieux a amené ici toute la mer; dans quelque temps il va submerger toute la ville.

 

 

La vieille dit à la princesse : 1 Shirinai, donne-nous tes vêtements. »

 

 

Si Dieu le veut bien, je ferai périr ce fakir.

 

 

Elle prit sous le bras les vêtements de la princesse, elle vint et se mit debout devant le fakir.

 

 

Elle lui dit avec ruse : Fakir que ta face soit noircie, Shirinai, la fille du roi, s’en est allée du côté de Dieu.

 

 

Le fakir se dit en son cœur : « C’est par amour que la jeune fille est morte et a quitté ce monde. »

 

 

Et le fakir lui-même mourut de douleur.

 

 

Quand l‘histoire fut. rapportée à Shirinai, aussitôt elle courut auprès du fakir. .

 

 

Bravo! bravo! Shirinâi, fille au cœur décidé! .

 

 

On la releva, elle était froide comme une morte de cent années.

 

 

Ô Mir Afzal (c’est le nom du poète) dans ce monde il n’y a pas d’amis. Il n’y a que mensonge des lèvres, n’-y ajoute pas foi!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Chansons D’Amour

 

 

 

 

Les chansons d’amour sont innombrables. Thème commun a tous les peuples, a tous les poètes, elles n’ont pas chez les Afghans le caractère banal de la romance. mais elles sont cependant, en général, assez monotones. Leur véritable intérêt est dans les procédés mis en œuvre, dans le jeu des métaphores. Procédés et jeu attendus, car il ne faut pas oublier que dans la poésie orientale, comme dans la musique italienne, les artifices sont prévus par l’auditoire, et celui-ci, très raffiné, ne pardonne pas quand on le prive de ce plaisir esthétique qui n’est goûté en Occident que par les délicats, mais qui, à Kaboul, comme à Ispahan, comme à Delhi, est une des jouissances intellectuelles auxquelles l’homme du peuple le moins instruit attache autant d’importance que le savant le plus érudit. Il faut se souvenir aussi que le dum est élevé dans la tradition indienne, que ses amoureux, lorsqu’ils exhalent leurs plaintes sont avant tout des pasticheurs, que le portrait de la bien-aimée est, comme nous dirions, fait de chic, avec les ornements qui brillent dans ses cheveux, les rayonnements de films qui éclairent son front, les grains de beauté qui relèvent la fleur de sa joue et de son menton. Nombreux sont dans la littérature populaire afghane ces chanteurs d’amour, que l’on ne saurait cependant comparer a l’Anacréon de la Perse : Amanat le jardinier, Ajam le blanchisseur, surtout Mira et Muhammad Din Tilai. Mira est un des rares poètes populaires de sang afghan. Son père était un Afridi, mais sa mère était musicienne. ll était absolument illettré et ne savait pas lire, mais il connaissait par cœur une foule de chansons anciennes, et il en improvisait d’autres. Voici la plus renommée de toutes : c’est la fameuse Zakhmai, qui est inoubliable à Kaboul et dans tout l’Afghanistan.

 

 

 

Je suis assis dans l’affliction, percé des poignards de la séparation.

 

 

Elle a emporté mon cœur dans ses serres, aujourd’hui en venant, Khàro; tout doux, tout doux.

 

 

Je suis toujours en lutte, je suis rouge de mon sang, je suis un mendiant.

 

 

Ma vie est une angoisse. Mon amie est mon médecin, je désire le remède : tout doux, tout doux.

 

 

Son sein a la pomme, ses lèvres ont le sucre, ses dents ont la perle; elle a tout cela ma bien-aimée. Elle m’a blessé au cœur et c’est pourquoi je suis plongé dans les larmes; tout doux, tout doux.

 

 

A toi est dû mon service; toi, songe à moi, ô mon amour, à tout jamais.

 

 

Matin et soir je suis couché à ton sanctuaire, je suis le premier de tes cavaliers; tout doux, tout doux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Autres Formes Poétiques

 

 

 

Outre le ghazel, la poésie populaire afghane emploie le car baita ou quatrain, qui se marie souvent avec le ghazel, en commençant par un vers à deux hémistiches rimant ensemble. Viennent ensuite trois hémistiches rimant ensemble. puis un quatrième hémistiche riment avec les vers de début répétés en refrain.

 

 

 Le genre le plus original de la poésie afghane est le miera. C’est un distingue qui exprime une idée, un sentiment et fait tout un poème. Il en est qui ont la beauté d’un lied de Heine ou d’un stornello d’1talie. En voici quelques exemples :

 

 

 

1. Mon honneur et ma réputation, et ma tète et mes biens, je donnerai tout pour les yeux de ma bien-aimée.

 

 

2. Frappez ma tête, pillez mes biens, mais montrez-moi les yeux de celle que j’aime et je donnerai mon sang.

 

 

3. Roses sont tes lèvres, blanches sont tes dents. Tant qu’à te voir les anges du ciel sont confondus.

 

 

4. Je traçai une lettre, j’ai écrit le nom de la bien-aimée. Et mes larmes ont coulé sur le blanc du papier. Va lettre, auprès d’elle, porte mes saluts à la cruelle qui se se soucie pas de moi

 

 

5. Quand de tes lèvres le parfum vient vers moi, c’est le matin qui renaît et je refleuris comme la rose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La Poésie Populaire Traditionnelle Chantée au Proche-Orient Arabe

4052019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qu’est ce que la poésie populaire?

 

 

 

 

Il n’existe aucune définition adéquate de ce que l’on est convenu d’appeler: la poésie ou la musique populaires.Étymologiquement, il s’agirait de la poésie “propre au peuple”. Mais qu’entend-on précisément par “peuple”? Ce mot, de nos jours, prêterait évidemment à de graves confusions. Mais l’on ne saurait, en tout état de cause, exclure du mot “populaire” le sens sociologique qu’il revêt et qui explique l’emploi d’une terminologie caractérisant un art et une littérature. “Populaire” s’oppose à “savant”, “lettré”, “cultivé”.

Il s’agit donc d’un milieu social auquel appartient l’art populaire et au sein duquel, tout au moins dans le passé, il a trouvé naissance.

 

 

 

Mais selon que l’on considère la genèse et l’évolution de l’art populaire en Occident ou en Orient notamment arabe, le problème est différent.

 

 

 

Il paraît certain que, dans les sociétés primitives, il n’y avait pas encore, selon les termes d’un des théoriciens de la poésie du Moyen Age, Gaston Paris, “entre les lettrés et les illettrés, cette distinction terrible, fruit de l’instruction différente, qui sépare aujourd’hui les peuples en deux classes presque étrangères l’une de l’autre, dont la première est à peu près sevrée de littérature, dont la seconde dédaigne et ignore ce qui n’est pas conforme aux règle de ses docteurs”.

 

 

 

En Occident, avec l’apparition de la polyphonie et de l’harmonie, le chant populaire – auquel la poésie populaire est intimement liée – se distingua de plus en plus nettement d’un art plus savant et plus raffiné réservé à la fois aux classes lettrées et aux centres urbains. Ainsi, “la chanson resta le domaine des paysans, tandis que la musique savante fut réservée aux classes élevées et éclairées”. Mais le chant populaire, en raison des conditions sociales, n’ayant pas comme en Orient une vie propre, se figea dans des formules stéréotypées, devenant ainsi, avec tous les vestiges du passé, partie du patrimoine folklorique de chaque pays, de chaque contrée ou de chaque groupe ethnique.

 

 

 

En Orient arabe où le chant et la poésie populaires conservent une vie distincte de la musique et de la poésie dites “savantes ou classiques”, il est difficile de préciser historiquement comment et à quel moment s’est fait la séparation, ou même s’il y a eu véritable séparation.

 

 

 

On ne saurait, en effet, définir le chant et la poésie traditionnels de cette région ni en fixer les caractères. On constate une grande confusion chez les auteurs arabes eux-même quand ils traitent de la poésie ou du chant populaires.

 

 

 

Cette poésie est communément appelée الشعر العامي (la poésie commune ou vulgaire), et, quand il s’agit du chant lui-même: الغناء البلدي ou الأغاني البلدية que l’on pourrait rendre par “chants indigènes ou de terroir”.

 

 

 

Avec le développent de l’étude des arts populaires, les auteurs arabes ont emprunté la terminologie occidentale et appellent الأدب الشعبي la littérature populaire en générale, et الشعر الشعبي la poésie populaire.

 

 

 

Mais, quand il s’agit de désigner plus particulièrement la poésie en langue vulgaire, les auteurs arabes emploient le mot زجل .

 

 

 

Az-zagel est le seul terme que les lexicographes et auteurs arabes aient tenté de définir.

La définition la plus explicite en est donnée par R. Dozy qui dit: “ Zagel: espèce de poème ou plutôt de chanson populaire, dont l’invention est attribuée par quelques-uns à un certain Rachid, mais par la plupart à Abou-Bekr-ibn-Cozmân (Abou-Bekr Mohammed Ibn-Isâ Ibn-Abdelmelik as-Zhrî), de Cordoue, qui mourut en 555. Il est en langue vulgaire, sans désinences grammaticales. La versification en est fondée, non pas sur la quantité, mais sur l’accent, et l’on emploie différents mètres. On en a composé non seulement en Espagne, mais aussi en Égypte”.

 

 

 

 

Plus récemment, le dictionnaire de l’Académie arabe du Caire s’est contenté de donner cette définition: “ الزجل نوع من الشعر تغلب عليه العاميّة : genre de poésie composée en grande peine en langue vulgaire

 

 

 

Par ailleurs, si nous revenons aux définitions plus anciennes des lexicographes arabes, nous trouvons que le Zagel est un des genres de la poésie arabe classique, et non de la poésie populaire en langue dialectale. Ce n’est donc qu’improprement et par extension que le terme Zagel désigne l’ensemble de la poésie populaire.

 

 

 

 

Même quand il s’agit de définir le Zagel pris dans ce sens très large, les auteurs arabes aboutissent à une extrême confusion. Passons sur les définitions qui n’en sont pas et qui déterminent le Zagel selon la racine même du mot: “une poésie dont les strophes se répètent en cadence régulière, comme le bruit du vent….” ou “parce qu’il est un genre de distraction fait de jeux de mots et de rimes….

 

 

 

Même chez Jabbour Abdel-Nour qui nous donna la première étude systématique et valable, illustrée par des textes, sur le Zagel représenté plus particulièrement au Liban, nous cherchons en vain une définition de la poésie populaire arabe en général et du Zagel libanais en particulier. Dans une certaine confusion, J. Abdel-Nour ne se contente pas de présenter comme poésie populaire toute composition faite en langue dialectale, mais la limite presque à l’oeuvre éditée de poètes libanais professionnels, lettrés et même versés dans l’arabe classique, mais qui s’expriment en dialectal. Ne pouvant ignorer la vraie poésie populaire traditionnelle, particulièrement riche au Liban, il aboutit à la conclusion qu’il existe deux ou même plusieurs sortes de Zagel: “le Zagel a cessé donc depuis des années d’être une production mouvante et insaisissable et s’est ramifié en plusieurs branches dont une, la plus importante, s’élabore consciencieusement et raisonnablement en des esprits éclairés et cultivés comme s’il s’agissait de composition classique.les données se compliquent et se mêlent, de sorte que l’enquêteur a devant lui non pas une seule poésie à étudier, mais plutôt deux poésies: la poésie traditionnelle et la poésie nouvelle dont les caractéristiques, la formes, le fond et la technique sont si opposés qu’on croirait qu’elles appartiennent à des langues différentes….

