Parmi les littératures presque inconnues et si rarement étudiées qu’elles peuvent être considérées comme ignorées, figure celle des Afghans. Elle a cependant une réelle importance, un caractère bien marqué d’originalité. Les œuvres qu’elle a produites sont l’expression d’une civilisation qui n’est pas exempte de grandeur et le reflet du génie d’un peuple dont les hommes et les institutions présentent un véritable intérêt. Ce qui fait peut-être qu’elle n’a été jusqu’ici l’objet que d’un petit nombre de travaux approfondis, c’est que dans ses créations où vibre le mieux l’âme nationale, elle est restée pour ainsi dire exclusivement orale. Il y a en effet deux littératures afghanes très distinctes l’une de l’autre: la première, écrite, savante, apprenant peu de chose sur les mœurs du pays, et de date relativement récente, puisqu’elle ne remonte guère qu’au commencement du quinzième siècle; la seconde, toute populaire, toute parlée, et si ancienne qu’il est difficile sinon impossible d’en retrouver les premières origines. Celle-ci a sa source lointaine dans les traditions, les légendes, surtout dans ces chants dont l’auteur est le plus souvent anonyme et depuis longtemps oublié, mais qui passent de bouche en bouche, se transmettent de générations en générations, se conservant fidèlement dans les cœurs autant que dans les mémoires.
Ruines de l’ancienne citadelle de Kandahar en 1881
La Littérature Écrite
La littérature écrite des Afghans peut se résumer assez sommairement. Elle ne forme qu’une bibliothèque très restreinte d’ouvrages historiques, mystiques et poétiques et elle se concentre dans la région de l’est, la plus rapprochée de l’Inde et la plus ouverte aux influences littéraires de Delhi. Le plus curieux de ces livres afghans est une histoire de la conquête entreprise et poursuivie de 1413 a 1424 par les Yûsufzais. la plus belliqueuse des tribus émigrées de Candahàr, puis maîtresse de Câboul et de toute la plaine au nord de la rivière de ce nom, puis s’emparant, dans sa marche en avant, du territoire de Çvàt, sous la conduite de son chef guerrier Malik Ahmad et de son chef législateur le Shaikh Mali, à qui l’on doit les annales de la race victorieuse. Annales précieuses. puisqu’elles renferment la généalogie des familles illustres, leurs titres de gloire et de suprématie. Ce livre d’or est gardé mystérieusement à l’abri des regards profanes par les descendants de Shaikh Mali,dans le Kohestan de Çvàt où est son tombeau.
A côté de cette espèce de Domesday-Book afghan, se placent les œuvres de Bàyazid Ançâri et d’Akhûn Dorvêza, les deux adversaires irréconciliables sur le terrain du dogme : le premier, hérésiarque et communiste, appelé « le Maître de Lumière », le second, docteur orthodoxe, si profond qu’on l’a nommé « le Maître des Ténèbres », l’un et l’autre possédant un grand prestige sur ceux qui les entouraient, écrivains de talent, ayant en une autorité considérable. Bâyazid Ançàrî est l’auteur du Khair el Bàyan et du Khorpan, il passe pour le père de la poésie afghane mais il n’existe malheureusement plus de lui que quelques vers. Akhûn Dorvèza, dont on connaît jusqu’à cinquante ouvrages, encore inédits, se faisait remarquer par la violence effrénée de son langage. La plus répandue de ses œuvres est le Makzan (Makzani Afghani), histoire des Afghans depuis les origines. L’orthodoxie dont elle se vante est très discutée, et l’on en a la preuvé dans ces mots souvent répétés par les auteurs afghans : « Il y a deux sortes d’impiétés, l’une voilée, celle du Makzan de Dorvèza, l’autre ouverte, celle du Livre de Shaikh Mali et du Khorpàn de Bàyazid. »
La poésie écrite et classique des Afghans a pour principaux représentants Mirzà Ançàrî, petit-fils de Bàyazîd et Khushhàl Khàn. Cette poésie est née de l’initiation persane, mais supérieure à ses modèles. Plus simples, plus naturels, plus spontanés que le poète du Chîràz (Hàfiz), les lyriques afghans n’ont pas le raffinement des décadents de la Perse, mais leur naïveté n’exclut pas la grâce. Mirzà est mystique et traduit en ses effusions harmonieuses les symboles de l’amour divin, Khushhàl rivalise quelquefois avec lui dans l’art si complexe du symbolisme, mais ce que ce dernier met surtout en œuvre ce sont les thèmes où éclate l’accent des combats. « Quand je levai mon étendard dans le champ de la poésie afghane, s’écrie-t-il, je subjuguai l’empire des mots au galop de mon cheval de guerre.» Après Mirzà et Khushhâl, qui illustra tout le dix-septième siècle, on peut encore citer Mohmand Abdul Rahman, le plus populaire des poètes mystiques, Ahmad Shah qui l’égale de près dans ce genre favori des Orientaux, puis, les conquérants de l’Inde, qui se reposaient de leurs victoires et de leurs exploits en écrivant à leur tour des divans où leurs petits poèmes se rangeaient, comme ceux de Saadi, par ordre alphabétique.
