La Tribu de l’Oued Abdi (Aurès) – 3ème partie -
11012021
Fractions (suite)
Section de Taghit Sidi Bel Kheir
La population de cette section, composée de 584 habitants, réside dans trois villages, appelés Taghit El Fougani, Taghit El Loutani et Taghit El Oustani, situés dans la gorge de Sidi Bel Kheir et peu éloignés les uns des autres.
Les gens de Taghit sont originaires de l’Oued Abdi : ils descendent de Bourek.
Ils ont une mosquée très connue dans l’Aurès en raison de sa situation sur le tombeau de Sidi Bel Kheir, marabout vénéré, un des fils de Bourek ; mais aucun personnage religieux n’y exerce son influence.
Taghit est à une altitude d’environ 1000 mètres. Le seul cours d’eau important de cette section est l’Oued Taghit qui prend sa source dans la plaine de Moudji à l’entrée de la gorge et va se jeter dans l’Oued Abdi, au dessous de Nouader.
Le pays est très montagneux et peu boisé. A Taghit même, une mine de mercure et de plomb argentifère avait été mise en valeur, il y a quelques années, par une compagnie anglaise. La mort d’un de ses principaux actionnaires a laissé en suspens les travaux importants déjà effectués.
Les principaux revenus des gens de Taghit sont les produits de leurs arbres fruitiers. Le peu de céréales qu’ils font dans leurs terres de culture leur permet de subvenir à leurs besoins.
Leur commerce est suffisamment important ; il consiste dans la vente du produit de leurs jardins et de leur bétail.
Le climat, malgré l’altitude de cette section, y est très tempéré et la situation sanitaire y est bonne.
Section de Nara
Le village de Nara, situé dans une gorge au bord d’un petit plateau commençant au pied du Djebel Lazereg et venant aboutir à la première ligne des crêtes de la rive gauche de l’Oued Abdi, forme la section avec plusieurs autres petits groupes (1.210 âmes).
Les gens de Nara sont très peu favorisés sous le rapport des terres de culture ; ils ensemencent néanmoins quelques parcelles dans la tribu des Oulad Daoud où ils se sont imposés.
Les habitants de cette section diffèrent essentiellement de toutes les autres sections de l’Oued Abdi. De mœurs farouches, ils vivent très retirés et sont d’un caractère peu maniable ; ils ont été l’objet de répressions rigoureuses à la suite de
leurs mutineries.
Les sources, qui servaient autrefois à l’irrigation de leurs jardins, se sont subitement taries ; ils vivent aujourd’hui misérablement du produit de leurs maigres jardins. Cette épreuve n’a, sans doute, pas peu contribué à leur aigrir le caractère.
Depuis quelques années, les gens de Nara sont devenus meilleurs et ne donnent que très peu de sujets de plaintes, si ce n’est en ce qui concerne les délits forestiers qu’ils commettent assez fréquemment pour subvenir un peu plus largement à leurs besoins. Ces délits consistent en démasclage de pins d’alep pour la fabrication du tanin. Ils n’ont ni personnage influent ni établissementreligieux.
L’altitude de Nara est d’environ 900 mètres. Il n’existe qu’un seul petit cours d’eau insignifiant qui sert à l’alimentation des jardins. Le climat y est très doux, la situation sanitaire laisse quelque peu à désirer. Lors de la dernière épidémie cholérique il y a eu de nombreux cas. Cette situation est attribuée en grande partie, à l’état de malpropreté et de privations dans lequel vivent les habitants.
Le commerce des gens de Nara est relativement faible. Ils vendent ou échangent les produits de leurs jardins; ils n’ont pas d’industrie.
Section de Menaâ
Cette section est formée d’un seul village, Menaâ, le plus important de l’Oued Abdi. Sa population est de 897 habitants.
En dehors de leurs jardins, les gens de Menaâ n’ont pour ainsi dire pas de terres de culture ; mais ils peuvent être considérés comme les plus aisés de la tribu. Leurs belles et grandes plantations d’arbres fruitiers surpassent, comme produits, celles du cours supérieur de l’Oued Abdi. Les habitants de Menaâ sont des descendants directs de Bourek.