 

 

 

 

Malgré son ambiguïté et son caractère vague, la définition qu’a tenté de donner du chant populaire le Congrès de musique arabe tenu au Caire en 1932 semble plus proche de la vérité. Ce Congrès, où se trouvaient associés musicologues, ethnologues, linguistes arabes et orientalistes arabisants, a eu le premier mérite d’attirer l’attention du monde arabe sur l’existence d’une littérature populaire nettement distincte de la littérature classique: “ La commission des enregistrements a décidé d’indiquer l’intérêt que lui semble présenter la musique campagnarde et les chansons liées à la vie de chaque jour. Au-delà de la musique raffinée des cités, existent des musiques simples (chants de travail, de bateliers, berceuses, cris des rues…). Ces chants sont souvent mal connus. Avec l’évolution rapide actuelle, ils risquent de se perdre. Ils n’ont pas seulement l’intérêt d’être d’ancienne tradition nationale: par leur archaïsme, ils peuvent permettre de mieux comprendre la musique classique.

D’une composition facile, et que le peuple peut répéter aussitôt qu’il les entend, ces chants ont pour but de propager les bonnes mœurs et d’aider les ouvriers dans leurs travaux…..”

 

 

Alors que Jabbour Abdel-Nour présente comme caractéristique essentielle de la poésie et du chant populaire appelé Zagel, l’usage du dialectal, ici on insiste sur le caractère ancien et le cachet de simplicité qui séparent le chant populaire de la musique classique.

Ceci nous amène à nous demander quels sont les critères qui permettent de placer la poésie populaire dans son contexte véritable?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 La Poésie Populaire Traditionnelle Chantée au Proche-Orient Arabe dans Littérature

Le premier Congrès de musique arabe – Caire en 1932

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Caractéristiques de La Poésie Populaire

 

 

 

 

 

 

 

Posons tout d’abord comme principe général, ressortant des travaux des historiens et théoriciens qui se sont penchés sur les origines et les structures du chant et de la poésie populaire, que vers et mélodie sont associés de manière indissoluble, de sorte que ce que nous disons ici de la chanson, ou de la musique populaire arabe, s’applique, dans notre esprit, à la poésie de même nom: “La chanson est la première forme sous laquelle les peuples naissants ont conçu la poésie et la musique. Vers et mélodies sont nés ensemble d’une même inspiration, engendrés en quelque sorte l’un par l’autre et d’abord inséparables. Le vers n’est-il pas l’intermédiaire naturel entre la parole et le chant, lui qui possède de ce dernier l’élément vital par excellence, le rythme?….Toute poésie primitive est chantée…..”

 

 

 

 

Simplement, ce qui est vrai de l’art populaire en Occident s’applique encore davantage à l’Orient arabe dont le langage poético-musical garde, en l’absence du développement harmonique et symphonique et en raison de la primauté incontestable de la tradition orale, cette fraîcheur primitive dont parlent les musicologues.

 

 

 

Cependant, la monodie et l’homophonie continuant à réagir aussi bien la musique “savante ou classique” arabe que le chant populaire, il n’est pas si facile d’arriver à les distinguer. Il est pourtant nécessaire d’avoir un critère si l’on veut éviter de graves erreurs dans l’attribution des sources et l’interprétation de l’expression mélodique et poétique, comme il arrive assez souvent.

 

 

 

Un premier indice peut être trouvé dans l’emploi de la langue classique ou littérale et de la langue vulgaire. La poésie populaire est, en effet, uniformément en dialectal.

 

 Ce critère est essentiel, mais non absolu. En effet, la musique savante moderne, surtout dans ses formes légères, se sert de l’arabe dialectal plus que du littéral. En outre, en marge de la poésie populaire traditionnelle en dialectal, s’est développée, dans certains centres arabes, une littérature dialectale due à des poètes classiques ou du moins très aptes à manier l’arabe littéral, et qui emprunte à la poésie populaire certaines de ses formes. Tel est le cas, notamment au Liban, d’une abondante littérature en dialectal connue, sous le titre général de Zagel, et qui est en réalité un “Zagel savant”, destiné le plus souvent à la lecture ou à la déclamation, et dans lequel la fantaisie créatrice de l’auteur se donne libre cours, empruntant tantôt à la poésie classique, tantôt à la poésie populaire, mêlant les formules et les genres et se présentant en fait comme un art indépendant. Notons que de distingués poètes classiques peuvent exceller dans cet art: il n’est que de citer, pour le Liban, des poètes comme Saïd Aql et Michel Trad, ou pour l’Égypte Bayram At-Tunusi et Salah Gahin.

 

 

 

 

 

 

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Le critère du dialectal et du littéral n’étant pas à lui seul suffisant, pourrait-on dire que le chant populaire se distingue du chant classique par des rythmes et des airs simples, ou des thèmes puisés dans la vie du peuple?

 

 

 

Ici encore, nous risquons des confusions auxquelles pourrait donner lieu une certaine littérature poético-musicale que nous qualifierons d’égypto-arabe. Celle-ci en effet, probablement dans le souci de trouver plus facilement accès auprès des masses, imite la musique populaire en parodiant non seulement ses rythmes et ses airs, mais également ses particularismes phonétiques, nous offrant ainsi des sortes de chansons “simili-populaires” improprement appelés “chants indigènes”: أغاني بلديّة .

 

 

 

Réservons cependant une place à part pour une certaine littérature que nous pourrions appeler “néo-populaire” et qui est dûe à d’authentiques poètes et musiciens du peuple pénétrés des anciennes traditions du chant folklorique, mais soucieux de les adapter aux conditions et aux soucis de leur milieu contemporain. Il s’agit là d’une forme moderne du chant populaire qui a sa valeur propre mais ne doit pas être confondue avec le chant traditionnel. Tel est le cas, par exemple, des compositions de Sayed Darwiš en Égypte, et de Umar Za’enni au Liban, pour ne citer que deux des anciens et des plus distingués créateurs de ce genre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 Sayed Darwiš

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il paraît plus exact de dire que la poésie populaire de l’Orient arabe doit être recherchée et trouvée à sa source la plus pure, là où elle est restée à l’abri des influences étrangères: le désert, la montagne et la campagne. Ce sont les Bédouins: nomades, semi-sédentarisés ou sédentaires, les fellahs et les montagnards qui semblent avoir le mieux gardé leurs coutumes et leurs traditions séculaires. Leurs chants nous servent de modèles.

 

 

 

L’observation de l’état actuel de ces chants et l’étude de leurs formes et de leurs structures poétiques et mélodiques permettent de résumer en quelques points les caractéristiques essentielles de la poésie populaire arabe:

 

 

 

 

 

1.Le chant populaire est essentiellement chose impersonnelle. En l’absence de documents écrits, il est impossible d’en dire les origines, d’en connaitre les auteurs véritables.

 

 

 

 

2.Il se transmet principalement par la voie de la tradition orale. Même, si quelques documents écrits nous sont parvenus et si, ces derniers temps, les publications de certains recueils de poèmes commencent à faire leur apparition, c’est la mémoire populaire qui demeure la principale gardienne du patrimoine poético-musical arabe. C’est elle qui fait, en vertu d’un éclectisme d’instinct, la sélection entre ce qui est appelé à rester et ce qui, tôt ou tard, doit tomber dans l’oubli.

 

 

 

 

 

 

3.La poésie populaire chantée se présente, en outre, sous deux aspects qui paraissent, à première vue, contradictoires, mais qui en réalité se complètent: elle comporte des formules-types, selon des structures métriques, rythmiques et mélodiques stéréotypées, auxquelles doivent se conformer poètes et chanteurs de tous les temps et de tous les âges. Mais elle reste en même temps le fruit de l’improvisation, et appartient pratiquement à une sorte de fonds commun que les générations de poètes et chanteurs viennent enrichir, mais où chacun peut puiser son inspiration.

 

 

 

 

 

 

4.Enfin, au centre de toute poésie populaire se trouve le ša’er, شاعر : poète-improvisateur-chanteur, personnage pittoresque et attachant du folklore de l’Orient arabe.

En Occident, où l’époque des troubadours, trouvères et ménestrels appartient déjà à un passé lointain, il peut paraître anachronique d’entendre parler de la survivance de cette tradition sous une forme actuelle. Or, c’est justement au ša’er que la poésie populaire doit de rester toujours aussi vivante, telle une “caisse de résonance faisant écho à la poésie de langue classique, et s’appliquant, à l’instar de cette dernière, à garder le contact avec l’actualité.

 

 

 

Le ša’er populaire ne fait pas profession officielle de poète ni d’écrivain. C’est un obscur Bédouin, paysan ou montagnard, qu’aucune instruction ou éducation littéraire et musicale ne distingue des autres. Il est berger, chamelier, laboureur, petit artisan ou simple ouvrier lorsque la disette le pousse vers la ville. Comment arrive-t-il à composer des vers et à les chanter? Il a appris au contact de quelque vieux ša’er à aimer passionnément le folklore de son pays, de sa tribu ou de son village, puis le don de dire des vers et de les chanter a surgi du fond de lui-même, comme sous l’effet “d’une révélation venue de Dieu”, nous répondent-ils quand on leur pose la question. Et ainsi, il n’est pas rare de voir des šu’ara affirmer leur talent dès leur jeune âge et se passionner pour le chant du terroir sous l’oeil attendri et fier des vieux aînés.

 

Le Mont-Liban, qui possède un des patrimoines folkloriques les plus riches et les mieux conservés, nous offre assez fréquemment l’exemple de ces jeunes talents, tel le M’anna, dans le petit village de Bqerqasa, village de la montagne du Liban-Nord habité en majeure partie par des chrétiens grecs-orthodoxes. La violence des sentiments qui sont exprimés dans ce poème d’amour peut évidemment surprendre chez un ša’er encore enfant. Mais nous sommes là dans un domaine où il est impossible de faire la part de la tradition et de la création personnelle, de la mémoire et de l’imagination. Le ša’er ne sait peut-être pas lui-même si ce qu’il chante est de sa propre composition ou s’il ne lui vient pas inconsciemment des réminiscences d’autres šu’ara dont il a subi l’influence et retenu les vers.

 

 

 

 

C’est cette tradition vivante – en fait toute la poésie populaire de l’Orient arabe- qui devient le creuset où sont éprouvées les compositions du ša’er et où se forme une littérature à la fois poétique et musicale dans laquelle l’ancien et le moderne se confondent. Il devient ainsi difficile de distinguer le ša’er: poète-improvisateur, du Qawwal, celui qui récite des vers, ou du mughanni: chanteur qu’une mémoire prodigieuse a fait le fidèle interprète des compositions traditionnelles.

 

 

 

 

 

 

Ainsi, n’ayant aucune prétention littéraire, ignorantes de toutes les règles de la rhétorique et de la syntaxe, n’étant ni recueillies ni publiées, ces compositions naissent on ne sait trop comment, sans nom d’auteur, libres de toute appartenance et patrimoine de tous. Elles se contentent de rester fidèles à leur petit coin d’origine qu’elles ne quitteront peut-être jamais, à moins qu’elles ne débordent les frontières locales, allant de village en village, de pays en pays, adaptées ou tronquées quelquefois, enrichies le plus souvent d’un couplet ou d’un refrain qui se transmettront de génération en génération.

 

 

 

 

L’important n’est pas de connaître leurs auteurs, mais de savoir surtout qu’elles ont jailli du plus profond de l’âme, qu’elles constituent comme les archives orales et vivantes de l’histoire du Bédouin, du fellah, du montagnard ou même du simple homme du peuple dont elles relient le passé au présent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Abbaïkwytsykk – conte populaire ossète* –

5022019

 

 

 

 

 

 

 

 

Abbaïkwytsykk – conte populaire ossète* –  dans Littérature 1544192818-800px-ramonov-vano-ossetin-northern-caucasia-dress-18-century

Ossète du Nord Caucase dans un costume du xviiie siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un prince avait une fois six serviteurs. L’un d’eux se nommait Abbaïkwytsykk. Le prince n’employait ce serviteur que pour aller à la chasse, et les cinq autres – pour les travaux de la maison. Le prince préférait Abbaïkwytsykk aux autres, et lui les regardait de haut. Un jour, les cinq serviteurs vinrent trouver le prince et lui dirent :

 

-          Là-bas derrière la montagne, vit un géant, et il a un cheval qui parle. Si Abbaïkwytsykk est si bon que cela, eh bien, qu’il te l’emmène !