La Littérature Orale. — Les Chanteurs Populaires.
Dans les rues de Kaboul, de Kandahar, de Ghazni, de Héret, tandis que la foule circule affairée ou indifférente, les uns se rendant à leurs quartiers ou mahallas, les autres prenant le chemin du bazar, dont les boutiques attirent les acheteurs, un petit nombre se dirigeant, sunnites ou chiites, vers leur mosquée, voici que tout à coup s’élève une voix imposant silence à toutes les conversations bruyantes et arrêtant tous les pas : un poète-chanteur, un ménestrel ambulant, un dam, comme on dit dans la langue pushtu, commune aux Afghans, a groupé autour de lui un cercle d’auditeurs de tous les rangs et de tous les âges, de toutes les tribus et de tous les Khails ou clans : Pathans aborigènes au beau type régulier et expressif, mollahs au regard rusé, Douranis à la physionomie placide, Shinwaris à l’air farouche, Afridis à l’attitude martiale, le turban fièrement campé sur le coin de l’oreille, le vétement de toile bleue retenu par une ceinture où brillent des couteaux et des pistolets, leur donnant un aspect pittoresque, Kizilbachis ou têtes rouges, reconnaissables au fez qui leur sert de coiffure, Ouzbèkes aux yeux touraniens, Tadjiks lents et lourds révélant leur profession agricole, Arabes, Hindous, femmes pauvres sans voile, femmes riches, cachant leur visage et ornées à profusion de bijoux. Tous prêtent l’oreille et demeurent immobiles, car le chant est la passion dominante de cette population si diverse, et personne ne résiste aux accords du reba‘b dont s’accompagne le chanteur.
Le dum est d’ailleurs respecté. Ceux qui le voient pour la première fois ne savent point si l’homme qui les charme en ce moment et leur fait oublier toutes leurs peines, tant ils sont captivés, n’est pas un maître, un ustàd, célèbre par ses propres chansons qu’on redit a la veillée, à la hujra, avec celles de Khushhâl-Khàn. Et personne n’ignore que parmi ces ustàds il en est plus d’un que l’on invite aux noces des fils de nabab et que l’on comble de présents et d’or. Pourtant, d’ordinaire, le dum, le poète populaire, est de petite race, un artisan, parfois même un ouvrier assez fréquemment un marchand, qui chante pour remplir sa sébile. On en nomme jusqu’à dix qui sont dans ce cas: Muhammad-Din, le tilai ou marchand d’huile, Nûruddîn, le bhâtyârâ ou débitant de boisson, Amànat, le maliâr ou jardinier, Ajam, le dôbî ou blanchisseur. Maqcûd Gal, le tisserand, et d’autres. Chose extraordinaire : on ne les respecte que parce qu’ils sont chanteurs, et quand ils chantent; car, en dehors de ces circonstances, ils ont contre eux leur naissance étrangère : ils ne sont pas Afghans, mais Indiens afghanisés, et lorsqu’ils n’exercent pas le prestige du chant, ils font un métier, ce qui les classe nécessairement dans les races inférieures; 1′Afghan ne connaît, en effet, que deux genres de vie honorable : il est guerrier ou agriculteur. Le mot dum lui-même n’est pas afghan, c’est un terme hindoustani, qui désigne la caste des musiciens, qu’ils soient sédentaires ou errants.
