D’après le minutieux travail de Gustave Mercier
Étude Grammaticale
Chapitre Quatrième – Du Verbe
Formes dérivées du verbe
Le dialecte Chaouia est très riche en formes dérivées dont l’effet est de compléter ou de modifier le sens primitif du verbe. Ces formes sont elles-mêmes sujettes à se combiner entre elles, ce qui leur donne une grande variété. On peut en compter huit, analogues aux formes correspondantes du Zouaoua. Ces dernières sont au nombre de dix, d’après la classification la plus généralement admise : mais la IVe forme Chaouia correspond à la fois aux IVe et Ve formes kabyles. Quant à la Xe forme du Zouaoua, nous n’avons pu trouver son analogue dans les dialectes de l’Aurès.
Ire Forme. – S’obtient en préfixant un s au radical, et ajoute au sens primitif du verbe l’idée de faire faire. Ex.:
ers, descendre, sers, faire descendre, placer.
ekker, lever, sekker, faire lever.
emχen (1), envoyer, semχen, faire parvenir.
ougged’, craindre, sougged’, faire peur, etc.
Quelques verbes commençant par a changent cet a en i à la Ire forme :
ali, monter, sili, faire monter.
ad’ef, entrer, sid’ef, faire entrer.
aouel, parler, siouel, faire parler.
edhs, dormir, fait à la Ire forme soudhes, faire dormir.
1. Arabe مكّن.
IIe Forme. – Indique la réciprocité, et s’obtient en préfixant un m au radical. Cette forme est d’un emploi relativement restreint, et on ne la trouve guère que combinée avec d’autres formes.
Ex.: enr’, tuer, menour’, se combattre (II-VIII f.).
edhfer, suivre, medhfar, se suivre réciproquement (II-VII).
– mekhater, parier (entre plusieurs). (1)
1. En arabe : تخاطر.
IIIe Forme. – Caractérisée par la syllabe tou, préfixée au radical. Indique la passivité :
af, trouver, touaf, être trouvé.
aoui, emporter, touaoui, être emporté.
enr’, tuer, touaner’, être tué.
ekkes, enlever, touakkes, être enlevé.
etch, manger, touatch, être mangé.
enz, vendre, touanez, être vendu.
outh, frapper, tououth, être frappé, etc.
Cette forme est très répandue.
IVe Forme. — Plus répandue encore, la IVe forme s’obtient en préfixant un t à la racine. Elle correspond aux IVe et Ve formes du Kabyle et du Mzabite (1). Elle indique :
1e La passivité :
ezzou, planter, tezzou, être planté.
meier, moissonner, tmeier, être moissonné.
2e L’habitude, la fréquence ou la prolongation de l’action.
Dans cette deuxième acception, le t préfixe est souvent redoublé :
Ex. : outhla, causer, ettouthla, causer habituellement.
ili, être, ettili, être habituellement, demeurer.
irar, jouer, ettirar, jouer habituellement.
ougged, craindre, ettouggad (IV-Vlef.),craindre habituellement.
ser’, acheter, essar’ (p. etsar’), acheter habituellement.
erjiji, trembler, terjiji, trembler habituellement.
ekkes, raser, tekkes, habituellement.
ayi, s’éveiller, ettayi, s’éveiller habituellement.
ettou, oublier, tettou, oublier habituellement.
taref, griller, ettaref, griller habituellement, etc.
1. Qui consistent à préfixer: en Kabyle, la IV° forme un ts, la Ve forme un th; en Mzabite, la IVe forme un ts, la Ve forme un t (R. Basset, La Zenatia du Mzab, etc., p. 16).
Vle Forme. – Marque l’habitude et consiste à redoubler la 2e radicale.
Ex.:
edhs, rire, dhess, rire souvent.
eχnef, rôtir, χennef, rôtir habituellement.
ezder’, habiter, zedder’, demeurer habituellement.
eh’kem, viser, h’ekkem, viser habituellement.
emjer, moissonnner, mejjer, moissonner habituellement,
etc.
Le verbe els, tondre, fait ellas (VI-VII° formes).
VIle Forme. — Exprime une idée d’habitude et s’obtient en intercalant le son a avant la dernière radicale. Cette forme se rencontre presque toujours combinée avec d’autres.
Ex. :
ekker, lever, sekkar (I-VII° f.), faire lever habituellement.
ali, monter, salai, faire monter habituellement (I-VII).
yemmen (1), rappeler, tyemman (IV-VII), se rappeler habituellement.
ek’k’es (2), piquer, touak’k’as (III-VI-VII), être piqué souvent.
ar’er, passer la rivière, sar’ar (I-VII), faire passer la rivière habituellement.
eira, lancer, eggar (VI-VII), lancer habituellement.
jelleb (3), sauter, tjellab (V-VII), sauter habituellement.
efsi, fondre, sefsaï (I-VII), faire fondre habituellement.
afi, voler, safaï (I-VII), faire voler.
1. Arabe vulgaire قمّن
2. VI. forme de er’s, inusité à la forme simple.
3. Pour jek’eleb (Zouaoua), arabe قلب.
VIlle Forme. – Analogue à la précédente par le sens, s’obtient en intercalant les voyelles ou et i avant la dernière radicale. Se rencontre isolée et combinée avec d’autres formes.
Ex. :
erdh (1), péter, teroudh (IV-VIII), péter souvent.
sousef, cracher, sousif, cracher habituellement (I-VIII).
ens, passer la nuit, tenous (V-VIII), passer la nuit habituellement.
ers, placer, serous (I-VIII), placer habituellement.
derr’el, être aveugle, sderr’oul (I-VIII), aveugler.
berχen, être noir, sberχin (I-VIII), noircir.
1. De l’arabe ضرط. Remarquer que le ط, passant de l’arabe en Chaouia, devient presque toujours un dh ض .
IXe Forme. — Indique la fréquence, la répétition de l’action. Elle est caractérisée par la diphtongue aï, placée à la fin du radical. Correspond à la IXe forme kabyle (1). Elle ne se rencontre que combinée avec d’autres :
Ex. : err’, brûler, serr’ai (l-IX), allumer souvent;
edj, laisser, touadjai (III-IX), être laissé habituellement;
etch, manger, touatchai (III-IX), être mangé habituellement, setchaï (I-IX), faire manger souvent;
edhs, rire, sedhsai (I-IX), faire rire souvent;
af, trouver, touafai (III-IX), être trouvé habituellement;
ens, passer la nuit, senousai (I-VIII-IX), faire passer la nuit habituellement.
1. Celle-ci, comme son analogue du Tamachek’, est terminée en a et non en ai (R. Basset, Dialectes berbères, p. 150).