Le Bisat (Tapis) dans l’Occident Musulman

29102019

 

 

 

 

 

Le terme Bisat, pl. Busut est attesté en Occident, notamment par Ibn Khaldûn, Mukaddima, qui l’emploie pour évoquer les redevances versées chaque année par les Aghlabides aux califes Abbasides (mention de cent vingt tapis (busut) sous le califat d’al-Mamun). On peut penser qu’il s’agit alors d’objets précieux d’une réelle valeur artistique et l’on est naturellement enclin à songer au “tapis sur lequel sont assis le souverain avec son conseil“.

 

 

Nous ne savons malheureusement rien de ces tissages qu’on imagine exécutés dans de grandes cités: Kairouan, et ses satellites, Abbasiyya ou Rakkada en particulier. Le fait que ces tissages étaient destinés aux plus hauts dignitaires permet-il de penser que, déjà à cette époque, l’Ifrikiya possédait au moins un tiraz.

 

Un tel atelier est attesté à Mahdiyya à l’époque et on y mentionne la fabrication de tapis. Il ne semble pas impossible d’imaginer que, sous les Aghlabides, on ait pu tisser des tapis de luxe (sans doute inspirés des tapis orientaux) destinés aux califes et aux plus hauts personnages du personnages du monde musulman.

 

 

Le terme bisat se trouve également chez Yâkût qui cite des busut dans la région de Tébessa et les qualifie de somptueux, de solides et de durables. Faut-il voir, dans ces tissages, les ancêtres des tapis à points noués qui constituaient encore, voici quelques années, une des pièces maîtresses du mobilier de la tente, en particulier dans la région de Tébessa: tribus des Nememsha, des Harakta, des Mahadba, des Hamama.

 

 

Les plus anciennes de ces pièces, à décor strictement géométrique, paraissent perpétuer de vieilles traditions locales que l’on peut retrouver au Djebel Amour, puis dans le Moyen et dans le Haut Atlas marocain.

 

 

 

Bisât n’est actuellement employé nulle part en Afrique du Nord, où divers vocables arabes désignent ces longs tissages polychromes: Ktîf ou Katîfa, Matrah, Frâsh, Farrâshiyya, tandis qu’au Maroc, on emploie aussi des termes berbères ou berbérisés; quant aux tapis citadins (Kairouan, Guergour, Nédroma, Rabat, Médiouna) on les appelle Zarbiyya, pl. Zrâbi ou Sadjdjâda, pl. Sadjdjadât. Ces tissages sont fortement inspirés des tapis d’Anatolie et des tapis anciens d’Andalousie.

 

 

 

L’existence de tapis Busut est attestée en Espagne musulmane par divers auteurs, en particulier à Murcie. Ces tissages étaient très appréciés en Orient. Yâkût évoque les Busut d’Elche; mais on emploie de préférence l’expression Wata pour évoquer les tapis de Chinchilla ou de Baza, dont la réputation s’étend jusqu’en Orient.

 

 

 

A l’époque moderne et contemporaine, les centres de tissage traditionnels à points noués sont aussi répartis en Afrique du Nord:

 

 

 

1.- Tapis exécutés la plupart du temps par des hommes (reggâm), généralement sous la tente: Tunisie: tribus des Hamâma, des Mahâdba, des Durayd, des Ouled bou Ghanem; Algérie: tribus des Nememsha, des Harâkta, des Maadid, du Hodna.

 

 

Tous ces tapis se caractérisent par des modèles anciens essentiellement géométriques, à compositions peu variées et à coloris réduit à deux ou trois tons, et par des modèles, apparemment plus récents, inspirés des tapis d’Anatolie, caractérisés par un ou plusieurs motifs centraux polygonaux (mihrâb) qu’encadrent des listels orthogonaux. La multiplication des mihrâbs permet des tissages de grandes dimensions. Ils sont tous polychromes, le rouge dominant pour les fonds.

 

 

Les tapis du Djebel Amour(Algérie) sont restés fidèles au décor géométrique et aux compositions anciennes locales; ils ne connaissent guère que deux tons dominants: le rouge pour le fond et le bleu foncé pour les motifs (remplacé récemment par le noir). Les extrémités sont bordées de bandes tissées à décor géométrique polychrome. Ces tapis sont à rapprocher de certains tissages marocains du Moyen Atlas.

 

Maroc: tapis du Haut Atlas: Haouz de Marrakech, Ouled bou Sbaa, Ait Ouaouzguit, etc. Tapis du Moyen Atlas: Zemmour, Zafan, Béni M’tir, Béni Mguild, Ait Youssi, Marmoucha, Ait Seghrouchen, Beni Alaham, Béni Ouarain, etc.

 

 

Tous ces tapis exécutés dans des tribus berbères, sont à décor géométrique et ne font appel qu’à une gamme réduite de couleurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Début 20e siècle. Tribu Aït Ouaouzguit

 

 

 

 

 

 

 

2.- Tapis citadins d’influence anatolienne (tissages féminins).

 

 

Tunisie: Kairouan, Tunis, et diverses villes de la côte ou l’influence de Kairouan s’est propagée depuis un siècle environ, donnant parfois des types locaux assez originaux (Bizerte en particulier).

  

 

 

 

 

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Marchand de Tapis – Bizerte

 

 

 

 

 

Algérie: Guergour et Sétif (actuellement en voie de disparition), Souf, Kal’a des Banu Rached (influencés de tissage andalous).

 

 

 Maroc: Rabat-Salé, casablanca, médiona (également influencés par l’Andalousie).

 

Tous ces tapis étaient ou sont encore exécutés à domicile, en famille.

 

 

 

A la période contemporaine, le travail du tapis, objet d’exportation, tend à devenir une industrie, en particulier dans les grandes villes telles que Kairouan, Tunis, Tlemcen, Rabat-Salé, Casablanca, voire dans des cités plus modestes: Nabeul, Bizerte, Tébessa, Cherchel, etc.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

  

 

 

 




Art Omeyyade

27072019

 

 

 

 

 

 

 

L’Art Omeyyade, regroupre la production artistique de cette dynastie de califes, qui régna sur le monde islamique entre 661 et 750.

 

 

 

 

 

 

Architecture et urbanisme

 

 

 

 

 

 

Urbanisme

 

Il existe grossièrement trois types de ville chez les Omeyyade:

 

- les amsar,

- les villes hellénistique et romaines transformées,

- les villes nouvelles.

 

 

 

 

 

 

 

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Le Dôme du rocher: Construit à Jérusalem entre 688 et 692 par le calife omeyyade Abd Al Malik.

 

 

 

 

 

 

 

* Amsar est le pluriel de misr, qui signifie « ville de la conquête« . Ces centres urbains, au nombre desquels on compte Fustat ( l’ancien Caire), Basra, Kufa et Kairouan, ont été créés comme quartiers d’hiver et lieux de repli pour l’armée des conquérants musulmans. Elles suivent un schéma simple: la grande mosquée et le Dar al-Imara, le palais, occupent le centre, et sont entourés de quartiers d’habitations. Si certaine amsar ont complètement périclité peu de temps après leur création, d’autres se sont considérablement développées. Le Proche-Orient, sous domination byzantine jusqu’à la conquête, était déjà fortement urbanisé. C’est pourquoi moins de cités ont été construites dans ces régions, les nouveaux arrivants s’installant dans les ville déjà bâties, comme Damas, Alep, Hims, Laodicée, Apamée ou encore Jérusalem. Une grande mosquée y est édifiée, soi à la place de l’église, comme à Damas et Jérusalem, soit sur un lieu laissé vide (Alep, par exemple).l’église peut aussi parfois être coupée en deux, une partie étant réservée au culte chrétien, l’autre à celui des musulmans. D’autres villes sont créées plus au moins ex-nihilo, sans être pour autant des amsar, mais simplement de nouveaux centres urbains civils. C’est par exemple le cas à Wasit (Irak) ou à Shiraz, en Iran, où, malheureusement, il est impossible de distinguer actuellement des éléments omeyyades.