Les Ghazels
Si les poètes populaires afghans ne sont pas de race afghane, les formes de leur poésie n’ont point une origine primesautière. Ils les prennent à l’lnde d’où ils viennent eux-mêmes. La plus usitée est le ghazal ou ghazel, qui se compose d’un certain nombre de strophes de deux vers et dont le sujet varie : érotique, bachique ou mystique, quelquefois épique lorsqu’il dit les guerres saintes ou jihads soutenues contre les étrangers (feringhis), quelquefois satirique, lorsqu’il raconte les escroqueries des gens de l’autorité, ou dramatique quand il narre la tragique histoire d’Adam Khàn et de Durkhànî, les Roméo et Juliette de l’Afghanistan, ou les amours de Jalàd et de la fille de Nà-Muslim.
Amour, religion, légende, nouvelle romanesque, politique même, le ghazel, et en réalité la chanson populaire afghane sous toutes ses formes, aborde, comme on le voit, tous les genres; mais ceux qu’on préfère sont le récit historique, qui n’est fréquemment qu’un cri de bataille, l’hymne sainte, la narration légendaire, le poème où le cœur dit son secret au cœur, enfin la ballade où les mœurs du pays ont leur écho.
Guerriers Afghans lors de la seconde guerre anglo-afghane, entre 1878 et 1880
La Chanson Historique
La chanson historique a un intérêt spécial: elle jaillit des événements, elle éveille dans les imaginations, dans les souvenirs, les faits qui ont récemmentou dans des temps plus reculés ému les tribus. Elle retentit comme un cliquetis d’armes, comme un choc de bataillons, elle enflamme et électrise les esprits, en produisant ces enthousiasmes. Elle reconstruit les cycles des guerres restées célèbres, et des victoires écrasantes tour a tour remportées, et des défaites qui firent rouler les unes par-dessus les autres les dynasties, depuis les Ghaznévides jusqu’à Ahmed-Abdallah, depuis ce fils de Zemaoun jusqu’à Dost-Mohammed, depuis la fin de la monarchie des Douranis jusqu’à Abdurrhaman, qui régnait à la fin du 19ème siècle à Kaboul.
Ecoutez le Ghazal de Muhammad-Jàn et sa lutte contre les Anglais:
Il lutte toujours, ne fuit jamais, l’admirable jeune homme! Il bondit sur les Firangis : son nom est Muhammad-Jàn.
Les Anglais sont venus de Londres dans la pensée de prendre Kabùl, il tire sur eux ses grands pistolets, de seconde en seconde.
Il fait la guerre à ceux qui croient dans la loi du Prophète et lui se couvre d’honneur, il couvre de honte tous les païens.
La place des païens est dans l’enfer Sagar; pour eux profond est l’abîme, étroite est la tombe; ils brûlent dans les flammes éternelles.
Celui qui est monté si haut dans l’échelle des martyrs, couleur de fleur, repose sur son lit dans le Paradis.
Puisque tu dois partir de ce monde, Ô Muhammad-Din, ceins le sang et fais-toi derviche à la porte du Turc glorieux.
Il lutte toujours, ne fuit jamais, l’admirable jeune homme! Il bondit sur les Firangis : son nom est Muhammad-Jân.
La Chanson Religieuse
La chanson religieuse et mystique, dont les Afghans sont si amoureux, parce qu’elle répond a la tristesse qui est le fond du caractère de ce peuple pourtant si belliqueux, offre le plus souvent une suite de méditations sur la mort, des appels à la clémence divine, des regrets du passé, des prières, des conseils, quelquefois des légendes sacrées, pareilles aux récits bibliques.
Ô fils de l‘homme, le monde s’évanouit; sur la surface de la terre quel est l’homme qui demeure?
Toute fortune et toute richesse est vanité, à. la fin, c’est le néant, à la fin le néant.
Tu as oublié le Seigneur, mais la tombe est ta patrie.
En rien de ce que tu fais, tu ne fais le bien; mais à la fin c’est le néant, à la fin le néant.
Grande est ton avidité, tu oublies le Seigneur, tu altères ta nature. mais la tombe est ta patrie, et à la fin c’est le néant, à la fin c‘est le néant.
Fixe ta pensée, adore le Seigneur, accepte ses commandements et contriste Satan.
A la fin c’est le néant, à la fin le néant.
Quand viendra la mort, ton ami ne te connaîtra pas; tous te seront hostiles et nul ne t’aidera.
Car à la fin c’est le néant, à la fin le néant.