 

Le soir, Abbaïkwytsykk revint de la chasse ; il portait des dépouilles d’animaux. Il ôta leurs entrailles, fit des brochettes avec la viande et les posa devant le prince. Mais non, le prince ne toucha pas aux brochettes. Alors Abbaïkwytsykk lui demanda :

 

-          Qu’as-tu, tu ne manges pas, mon prince ?

 

 

Lui resta silencieux un long moment, puis dit :

-          Là-bas, derrière la montagne, vit un géant. Il a un cheval qui parle…si tu me l’apportais !

 

 

Abbaïkwytsykk en fut tout saisi et dit :

-          Celui qui t’a dit cela, puisse sa chance en ce monde ne rien lui apporter de bon. Mais assieds-toi, mange. Il se trouvera bien une solution.

 

 

 

Le prince s’assit et ils mangèrent ensemble. Lorsqu’il eut fini de manger, Abbaïkwytsykk se leva et partit pour la montagne. Il alla, il alla et traversa un pont tout mince. Il parvint à la maison du géant. Il entra dans la cour. Il regarda, mais les portes étaient fermées de l’intérieur. Abbaïkwytsykk inspecta tous les côtés de l’étable, et sur l’un d’eux trouva un petit trou. Abbaïkwytsykk se changea en grain de blé, se glissa dans l’étable par ce trou et dit à l’oreille du cheval :

 

-          Et maintenant, si je te conduisais là où tu pourrais voir la face du ciel, là où tu mangerais de l’herbe verte, là où tu serais lavé avec du savon, hein ?

 

 

Le cheval s’écria alors :

Alerte, Abbaïkwytsykk m’enlève !

 

 

 

Le géant sauta de son lit, se précipita dans l’étable, mais Abbaïkwytsykk se transforma en grain de blé et roula dans les balayures. Le géant mit tout ses dessus dessous, et comme il ne trouva rien, il s’en fut et retourna se coucher.

 

 

 

Abbaïkwytsykk revint au cheval et lui dit à l’oreille :

-          Il est curieux que tu n’en aies pas assez de cet endroit. Moi, je te conduirai là où tu verras la face du ciel, où tu mangeras de l’herbe verte, où tu seras lavé avec du savon !

 

 

 

Le cheval n’était pas d’accord, mais Abbaïkwytsykk tira sur sa bride.

-          Alerte, Abbaïkwytsykk m’enlève ! s’exclama le cheval.

 

 

 

Le géant tiré à nouveau de son sommeil s’élança, tourna et vira, mais ne trouva personne dans l’étable.

 

Abbaïkwytsykk en effet s’était transformé en grain de blé et avait roulé dans les balayures. Alors le géant prit un balai et l’abattit sur les flancs du cheval, et lui-même s’en fut et se recoucha.

 

Abbaïkwytsykk revint au cheval et lui dit à l’oreille :

-          Eh bien, si tu avais été d’accord, tu n’aurais pas été battu ? Et à présent, si je te conduisais là où tu verrais la face du ciel, là où tu mangerais de l’herbe verte, où tu serais lavé avec du savon, n’y serais-tu pas mieux ?

 

 

 

Alors le cheval lui dit :

-          Maintenant, je viens.

 

 

 

Et Abbaïkwytsykk tira sur sa bride et l’enleva.

Lorsqu’ils arrivèrent au pont, le cheval le frappa de sa patte arrière, et le pont s’écroula.

Quand ils furent tous deux de l’autre côté, le cheval s’écria encore :

-          Alerte, Abbaïkwytsykk m’enlève !

 

 

Mais à ce cri d’alarme, personne ne se montra. Abbaïkwytsykk conduisit le cheval devant le prince.

 

Le lendemain, Abbaïkwytsykk s’en alla à la chasse. Le soir, il rapporta la dépouille d’une bête, ôta les entrailles, fit des brochettes avec la viande et les posa devant le prince. Mais le prince ne mangeait pas. Abbaïkwytsykk lui demanda alors :

 

-          Pourquoi ne manges-tu pas ?

 

 

Le prince lui dit :

-          Celui qui avait le cheval possède encore un chaudron qui bout seul et une fourche à viande qui prend seule les morceaux.

 

-          Celui qui te l’a dit, puisse Dieu ne pas lui pardonner !

 

Assieds-toi, mange, il se trouva bien une solution à cela aussi.

Ils s’assirent et mangèrent ensemble.

 

 

 

Abbaïkwytsykk se leva, se mit en route et parvint à la maison du géant. Il vit que les portes étaient fermées de l’intérieur. Il tourna autour de tous côtés et voici qu’il trouva une petite fente. Abbaïkwytsykk se transforma en grain de blé ; il se glissa par la fente, ouvrit les portes, chargea le chaudron et la fourche à viande sur ses épaules et les apporta au prince.

 

Le lendemain, Abbaïkwytsykk alla à la chasse. Le soir, il rapporta la dépouille d’une bête, ôta les entrailles, fit des brochettes avec la viande et les posa devant le prince. Mais le prince ne mangeait pas. Abbaïkwytsykk lui demanda alors :

 

-          Pourquoi ne manges-tu pas, mon prince?

 

 

Le prince lui dit :

 

 

 

Abbaïkwytsykk lui demanda alors :

 

-          Et lui-même il ne me mangea pas ? Assieds-toi, mange, il se trouvera bien quelque solution à cela aussi.

 

Le prince mangea.

 

 

 

Abbaïkwytsykk partit, et il alla crier :

-          Malheur, Abbaïkwytsykk est mort !

 

 

 

Alors le géant dit à sa femme :

-          Va voir, il y a quelqu’un qui crie en bas qu’Abbaïkwytsykk est mort.

 

 

 

Le géant n’attendit pas la réponse de sa femme, mais se précipita lui-même et trouva Abbaïkwytsykk en train de couper un arbre dans le bois.

 

-          Et que fais-tu avec ça ? lui demanda le géant.

 

 

 

Il lui dit :

-          Abbaïkwytsykk est mort et voici que je lui fais un cercueil.

 

 

 

Lorsqu’il eut fini le cercueil, il dit au géant :

- couche-toi dedans, que je voie s’il est bon ?

 

Il s’y coucha, s’y étira de tous côtés et le fit éclater. Alors le géant s’en alla lui-même à un gros arbre, le coupa et en fit un cercueil. Lorsque le cercueil fut prêt, Abbaïkwytsykk dit au géant :

 

-          Eh bien maintenant, couche-toi dedans. Je voudrais aussi voir le couvercle.

Et il y posa le couvercle.

 

 

Puis il lui dit :

-          J’y planterai aussi les clous.

 

Et il y planta les clous. Ainsi quand il n’eut plus à craindre le géant, il le chargea sur ses épaules et le livra au prince. Il entra et dit au prince :

 

-          Je t’ai apporté le géant, mon prince, et quand tu te lèveras demain, cherche-le. Moi, je pars à la chasse demain de bon matin.

 

 

 

Lorsque le prince se leva le lendemain, il chercha dans les coins et trouva le cercueil. Abbaïkwytsykk, lui, n’était pas parti à la chasse, mais avait grimpé sur le toit de sa maison à trois niveaux et il regardait de là-haut.

 

Quand le prince souleva le couvercle du cercueil, le géant en bondit et l’avala, après quoi il fureta dans les coins et dévora les autres membres de la maisonnée.

 

Qaund il vit Abbaïkwytsykk en haut de ses trois étages, il lui dit :

-          Comment as-tu grimpé, eh ?

 

 

 

Il lui répondit :

Toutes les pierres que j’ai trouvées par terre, le les ai empilées, et j’ai grimpé là-dessus.

 

 

Alors le géant empila les unes sur les autres toutes les pierres qu’il trouva, et lorsqu’il parvint à la moitié de la hauteur, Abbaïkwytsykk lui dit :

-          Saute, maintenant, et je t’attraperai.

 

 

Le géant sauta, mais pas assez haut, et il tomba à grand bruit sur le sol et s’écrasa par terre. Abbaïkwytsykk descendit de ses étages. Tous les biens du prince lui revinrent, et il vit et mange là-dessus aujourd’hui encore.   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       

 

* : les Ossètes sont l’un des nombreux peuples du Caucase, cet isthme montagneux qui s’étend entre la mer Noire et la mer Caspienne et a de tous temps frappé les observateurs par sa diversité ethnique et linguistique. Ils résident dans la partie centrale de la chaîne, à cheval sur les deux versants. Du côté septentrional, la République d’Ossétie du Nord–Alanie est l’un des membres de la Fédération de Russie. Du côté méridional, l’Ossétie du Sud, intégrée à la Géorgie à l’époque soviétique, s’en est séparée en 1992 et forme un Etat indépendant de fait dont le statut définitif n’est pas fixé.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 




La Vertu D’une Femme – Conte Turc -

23122018

 

 

 

 

 

La Vertu D'une Femme - Conte Turc - dans Littérature 1541407011-orientalisme14-portaels-maxi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les livres d’histoires véridiques racontent que dans le Turkestan autrefois vivait un pieux homme nommé Saliah, qui avait épousé une douce femme nommée Merhuma. Un jour, il résolut de faire le pèlerinage du Hedjaz pour visiter le tombeau du Prophète et la Kaabah.

 
 
 

 

 

Pour ne pas laisser seule sa chère Merhuma pendant sa longue absence, il la conduisit chez son frère, la recommandant, avec une vraie tendresse de cœur, à sa protection et à ses bons soins. Au moment de son départ, il la lui recommandait encore.

 

 

 

Pour justifier la confiance dont il était honoré, ce frère, nommé Ferradi, se rendait chaque jour dans l’appartement occupé par la jeune femme, s’informant avec une affectueuse sollicitude de ses désirs et de ses besoins. Elle était selon la loi musulmane toujours voilée devant lui, et il ne l’avait jamais vue. Un jour, comme il entrait chez elle à l’improviste, il la vit par hasard dans toute sa beauté et en devint aussitôt amoureux. Le démon s’empara de lui et son coupable amour s’accrut de telle sorte qu’il ne pouvait plus le réprimer.

 

Un jour qu’il se trouvait seul avec son innocente belle-sœur il lui fit l’aveu de sa passion, la conjurant d’avoir pitié de lui, et de céder à ses transports.

 

Merhuma alors, se levant indignée, lui dit:

 

« Misérable, n’as-tu donc aucune crainte de Dieu, et aucun respect pour la loi de Mahomet, l’élu, le maître, la gloire des enfants de la terre? Comment as-tu pu m’adresser ta honteuse demande? Va, retire-toi, et renonce à ton rêve insensé. Jamais je ne me livrerai au péché. Jamais une tache ne sera faite à ma pureté.

 

 S’il en est ainsi, s’écria Ferradi en fureur, si vous ne pouvez pas même me laisser quelque espoir, malheur à vous. Un jour viendra où vous vous repentirez de vos rigueurs, mais il sera trop tard. Vous serez livrée à la risée de ce monde. Vous serez perdue. »

 

Il sortit en proférant ces féroces menaces. La brave femme lui défendit de jamais reparaître devant elle, et dit : « Quoi qu’il arrive, rien ne me détournera de mon devoir et Dieu m’aidera. » Puis elle se retira au fond de son appartement et en ferma la porte.

 

Ferradi, dans sa rage, oubliant tout sentiment d’honneur et de devoir, ne songeait qu’à faire périr la charmante créature dont la beauté l’avait ébloui et dont il n’avait pu subjuguer la vertu.

 

Pour accomplir son horrible projet, il eut recours à quatre hommes dont il connaissait la bassesse. De concert avec eux, il porta devant le tribunal une plainte en adultère contre sa belle-sœur. Les quatre scélérats jurèrent par le Coran qu’ils avaient été eux-mêmes témoins du crime.