Celle de Ramla, au Proche-Orient, est uniquement connue par les textes. Capitale de la Palestine sous al-Walid Ier, cette cité s’étendait sur 2.5 km², s’ouvrait par douze portes, dont quatre axiales, et comprenait une grande mosquée, un palais, des édifices pour l’artisanat des citernes, des marchés, des ateliers et des quartiers d’habitation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La Grande mosquée omeyyade de Damas

 

 

 

 

 

 

 

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La mosquée al-Aqsa (la grande mosquée de Jérusalem) entre 1890 et 1900

 

 

 

 

 

 

 

* À Anjar, au Liban, la ville omeyyade est désormais un site archéologique, malheureusement peu exploré, mis à part par l’émir Shebab, en 1950. Une inscription en syriaque permet de dater la construction de 846 de l’ère chrétienne. Il pouvait s’agir d’un important comptoir commercial.

 

 

 

 

 

 

 

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Les ruines d’Anjar, ville fondée par le calife Walid Ier au début du VIIIe siècle, révèlent une organisation très rigoureuse de l’espace semblable à celle des villes-palais de l’Antiquité. Elles constituent un témoignage unique sur l’urbanisme des Omeyyades.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ceinte d’une muraille scandée par des demi-tours pleines, la ville mesure 370 x 310 m et s’ouvre par quatre portes en bel appareillage de calcaire sur moellon. Deux axes perpendiculaires à arcades, correspondant au cardo et au decumanus romains, découpent le tissu urbain en quatre parties de taille égale. Ils sont bordés de boutiques, et leur centre est marqué d’un tétrastyle, un « portique monumental de plan carrés, à quatre supports, placés au carrefour central de certaines grandes villes romaines du Proche Orient« . La ville contient un palais au nord-est et des bains au nord. Une grande basilique, située près du carrefour central, a également été fouillée. Son assemblage à carreaux et boutisses et son fort jeu de moulures sont des éléments assez typiques du premier art islamique.

 

 

 

 

 

 

 

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Le mirhab de la mosquée Omeyyade d’Anjar

 

 

 

 

 

 

 

 

Architecture religieuse

 

 

 

C’est sous les Omeyyades, que naît réellement l’architecture religieuse islamique, à partir du dôme du Rocher. Ce monument tr`s particulier, construit, si l’on en croit la légende, sur l’emplacement du temple de Salomon est, selon Oleg Grabar, {le premier monument qui se voulût une création esthétique majeure de l’Islam}. Le bâtiment s’organise autour d’une coupole centrale reposant sur quatre piliers et douze colonnes de marbre colorés. Un premier octogone fait de piliers et colonnes alternés enserre l’anneau central. Il est doublé par le second octogone que forment les murs du bâtiment, et crée donc un double déambulatoire. Des mosaïques à fond d’or couvraient une grande partie de l’édifice, dont ne subsistent que celles situées à l’intérieur. Leur iconographie est assez énigmatique: complètement anicôniques elles représentent, à certains endroits, des joyaux dont il est difficile de déterminer le sens. Certains y voient des trophées, d’autres des offrandes ce qui n’est pas incompatible, d’ailleurs. On remarque la forte emprise des traditions méditerranéennes de l’antiquité tardive, notamment dans la technique de la mosaïque à fond d’or et le remploi de colonnes et de chapiteaux antiques, ainsi que des influences de l’Iran sassanide, dans les couronnes en particulier. Mais la longe inscription coranique -la première de toute l’architecture islamique- et l’absence d’être vivants dans le décor montrent que cet édifice, quoique remployant des éléments plus anciens, les a adaptés à un nouvel usage, une nouvelle pensée, proprement islamique.

 

 

 

C’est aussi sous les Omeyyades que se met en place le type de la mosquée de plan arabe. L’archétype et le chef d’oeuvre en est la grande mosquée des Omeyyades de Damas, réalisée sous le règne d’al-Walid Ier, entre 705 et 715. Il s’agit d’un édifice comportant une cour entourée d’un portique et une salle de prière hypostyle, à trois travées parallèles au mur de qibla. La nef menant au mihrab est surélevée et magnifiée par une coupole, et trois minarets marquent les angles. Ici encore, on trouve des mosaïques à fond d’or d’influence byzantine, peut-être même réalisées par des artisans byzantins.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Architecture civile

 

 

 

L’architecture civile se développe elle aussi, au travers des châteaux du désert. Ils sont nombreux à s’élever dans des plaines Syriennes désolées, mais auparavant extrêmement verdoyantes et fertiles: citons Qasr al-Hayr, le Khirbat al-Mafjar, Qusair Amra, Mshatta…. Remplissant des fonctions différentes (caravansérails, résidences princières ou de gouvernement….), ils présentent des plans variés, mais des caractéristiques communes. Ainsi, ils sont tous construits en brique, et entourés d’enceintes quadrangulaires rythmées par des demi-tours pleines et crénelées.

 

 

 

 

 

 

 

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Qusair Amra – Jordanie – Désigné patrimoine de l’humanité de l’UNESCO en 1985

 

 

 

 

 

 

 

 

Décor architectural

 

 

 

Le décor architectural dépend encore beaucoup de l’antiquité et de l’art byzantin, comme en témoignent le fréquent remploi de colonnes antiques ou les mosaïques à fond d’or parfois réalisées par des artistes byzantins, parfois par des artisans locaux qui les imitent. La peinture murale est également très développée, comme à Qusair Amra, et on connaît des sculptures en stuc, quasiment les seules rondes bosses de tout l’art Islamique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Objets

 

Les premiers objets islamiques sont très difficiles à distinguer des objets antérieurs à la période: en effet, il utilisent les mêmes techniques et les mêmes motifs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Céramique

 

On connaît notamment une abondante production de céramique non glaçurée, comme en témoigne un célèbre petit bol conservé au Louvre, dont l’inscription assure sa datation dans la période islamique. Les motifs végétaux sont alors sans doute les plus importants.

 

 

 

Il existe aussi des pièces recouvertes de glaçures monochromes vertes ou jaunes. Une glaçure est un revêtement vitreux, coloré ou non, parfois transparent, parfois opaque, qui recouvre une céramique et la fait briller; c’est un élément très important de l’art des pays d’Islam.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bol à décor de pampres et de grenades, inscription en arabe, Céramique argileuse à décor moulé, (VIIe sVIIIe siècle), Suse (Iran).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Métaux

 

Les artisans travaillent déjà le métal en virtuoses, créant toutes sortes de vaisselles. L’aiguière de Marwan II, du musée Islamique du Caire en est un des plus impressionnants exemples. Composée d’une panse globulaire, d’un haut col finement ajouré, d’une embouchure en forme de coq, elle est un des chefs d’oeuvre de la période omeyyade. Elle fut d’ailleurs créée pour l’un des souverains de cette dynastie.

 

 

 

 

 

 

 

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L’aiguière de Marwan II – IIe siècle de l’Hégire (VIIIe siècle J.-C.)