Menaâ est le village de la prostitution par excellence, les moeurs des habitants sont encore plus dissolues que celles des autres Abdaouïs.
Le village est par ce fait le rendez-vous de nombreux étrangers qui n’y sont attirés que par les facilités qu’ils y trouvent de se procurer des réjouissances ; ils y sont même souvent la cause de désordres.
En raison même de cet état de choses la sécurité n’y est complète qu’entre les mains d’un cheikh énergique et honnête.
C’est à Menaâ qu’existent la mosquée et la zaouïa de la famille Ben Abbès, dont la création remonte à plusieurs siècles. Le directeur actuel de la zaouïa est Si Hocine ben Abbès, parent de l’ex-caïd de l’Oued Abdi.
Menaâ est à environ 600 mètres d’altitude ; il est placé au confluent de l’Oued Bouzina et de l’Oued Abdi. De nombreuses sources qui ne tarissent jamais, arrosent abondamment toutes les terres. Le sol est très accidenté, sauf la partie réservée aux jardins.
Les arbres fruitiers d’espèces les plus variées font la richesse du pays. L’abricotier y domine et fournit en grande quantité le « Fermès », abricots séchés dont les indigènes font une très grande consommation. L’excellente qualité des terres et la douceur du climat permettent aux propriétaires de faire dans leurs parcelles diverses cultures et plusieurs récoltes par an.
Il existe à Menaâ quatre tanneries et autant de fabriques de chaussures arabes. Il y a aussi quelques bijoutiers.
La situation sanitaire de Menaâ n’est pas mauvaise ; mais il est nécessaire, vu l’agglomération, de tenir une main rigoureuse à la propreté du village.
Une école indigène, sous la direction d’un instituteur français, créée en 1890, est fréquentée par une trentaine d’élèves.
Scetion d’Amentane
La section d’Amentane comprend une population de 770 habitants ; elle est formée de deux villages, les Oulad Abdelli et les Oulad Messaoud ben Salah, situés à 12 kilom. environ de Menaâ.
Les indigènes de cette section n’ont pas de terres de culture ; ils possèdent au-dessous de leurs habitations, des parcelles complantées de palmiers et d’autres arbres fruitiers.
Les gens d’Amentane sont installés dans leurs villages depuis les temps les plus reculés et n’ont aucun lien de parenté avec les Oulad Abdi, dont ils diffèrent un peu au point de vue du caractère et des mœurs.
Leurs ancêtres connus sont Abdelli et Messaoud Ben Salah, dont les villages portent les noms. Une certaine rivalité, due sans doute à d’anciennes revendications territoriales, règne entre les deux fractions ; mais cette situation n’a aucun caractère politique et tend à disparaître de jour en jour.
Les habitants d’Amentane sont paisibles, laborieux et honnêtes ; aussi, la plus grande sécurité règne-t-elle dans leur douar. Ils n’ont ni personnage influent ni établissement religieux.
Amentane est à une altitude de 500 mètres environ. L’Oued Abdi traverse la section dans toute sa longueur ; quelques sources d’un débit très faible alimentent les populations en eau potable.
Le climat est chaud et la situation sanitaire bonne.
Les dattes d’Amentane sont de qualité inférieure ; elles sont livrées à des industriels de Biskra pour la distillerie ; on en tire une eau-de-vie très appréciée.
Après les dattes, leurs plus grandes transactions commerciales portent sur les abricots secs. Le miel de leurs ruches est de qualité supérieure à celui des autres villages de l’Oued Abdi.
Section d’Oum Er Rekha et Tagoust
La population de cette section est de 1.528 habitants qui vivent principalement du produit de leurs jardins et de l’élevage de leur bétail ; ils ne possèdent pas de terres de culture.
Les gens d’Oum Er Rekha sont originaires de l’Oued Abdi ; ceux de Tagoust, plus anciennement établis dans le pays, sont également berbères ; mais il n’existe entre eux aucun lien de parenté ; aussi les mœurs diffèrent-t-elles. A Oum Er Rekha, la prostitution s’exerce librement, tandis qu’à Tagoust elle n’est pas tolérée.