 

L’infortunée Merhuma, sans appui, sans défense, fut, selon la loi, condamnée au dernier supplice, conduite en pleine campagne et lapidée.

 

Les bourreaux la laissèrent sur le sol, la croyant morte. Mais le Tout-Puissant lui avait conservé la vie. Le soir, elle se releva dans le sang qui l’inondait, et invoqua le secours du ciel : « O Dieu! dit-elle, toi qui vois tout et sais tout, tu sais que je suis une pécheresse, que j’ai souvent négligé d’accomplir mes devoirs religieux; mais jamais je n’ai commis le crime dont j’ai été accusée. Non. Ma robe d’innocence n’a point été souillée, et il n’y a nulle tache sur le miroir de mon existence. Protège-moi, mon Dieu. Délivre-moi de mes ennemis. »

 

Sa prière fut exaucée.

 

Un bédouin chevauchant à quelque distance entendit ses plaintes, s’approcha et l’interrogea. Elle lui dit toute son histoire, et il se hâta de la tirer du monceau de pierres où elle était à moitié ensevelie. Mais quand il vit sa figure, ce modèle de beauté, cette perle sans pareille, il se sentit aussitôt exalté par une pensée d’amour, et il dit sincèrement:

 

 Voulez-vous que je vous épouse?

 

Y a-t-il, répliqua-t-elle, une religion qui permette à une femme d’avoir deux époux? J’en ai un qui est loin de moi, mais qui reviendra quand il aura fini son pèlerinage à la Mecque. »

 

Le bédouin, qui était un fidèle musulman craignant Dieu, lui dit alors :« Eh bien! venez et n’ayez peur. Je vous emmènerai dans ma maison comme une sœur et quand votre mari reviendra, je vous remettrai entre ses mains. »

 

Ainsi fut fait. L’honnête bédouin emmena la pauvre condamnée et la présenta à sa femme en lui disant de quelle façon il l’avait trouvée. Cette femme aussi eut pitié de Merhuma. Elle lui fit affectueusement une place à son foyer et la traita ainsi que son mari comme une sœur.

 

Par malheur, il y avait dans la demeure du charitable bédouin un esclave pervers qui en voyant Merhuma devint amoureux d’elle et cyniquement lui fit l’aveu de son amour. Il fut repoussé comme il le méritait, et il jura de se venger.

 

Une nuit, il égorgea le fils de son maître, un enfant au berceau, cacha son poignard ensanglanté sous l’oreiller de Merhuma et tacha de sang la robe qu’elle portait chaque jour.

 

Le matin, l’Arabe embrassa avec une douleur frénétique le cadavre de son fils, puis jeta par terre la malheureuse Merhuma et il voulait la tuer. Elle réussit cependant à lui raconter ce qui s’était passé entre elle et l’esclave, et il lui dit : « Je vous crois; et le coupable expiera son crime. Mais pour vous que faire? Ma femme adorait cet enfant. J’ai peur que, malgré votre innocence, elle ne vous prenne en haine. Mieux vaut vous éloigner. »

 

Il lui remit, pour son voyage, quatre cents drachmes, et elle partit.

 

Elle voyagea tout le jour, et, le soir, arriva près d’une ville dont les portes étaient fermées. Elle s’agenouilla au pied des remparts, fit sa prière, puis s’endormit. Le lendemain, en entrant dans la cité, elle vit une quantité de gens réunis autour d’un jeune homme que l’on conduisait à l’échafaud. Elle demanda quel crime il avait commis. On lui répondit que, ne pouvant payer l’impôt, il devait, selon les ordres du roi, être pendu.

 

« Et à combien, dit-elle, se monte cet impôt?

 

A quatre cents drachmes.

 

Les voici. »

 

C’était tout ce qu’elle possédait.

 

Le jeune homme dont elle sauvait la vie par cette générosité, vint se jeter à ses pieds pour la remercier, et en se relevant et en la voyant si belle, il se sentit saisi d’un sentiment d’amour si ardent et si fort, qu’il ne pouvait ni le dissimuler ni le comprimer. De nouveau, il se précipita à ses pieds et la conjura d’avoir pitié de lui.

 

Elle lui reprocha d’un ton sévère son audace, lui dit qu’elle était mariée et que rien ne pourrait la détourner de sa foi conjugale. Il ne se laissa point déconcerter par ces fermes déclarations. Il continua à lui dire qu’il l’aimait, qu’elle devait aussi l’aimer, et voyant que ses soupirs et ses supplications étaient inutiles, il en vint aux menaces.

 

« Malheureux! s’écria-t-elle, est-ce ainsi que vous me remerciez de vous avoir délivré de l’échafaud?

 

Plût au ciel, répliqua-t-il, que vous m’eussiez laissé mourir. Mieux vaut la mort que le tourment d’amour. »

 

Elle se dirigea vers un navire qui allait partir pour une région lointaine. Il la suivit. Quant elle fut sur le pont du bâtiment, il essaya encore de l’attendrir; puis voyant qu’elle restait inflexible, tout à coup il s’écria:

 

« Cette femme est mon esclave; je veux la vendre. »

 

Le capitaine du navire la prit sans marchander pour dix pièces d’or.

 

Il était amoureux d’elle et pensait qu’elle devait, comme une esclave, lui être entièrement soumise. Si pourtant elle l’exigeait, il était décidé à l’épouser. Mais elle lui répondit:

 

« Je ne suis point esclave, et j’ai un mari. Je n’en accepterai pas un autre. »

 

Trompé dans son espoir, emporté par la colère, il voulut, pour l’assujettir à sa volonté, employer la violence.

 

Dans son épouvante, elle cria de telle sorte, que tous les gens de l’équipage accoururent, et tous en la voyant en devinrent amoureux. Tous étaient jaloux du capitaine; jaloux l’un de l’autre. Une lutte terrible s’engagea entre eux pour la conquérir.

 

Merhuma levait les bras au ciel, et disait:

 

« Oh! Dieu, toi qui as noyé l’armée de Pharaon dans les flots de la mer, et sauvé Noé du déluge, tu vois mon péril, tu vois ma douleur. Délivre-moi, Seigneur, afin qu’au jour du jugement dernier j’apparaisse sans tache dans la vallée de Josaphat. »

 

Alors éclata la colère de Dieu. Les vagues tout à coup se soulevèrent, comme si le fond de la mer était tout entier bouleversé. Un éclair flamboyant sillonna les nues, puis la foudre anéantit le sauvage capitaine et ses matelots. Merhuma resta seule en vie. Puis l’ouragan s’apaisa et une douce brise poussa le navire sur la plage d’une royale cité.

 

En descendant à terre, au milieu d’une foule surprise de voir un bâtiment sans capitaine et sans équipage, elle demanda à être conduite près du souverain.

 

A ce prince, qui était juste et bon, elle raconta toute son histoire. Il l’écouta avec une cordiale émotion, avec des larmes dans les yeux, puis il lui dit:

 

« Que puis-je faire pour vous? »

 

Elle lui répondit:

 

« Le navire qui m’a amenée ici renferme une quantité d’or, de pierres précieuses et de riches étoffes. Vous pouvez prendre possession de ces trésors. C’est la Providence qui vous les envoie. Je voudrais que vous eussiez la bonté à en employer une partie à me faire bâtir un cloître, où je me consacrerai au service de Dieu jusqu’à la fin de mes jours. »

 

Sa demande fut pleinement agréée. Les ouvriers aussitôt se mirent à l’œuvre. Le cloître fut institué comme elle le désirait. Elle y entra protégée et honorée par le souverain.

 

Bientôt son nom devint célèbre. On proclamait au loin la vertu de la jeune religieuse, et l’on disait que Dieu exauçait ses prières. De toutes parts, on sollicitait ses conseils ou ses prières. Des malades, des estropiés venaient implorer son secours, et s’en retournaient guéris.

 

Pendant qu’elle se signalait ainsi par sa piété et ses miracles, Saliah revenait de son pèlerinage au tombeau du prophète, et, dès son arrivée, courait chez son frère pour y retrouver sa chère femme.

 

« Hélas! lui dit d’un ton hypocrite le scélérat, ne parlons plus de cette malheureuse. Elle a, par sa honteuse conduite, souillé ton nom, souillé ma demeure. Lorsque son crime a été découvert, le juge l’a, selon la loi, condamnée à mort, et la sentence a été immédiatement exécutée. »

 

Ces paroles affligèrent profondément Saliah, car il avait une tendre affection pour Merhuma. «Mais que faire? se dit-il avec la résignation du musulman. C’était écrit. »

 

Cependant la justice suprême allait se manifester; la justice de Dieu, pour qui rien n’est caché. L’infâme Ferradi fut frappé de cécité. Il eut recours à tous les médecins. Pas un ne put le guérir. Son mal même s’accrut. Il entendit alors parler de cette sainte femme, qui, par ses prières, opérait des prodiges. Il résolut d’aller l’invoquer, et il pria son frère de l’accompagner.

 

Chemin faisant, les deux voyageurs rencontrèrent le généreux bédouin. L’abominable esclave, dont il ignorait encore le crime, était à moitié paralysé et la lèpre lui rongeait le corps. Le bon Arabe voulait le conduire aussi près de la puissante religieuse, et il s’associa aux deux frères pour faire ce pèlerinage.

 

Le jeune homme que Merhuma avait sauvé de l’échafaud était atteint aussi d’une maladie affreuse, pour laquelle les hommes de la science ne trouvaient aucun remède. Comme nos pèlerins passaient par la ville où il demeurait, ses parents les prièrent de vouloir bien l’emmener avec eux et, par charité, ils y consentirent.

 

Dès qu’ils furent arrivés dans la ville où Merhuma avait débarqué, ils se dirigèrent vers le couvent qu’elle habitait. Le premier jour, ils ne purent pénétrer à travers la foule de malades qui encombrait les avenues de l’édifice. Le lendemain, ils revinrent de bonne heure. Merhuma, à travers le voile qui lui couvrait la figure, les reconnut, sans qu’il leur fût possible à eux-mêmes de la reconnaître. Elle remercia la Providence qui lui donnait ainsi le moyen de démasquer l’imposture et de mettre au grand jour la vérité. Puis, se tournant vers les trois infirmes, elle leur dit;

 

« Il a plu à Dieu d’accorder à une humble femme un pouvoir extraordinaire, le pouvoir de guérir les malades, même ceux qui semblent menacés d’une mort imminente. Mais ce n’est pas ici que je veux prier pour vous. C’est dans le palais du sultan. Nous allons nous y rendre. »

 

Elle fit aussitôt demander au prince une audience solennelle.

 

Comme il avait pour elle une haute estime, il convoqua immédiatement les ministres et les principaux personnages de sa capitale, généraux et magistrats et les savants et les ulmas. Tous se rangèrent selon leur titre dans la grande salle du divan.

 

Merhuma s’avança modestement au milieu de cette assemblée. Dès que le sultan la vit venir, il alla à sa rencontre, et la conduisit à une place d’honneur.

 

Elle fit alors comparaître Ferradi et l’esclave du bédouin, et le jeune homme qui l’avait vendue; puis, s’adressant au prince et à ses hauts dignitaires, elle dit:

 

« Voici trois infirmes qui, n’ayant pu être guéris par les médecins, sont venus solliciter mon secours. Si Dieu le permet, je les soulagerai; mais je ne prierai point pour eux avant qu’ils aient confessé le mal qu’ils ont fait, et quels crimes ils expient par leur maladie. »

 

Les trois coupables baissaient la tête et gardaient le silence.

 

« Parlez, leur dit-elle, si vous voulez que je prie pour vous. Je n’exige point votre confession pour le plaisir de dévoiler le secret de vos fautes, mais pour montrer la puissance de Dieu.