 Cette aiguière se distingue par son travail raffiné, sa forme élégante, ses proportions harmonieuses et sa superbe ornementation. Elle se caractérise par un pied court, une panse globuleuse, un col cylindrique, une poignée et un bec. Sa panse est ornée d’un décor gravé en haut relief consistant en une série d’arcs en forme de croissants refermés sur des rosettes et des représentations d’oiseaux et autres animaux. La partie supérieure du col est ajourée, le reste décoré de motifs incisés de rondeaux et de petits motifs floraux jointifs. La poignée presque verticale se recourbe en crosse jusqu’au col auquel elle se rattache avant de s’achever par une feuille d’acanthe. Le bec est en forme de coq aux ailes éployées dans un effet de mouvement issu de styles romains classiques. Le travail de cet objet s’inspire pour sa plus grande partie de styles et de motifs décoratifs d’origine byzantine et sassanide. Ce type d’aiguière servait pour le bain, le lavage de mains et le woudou (ablutions obligatoires avant la prière).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Art des Omeyyades de Cordoue

 

 

Voir Ici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Art des Omeyyade de Cordoue

21062019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Art omeyyade de Cordoue s’est développé en Al-andalus du VIIIe au Xe siècle. La forêt d’arcs et de colonnades de la Grande mosquée de Cordoue illustre sa monumentalité, à l’opposé de l’art nasride, plus tardif et plus ornemental.

 

 

Installé en al-Andalus (l’Espagne mauresque), cette dynastie descend de celle des grands Omeyyades de Syrie, qui fut décimée au VIIIe siècle. Elle fut remplacée après sa chute par différents royaumes autonomes: les Reyes de Taifas (1031-1091), mais la production artistique ne différa pas fondamentalement après ce changement politique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Architecture et Urbanisme

 

 

 

 

 

 

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La place de la Grande Mosquée des Omeyyades de Cordoue

 

 

 

 

 

 

 

L’Architecture se caractérise par l’emploi d’arcs en fer à cheval avec des claveaux de couleurs alternées. Dans les constructions religieuses, le mihrab est souvent traité comme une petite pièce à part entière. Le décor architectural consiste à la fois en stuc taillé et en mosaïque à fond d’or. D’aucuns retrouvent dans certains monuments des traces d’influence wisigothe. L’écriture kufique (angulaire) est extrêmement employée.

 

 

 

 

Le monument phare de cette période est, sans conteste, la Grande mosquée de Cordoue, bâtiment d’une complexité extrême car il fut successivement agrandi par quatre califes différents; de plus son étude est actuellement rendue difficile par la cathédrale gothique qui fut construite au beau milieu, au XVIe siècle. On connaît pourtant beaucoup de choses sur ce chef d’oeuvre de l’art islamique, qui étonne par la légèreté de ses deux arcades superposées, et ses proportions gigantesques:plus de 1.5 ha! Son mihrab, conçu comme une pièce, est revêtu d’inscriptions kufiques en mosaïque de verre provenant de Byzance.

 

 

 

 

 

D’autres lieux sont également importants dans l’architecture des Omeyyades d’Espagne: ainsi, Madinat al-Zahra, une ville califale créée ex-nibila, dont subsiste aujourd’hui la salle de trône, avec des colonnes alternées roses et bleues et des fontaines. On y a retrouvé aussi d’impressionnantes rondes bosses de bronzes.

 

 

 

 

 

La mosquée Bab Mardum à Tolède, datable vers 1000 est un petit édifice de brique et de pierre alternées, au plan particulier: il ne comporte qu’une seule pièce sans cour, divisée en trois à la fois dans les sens de la longueur et de la largeur. Une belle frise d’inscription kufique en brique surmonte un décor d’arcs outrepassés qui se chevauchent. La mosquée d’Almonaster la Real (Huelva), légèrement antérieure, présente un plan similaire à celui des mosquées omeyyades. L’espace y est divisé entre la cour des ablutions et la salle de prière. Cette dernière s’organise en cinq nefs, dont les arcs outrepassés d’origine ont été modifiés par la suite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Madinat al-Zahra

 

 

 

 

 

Hall de Réception d’Abd al-Rahman III, Madinat al-Zahra

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Objets

 

 

 

 

 

Céramique

 

La céramique n’est sans doute par l’art le plus remarquable: on retrouve les techniques Abbasides: faïence et lustre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Métal

 

On connaît surtout, en ce qui concerne le travail du métal, les grandes rondes bosses provenant de Madinat al-Zahra. Il s’agit en réalité de bouches de fontaines, l’eau s’échappant par la bouche des animaux représentés (un cerf et une biche sont conservés), aux formes extrêmement géométrisées. Des motifs décoratifs incisés ornent toute la surface du métal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pyxide d’al-Mughira

 

 

 

 

 

 

Ivoire

 

L’ivoirerie quant à elle se retrouve essentiellement dans la production de cassettes rectangulaires et autres boîtes. L’objet le plus remarquable est indubitablement la Pyxide d’al-Mughira, conservée au Musée du Louvre et datée de 968. Cette boîte ronde taillée dans une seule défense d’éléphant est entièrement sculptée de scènes animées à l’iconographie énigmatique: scènes de musique et scènes de trône participent d’une iconographie courante, mais on trouve aussi des personnages cueillant des dattes, des combats d’animaux et de personnages. Selon un certain nombre de spécialistes, il faudrait lire cette merveille de l’art islamique comme une allégorie du pouvoir.

 

 

 

 

 

 

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Cassette plate en ivoire provenant de Cuenca

 

 

 

 

 

 

Bois

 

Un autre médium couramment utilisé est le bois, qui sert souvent pour les minbars et pouvait être peint.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Dos d’un Minbar

 

 

 

 

 

 

Tissus

 

Le tissu était également très utilisé notamment dans les tiraz, les ateliers royaux, mais cette production est difficile à cerner du fait du manque d’oeuvre conservées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Tapisserie aux paons dite « des Pyrénées – Atelier royal (tirâz), Cordoue

 

 

 

 

 

Le décor tapissant très élégant, à dominante jaune sur fond rouge, couleur très en honneur en Espagne musulmane, s’ordonne en rangées. Il représente des motifs dérivés du monde islamique : des félins couronnés, affrontés de part et d’autre un axe, et de grandes palmettes meublées de lignes sinueuses évoquant le mot Allah.

 

Les ateliers des territoires espagnols reconquis par les chrétiens continuèrent à produire es soieries dans un style oriental, sous la direction d’artisans restés musulmans ou convertis au christianisme, qui développèrent ce qu’il est convenu d’appeler “l’art mudéjar

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La Céramique de l’Asie Centrale

16052019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La céramique figure au nombre des genres les plus traditionnels des arts décoratifs de l’Asie Centrale. Les sites de Kara-tépé, de Gheoksiour, d’Ak-dépé, d’Altyne-dépé et de Namasga-dépé constituent les centres les plus anciens de civilisation sur le territoire de l’actuel Turkménistan et remontent aux IV-IIe millénaire avant notre ère.

Ces sites nous ont fourni des spécimens remarquables de poteries peintes de type archaïque. L’apparition du tour et de la cuisson de la poteries dans des fours à sole, à la fin du IIIe millénaire avant notre ère, peut être considérée comme une révolution technologique. En effet, ces innovations ont permis de donner une très grande diversité aux formes des poteries et aux types de décors employés.

 

À cette époque, la céramique se répand largement sur le vaste territoire du monde oriental, de la Mésopotamie jusqu’à l’Inde. Au cours de la première moitié du Ier millénaire avant notre ère, les traditions de la peinture se perdent peu à peu, sans altérer pour autant la beauté et la perfection des formes de la céramique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Antiquité

 

 

 

 

Les potiers de l’Antiquité (IIIe siècle avant notre ère – IVe siècle) avaient atteint une haute perfection dans la fabrication des objets en céramique. Aux premiers siècles de notre ère, dans les régions du nord de l’Asie centrale, se répand la décoration des récipients, principalement des ruches de petites dimensions. Ces récipients s’ornent de miniatures zoomorphes, auxquelles était attribué un rôle protecteur: elles étaient liées à l’art des tribus d’éleveurs et aux pratiques de leurs cultes. Les flambeaux rituels provenant du sud du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan témoignent de la multiplication des possibilités et des thèmes de la céramique antique. Par exemple, le support de flambeau découvert à Saksonokhour ( Ier siècle avant notre ère – Ier siècle de notre ère) est orné de figures d’hommes stylisées.