Tu partiras seul jusqu‘au tombeau, ils te tourneront le dos, prête-moi bien l’oreille ;
A la fin c’est le néant, à la fin le néant.
Une fois dans le linceul et enseveli dans la tombe, que feras-tu là-bas si à présent tu ne fais le bien ?
A la fin c‘est le néant, à la fin le néant.
Quand la vie durerait mille années, 6 mon ami, elle passera à la fin, si longue qu’elle soit.
A la fin c’est le néant, à la fin c’est le néant.
Comme sont partis tous tes amis, toi aussi tu partiras comme eux. Ton lieu est la poussière. Écoute ce conseil de moi :
A la fin c’est le néant, à la fin le néant.
C’est ton heure à présent, tu peux encore ce que tu désires; vite, adore Dieu, renonce à faire le mal.
A la fin c’est le néant, à la fin le néant.
Si tu as de l’or en abondance, il restera tout à tes héritiers; tout le bruit que tu fais n’est que vanité et ta demeure est ta tombe.
A la fin c’est le néant. à la fin le néant.
Que tu sois Khan ou Emir, que tu sois pauvre ou fakir, tu trouveras a la fin le linceul quand tu seras couché dans la tombe.
A la fin c’est le néant, à la fin le néant.
La Ballade Dramatique
Cependant cette mélancolie est traversée par des rayons de joie, et, quand l’étreinte des cœurs a cessé, quand le dam a déposé le rebâb, on réclame des chansons moins sombres. Alors il évoque ces figures réelles ou fictives qui parlent à. tous les esprits, jeunes ou vieux, et à la douceur ou à la fierté poétique desquelles on croit fermement. Elles ont au reste presque toute une origine historique qui n’est devenue romanesque que dans le cours des âges, parce qu’elle est peu a peu apparue comme en une vision de rêve.
La plus populaire de toutes est celle des malheurs d‘Adam Khan et Durkhani. Il faudrait la citer tout entière — et elle est longue — pour en faire Saisir l’intensité dramatique croissant de péripétie en péripétie; mais elle n’est pas la seule qui émeuve a ce point les Afghans. Avec quelle attention soutenue ils entendent le ghazel du Fakir et de la Princesse qui a comme un accent des plus belles ballades de Schiller ou de Hugo!
Il était un fakir voyageur, son nom était Fayaz. Dieu lui avait donné le royaume de l‘Hindoustan.
Le Fakir vint près du roi et lui dit : Salut.
— Ô Roi, je te demanderai une chose, si tu me garantis la vie ?
Le roi dit : Je te donnerai Shirinai (ma fille), mais remplis-moi sept puits d’or et apporte-les moi.
Le Fakir arriva au bord de la mer et s’y agenouilla.
Toutes les pierres de la mer se changèrent en rubis et en pierres précieuses ; il les chargea sur des chameaux et se mit à en remplir les puits.
Le Fakir vint au devant du roi et lui dit : Salut ! envoie-moi ta fille, je l‘ai gagnée.
Le roi répondit : Je te donnerai Shirinai, mais amène la mer au pied de mon château.
Le Fakir se mit la tête sur les genoux, il était profondément embarrassé. il prit sa hache au manche vert et se mit en route.
Le Fakir est arrivé au bord de la mer, tout le monde se réunit pour le spectacle.
Il frappait des coups sur la cime de la montagne, la terre tombait en morceaux et se nivelait.
Le Fakir était en avant, derrière lui se formait un ruisseau.
Une vieille femme, pleine de perfidie, s’en alla vers le roi : ô roi, fais tes préparatifs et va-t-en de ton pays.
Le fakir furieux a amené ici toute la mer; dans quelque temps il va submerger toute la ville.
La vieille dit à la princesse : 1 Shirinai, donne-nous tes vêtements. »
Si Dieu le veut bien, je ferai périr ce fakir.
Elle prit sous le bras les vêtements de la princesse, elle vint et se mit debout devant le fakir.
Elle lui dit avec ruse : Fakir que ta face soit noircie, Shirinai, la fille du roi, s’en est allée du côté de Dieu.
Le fakir se dit en son cœur : « C’est par amour que la jeune fille est morte et a quitté ce monde. »
Et le fakir lui-même mourut de douleur.
Quand l‘histoire fut. rapportée à Shirinai, aussitôt elle courut auprès du fakir. .