 

Parlez donc, ajouta-t-elle, en frappant du pied, sinon n’attendez rien de moi. »

 

Alors Ferradi prit la parole et raconta comment son frère, en partant pour la Mecque, lui avait confié sa bien-aimée femme, et comment, dans le délire de sa passion, il avait outragé, calomnié et fait condamner à mort cette innocente créature.

 

L’esclave et le jeune homme racontèrent de même leur forfait.

 

Tout le divan écouta ces récits avec une profonde émotion. Merhuma se leva et dit:

 

« Cette femme, qui a été si cruellement traitée, et qui, par une grâce providentielle, a échappé à toutes ces scélératesses; cette Merhuma, c’est moi. Par la justice du Tout Puissant, ces malheureux ont été, dès cette vie terrestre, punis de leurs crimes, et ils ont été poussés par une main invisible pour venir ici invoquer mon secours et proclamer mon innocence en face de cette grande assemblée, en face de Siliah, mon légitime époux, qui a voulu charitablement accompagner son frère. Pour que ces trois infirmes soient guéris, il faut que je leur pardonne. Qu’ils invoquent du fond de l’âme, avec un sincère repentir, la miséricorde de Dieu. Le mal qu’ils m’ont fait, je le leur pardonne. »

 

Les trois criminels, profondément affligés et repentants, furent guéris de leur infirmité et rentrèrent dans leur pays, bien résolus à vivre désormais honnêtement.

 

Le prince retint encore plusieurs jours dans son palais Merhuma et son mari, et les combla de témoignages de distinction. Le jour de leur départ, il leur fit encore de riches présents. Puis tous deux retournèrent dans leur maison, et ils eurent une longue et heureuse vie. 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Le proverbe dans les civilisations anciennes

30092018

 

 

 

 

 

Aussi loin que l’on peut remonter dans le temps, le phénomène proverbial apparaît toujours comme une partie intégrante du langage de la plupart des peuples connus. L’Homme sait depuis toujours figer ses connaissances et ses expériences quotidiennes dans des formules simples, brèves et facilement mémorisables. Les proverbes reflètent d’une façon éclatante les mœurs, les coutumes et les caractères d’un peuple. On y trouve les souvenirs des événements passés, les noms des personnages historiques, l’écho des anciennes croyances religieuses, des anciennes pratiques et on y trouve également un aperçu fidèle sur la vie présente des gens, sur leur conscience collective…La Littérature gnomique est en effet un bon moyen de pénétrer l’univers symbolique et culturel des peuples. 

 

 

Dans les deux plus anciennes civilisations connues par l’écriture, la civilisation sumérienne et égyptienne, les proverbes circulaient déjà et faisaient l’objet de recueils et de citations qui traversaient tout le Proche-Orient: 

 

- La chienne dans sa hâte a mis bas des chiots aveugles. (VIe millénaire avant notre ère, attesté dans l’écriture cunéiforme) 

 

- Il n’a pas attrapé le renard, il lui est fait un carcan. 

 

 

 

Dans la civilisation égyptienne, on nommait le Sebayt (enseignement) ce que nous appelons proverbe: 

 

- Suis ton cœur, que ton visage brille durant le temps de ta vie. (Sagesse de Ptahotep, IIIe millénaire av. J. C. ).

 

- Le chef du troupeau est un animal comme les autres. (Sagesse d’Ani, IIe millénaire av. J. C.). 

 

- Un bon caractère est la protection de l’homme. (Sagesse d’Aménémopé, VIIIe siècle av. J. C.). 

 

 

 

Les Araméens et les Hébreux ont eux aussi connu les proverbes:   

 

- Le léopard ne salue pas la gazelle si ce n’est pour sucer son sang. (Paroles d’Ahiqar, VIe siècle av. J. C.). 

 

- Celui qui creuse une fosse y tombe. (Proverbe de Salomon, IVe siècle av. J. C.). 

 

-Le fer aiguise le fer, ainsi l’homme aiguise un autre homme. (Proverbe de Salomon). 

 

 

 

 

Chez les Grecs qui, comme les Latins d’ailleurs, sont redevables de plusieurs proverbes de Proche-Orient, on trouve les mots « gnômê » (grec ancien: pensée, sentence, opinion) et « paroemia » (instructions): 

Le proverbe avait chez les Grecs un tel prestige qu’on l’écrivait sur les monuments publics et sur les bornes au bord des routes pour instruire les voyageurs en marchant. Aristote, qui était un grand amateur des proverbes, développe même une théorie selon laquelle la civilisation se renouvelle infiniment. Le  »monde éternel est indestructible », dit-il, subit à l’issue de grands cycles stellaires, de grandes catastrophes cosmiques qui détruisent l’humanité par intervalles réguliers. Les survivants commencent un nouveau cycle de civilisation où les proverbes avec les mythes et autres opinions qui subsistent de l’ancienne sagesse philosophique perdues dans les cataclysmes, présentent une importance capitale.

 

 

Voici quelques proverbes grecs: 

 

- N’apprends pas le métier de potier sur une jar à vin. (Cité par Platon, Gorgias, 514e).

 

- On ne connait son ami qu’après avoir mangé beaucoup de sel avec lui. (Cité par Aristote, Ethique à Nicomaque).

 

- Le genou est plus proche que le mollet. ((Cité par Aristote, Ethique à Nicomaque: allusion à l’opposition des intérêts personnels et familiaux) .

 

 

 

 

 

Chez les Latins le mot ‘proverbium’ vient du latin classique et signifie « parole mise en avant » : 

 

- On ne peut à la fois souffler et avaler. (Plaute, Mostellaria, 791). 

 

- Il faut être vieux de bonne heure pour le rester longtemps. (Cicéron, De senectute).

 

- C’est dans l’arène que le gladiateur prend sa décision. (Sénèque, Epistulae ad Lucilium). 

 

 

 

 

Les Arabes ont également manifesté leur intérêt pour les proverbes. Du Coran à la poésie, du hadith à la prose en passant par la rhétorique, la grammaire, le proverbe a toujours eu une place de choix. On a même un proverbe sur le proverbe qui affirme: 

 

Les proverbes sont les lampes des paroles.

 

 

Voici à présent quelques exemples:

 

Et certes, Nous avons développé pour les gens, dans ce Coran, toutes sortes d’exemples. Mais la plupart des gens s’obstinent à être mécréants!  (Voyage Nocturne – الاسراء – 89)

 

 A côté de la difficulté, est, certes une facilité! (L’ouverture – الانشراح – 6) 

 

- ….puis une fois que tu es décidé, confie-toi donc à Allah. (La famille d’Imran – آل عمران – 159)

 

Le croyant ne se fait mordre deux fois du même trou. (Hadith) 

 

La sincérité guide vers la charité et la charité guide vers le paradis. (Hadith). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Un Proverbe Rifain

21072018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« ad ggnfan iyzzimn ura aye awarn.« 
 

Toutes les blessures sont guérissables sauf celles que causent certaines paroles. 

 

 

 

 

 

 

 

Il était une fois un homme qui vivait dans une grotte. Pendant la journée, il cultivait ses terres comme le reste des villageois, mais dès que la nuit tombait, il se transformait en lion. Car dans sa jeunesse il avait été maudit par une ermite qu’il dérangeait dans ses prières et effrayait en imitant le lion. 

 

 

 

Cet homme se maria et il vécut très heureux pendant deux mois. Mais ses disparitions nocturnes intriguaient sa femme de plus en plus. Lorsqu’il eut épuisé tous les mensonges et les prétextes, il décida de lui dire toute la vérité. Auparavant il lui fit jurer sur ce qu’elle avait le plus cher de ne jamais trahir sa confiance. 

 

 

 

Quelques jours plus tard, en revenant de son travail, il surprit sa femme en train de dire à sa mère :

« je suis vraiment heureuse avec lui ; le seul moment où je ne le supporte pas, c’est lorsqu’il revient de la forêt à l’aube, le ventre plein de charognes et qu’il commence à roter et à répandre une odeur de fauve dans toute la maison. »

 

 

 

 

Mortellement blessé dans son amour propre et indignement trahi par la femme qu’il adorait, il attendit que sa belle mère fût partie pour rentrer chez lui. Une fois dans la grotte il demanda à sa femme de chauffer au rouge le soc de la charrue, et la força ensuite à lui piquer le sommet de la tête avec ce soc embrasé. 

 

 

 

Chaque jour pendant des mois, il demandait à sa femme de venir voir l’état de sa blessure qui cicatrisait petit à petit. Le jour où elle lui dit que la blessure était entièrement guérie, il lui répondit d’une voix pleine de grief: « Toutes les blessures sont guérissables sauf celles que causent certaines paroles. «  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 

   
 




La Servante et la Vingt Septième nuit du Ramadan

3062018

Conte arabe de Mauritanie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Servante et la Vingt Septième nuit du Ramadan dans Littérature 1522409652-serviteurs-en-1948

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il était une fois une esclave, dans les premiers temps. Les esclaves en ce temps-là étaient encore possédés et à portée de main, et les gens en faisaient tout ce qu’ils voulaient, leurs maîtres les écrasaient de travail et les fatiguaient, toute la journée ils les insultaient. Chacun d’eux l’appelait, celui qui voulait de l’eau l’appelait, celui qui voulait qu’on lui donne quelque chose l’appelait, celui qui voulait qu’elle mette de l’eau à chauffer l’appelait. Elle ne pouvait même plus faire son travail. A peine se dirigeait-elle vers un mortier pour piler ou vers une marmite pour la poser sur feu qu’on l’appelait cent fois. Et tout cela la fatiguait. 

 

Et elle a dit…..

 

 

Elle a entendu les gens dire qu’au mois de Ramadan, la vingt-septième nuit, le ciel se déchire au-dessus de chacun et que ce qu’il demande à Dieu. Il le lui donne en entier. Elle s’est dit en elle-même : « Moi, il faut que je reste assise jusqu’à ce que le ciel se déchire au-dessus de moi. Je demanderai à Dieu qu’aucun de mes maîtres ne m’appelle sans qu’il pète* ». 

 

 

 

Elle a continué jusqu’à la vingt septième nuit, qu’elle a passée assise, assise, assise, à veiller, jusqu’à ce qu’arrive ce moment où le ciel se déchire, et il s’est déchiré au-dessus d’elle. Elle a dit qu’elle souhaitait de Dieu que cette histoire arrive, que chaque fois que quelqu’un l’appellerait, dirait son nom, il pète. 

 

Le lendemain, son maître l’a appelée. Il a dit : « Eh ! El- ‘Aviye** ! Eh ! El- ‘Aviye ! » A peine a-t-il dit « Eh ! El- ‘Aviye ! » qu’il a fait prout. Il a pété. Sa femme ne pouvait pas rire, les enfants non plus, ni personne, ils se sont tus. Et lui, il ne pouvait plus l’appeler à nouveau. Il a dit à sa femme : « Appelez-moi cette esclave, qu’elle vienne me voir ». Elle, elle lui a dit : «Eh ! El- ‘Aviye ! » Elle aussi a fait prout. Elle s’est tue. Elle a appelé un de ses enfants et lui a dit : « Appelle-moi El- ‘Aviye ! » 

 

 

 

 

Celui qui l’appelait, il lui arrivait cette histoire, toute la journée. Chaque fois qu’un de ses maîtres l’appelait pour quelque chose, il lui arrivait cette histoire. Jusqu’à ce qu’ils comprennent que ça leur arrivait quand ils disaient son nom. 

Ils ont alors dit qu’ils ne diraient plus son nom. Ils l’ont laissée en paix, elle a fini par être tranquille. Elle faisait sortir le mil, en faisait de la farine, mettait la marmite sur le feu et faisait tout ce qu’elle avait à faire comme travail, allait chercher l’eau. Mais on ne l’appelait pas, elle n’était pas fatiguée et on ne l’appelait pas à tout instant. Elle s’est reposée. C’est la fin de l’histoire. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N.B: 

 

*: La traduction littérale aurait été : « son dos se déchire ». C’est une tournure périphrastique habituelle pour signifier ‘péter’. Il existe un verbe ayant ce sens, (Zrat) mais sa grossièreté en proscrit l’usage, plus encore par un locuteur appartenant à un groupe dominant, ce qui est le cas ici. 