 

 

 

 

 

 

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Une écuelle (IV-IIIème siècle av. J.C.)

 

 

 

 

 

 

 

La vaisselle antique est extrêmement variée. Les coupes servant aux banquets sont élégantes et solennelles, les cruches, pots et échelles se distinguent par la simplicité de leur galbe. On en a découvert en grand nombre sur les sites des anciennes villes de la Bactriane, de la Sogdiane et de la Marghiane. Les coupes, les écuelles et les vases étaient recouverts d’un épais engobe rouge et les cruches d’un engobe clair. L’étude des spécimens de céramique antique découverts en l’Asie Centrale permet de reconstituer les liens avec les traditions de la Perse, de la Grèce hellénistique et des peuples nomades du nord.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Moyen Âge

 

Au début du Moyen Âge, l’héritage de l’Antiquité était encore vivant, même si des formes et des solutions décoratives nouvelles étaient en train de se développer. Les aiguières ou morgobas (littéralement oiseaux d’eau), ayant la forme stylisée d’un corps d’oiseau placé sur un piédouche creux tronconique, sont d’une grande originalité. Sur l’une de ces aiguières, datant du XIIIe siècle et découverte à Kuva (vallée de Ferghana), le col se termine en tête de sanglier.

 

La céramique sans glaçure des IXe-XIIe siècle est représentée par des cruches hautes, des gourdes plates, de petites écuelles et des gobelets décorés d’animaux, d’oiseaux et parfois même d‘hommes, malgré l’interdiction introduite par l’Islam de représenter des êtres vivants. Ce décor était réaliser à l’aide d’estampes.

 

La vaisselle estompée était fabriquée dans de nombreuses villes du Mavera-un-nahr, du Kharezm et de la vallée de Ferghana. L’ornementation des récipients du XIIe siècle provenant de Merv est particulièrement riche: gobelets gris à parois minces et petites cruches à large goulot, sur la surface desquelles le décor semble tissé. Leur panse était faite de deux moitiés moulées sur des formes et qui étaient ensuite collées.

 

Les motifs de l’ornementation présentent une très grande diversité: pousses de plantes dont les enchevêtrements fantasques forment un fond sur lequel se déroulent des scènes de chasse ou bien médaillons où figurent des êtres fantastiques: sphinx ailés à visage de femme, oiseaux à tête d’homme, sirènes et harpies….leur interprétation artistique est conforme au caractère folklorique de ces représentations.

Le style décoratif de ces objets est basé sur la répétition et le caractère rythmique des motifs ornementaux.

 

 

Une décoration épigraphique fit également son apparition dès le début de la période islamique. Entre le IXe et le XIIe siècles, la vaisselle en céramique peinte de style archaïque, ornée essentiellement de rinceaux rappelant l’ornement traditionnel islimi, se développa dans les villes et dans les compagnes de toute l’Asie Centrale.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Trois fragments de carreaux de revêtement en céramique à décor moulé, Asie Centrale, XIIIe – XVe siècle

- Un à décor de rosace, de type cuerda seca, XIVe/XVe.

- Deux fragments de carreaux en céramique turquoise et bleue à décor fortement sculpté d’arabesques végétales, XIIIe siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

À partir du IXe siècle et tout au long des siècles suivants, la céramique à glaçure atteignit une qualité proche de la perfection. Cruches, vases, plats de grandes dimensions étaient recouverts d’éléments végétaux, épigraphiques et parfois zoomorphes. Souvent se mêlent sur un même objet plusieurs types d’ornements. La cité d’Aphrasiab à Samaracande était considérée comme le centre classique de la céramique glaçurée de l’Asie Centrale, depuis le IXe jusqu’au début du XIIIe siècle. Les objets provenant d’Aphrasiab se distinguent par la perfection toute particulière des formes et du décor. Le haut niveau acquis dans le décor des pièces des IXe et Xe siècles laisse entendre qu’au cours de cette période, il existait non seulement des maîtres tourneurs, mais également une catégorie spécifique de peintres décorateurs. Les potiers de Samarcande, assimilant la technologie du décor sous couverte et sur couverte, atteignirent des succès remarquables dans l’utilisation des potentialités décoratives de la couleur. Les premières tentatives de stylisation de l’ornement ainsi que les inscriptions apparurent dès les IXe et Xe siècles dans les décors de la céramique vernissée. Les céramiques glaçurées des régions de Merv, Nissa, Chach, Ferghana, Tchaganian et de la Sémirétchié sont demeurées célèbres. Dans le décor des pièces de ces régions domine une gamme vert olive aux reflets marron, jaune et acre-rouge. Le répertoire ornemental comprend des animaux, des oiseaux et des poissons, qui reflètent la symbolique locale et les traditions folkloriques. L’iconographie de certaines images est empruntée au vocabulaire de la toreutique du début du Moyen Âge. Dans le décor de la céramique vernissée, les motifs historiés font place à des motifs végétaux stylisés, après l’invasion par Gengis khan. Quant aux figures géométriques et zoomorphes, elles ne se rencontrent plus que rarement. Presque partout, le coloris changea brusquement.

 

 

 

 

 

Le style polychrome des IXe-XIIe siècle fit place à un style plus graphique par le dessin et plus froid par le coloris: céramique bleue à décor noir, sous couverte ou à ornements noirs, bleu azur et bleu foncé qui se détachent sur fond blanc. Le développement de la céramique vernissée connut un nouvel essor à la fin du XIVe début du XVe siècle. Grâce aux liens économiques et commerciaux qu’entretenait le royaume des Timourides avec les autres pays, un type nouveau de céramique imitant la porcelaine chinoise apparut en Asie Centrale au XVe siècle.

 

 

 

 

La céramique à base de silicate était fabriquée dans de nombreuses villes telles que Boukhara, Chakhri-Siabz, Mery, Nissa et Ourgentch, mais le centre principal restait Samarcande. Les plats vernissés de Samarcande à décor bleu sur fond blanc laiteux sont représentatifs de cette période où les artistes cherchaient leurs propres solutions décoratives et se refusaient à copier les modèles étrangers. À cette époque, les artisans qui fabriquaient la vaisselle vernisse produisaient également des carreaux destinés au revêtement des édifices, dont la couleur était étonnamment stable et intense.

 

 

 

 

 

 

 

 

  Assiettes en céramique -Vallée de Fergana

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Époque Moderne

 

 

 

 

 

Au début du XVIe siècle, la céramique suivait toujours les traditions du siècle précédent. Mais, au début du XVIIe siècle, le bleu de cobalt, très coûteux car importé, fut remplacé par des colorants de qualité inférieure et le silicate par de l’argile. Ces changements se reflétèrent sur l’aspect général de la vaisselle en céramique des XVIIe et XVIIIe siècles: elle est plus grossière et ses parois sont plus épaisses.

 

 

 

 

 

La céramique vernissée du XIXe – début du XXe siècle est loin de la perfection qu’elle avait atteinte entre le IXe et XVIe siècle, mais la simplicité des formes et l’ornementation brillante et gaie confèrent à ces pièces une grande originalité.

Le décor reste traditionnel, basé sur des motifs végétaux et géométriques. Au milieu du XXe siècle, sur les grands plats ronds viennent s’ajouter des sujets peints représentant de simples objets: théière, fusils et couteaux.

 

Aujourd’hui, les ouvrages traditionnels en céramique sont encore fabriqués, à la fois pour l’usage quotidien et pour la vente aux touristes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Le Théâtre d’Ombres Arabe

6042019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avant l’avènement du théâtre,  le peuple trouvait son délassement dans la rue et transformait les places publiques en lieux de divertissement général, comme si le peuple avait écrit lui-même et pour soi-même les contes qu’il ne trouvait pas dans sa littérature officielle et sa langue savante. Il les interprète de la manière qui satisfait son âme et réconforte sa conscience. Les observations des voyageurs étrangers du dix-neuvième siècle révèlent divers aspects de la vie artistique populaire que le théâtre arabe exploitera à ses débuts, en tant qu’éléments constitutifs de la pièce ou comme agrégats subsidiaires.

