Les ZCB* d’eau douce dans la sous-région de l’Afrique du Nord
2042019
La sous-région de l’Afrique du Nord au sein du hotspot ** inclut les côtes méditerranéennes du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de la Libye et de l’Egypte, et comprend les neuf corridors prioritaires définis par le CEPF. A l’exception du delta du Nil, les cours d’eau permanents existent uniquement dans les zones septentrionales du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, c’est-à-dire dans la région alimentée par les pluies et la fonte des neiges provenant du massif de l’Atlas. La région est caractérisée par les écorégions d’eau douce du Maghreb permanent, du Maghreb temporaire et du delta du Nil. Le Maghreb permanent, qui s’étend le long des zones septentrionales du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, est caractérisé par une faune d’eau douce composée de nombreux éléments européens, des reliques afrotropicales et un endémisme relativement élevé.
Le Maroc possède le système fluvial le plus étendu en Afrique du Nord. Les précipitations tombant sur les hautes montagnes du Rif, du Moyen Atlas, du Haut Atlas et de l’Anti-Atlas alimentent les cours d’eau qui, en général, coulent dans la direction nord-ouest pour se jeter dans l’océan Atlantique ou bien dans la direction sud-est vers le Sahara. L’oued Moulouya est la principale exception, s’écoulant sur environ 500 km dans la direction nord est, du Moyen Atlas jusqu’à la mer Méditerranée. Le Maro possède également un certain nombre de lacs de montagne situés à une altitude supérieure à 1 800 m, avec de vastes réservations hydroélectriques et des marais saumâtres côtiers, principalement le long de la côte atlantique.
Le lac Fetzara, appartenant à la ZCB de la Numidie occidentale, abrite un certain nombre d’espèces de poissons et de plantes aquatiques menacées au niveau mondial. La présence du triton de Poiret (Pleurodeles poireti) (en danger) a également été observée dans cette ZCB.
Le lac Fetzara est aussi un site Ramsar inscrit en raison des nombreux oiseaux d’eau fréquentant ce lieu.
La plupart des cours d’eau algériens prennent leur source dans l’Atlas telien et coulent en direction du nord vers la Méditerranée ; c’est le cas notamment du système de l’oued Chelif (longueur d’environ 550 km) et du système de l’oued Seybouse (longueur d’environ 180 km). L’Algérie possède aussi de nombreuses petites rivières se limitant à la côte montagneuse méditerranéenne de l’Atlas telien. Des vestiges de grands lacs et de zones marécageuses, peuvent toujours être observés, à savoir le lac de Fetzara (Annaba), la Macta, la Grande Sebkha (près d’Oran) et un ensemble complexe de marais et de petits lacs près d’El Kala. Les grottes de Ghar Boumaaza découvertes en 1931, font partie du plus grand système hydrologique souterrain d’Afrique.
En Tunisie, le principal et unique cours d’eau pérenne est le système de l’oued Medjerda (longueur de 450 km) qui prend sa source en Algérie et finit dans le golfe de Tunis (pour se jeter dans la mer Méditerranée). Les deux plus grands lacs, le lac de Tunis et le lac Ichkeul, sont saumâtres donc quelques espèces d’eau douce sont présentes dans les marais environnants ainsi que dans l’oasis de Nouail, près du Chott El Jérid. Certaines rivières de montagne dans la Kroumirie présentent un intérêt considérable en termes de faune et de flore, et elles sont probablement un hotspot d’endémisme.
En Libye, il n’existe pas de cours d’eau permanents mais une multitude de sources, de seguias (canaux d’irrigation), de mares, de puits artificiels et d’oasis, ainsi que des marais salants. Les principales régions dotées d’oasis sont les régions de Ghat, Sabha et Kufrah. Le Grand fleuve artificiel est gigantesque système de canalisations qui transportent de l’eau située en profondeur dans la nappe aquifère de grès nubien dans le sud de la Libye, jusqu’aux grandes villes du nord. Les lacs de cratère du Tibesti, comme le Trou au Natron, sont salins ou alcalins.
Le delta du Nil en Egypte est une zone fertile nichée dans l’un des déserts les plus arides au monde. Il s’étend sur une longueur d’environ 175 km, de son extrémité sud (au Caire) jusqu’à la mer Méditerranée, et sur une largeur d’environ 260 km au niveau de la côte. Depuis la construction du haut barrage d’Assouan (achevé en 1970), le débit de l’eau au sein du delta a diminué et cette zone ne fait plus l’objet d’inondations annuelles. Par conséquent, le Nil n’occupe aujourd’hui que deux canaux principaux. Les principales zones humides du delta sont les lacs côtiers de Manzala, Burullus, Idku et Maryut. Le delta du Nil fait partie de l’un des sites les plus importants au monde pour les oiseaux migratoires. La faune d’eau douce est typique de la province Nilo-Soudanaise caractérisée par sa faune ichtyologique. Les établissements humains et les terres agricoles couvrent la quasi-intégralité du delta, à l’exception de quelques zones à l’extrême nord du delta. Les zones humides restantes sont rapidement converties pour l’agriculture et elles ont perdu plus de 50% de leur superficie initiale au cours du siècle dernier en raison de la mise en valeur des terres à des fins agricoles, de la sédimentation et de l’érosion. Le delta a connu une érosion de près de 2 km depuis les années 1960, en raison de la perte de dépôts sédimentaires suite à la construction du haut barrage d’Assouan, et il est soumis à une intrusion croissante de l’eau salée. Les polluants s’accumulent dans le delta au fur et à mesure que l’agriculture et les établissements humains augmentent ; les précédentes inondations annuelles qui intervenaient en amont ne sont plus là pour supprimer ces polluants. Les espèces exotiques envahissantes, comme la jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes) et l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii), menacent la biodiversité autochtone.
* : Les Zones clés pour la biodiversité (ZCB) sont des sites qui contribuent de manière significative à la persistance globale de la biodiversité. À partir des informations publiées concernant le statut de conservation et la répartition géographique des espèces (source : Liste rouge des espèces menacées de l’UICN), il a été identifié que 90 % des 3 894 sous-bassins versants fluviaux/lacustres étudiés étaient susceptibles de remplir les critères d’admission en tant que ZCB d’eau douce.
** : Le « hotspot » (point chaud) de la biodiversité du bassin méditerranéen est bien connu pour l’importance que sa biodiversité revêt à l’échelle mondiale. Il est aujourd’hui confirmé que la biodiversité d’eau douce existant dans ce hotspot présente une diversité inhabituelle, abrite de nombreuses espèces endémiques aux cours d’eau, rivières, sources, zones humides et lacs de la région, et est fortement menacée, alors que l’importance de cette biodiversité n’était pas reconnue précédemment.
Catégories : Nature