 

 

 

 

 

**: Le prénom de l’esclave, fréquent dans cette catégorie sociale, signifie « paix, tranquillité ». esclave mal nommée, mais qui va, à travers les péripéties du conte, enfin éprouver l’accord de son prénom et de sa vie quotidienne. Ce même prénom, dans son usage de nom commun cette fois, va se retrouver dans le dernier paragraphe, dans « ils l’ont laissée en paix ». (litt. « ils lui ont donné la paix »), expression d’un emploi fréquent lorsque le verbe y est mis à l’impératif. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
  

 

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Histoire de la Gazelle et du Lion de Mansoura

7032018

Conte de Tlemcen

 

 

 

 

 

Histoire de la Gazelle et du Lion de Mansoura dans Littérature lion-blanc-et-gazelle_500x500

 

 

 

 

 

Tlemecen est une ville florissante et riche où s’arrêtent les caravanes du grand désert; ses guerriers sont nombreux et intrépides, les beys des princes magnifiques; ils sont aimés d’Allah et adorés des tribus. Ali, le bey, avait une fille plus belle que la plus belle Heur de ses jardins; sa voix était plus douce que la voix de l’ange, ses yeux étaient fendus et timides comme ceux d’une gazelle effrayée. Lorsque, par hasard, un mortel la voyait, il en devenait fou s’il n’en perdait la vie.

 

Elle s’entourait toujours d’un long voile qui couvrait sa tête et son corps, et retombait sur la pointe de ses sandales, laissant entrevoir le pied d’une biche. — Les femmes esclaves la suivaient dans ses promenades et ne la quittaient jamais.

 

Mais le Seigneur Dieu avait mis dans la florissante ville de Tlemecen, en même temps que le bey Ali et sa fille, un homme pauvre qui gagnait sa vie à de petits trafics avec les chameliers des caravanes. Il s’appelait Kaddour, les pauvres l’aimaient, les riches ne le connaissaient pas, car les riches ne sont pas bons mahométans, et ne vont pas au devant des pauvres. Kaddour avait un fils jeune, déjà renommé dans les guerres, et beau comme l’ange des batailles. Sa taille était droite et hardie comme celle d’un pin de la montagne, ses yeux vifs et braves comme ceux du lion magnanime, et sa voix forte, comme celle d’un soldat du Prophète. Un jour, après s’être promené dans les grands et magnifique jardins qui entourent la ville, le fils de Kaddour s’assit près d’un ruisseau et s’endormit sous le feuillage d’un citronnier chargé de fleurs. Le Seigneur lui apparaissait en songe, car ses lèvres laissaient échapper un doux sourire. — Tout-à-coup un bruit léger le réveille; il aperçoit une femme à demi-voilée qui venait à lui. Il se cache, et cette femme, appelant ses esclaves, leur donne son voile. — C’est la fille du Bey ; le jeune homme la voit, sa raison s’égare, il veut sortir du bosquet, mais la jeune fille, effrayée par le bruit des feuilles, s’enfuit et disparaît à ses yeux.

 

 

Depuis, le malheureux enfant de Kaddour ne put chasser l’amour qui s’était glissé dans son âme. Il revenait à chaque heure du jour dans les jardins, mais sans rencontrer celle qu’il y cherchait.

Le pauvre marchand, qui voyait dépérir son fils, voulut savoir la cause de son chagrin, et n’y parvint qu’après l’avoir bien tourmenté. Effrayé des dangers qu’il affrontait, craignant la colère du Bey, il va trouver le fou Ben-Meida, saint homme que tout le monde adorait, et qui faisait des miracles.—Après s’être prosterné devant le saint, Kaddour lui conta ses peines et lui demanda conseil. — Je sais, répondit le fou, que la fille du Bey, est amoureuse comme une tourterelle, de ton fils, l’heureux Salem; mais les deux amants ne pourront parler de leurs amours qu’en échangeant leurs formes humaines contre celles des animaux qui courent la plaine et le désert. Si ton fils veut prendre la peau d’un lion, elle prendra la tunique d’une gazelle, et le bois d’oliviers de Mansoura sera le heu de leurs rendez-vous amoureux.

 

Après avoir baisé les haillons du fou, le marchand le remercia, et fut trouver son fils auquel il raconta les paroles saintes et prophétiques du marabout. Salem, au comble du bonheur, consentit avec joie aux conditions imposées, et disparut aussitôt de la maison de son père. Les gardes de la porte de Maghreb furent effrayés par l’apparition subite d’un lion qui s’élança vers Mansoura, et les soldats qui gardaient la porte du Levant (men el-Chark), ne furent pas moins surpris du passage rapide d’une jeune gazelle qui franchit les barrière et se perdit dans la plaine.

 

Dès le lendemain, tout le beylick fut en grande rumeur, les cavaliers couraient les plaines et les montagnes, pour retrouver la jeune fille du bey, disparue. Le bey Ali, après l’avoir redemandée au Seigneur Dieu et à tous les hommes, mourut de chagrin.

 

Le marchand Kaddour riait seul dans sa barbe. Cependant, ne voyant pas revenir son fils chéri, le seul espoir de sa vieillesse, il fut trouver le saint, pour lui demander à faire redevenir homme le lion.—Mais le fou fit d’horribles grimaces, et se mit à rire aux éclats, en lui disant qu’il ne le comprenait pas. — Jamais il ne put se ressouvenir de la métamorphose qu’il avait faite !!!

 

Souvent les chasseurs ont poursuivi une jolie gazelle, légère comme le vent qui souille sur la mer des tourbillons du désert. Mais ils ont toujours entendu des rugissements terribles qui grondaient dans les ruines de Mansoura et qui effrayaient leurs chevaux. — On voit souvent dans la forêt des oliviers, un lion superbe, qui protège et défend une timide gazelle, —c’est le malheureux Salem près de sa belle amante.

 

 

Dieu seul est Dieu, il est juste et punit les ambitieux comme les femmes infidèles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La légende de Bent El Khass

22012018

(Suite et fin)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A quelle époque peut-on placer l’existence de cette héroïne visiblement légendaire, même dans la tradition algérienne ?

 

M. de Castries, sans citer de sources, nous dit qu’Embarka Bent El Khass ( الخص), femme célèbre de la tribu de B. Amer, vivait dans le Sahara oranais au XVe siècle.

 

Mais la connaissance de la littérature arabe classique nous permet de remonter plus haut : l’existence de Bent El Khass est mentionnée, sans en être d’ailleurs le moins du monde plus plus certaines, par des auteurs bien antérieurs au XVe siècle et c’est là une preuve de plus qu’on en saurait étudier d’une façon sérieuse et complète le folklore arabe du Maghreb, si l’on n’a pas une connaissance suffisante de la littérature ancienne.

 

La première mention qui soit faite d’elle se trouve dans un vers du poète El Farazdaq, né en l’an 20 de l’hégire (641 ap. J. –C.) et mort vers 110 (728 de J. –C.), c’est-à-dire sept siècles avant la date supposée plus haut.

 

 

Tu as été honorablement fidèle à un serment

Comme Hind fut fidèle à Bent El Khoss – El Iyâdi-.

 

 

 

 

Certaines commentateurs ont cru que la Hind dont il s’agissait ici était la fille du dernier roi de Hira, En No’mân, mais cette opinion est combattue par Ibn Nobata qui voit avec vraisemblance dans cette Hind (nom très répandu dans l’ancienne Arabie) une autre femme que la princesse de Hira. En Orient, elle est appelée Hind et on lui donne pour sœur une certaine Djom’ah contre qui elle plaida devant un juge des Arabes, El Qalmas (القلمس). Celui-ci rendit un jugement en sa faveur, si l’on en croit un vers attribué à Ben El Khoss :

 

Si Dieu récompense l’homme bienfaisant pour sa fidélité,

Qu’il récompense généreusement Qalmas de ma part.

 

 

 

 

On voit que partout son père est nommé El Khoss (ou El Khass). Ibn el A’rabi lui donne le nom d’El Khoss ben Djabir ben Qoraït’ el Iyâdi, d’où le surnom d’El Iyâdyah, porté par sa fille. Mais cette liste de d’ascendants de Bent El Khoss est inconnue aux généalogistes Ibn Doraïd et Ibn Qotaïbah. Ce dernier mentionne seulement un Qoraït’ (قريط), frère de Qort (قرط) fils d’Abou Bekr, remontant par Kilâb, Haouâzin et Nizâr à Adnan, l’ancêtre des Arabes, tandis qu’Iyâd, de qui serait descendu Khoss, était le frère de Nizâr. Le Qoraït’ d’Ibn Qotaïbah ne peut donc pas être l’ancêtre de Bent El Khoss.

 

 

 

Du reste cette désignation d’Iyâdyah a-t-elle quelque valeur ?

 

 

On ne le pense pas, et les auteurs arabes semblent avoir partagé cette opinion, car quelques-uns font de Bent El Khoss une ‘Amaliqa (Amalécite), issue des débris du peuple de ‘Ad, ce qui nous rapporte aux temps fabuleux et nous donne lieu de croire qu’elle n’a jamais existé, pas plus en Arabie que dans le Sud algérien.

 

Mais en Orient, comme en Occident, les traits caractéristiques de sa légende sont identiques et les maximes en prose rimée qu’on lui attribue ont le même cachet. Elle est appelée à donner son avis sur les chevaux, les chameaux, le mariage, et ses sentences ont le même caractère de simplicité du fonds et de recherche de forme. 

 

 

 

 

 

 

On lui demanda : Quel est l’homme que tu préfère ? Elle répondit :

L’homme facile et généreux, bienfaisant et illustre, habile et intelligent, le seigneur redouté.  – - Y a-t-il quelqu’un qui surpasse celui-là ?

-          Oui,  l’homme svelte et mince, fier et élégant, bienfaisant et prodigue, qu’on craint et qui ne craint pas.

-          Et quel est l’homme le plus haïssable à ton avis ?

-          L’homme lourd et endormi, qui se décharge des affaires sur les autres, indifférent, faible de poitrine, vil et blâmable.

-          Et y a-t-il quelqu’un de pire ?

-          Oui, le sot querelleur, négligent et négligé, qui n’est ni craint ni obéi.

 

 

 

 

On lui demande encore : Quelle femme est préférable suivant toi ?

-          Celle qui est blanche et parfumée

-          Et celle qui déplaît le plus

-          Celle qui se tait si on veut la faire parler et qui parle si on veut la faire taire.

 

 

 

 

 

Un homme alla trouver Bent El Khoss pour la consulter sur la femme qu’il devait épouser :

-          Cherche-la brune et belle de visage, lui dit-elle, dans une famille brave, ou dans une famille noble, ou dans une famille puissante.

-          Il ajouta : Tu n’as laissé de côté aucune sorte de femme ?

-          Si fait, j’ai laissé de côté la pire de toutes : la noiraude toujours malade, aux menstrues prolongées, querelleuse.

 

 

 

 

 

On demanda à Bent El Khoss : «  Quelle est la femme la plus méritante ?

-          Elle répondit : Celle qui demeure dans sa cour, qui remplit les vases, qui mélange d’eau le lait qui est dans l’outre.

-          Quelle est la femme la plus méprisable ?

-          Celle qui soulève la poussière en marchant, qui a une voix aiguë en parlant, qui porte une fille dans ses bras, qui est suivie d’une autre et qui enceinte d’une troisième.

-          Quel est le jeune homme préférable ?

-          Le jeune homme aux longues jambes et au long cou, qui a grandi sans malice.