Bravo! bravo! Shirinâi, fille au cœur décidé! .
On la releva, elle était froide comme une morte de cent années.
Ô Mir Afzal (c’est le nom du poète) dans ce monde il n’y a pas d’amis. Il n’y a que mensonge des lèvres, n’-y ajoute pas foi!
Les Chansons D’Amour
Les chansons d’amour sont innombrables. Thème commun a tous les peuples, a tous les poètes, elles n’ont pas chez les Afghans le caractère banal de la romance. mais elles sont cependant, en général, assez monotones. Leur véritable intérêt est dans les procédés mis en œuvre, dans le jeu des métaphores. Procédés et jeu attendus, car il ne faut pas oublier que dans la poésie orientale, comme dans la musique italienne, les artifices sont prévus par l’auditoire, et celui-ci, très raffiné, ne pardonne pas quand on le prive de ce plaisir esthétique qui n’est goûté en Occident que par les délicats, mais qui, à Kaboul, comme à Ispahan, comme à Delhi, est une des jouissances intellectuelles auxquelles l’homme du peuple le moins instruit attache autant d’importance que le savant le plus érudit. Il faut se souvenir aussi que le dum est élevé dans la tradition indienne, que ses amoureux, lorsqu’ils exhalent leurs plaintes sont avant tout des pasticheurs, que le portrait de la bien-aimée est, comme nous dirions, fait de chic, avec les ornements qui brillent dans ses cheveux, les rayonnements de films qui éclairent son front, les grains de beauté qui relèvent la fleur de sa joue et de son menton. Nombreux sont dans la littérature populaire afghane ces chanteurs d’amour, que l’on ne saurait cependant comparer a l’Anacréon de la Perse : Amanat le jardinier, Ajam le blanchisseur, surtout Mira et Muhammad Din Tilai. Mira est un des rares poètes populaires de sang afghan. Son père était un Afridi, mais sa mère était musicienne. ll était absolument illettré et ne savait pas lire, mais il connaissait par cœur une foule de chansons anciennes, et il en improvisait d’autres. Voici la plus renommée de toutes : c’est la fameuse Zakhmai, qui est inoubliable à Kaboul et dans tout l’Afghanistan.
Je suis assis dans l’affliction, percé des poignards de la séparation.
Elle a emporté mon cœur dans ses serres, aujourd’hui en venant, Khàro; tout doux, tout doux.
Je suis toujours en lutte, je suis rouge de mon sang, je suis un mendiant.
Ma vie est une angoisse. Mon amie est mon médecin, je désire le remède : tout doux, tout doux.
Son sein a la pomme, ses lèvres ont le sucre, ses dents ont la perle; elle a tout cela ma bien-aimée. Elle m’a blessé au cœur et c’est pourquoi je suis plongé dans les larmes; tout doux, tout doux.
A toi est dû mon service; toi, songe à moi, ô mon amour, à tout jamais.
Matin et soir je suis couché à ton sanctuaire, je suis le premier de tes cavaliers; tout doux, tout doux.
Les Autres Formes Poétiques
Outre le ghazel, la poésie populaire afghane emploie le car baita ou quatrain, qui se marie souvent avec le ghazel, en commençant par un vers à deux hémistiches rimant ensemble. Viennent ensuite trois hémistiches rimant ensemble. puis un quatrième hémistiche riment avec les vers de début répétés en refrain.
Le genre le plus original de la poésie afghane est le miera. C’est un distingue qui exprime une idée, un sentiment et fait tout un poème. Il en est qui ont la beauté d’un lied de Heine ou d’un stornello d’1talie. En voici quelques exemples :
1. Mon honneur et ma réputation, et ma tète et mes biens, je donnerai tout pour les yeux de ma bien-aimée.
2. Frappez ma tête, pillez mes biens, mais montrez-moi les yeux de celle que j’aime et je donnerai mon sang.
3. Roses sont tes lèvres, blanches sont tes dents. Tant qu’à te voir les anges du ciel sont confondus.
4. Je traçai une lettre, j’ai écrit le nom de la bien-aimée. Et mes larmes ont coulé sur le blanc du papier. Va lettre, auprès d’elle, porte mes saluts à la cruelle qui se se soucie pas de moi
5. Quand de tes lèvres le parfum vient vers moi, c’est le matin qui renaît et je refleuris comme la rose.