 

Saltimbanques, illusionnistes, danseuses, escrimeurs, manipulateurs de marionnettes, chanteurs et comédiens itinérants seront promus à la scène et occuperont une place de choix à diverses époques. De ces spectacles populaires qui se rapprochent de la cérémonie théâtrale, nous retenons en premier le théâtre d’ombres qui, sous de multiples appellations, a fait le bonheur du peuple et offert au théâtre arabe des prototypes de personnages et un modèle de structure qu’il gardera longtemps.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Théâtre d’Ombres Arabe dans Art

Figurines du théâtre d’ombres damasquine au début du XXe siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Khayal al-zill

 

Le théâtre d’ombres, khayal al-zill, a souvent servi dans la littérature arabe comme image métaphorique, une figure de rhétorique, pour exprimer certaines interrogations philosophiques au sujet des phénomènes éphémères du bas monde et de la dualité métaphysique entre la réalité et son apparence. Les premières allusions au théâtre d’ombres rapportées par les chroniqueurs, et qui, par-là même, prouvent son existence chez les sociétés arabo-musulmanes, remontent au neuvième siècle ; L’imam al-Šafî-î (767-820), l’un des plus éminents théologiens de l’Islam, serait le premier à l’avoir mentionné dans un couplet devenu célèbre par les arrangements et les compilations de nombreux poètes :

 

 

 

 

J’aperçois dans le théâtre d’ombres un précepte remarquable

Pour celui qui, par la connaissance de la vérité, est souverain.

Des personnages et des ombres qui passent puis s’éclipsent ;

Tous pétrissent, seul le manipulateur est éternel.

 

 

 

 

 

 

Plusieurs philosophes, théologiens et poètes mystiques tels al-Ma’arrî, al-Ghazâlî, al-Tawhîdi et Ibnu-Fârid, y feront allusion par illustrer leur doctrine de la création ou leur interprétation des rapports entre l’essence divine et les êtres.

 

 

 

 

 

 ….prends garde ! ne tourne pas ton dos

A toute forme illusoire ou illogique

Car dans le sommeil du divertissement

Le spectre de l’ombre t’apporte

Ce que révèlent les rideaux levés ;

Tu peux voir les formes des choses dans chaque costume

Exposé devant tes yeux derrière le voile de l’ambiguïté,

Les opposés s’y unissent dans un sage dessein ;

Leurs formes apparaissent sous chaque déguisement ;

Silencieux, ils prononcent des paroles, ils bougent, bien que qu’immobiles

Sombres, ils projettent de la lumière…

…Ais conscience de son instant

Et tu trouveras tout ce qui t’apparaît

Et tout ce que tu contemples, n’est que l’acte d’un seul

Mais enveloppé dans le voile de l’occultation ;

Lorsqu’il lève le rideau, tu ne vois que lui,

Et la confusion des formes se dissipe.

 

 ‘Umar Ibnu-l-Fârid (1181_1235)

Nazim al-Sulûk (poème de la voie)  

 

 

 

 

 

 

 

Il faut signaler cependant que les termes Khayâl et zill (spectre, ombre), employés séparément ou assemblés, ne désignent pas toujours le théâtre d’ombres tel que nous le définissons d’usage. Le principe de la projection lumineuse, sur des images plates ou des formes volumineuses, engendrant des ombres mobiles par animation manuelle ou mécanique, est souvent traduit par les mêmes termes. Al-Šaqandî (mort en 1231) cite le khayâl parmi les instruments de musique qui faisaient la gloire de Séville. Aussi Sa’d avance-t-il l’hypothèse d’un appareil mécanisé qui, tout à la fois, projette des images d’ombres et produit des sons musicaux ; une sorte de cinématographie découlant de la théorie optique dite de la chambre noire d’Ibnu-l-Haytham (965-1038) qui fut à l’origine de nombreuses inventions ultérieures. Bien auparavant, Ibnu-Hazm al-Išbîlî (994-1064) décrit un appareil semblable au praxinoscope avec les mêmes termes : khayâl al-zill est tout ce qui ressemble le plus à l’univers ; des statuettes montées sur une meule en bois que l’on fait tourner à grande vitesse ; les unes s’éclipsent et les autres paraissent. Par ailleurs, khayâl Ja’afar al-raqqâç (les ombres de Ja’far le danseur), du nom de son inventeur, désignait vers la deuxième moitié du douzième siècle un autre type d’ombres. Le poète Ibnu ‘Abdi-l-Zâhir (13ème siècle), dans un couplet cité par al-Khafâjî, compare le talent créatif de Ja’far et de ses compagnons aux crues bénéfiques du Nil et laisse présumer qu’il ne s’agit pas d’une représentation de figures d’images, mais plutôt d’un spectacle de danse avec des ombres humaines.  

 

 

 

 

 

 

 

 

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©AFP- Chadi El-Halak le dernier artiste de théâtre d’ombres syrien – Damas 3/12/2018   

 

 N.B:

(Le théâtre d’ombre syrien est inscrit sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente le 28 novembre 2018 )

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un divertissement à double tranchant

 

Le spectacle de théâtre d’ombres est joué avec des acteurs inanimés : des figures plates manipulées par un montreur. L’appareil extérieur comprend comme scène un cadre de bois sur lequel est tendue une toile éclairée par une lampe à huile. Contre cette toile, al-mukhâyil (le montreur d’images) promène les figures à l’aide de petits bâtons s’adaptent aux divers personnages par des trous garnis d’anneaux. Le grand mystique andalou Muhyiddîn Ibnu ‘Arabi (1165-1240), qui le désigne par zill al-sitâra (l’ombre du rideau), rapporte une description détaillée du déroulement du spectacle d’ombres et des moyens techniques y afférent : Construis l’habitacle, allumes la chandelle, tends le store et les images apparaîtront. Le spectacle, tel qu’il était donné à son époque, est conduit par un waççâf (descripteur) qui, caché sous un costume de déguisement, amorce la séance par un dithyrambe à la gloire de Dieu, puis, derrière l’appareil, interprète les différents rôles de la pièce (ѣ bh, zilliyya) en manipulant les figurines. A la fin de la représentation, il revient au devant de l’habitacle pour tirer la moralité de l’histoire et rappeler à l’assistance que c’était un exemple ordonné par Dieu afin de montrer à ses serviteurs qu’il conduit ce bas monde de la même façon que le montreur manipule ses figurines, et que cet écran symbolise le voile qui dissimule le destin prescrit à ses créatures.

 

 

 

 

Grâce à cette obligeance intelligente envers l’ordre social établi, le théâtre d’ombres est devenu en Espagne musulmane un divertissement instructif toléré, aussi a-t-il pu bénéficier d’une considération telle que le métier de montreur n’est plus de la seule compétence masculine, al-Tîfâšî (1184-1253) rapporte qu’au treizième siècle, les femmes esclaves instruites les plus chères de Séville sont celles qui maîtrisent tous les instruments de musique, toutes les variétés de la danse ainsi que les ombres, qualités confirmées par Wajîhuddîn al-Manâwî dans un quatrain décrivant l’une de ces jâriya exemplaires.