-          Et quel est le plus méprisable ?

-          Celui qui a le cou enfoncé, les bras courts, le ventre énorme, qui est couvert de poussière, qui a des vêtements déchirés, obéit à sa mère et se révolte contre son oncle paternel ».

 

 

 

 

 

 

Comme dans les traditions du Sahara, elle est consultée pour l’achat d’animaux domestiques. Son père, voulant acheter un étalon pour son troupeau de chamelles, lui dit : « Indique-moi comment je dois l’acheter ».

Elle répondit : « Achète-le avec le bas de la joue marqué, les joues douces, les yeux enfoncés, le cou épais, le milieu du corps développé, très haut, très généreux, qui regimbe quand il est frappé du bâton et allonge la tête quand il est chargé entièrement ».

 

 

 

 

Les chameaux paraissent avoir eu sa prédilection, ce qui n’a rien d’étonnant chez des nomades, si on en juge par les réponses qu’on lui attribue : «  Quelle est la chamelle la plus vive ?

-          C’est, dit-elle, celle qui mange tout en marchant et dont les yeux sont brillants comme ceux d’un fiévreux.

-          Et quelle est celle qui a le moins de valeur ?

-          Celle qui est prompte à aller au pâturage de bonne heure et qui ne donne que peu de lait le matin.

-          Quel est le meilleur des chameaux ?

-          C’est l’étalon au corps énorme, robuste, habitué aux voyages, vigoureux.

-          Quel est le chameau de moindre valeur ?

-          C’est celui qui est court de taille et qui a une bosse aussi petite que le dos d’une autruche ».

 

 

 

 

 

 

El Khoss demanda à sa fille : «  Est-ce que le chameau de moins de cinq ans féconde la femelle ?

-          Oui, dit-elle, mais sa fécondation est lente.

-          Et celui qui a perdu deux incisives ?

-          Oui, et de la largeur d’une coudée.

-          Et celui à qui pousse sa première dent de devant ?

-          Oui, mais il est sans force ».

 

 

 

 

 

Un jour elle dit à El Khoss : « Une telle éprouve les douleurs de la parturition, en parlant d’une chamelle de son père.

-          Qui t’en a informée ?

-          Elle a un tressaillement dans les os de l’utérus, son regard est vit et elle marche en écartant les jambes.

-          Ma fille, elle va mettre bas ».

 

 

 

 

 

 

« Quel cheval préfères-tu ? lui demanda-t-on.

-          Celui qui a un toupet, qui est bien soigné, robuste, de forte encolure, solide, vigoureux, ardent et rapide ».

 

On lui demanda : « Que dis-tu de cent chèvre ? ». Elle répondit : « C’est un petit bien derrière lequel s’attache la pauvreté, richesse de faible, gagne-pain de misérable.

-          Et cent brebis ?

-          C’est une ville sans défense.

-           Et cent chameaux ?

-          Quelle excellente richesse que les chameaux ! c’est ce que désirent les hommes.

-          Et cent chevaux ?

-           C’est l’orgueil de qui les possède et il ne s’en contente pas.

-          Et cent ânesses ?

-          Éloignées la nuit, honte de la réunion ; elles n’ont pas de lait qu’on puisse traire, pas de laine qu’on puisse tondre ; si on attache leur mâle, il est interdit ; si on le lâche, il s’en retourne ».

 

 

 

 

 

 

On lui attribue aussi une réponse un peu différente au sujet de la valeur des différents biens. Le père de Bent El Khoss lui demanda : Quelle est la meilleure richesse ?

-          Des palmiers solidement plantés dans des terrains humides, qui nourrissent en temps de disette.

-          Et quoi encore ?

-          Des brebis à l’abri de l’épizootie, qui te fournissent des agneaux, que tu trais plusieurs fois par jour et te donnent des toisons ; je ne connais pas de richesse comme celles là

-          Et les chameaux ?

-          Ce sont les montures des guerriers, le rachat du sang versé, le douaire des femmes.

-          Quel est l’homme le meilleur ?

-          Le plus visité, comme les collines d’un pays sont les plus foulées aux pieds.

-          Qui est-il ?

-          C’est celui à qui on demande et qui ne demande pas, qui donne l’hospitalité et ne la reçoit pas, qui rétablit la paix et à qui on ne l’impose pas.

-          Quel est le pire des hommes ?

-          L’imberbe bavard qui tient un petit fouet et qui dit : Retenez-moi loin de l’esclave des Benou un tel, car je le tuerai ou il me tuera.

-          Et quelle est la meilleure des femmes ?

-          C’est celle qui a un fils dans son sein, qui en pousse un autre devant elle, qui en porte un troisième dans ses bras, tandis qu’un quatrième marche derrière elle.

 

 

 

 

 

 

On lui demanda un jour : Qu’y a-t-il de mieux ?

-          Le nuage du matin qui suit le nuage de la nuit sur une terre élevée.

 

 

 

 

 

 

 

On lui attribue aussi un grand nombre de dictons en prose rimée (سجع) entre autres ceux-ci qui sont devenus proverbes : Le pire des loups est le loup du ghadha (arbuste épineux) ; le pire des serpents et celui d’un sol aride, la plus rapide des gazelles est celle qui pait la h’allabah ; le plus fort des hommes est celui qui est mince ; la plus belle des femmes est celle qui a des formes potelées et le visage ovale ; la plus laide est celle qui est renfrognée et sèche ; la plus vorace des montures est celle qui allaite, le meilleur morceau de viande est celui qui est près de l’os ; le plus dur des endroits pour la marche est celui où les cailloux sont sur les rochers ; les pires des troupeaux sont ceux qu’on ne peut donner en aumône ni égorger (comme les ânes) ; la meilleure des richesses est une jument soumise ou une série de palmiers fécondés.

 

 

 

 

 

 

 On lui demanda : Quel est le nuage que tu préfères ?

-          Celui dont le bord retombe comme une frange, qui verse la pluie à torrents, énorme, sillonné d’éclairs, bruyant et qui envahit tout.

-          Quel est l’homme le plus important à tes yeux ?

-          Celui dont j’ai besoin.

 

 

 

 

 

 

 

Elle aurait eu aussi, suivant certaines traditions, l’habitude de poser des énigmes à ceux qu’elle rencontrait, c’est ainsi qu’Ibn Nobata, dans son commentaire de l’épitre d’Ibn Zeïdoun lui attribue la série d’énigmes que, d’après Hariri une djinnah (comme la Sphynge des Grecs) proposait aux passants. Tout comme la djinnah, elle n’aurait cessé ses interrogations qu’après avoir été couverte de confusion par la réponse d’un de ses interlocuteurs qui devait compléter une série de phrases commençant par « je m’étonne » عجبت.

 

 

 

On a vu plus haut comment elle appréciait l’homme et la femme au point de vue du mariage. Il semblerait que, malgré son désir de se marier, indiqué aussi dans la légende saharienne, elle en ait été empêchée par son père et qu’elle ait cherché des consolations en dehors d’une union légitime. Surprise avec un esclave, elle se contente de donner pour excuse à ceux qui lui reprochaient sa faute, ces mots devenus proverbes : «  La proximité du coussin et la longueur de l’entretien à l’oreille » (c’est l’occasion qui fait le larron). Les savants disent que si elle avait cité le proverbe complet, elle aurait ajoute « et le plaisir de la débauche ».

 

 

 

 

 

C’est sans doute à cet ordre d’idées qu’il faut attribuer deux bers attribués à Bent El Khoss :

 

(Un jeune homme) droit comme la pointe d’une épée, généreux, brave, de qui je suis éprise, si c’était à ma portée.

Je le jure, si on me donnait à choisir entre sa rencontre et mon père, je préférerais n’avoir pas de père.

 

 

 

 

On comprend que cette réputation de finesse ait fait attribuer à Bent El Khoss dans l’ancienne Arabie, la solution d’un problème dont on fit honneur à une autre femme célèbre par sa perspicacité et non moins fabuleuse que notre héroïne. La plus ancienne version de ce problème se trouve dans une pièce du poète antéislamique, En Nâbighah Edz Dzobyâni (النابغة الذبياني) :

 

« Sois perspicace comme la jeune fille de la tribu, quand elle vit les pigeons cherchant de l’eau, descendre vers la mare.

« Ils étaient resserrés entre les parois de la montagne, et pourtant elle les suivait d’un (œil clair) comme du verre, qui n’a jamais été enduit de koh’eul contre la chassie.

« O si seulement, dit-elle, ces pigeons et la moitié (de leur nombre) étaient ajoutés à notre pigeon, cela suffirait.

« On les compta et on trouva qu’ils formaient le nombre qu’elle avait dit, ni plus, ni moins. »

 

 

 Les pigeons était au nombre de 66 ; 66 + 66/2 (= 33) + 1 = 100.

 

 

 

 

 

La plupart des commentateurs attribuent ce calcul à la célèbre Zarqâ El Yemâmah (زرقاء اليمامة), de la tribu de Djadis, et elle aurait dit en prose rimée :

 

ليت الحمام ليه

و نصفه فديه

الى حمامتيه

تم الحمام ميه

 

 

 

 

Ce sont ces paroles qu’aurait reprises En Nâbighah, d’après Mohamed ben El Abbas El Yezidi. Mais El Asma’i rapportait avoir entendu des Arabes du désert attribuer la solution de ce problème à Bent El Khoss (en remplaçant les pigeon par les qat’as), dont ils citaient ainsi les paroles :

 

يا ليت ذا القطا ليه

و مثل نصف معيه

الى قطاة اهليه

اذا لنا قطا ميه

 

 

 

 

 

 

De ce qui précède, on peut donc conclure que la légende de Bent El Khoss fait partie de cette collection de traditions que, dans leur émigration, les Beni Hilal apportèrent avec tant d’autres dans le Maghreb où ils la localisèrent, et que ses origines remontent aux plus anciens temps de la littérature arabe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

René BASSET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La légende de Bent El Khass

13122017

 

 

 

 

 

La légende de Bent El Khass dans Littérature 1509527325-7c480ccbd30c8d2c3111642d1c5bdf17138299510201592438545628435389493n

 

 

 

 

 

Les traditions des Arabes du Sahara algérien, issus de la grande famille des Beni Hilâl, ont conservé le souvenir d’une femme appelée tantôt Bent El Khass, tantôt Embarka Bent El Khass . elle personnifie le bon sens naturel et la sagesse populaire, aussi lui a-t-on attribué un certain nombre de maximes applicables à la vie quotidienne : de là, sa réputation d’habilité a fait d’elle l’héroïne d’un stratagème ingénieux, grâce auquel un ennemi dupé se retire au moment où ses adversaires sont près du succomber ; enfin elle a été représentée comme ayant construit des ouvrages dont il ne reste que des ruines.

 

Son père, toujours suivant la légende, était cultivateur et très généreux. Elle avait pour cousine la fille d’un nomade, propriétaire de chameaux. Cette dernière dit un jour à Bent El Khass : Celui qui est riche possède des chameaux et non des cultures. La jeune fille rapporta ces paroles à son père qui lui dit : Réponds-lui « Le fumier rend fou ; S’il vient, il t’emporte et emporte les chameaux. »

 

الزبـــــــــل يهبــــــــــــــــــــــــل

إذا جاء يجيبك و يجيب البل (الإبل)

 

(C’est-à-dire qu’une culture qui réussit permet de tout acheter). En effet, une bonne récolte survint et le père de Bent El Khass acheta tous les chameaux de son frère.

 

 

 

Une autre fois, Bent El Khass se disputa encore avec sa cousine. Celle-ci lui dit : Mon père est un brave, chaque jour il tue dix hommes ; qu’a tué ton père ? – Bent El Khass lui redit ces propos. Un jour qu’il était chez lui, cinquante cavaliers vinrent lui demander l’hospitalité. Il les fit entrer, les hébergea, les débarrassa de leurs fusils qu’il remit à sa fille en lui disant : Va les montrer à ta cousine et dis-lui : Ton père a-t-il jamais rapporté un pareil trophée ? – A cette question, la cousine demeura muette et fut obligée de reconnaître la supériorité de son oncle.