La sécurité ne laisse rien à désirer dans cette section. Cependant, il y a quelques années, Oum Er Rekha a été le refuge de plusieurs contumaces ou évadés.
On n’y remarque aucun personnage influent ou religieux. Sur le Djebel Bous, on trouve le tombeau du marabout Si El Ouznaji Ben Bou Beker, dont la Kouba est fréquentée par de nombreux pèlerins venus de tous les points de la province ; mais c’est plutôt un rendez-vous de débauche qu’un lieu de prières. A cette occasion une grande foire se tient à Tagoust.
Une autre petite kouba très fréquentée se trouve entre les deux villages d’Oum Er Rekha et Tagoust ; elle porte le nom d’Ali ou Yha.
L’altitude moyenne est de 800 mètres. Le cours d’eau qui arrose le territoire est
l’Oued Bouzina, affluent de l’Oued Abdi, qui prend sa source à Koudiat El Arar, près de la plaine de Nerdi.
Les terres de culture sont très rares, les quelques parcelles qui ne sont pas utilisées en jardins sont ensemencées en blé, orge ou maïs.
Le climat d’Oum Er Rekha et Tagoust est doux, la situation sanitaire est bonne.
L’industrie est nulle. Le commerce consiste dans la vente ou l’échange des produits du sol et du bétail qui ne comporte que des chèvres.
Section de Bouzina
La section de Bouzina comprend une population de 949 âmes, qui habitent le village de Bouzina dont le nom lui vient de la source au-dessus de laquelle il est construit.
Les indigènes de cette fraction, sont d’origine berbère ; ils se distinguent particulièrement par leur esprit d’indiscipline et par la grande dépravation de leurs mœurs.
Si la sécurité des personnes ne laisse rien à désirer, il n’en est pas de même des propriétés.
C’est avec le produit des nombreux vols qu’ils commettent, que les jeunes gens s’offrent les faveurs des nombreuses azrias du village.
Il n’existe à Bouzina, ni personnage, ni établissement religieux.
Les habitants ensemencent quelques charrues dans l’ancien « bour » de Nerdi. Les plantations des arbres fruitiers sont très importantes ; elles constituent à peu près les seules ressources de la section.
L’altitude varie de 800 à 900 mètres. Le seul cours d’eau important est celui formé par la source de Bouzina située au bas du village de ce nom; son débit est considérable et ne tarit jamais. L’eau y est excellente et très légère.
Le climat un peu moins doux qu’à Oum Er Rekha et Tagoust, y est néanmoins très tempéré. C’est, d’après les indigènes, la limite de la zone des neiges.
L’état sanitaire laisse depuis quelque temps à désirer : on a signalé dernièrement de nombreux cas de variole.
Section de Larbaâ
Les habitants au nombre de 640, qui composent cette section, résident dans le village de Larbaâ ; ils sont très pauvres en général et ne possèdent que très peu de terres de culture et encore moins de jardins. Ils se nourrissent pour la plupart de farine de glands.
Les plantations consistent en quelques jardins insignifiants et de peu de rapport.
L’origine des indigènes de Larbaâ est peu connue ; leur type est très différent de celui des autres fractions de l’Oued Abdi. On prétend qu’ils viennent de la commune mixte de Khenchela où il existe, d’ailleurs, une fraction de ce nom.
Les gens de Larbaâ sont d’une constitution robuste, leur caractère est très doux, mais ils sont d’une intelligence très bornée.
On n’a rien à dire sous le rapport de la sécurité. L’altitude de Larbaâ varie entre 8 et 900 mètres.
Le seul cours d’eau existant est l’Oued Larbaâ qui se jette dant l’Oued Fedala. Aucune source ne mérite d’être signalée.
Le climat y est très rigoureux, et l’état sanitaire très satisfaisant.
Le commerce et l’industrie y sont nuls.
N.B: Les statistiques données datent de 1894.
Catégories : Attributs d'Algérienneté