 

 

 

 

Néanmoins, en dépit de la diversité des genres de théâtre d’ombres que les sociétés arabo-musulmanes ont pu connaître à travers l’histoire, la richesse de sa terminologie et sa popularité confirmée, les chroniqueurs se sont très peu souciés de rapporter les biographies de ses principaux artisans, encore moins d’inscrire les pièces jouées ou de mentionner leurs thèmes. Hormis les trois ѣbh de Muhammad Šamsuddîn Ibnu Danyâl (1238-1310), transcrites par l’auteur dans un recueil intitulé Tayf al-Khayâl, et quelques pièces de montreurs égyptiens du dix-septième siècle : šaykh Sa’ûd, usta ‘Alî al-Nahla et šaykh Dâwûd Manâwî al-‘Attâr, le répertoire ancien semble à jamais perdu. Les recherches entreprises aux dix-neuvième et vingtième siècles auprès de montreurs égyptiens, libanais et syriens, n’ayant permis d’en collecter qu’une partie infirme. Cette négligence de la part des historiens nous amène à déduire que les pièces, exprimées pour la plupart dans un idiome local, n’ont pas atteint un niveau de composition à même de porter intérêt à les transcrire ou à les classer dans un quelconque genre littéraire, outre qu’elles découlent d’une expression populaire peu reconnue en tant que telle. Hamâda estime à juste titre que les textes jusque-là mis à jour ne sont pas l’œuvre d’auteurs qualifiés ou de narrateurs spécialisés mais reviennent éventuellement à de modestes rayyis (chefs de troupes d’ombres) qui manquent d’éloquence et d’imagination poétique. Les adjonctions et les suppressions résultant de la transmission orale par les membres de la corporation, les spectateurs et les dilettantes, ont foncièrement modifié les compositions d’origine.

 

 

 

 

A l’examen des divers témoignages  et citations authentiques, le théâtre d’ombres de l’époque médiévale se présente sous deux aspects : sérieux et bouffon. Dans les deux cas, l’esprit critique de ses artisans et la pertinence des sujets évoqués en font un divertissement de choix pour la société entière, toutes catégories confondues, mais ne parviennent pas souvent à concilier les désirs du public et les convenances du métier. Il va sans dire que le spectacle, de par l’exiguïté du champ de vision et les nombreuse, dans un lieu public clos ou dans une demeure privée appartenant au commanditaire du spectacle. Cette relation imposée de facto entre les faiseurs du théâtre et leur clientèle, aboutit à une certaine dépendance de l’artiste vis-à-vis du client ou du mécène. Dès lors, contraint à modifier continuellement ses propos, voire le canevas entier de la pièce pour répondre aux attentes d’un public différent d’une séance à l’autre, il n’est plus maître absolu de son œuvre. C’est éventuellement à cause de cette sujétion imposée que les montreurs n’ont pu élaborer des textes fixes ou de qualité, et qu’ils ont, par la suite, fait des sujets interdits, en particulier la sexualité, le centre de leur intérêt thématique. A trois siècles d’intervalle, le théâtre d’ombres en Egypte bascule de l’apologie à la damnation. Alors que Salah al-Dîn al-Ayyûbî, qui, en 1171, venait de voir un spectacle d’ombres pour la première fois de sa vie, s’exclame : J’y perçois une grande moralité, des états qui disparaissent et d’autres qui surviennent, Jaqmaq al-‘Alâî décrète en 1451 l’ordre de brûler toutes les figurines avec tout le matériel d’ombres, et contraint les montreurs à signer des engagements de non récidive.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




De père en fils Bijoutiers d’Algérie: Gardiens d’un savoir faire ancestral

21022019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De père en fils Bijoutiers d’Algérie: Gardiens d’un savoir faire ancestral   dans Art 1544605841-98-014282

Bijoux constantinois – 19e siècle 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Le métier transmis de père en fils… ».

 

 

Ces mots que nous avons souvent entendus, lus, répétés et écrits à propos des bijoutiers d’Algérie, semblent parfois vidés de leur sens et utilisés seulement comme une belle expression tout faite. Que signifient-ils vraiment ? Quel est le rôle de ce mode de transmission des savoirs dans la pérennisation du patrimoine culturel algérien, en particulier dans le domaine de la bijouterie ? Fonctionne-t-il encore aujourd’hui ?

 

 

 

 

 

Quand le fils reprend le métier de son père, cela suppose tout d’abord qu’il continue à vivre au sein de sa famille, sur la terre de ses ancêtres. Ces liens familiaux, garants d’une mémoire identitaire collective, assurent la perpétuation d’un certain mode de vie et de pensée, des valeurs et des normes communautaires. Le respect des « anciens », l’importance des gestes et des « choses » conduit à préserver les traditions qui entourent les bijoux : leur place dans le mariage et la transmission des héritages, leur rôle dans les rapports sociaux (bijoux comme signe d’âge, d’appartenance ethnique, de statut social) et dans le lien avec le surnaturel (bijou protecteur). La transmission du métier du père au fils signifie aussi que ce dernier suit un apprentissage dès son plus jeune âge, en écoutant, en imitant, en aidant son père, et que, le temps venu de remplacer celui-ci, pour devenir à son tour maâlem, il connaît déjà tous les secrets du métier. Cet apprentissage de longue durée lui assure l’acquisition de savoirs diversifiés et solides. Si l’on considère que le jeune garçon commence à assister son père dès l’âge de 6-7 ans, et qu’il acquiert le statut de bijoutier vers ses 25-3o ans, cela correspond à vingt années d’apprentissage continu, de surcroît dans des conditions d’exercice réel. Enfin, cette transmission traditionnelle suppo- se l’existence chez le repreneur d’une conscience prononcée d’être le dépositaire d’un savoir-faire ancestral et d‘avoir à le transmettre à son tour. En Algérie, avant que les situations contemporaines ne viennent se greuer sur les modes de vie ancestraux, le métier de bijoutier revêtait un caractère familial, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres artisanats, tels que la forge, la dinanderie, le travail du cuir ou du bois. Ceci s’expliquait par  des raisons à la fois sociales et économiques. Souvent, les familles de bijoutiers appartenaient à des groupes statutaires particuliers, inscrits dans des systèmes sociaux plus ou moins rigides et dont les activités étaient réglementées par des structures corporatives. C’était le cas dans les grandes villes, comme Alger, Constantine, Oran ou Tlemcen, riches de leurs traditions artistiques et artisanales, où le système des corporations, selon le modèle turc, a pris racine dès les XVle – XVlle siècles. Comme pour d’autres corps de métiers, la corporation des bijoutiers avait ses quartiers réservés. C’était par exemple Souk es-Seyyâghin à Alger ou Souk el-Acem à Constantine. Elle était dirigée par un syndic secondé par un conseil de notables dont la charge était de veiller au respect des règlements, d’assurer la médiation entre l’autorité turque et les membres de la corporation  et de régler les différents entre les maîtres et les ouvriers. La tâche du syndic des bijoutiers, amine es-sekka, contrôleur de la monnaie nommé par le dey ou par les beys (dans les beyliks), était d’autant plus importante que le nombre de bijoutiers dans les villes était considérable (Paul Eudel donne, pour la fin de l’époque turque, le chiffre de 2oo ateliers pour le seul Alger (Eudel, 1902) et que, s’agissant du travail des métaux précieux, la tentation de fraudes était grande. Ses représentants étaient chargés d’apposer les poinçons sur les bijoux, garantissant ainsi la qualité du métal employé.

 

 

 

 

 

Dans le cadre de ce système corporatif se transmettaient non seulement le savoir et le respect des règles mais aussi le statut : le fils du bijoutier était destiné à devenir un bijoutier. Avec l’atelier, les outils et le stock de matières premières, constituant le patrimoine familial, il héritait du titre  de maître artisan, maâlem. Les bijoux qui sortaient des ateliers citadins se distinguaient par une extraordinaire richesse technique et artistique où se mêlaient les acquis passés et présents : telles les techniques ramenées du filigrane, de la granulation et du découpage ajouré, élaborées à l’époque antique au Moyen-Orient, en Grèce et en Étrurie ; telles les techniques de polychromie que les Romains, les Vandales et les Byzantins contribuèrent à diffuser ; tel aussi le décor complexe de l’art musulman, basé sur les in- finis entrelacs, les palmettes, les rinceaux et les inscriptions calligraphiques, ou les pierres précieuses et semi-précieuses ainsi que le riche décor curviligne et floral, apporté par les Turcs. Encore aujourd’hui les bijoux des villes algériennes portent la marque de cet ancien héritage.