 

 

 

 

Dans les récits qui précèdent, la sagesse appartient au père de Bent El Khass ; dans ceux qui suivent, c’est celle-ci qui se distingue par son esprit de répartie.

 

Son père lui demanda un jour : les nuits sont-elles plus nombreuses que les jours ?

-          Les jours sont plus nombreux que les nuits.

-          Et pourquoi ?

-          Parce que les nuits de lune sont (semblables à) des jours.

 

 

 

 

Une autre fois, elle dit à son père : il y a trois choses qui jaunissent la face et trois choses qui la rougissent.

 

قالت ثلاثة يصفروا الوجه و ثلاثة يحمروا الوجه

 

Quelles sont celles qui jaunissent la face ?

قال لها اما هما الثلاثة الي يصفروا الوجه

 

-          Marcher pieds nus, avoir le dos chargé et une femme dépensière.

 

قالت له:

مشية الحفه

و رفود القفا

و المراة التالفة

 

Et quelles sont celles qui rougissent la face ?

قال لها اما هما الثلاثة الي يحمروا الوجه

 

-          Connaître le lignage, connaître les filles illustres et se contenter de ce qu’on possède.

 

قالت له:

الي يعرف النسب

و الي يعرف بنات النسب

و الي يقنع بالنصيب الي يكسب

 

 

 

 

 

 

Un jour qu’elle était avec son père, elle lui dit : « La générosité se fait avec ce qu’on trouve (الجود من الموجود). Il répondit : La générosité est supérieure (الجود أعظم). Des cavaliers vinrent lui demander l’hospitalité. Comme il était pauvre, il se cacha. Sa fille lui dit : Va trouver tes hôtes et ne crains rien. Il sortit au devant d’eux, les introduisit chez lui et les fit asseoir. Pendant ce temps, Bent El Khass allait tirer des bâts des chameaux les épis de blé avec lesquels ils étaient rembourrés. Elle s’en servit pour préparer du couscous pour ses invités. Quand ils eurent fini de manger, elle dit à son père : La générosité n’est pas supérieure (ما شي أعظم). Il comprit l’allusion et répondit : La générosité se fait avec ce que l’on trouve.

 

 

 

 

En se promenant avec son père, elle lui dit en passant près d’un champ de blé :

Une belle culture ! Que son propriétaire ne la défend-il !

Son père lui demanda : Pourquoi cette culture est-elle prête ?

-          Que ne la défend-il de la dette ?

 

قالت مزينة فلاحة الا منعها مولاها

قال بوها علاش هذه الفلاحة راهي واجدة

قالت له الا منعها من الدين

 

 

 

 

On cite encore d’elle ce dicton sur l’agriculture :

Tous les fruits précoces sont bons.

Sauf le blé et l’orge – je ne sais.

 

كل شي من البكري مليح

غير القمح و الزرعة لا ادرى

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vint le moment de la marier. Un jour de printemps, elle alla se promener avec son père dans les cultures. L’orge verte avait une coudée de long ; il avait plu pendant la nuit. Elle dit à son père : La terre a passé la nuit avec son étalon (الارض بايتة مع فحلها). Il comprit que sa fille, jusque là hostile au mariage, s’était décidée à accepter un mari.

 

 

 

 

 

La tradition ne nous a rien conservé sur ce mari, pas même son nom ; mais elle nous apprend que Bent El Khass eut un fils à qui elle ne ménagea pas les sages maximes qui l’ont rendue célèbre.

 

Quand il se préparait à monter à cheval pour aller à la chasse ou en expédition, elle lui disait : Mon fils, déjeune le matin. Si on ne t’invite pas (en route), tu ne défailliras pas, et si on te repousse, on ne t’atteindra pas.

افطر يا وليدي مع الصباح الا عرضوك ما تستخف و الا طردوك ما يقبضوك

 

 

 

 

 

 

Un jour, il lui demanda de l’argent pour acheter des chevaux. Elle lui dit :

-          Quelle sorte de chevaux achèteras-tu ?

-          J’achèterai un cheval répandu, dont la croupe soit rembourrée sous les tapis de la selle, dont l’œil ne voie pas et l’oreille n’entende pas, qu’une musette nourrit et qu’un sac couvre.

Elle lui répondit : Il est impossible qu’on en introduise un pareil au marché : les juments des pauvres n’en portent pas et le riche n’en vend pas.

 

قالت له اش تشري من الخيل

قال لها:

نشري شي فاشي الي يكون تحت الطرحة محشي

عينه ما تشوف شي و اذنه ما تسمع شي

عمارة تعيشه و غرارة تغطيه

 

قالت محال يدخله للسوق

عودات المزاليط ما تجيبه شي و الغاني ما يبيعه شي

 

 

 

 

 

 

Dans les Gnomes de Sidi Abd er Rahman el Medjedoub, M. de Castries cite un dicton de Bent El Khass sur les chevaux, mais il est différent :

O vendeur de blé, qu’achèteras-tu ? – J’achèterai des chevaux. – Achètes-en, mais en petit nombre ; sur leur dos, on va vite, mais leurs ventres sont ruineux.

 

 

  

 

 

 

Elle fit la même réponse à son fils qui lui demandait de l’argent pour acheter des bœufs.

Lesquels veux-tu acheter ? lui demanda-t-elle.

-          Rouge-prune, ou noir foncé, ou gris avec les lèvres blanches.

Elle lui répondit : « On n’en amène pas de tels au marché : la vache des pauvres n’en produit pas de pareils et le riche ne les vend pas ».

 

 

 

قالت له اش تشري من بقري

قال لها:

احمر برقوق و اكحل مغلوق

و الا ازرق بيض الشوارب

 

قالت له هذوا ما يجيبوهمش للسوق

بقرة المزاليط ما تولدهم شي

و الغاني ما يبيعهم شي

 

 

 

M. de Castries cite un dicton  sur les chameaux « O vendeur de blé, qu’achèteras-tu ? – J’achèterai des chameaux. – Elle reprit : Achètes-en beaucoup ; leur dos est fort et leur lait est un trésor. Ils t’emporteront du pays de l’abaissement et te déposeront dans le pays de la considération. »

 

 

 

 

 

 

Ce fils, dont le nom est inconnu, mérita les éloges de sa mère qui disait de lui :

 

   Mon fils est toujours sur pied,

   Il ne soupe pas la nuit où il a des hôtes,

   Il ne dort pas la nuit où il craint.

 

 

ولدي عــكـــــــاف

ما يتعشى شي ليلة الضياف

و ما يرقد شي ليلة الي خاف

 

 

 

 

 

On cite encore les maximes suivantes de Bent El Khass :

 

Un sult’âni (pièce d’or) dans la main

Vaut mieux que dix dépensées.

 

 

سلطاني في الكف

خير من عشر في التلف

 

 

 

 

- Lève-toi le matin, tu accompliras ce que tu as à faire et écoute ce que dit le présage.

 

 

بكر لحاجتك تقضيها

و صنت ما يقول الفال

 

 

 

 

Donne ta fille (en mariage) avant le jeûne (avant qu’elle ait atteint l’âge du jeûne) ; on ne tiendra pas de propos sur elle.

 

بنتك قبل الصوم اعطيها

لا يخلق فيها قولة قال (قول لا قال)

 

 

 

 

 

Sur Tlemcen :

Salue les gens de Tlemcen et dis-leur :

Leur printemps est leur hiver.

Ils soignent leur graisse et leurs conserves de viande.

 

سلموا (سلم) على ناس تلمسان

و قل لهم ربيعهم هي مشتتهم

يحضيوا سمنهم و خليعهم

 

 

 

 

 

 

Lorsque l’époque des labours arrivait, elle disait à ses khammès : « Les labours ne doivent durer que quarante jours ; hâtez-vous pour ne pas labourer pendant trois mois. – Pourquoi ?- L’hivers dure deux mois et le troisième mois fait partie du printemps » (المشتا فيها شهرين و الثالث مقبل)

 

 

 

 

Aux autres cultivateurs qui demandaient des renseignements, elle répondait : « Vous avez du temps ; l’hiver dure trois mois ».

 

 

 

 

C’est en raison de cette réputation de sagesse qu’on lui attribua l’invention d’une ruse de guerre qu’on retrouve sous une forme différente dans les traditions d’un grand nombre de peuples. Une ville assiégée est à bout de ressources : il s’agit de décourager l’assiégeant et de lui faire croire qu’on a des vivres et de l’eau en abondance. Tantôt, on chasse dans le camp ennemi un bœuf, un veau, une chèvre ou un porc nourri avec ce qui reste de grains ; tantôt, on expose aux yeux d’un espion ou d’un parlementaire des monceaux de sable couverts d’une mince couche de blé ou des tables largement servie ; ou encore, on jette des pains par-dessus les murs. C’est une ruse semblable qui sauve les habitants d’El-Goléa. « On prétend que Guélea a été assiégée pendant sept ans par les Touaregs qui s’entêtaient à vouloir la prendre par la famine. Les provisions commençaient, en effet, à s’épuiser, mais une ruse sauva les assiégés. Un matin, les Touaregs virent les murs de la place tapissés de burnous blancs fraichement lavés qui séchaient au soleil ; donc elle ne manquait pas d’eau. La nuit suivante, de grands feux allumés sur divers points l’éclairaient tout entière, donc elle ne manquait pas de bois. Le lendemain, ils trouvèrent, sous les murailles et presque aux portes du camp, des galettes de belle farine, des dattes, du couscous, dernières ressources que les assiégés avaient sacrifiées pour faire croire à leur abondance. Les Touaregs y crurent et se retirèrent. »

 

 

 

 

 

 

Le nom de Bent El Khass n’est pas prononcé, mais sa réputation de sagesse était trop bien établie pour qu’on ne lui fit pas honneur d’un stratagème qui courait dans les légendes du désert. « On raconte qu’Embarka Bent El Khass fut assiégée sur la rive gauche de l’Oued Seggar, au sud du qsar de Brezina, par un sultan de Gharb dont elle avait repoussé les avances et qui, en la bloquant, comptait la prendre par le manque d’eau. Mais, voyant un jour les femmes des assiégés étendre au soleil du linge mouillé pour le faire sécher, il s’imagina qu’ils avaient de l’eau en abondance et leva le siège, trompé par la ruse d’Embarka ».

 

 

 

Nous voyons que Bent El Khass finit par être considérée comme la souveraine de sa tribu. Une forme postérieure de la légende rapporte qu’elle était la famille d’un roi des Arabes. Celui-ci, devenu vieux incapable de se tenir debout et se faisant porter en litière, laissa tout le pouvoir à sa fille de qui ses sujets appréciaient la sagesse. En conséquences, on lui attribua la fondation d’une ville à As’bih’, près d’El Beyyodh (Géryville), d’une à Banaqt (بنقط) au sommet de la montagne d’Arbi (اربي), d’une à Aïn el ‘Amri (عين العمري ), enfin des constructions que les nomades sont incapables de réparer, bien loin d’avoir pu les élever. Ainsi la séguia située au S. E. de Lioua et parallèle au cours de l’Oued Djedi. Elle est aujourd’hui bouleversée, mais parait avoir une origine romaine.

 

« Aune époque fort reculée, d’après la traduction, les Arabes étaient commandés par une femme nommée Bent El Khass : celle-ci avait dû souvent lutter contre ses sujets qui ne voulaient pas reconnaitre la souveraineté d’une femme. Pour leur être agréable, et aussi pour rehausser son prestige, Bent El Khass fit construire une immense séguia jusqu’à la Mecque, afin que les pèlerins puissent avoir toujours de l’eau à leur disposition ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 ……A suivre

 

 

 

 

 

 

 







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