 

 

 

 

Si dans les grandes villes, ouvertes aux influences, les bijoutiers pouvaient avoir des origines diverses (locale, juive, turque ou européenne), dans les régions rurales, ils avaient un encrage beaucoup plus grand dans le terroir. Dans les villages, surtout dans les régions montagneuses à population berbère, comme la Kabylie et l’Aurès, les bijoutiers faisaient partie des communautés paysannes dont la vie était rythmée par les travaux agricoles. Ils étaient possesseurs de terres, de jardins, de troupeaux et consacraient seulement une partie de leur temps de travail au métier de bijoutier. L’impossibilité de produire de grands stocks de bijoux (par manque de matières premières mais aussi à cause du temps partiel consacré au travail dans l’atelier), faisait que les bijoutiers ruraux fabriquaient leurs bijoux surtout sur commande, à l’occasion des mariages et autres fêtes familiales et religieuses. En prise directe avec leur clientèle, dont ils partageaient le mode de vie et les valeurs, les bijoutiers se conformaient à ses goûts et se pliaient à ses demandes.

 

 

 

 

 

 Ce contact étroit et constant avec les consommateurs, basé sur un« contrôle » permanent et un droit de regard de ceux-ci sur les créations  de l’artisan, constituait une garantie supplémentaire de la perpétuation des normes techniques et esthétiques dans son travail. Dans l’Aurès des années 1q8o-199o, où il m’a été donné de faire des enquêtes, la majorité des bijoutiers avaient hérité du métier de leurs aïeux.

 

 

 

 

 

A Chir, à Nara, à Bouzina ou encore à Arris, ils me disaient continuer le travail de leur père, leur grand-père et leur arrière grand-père et perpétuer le style typiquement aurésien basé sur l’association de l’ajour et des motifs décoratifs composés de filigrane, de grenailles et de demi-sphères creuses (Benfoughal, 1993 et 1997). Tel était le cas par exemple de Benyahia Amor, né en 1913 au village d’Amorha, dans la commune de Bouzina. Selon ses dires, son village comptait, du temps de sa jeunesse, sept familles de bijoutiers. Il avait appris le métier aux côtés de son père et de son grand-père et travaillait déjà comme bijoutier dès l’âge de quin- ze ans. En 1q57, toute la famille était venue s’installer à Batna. Lorsque je fis sa connaissance en 1q84, Benyahia Amor continuait, malgré son âge avancé, à pratiquer son métier, aux côtés de ses deux fils. Le troisième fils, ainsi que ses trois oncles et ses deux cousins, étaient tous bijoutiers à  Batna, installés chacun à son compte. Beau- coup d’autres histoires semblables de  familles de  bijoutiers  aurèsiens  m’ont  été  contées : celle de Maalem Tahar de Nara, celle de Salah Khelif de Menna ou encore celle du « vieux Ali » de Arris.

  

 

 

 

 

  

 

 

 

 

  dans Art

Bijoux Chaoui (Menaa)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La même tradition de transmission du métier de père à fils s’est conservée en Grande Kabylie. Les récits kabyles attribuent l’origine de la bijouterie locale, basée sur l’utilisation du décor émaillé, la présence du corail et la grande taille des pièces fabriquées, à la famille  des  bijoutiers  berbères des Beni-Abbes, installée à l’époque turque dans le village des Aït Larbaâ (Camps, 199o). Plus tard, les familles de bijoutiers se sont fixées dans d’autres villages des Beni Yenni à Taourirt Mimoun, Aït Lahsen, Agoun-Ahmed… Au début des années 1q7o, elles étaient plus d’une vingtaine. Aujourd’hui encore, ils perpétuent le style bien particulier des bijoux kabyles. En 2oo3, Ali Kechoud, expliquait aux enquêteurs avoir appris le métier au sein de sa famille et avoir su manier l’argent dès l’âge de 6 ans (Akam   et Hanafi, 2oo3).

 

 

 

 

Plus au sud, dans les régions rurales d’un vaste espace couvrant les Hauts Plateaux, l’Atlas tellien et l’Atlas saharien, où se mêlaient des populations arabes, berbères, juives et “ noires ” d’origine subsaharienne, les bijoutiers étaient aussi d’origines diverses. Mais, juifs ou Arabes, ils se sentaient appartenir à un corps de métier, fort de leur identité à la fois professionnelle, ethnique et tribale. Dans les Monts des ksour et au Djebel Amour,   ils avaient leurs ateliers à Aïn Sefra, à Djelfa, à El Abiod Sidi Cheikh ou à Aflou. Cette dernière ville comptait six bijoutiers en 196o (Yelles, 196o- 1961). Puisque la population de ces régions était majoritairement nomade et semi-nomade, les bijoutiers ont adopté aussi un mode de travail semi ambulant. Munis du matériel indispensable et pouvant installer leur petite forge et l’enclume à n’importe quel endroit, ils quittaient durant de longs mois leurs échoppes pour suivre les tribus dans leur transhumance. Comme les bijoutiers kabyles et aurèsiens, ils travaillaient en contact étroit avec leur clientèle, soit dans leurs ateliers fixes, soit près des tentes des nomades. Il leur arrivait aussi de se déplacer dans les petits ksour et bourgades environnants dépourvus de bijoutiers. Quand ils arrivaient, les habitants « les comblaient de présents et leur procuraient tout ce dont ils avaient besoin » (Yelles, 196o-1961). Dans les années 1q2o, Mathéa Gaudry soulignait qu’ils étaient connus de tous pour leur « esprit industrieux » et leur « adresse manuelle » (Gaudry, 1961).

 

 

 

 

Plus près de nous, dans les années 198o, les artisans bijoutiers de Bou- Saada racontaient à Youssef Nacib être descendants des Souama, originaires de Bouhmadou, dans le Hodna, et installés dans cette oasis dès le début du XlXe siècle (Nacib, 1986). L’un d’eux, Abderrahman, fils d’Abderrezak, né en 1942, représentait la cinquième génération d’artisans de sa famille. Il faisait partie d’une communauté de trente bijoutiers du quartier Cheurfa de Bou-Saada.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Salem, le Bijoutier Kabyle – Fort National 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le mode de travail des artisans dans ces régions steppiques et atlasiques contribua à l’exportation, sur de grandes distances, de modèles de bijoux et par là même au caractère à la fois diffus et composite de leur style. Encore aujourd’hui, les bijoutiers y fabriquent des parures en argent de modèles communs, moulés et ajourés au ciseau, qui circulent dans tout le Sud algérien. D’autres pièces, en or et plus sophistiquées, destinées à    la clientèle riche, trahissent l’influence de la bijouterie des grandes villes, comme Alger, Tlemcen ou Constantine, avec leurs techniques de filigrane, de granulation et de sertissage des pierres précieuses. Le même style composite caractérise le travail des bijoutiers des régions oasiennes allant de  la vallée de la Saoura à l’ouest jusqu’au Souf à l’est, en passant par le Gourara, le Touat, le Tidikelt, le Mzab, la région d’Ouargla et de Touggourt.

 

 

 

 

 

Dans les régions du Hoggar et du Tassili n-Ajjer, les bijoutiers, indépendamment de leurs origines supposées, arabes, berbères, africaines ou juives, ont assimilé depuis longtemps la culture touarègue et sont devenus ses gardiens les plus fervents. Ils font partie d’une « caste », celle des artisans Inaden, dont le métier couvre également le travail de la forge et du bois. Dans le passé, ils travaillaient pour les tribus des grands nomades,   les Imenan, les Uraghen et les Kel Rela, en les suivant souvent dans leurs déplacements. Dès le début du XXe siècle, avec la sédentarisation, ils ont commencé à se fixer de plus en plus dans les villes et les centres de culture, comme Tamanrasset, Djanet, Abalessa, ldelès, etc. pour exercer leur métier dans des ateliers fixes, soit individuellement soit dans des locaux collectifs. Les techniques, qu’ils utilisent encore aujourd’hui, sont surtout  le martelage, la ciselure, le repoussage au poinçon, le filigrane, la granulation et la fonte à la cire perdue.

 

 

 

 

 

 

 

Peut-être plus qu’ailleurs, les lnaden touaregs forment encore aujourd’hui une caste assez fermée (notamment à cause des mariages qui ne se contractent qu’entre membres des familles Inaden) et le métier de forgeron y est proprement héréditaire de génération en génération. L’un d’eux, Bayderer ag Ahmed Mrioued, meilleur forgeron bijoutier de Tamanrasset dans les années 196o-197o, remontait sa généalogie jusqu’à la sixième génération (Gabus, 1982). Un autre, Mohamed Daoudi, questionné à Djanet en 2oo3 et âgé alors de 83 ans, racontait son appartenance à une ancienne famille de forgerons et son apprentissage du métier auprès de son père (Bouzid-Sababou, 2oo3).

  

 

 

 

 

 

 

 

 

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Balance de bijoutier – Laghouat 19ème siècle 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jusque-là nous n’avons parlé que des bijoutiers hommes, ce qui ne veut pas dire que les femmes se trouvaient complètement exclues de la profession. C’était notamment le cas, encore récemment, en Grande Kabylie (Akam et Hanafi, 2oo3) et dans l’Aurès, où quelques femmes se sont distinguées par leur maîtrise des techniques de la bijouterie. Dans l’Aurès des années 198o, on m’a signalé plusieurs bijoutières qui pour des raisons diverses (décès du mari par exemple) sont même devenues chefs de leurs ateliers familiaux. Si toutefois les cas de production de bijoux métalliques par les femmes sont rares, l’utilisation de quelques autres matières leur  est réservée. Ce sont elles qui fabriquent les colliers en pâte odoriférante, connus dans toute l’Algérie sous l’appellation de skhab. Contrairement  aux villes, où on peut les acquérir dans une boutique de bijoutier, dans     les régions rurales (en Grande et Petite Kabylies, dans l’Atlas Saharien, le Souf, le M’zab et l’Aurès) leur fabrication est l’affaire des femmes (Ben-foughal, 1999). Bien que les recettes varient d’une région à l’autre, notamment en ce qui concerne les ingrédients, le principe reste le même : façonnage d’une pâte homogène plastique et très parfumée, à partir de laquelle on modèle des petits éléments de différentes formes (pyramides, boules, triangles, cylindres) que l’on enfile ensuite en un collier.

 

 

 

 

 

 

La pâte est composée essentiellement de clous de girofle et d’autres plan- tes odoriférantes comme le safran, le nard, le patchouli, que l’on broie et que l’on mélange ensuite à des matières plus ou moins liquides. En Grande Kabylie et dans quelques oasis sahariennes, comme Tabelbala par exemple, les femmes confectionnent aussi de jolis colliers en graines entières  de clous de girofles, en leur associant des morceaux de corail et des  petits éléments en matière plastique. Au Sahara, certaines femmes s’adonnaient encore tout récemment à la fabrication de perles de verre servant   à constituer des colliers (Gabus, 1982). Dans les années 1q7o, la technique de leur fabrication était semble-t-il, la même qu’en Phénicie ancienne : broyage des morceaux de verre de différentes couleurs dans un petit mortier, puis mise sur une perle support de multiples couches successives de pâte de verre, chaque fois de couleur différente, et enfin cuisson dans un petit brasero.

 

 

 

 

 

 Beaucoup d’éléments caractéristiques de l’exercice du métier de bijoutier que nous avons décrits plus haut existent encore aujourd’hui. Mais ces artisans ne vivent pas en vase clos, ils subissent les contraintes économiques du moment et les autres effets de la « modernité », ils s’adaptent et suivent les modes et les évolutions techniques. Les premières secousses significatives ressenties par la profession et qui ont ébranlé les modes de production traditionnelle datent de l’époque de la colonisation française. Parmi les mesures très lourdes de conséquences, il y eut la démolition des anciens quartiers de bijoutiers dans les grandes villes, comme par exemple celui du Souk-es-seyyâghin et du Souk-el-Djedid à Alger, qui a provoqué la dispersion des ateliers et l’abandon du métier par beaucoup de bijoutiers.

 

 

 

 

 D’un autre côté, la mise en place en 1857 du Contrôle de la Garantie, selon les lois en vigueur en France, qui devait succéder à l’ancien système des corporations, obligeait les bijoutiers à fournir des produits répondant aux titres légaux, ce qui pour certains d’entre eux, mal équipés, occasionna de grandes difficultés d’adaptation. C’était notamment le cas des bijoutiers résidant hors des villes pourvues de Bureaux de Garantie et surtout  de ceux qui exerçaient dans les régions rurales. Plus généralement, les effets de la colonisation comme la durée de la guerre de libération ont abouti       à la raréfaction de la clientèle et à la diminution du nombre des artisans bijoutiers.

 

 

La reprise a été amorcée dans les années 197o-198o, la stabilité économique et la mise en place des structures algériennes de gestion de la profession aidant. Quelques chiures en témoignent. Dans la région de l’Aurès, il  y avait en 1983 plus de 3oo bijoutiers pour la seule wilaya de Batna (Ben-foughal, 1997). En 1984, le nombre de bijoutiers exerçant dans les grandes villes était assez considérable : 672 dans la wilaya d’Alger et 361 dans la wilaya de Constantine, entre autres.

 

 

 

 

 

 En Grande Kabylie, en 199o, d’après le chiffre que j’ai pu recueillir sur place, les bijoutiers étaient au nombre de 32o (Ben-foughal, 1993). Parmi les mesures qui ont contribué à la renaissance du métier figuraient les nouvel- les dispositions prises par l’Etat : la création en 1968 du système algérien des poinçons de Garantie et des maîtres artisans ; l’ouverture en 1975 du Comptoir des métaux précieux (AGENOR, Agence nationale pour la transformation et la distribution de l’or et des autres métaux précieux) où les bijoutiers pouvaient désormais se procurer les matières premières. Dans   le même temps, la création en 1982 de onze bureaux supplémentaires de Garantie (à Sétif, Batna, Guelma,  etc.),  en  plus  des  trois  déjà  existants, a rapproché considérablement les bijoutiers des organismes où ils pouvaient régler leurs démarches administratives et faire poinçonner leurs bijoux. Les années 2ooo se sont ouvertes pour l’Algérie, après une décennie de crise, sur une promesse de reprise dont les retombées sont déjà ressenties déjà par les artisans bijoutiers.

 

 

 

 

 Au plan technique, le signe extérieur le plus visible du changement actuel des conditions de travail des bijoutiers concerne la modernisation des ateliers. L’acquisition de machines et l’électrification des ateliers sont devenues pour de nombreux bijoutiers une réalité. L’utilisation de la matière or dans la fabrication des bijoux ruraux, jusque-là essentiellement en argent, constitue un autre signe des temps modernes.

 

 

 

Par ailleurs, le changement des modes vestimentaires, avec l’abandon progressif du vêtement drapé au profit de la robe cousue de type européen, fait disparaître certaines parures fonctionnelles du répertoire traditionnel, comme les fibules par exemple, et induit le port de bijoux de plus en plus petits et légers.

 

 

 

 

 

Aujourd’hui, le métier de bijoutier garde encore un attrait pour les jeunes mais souvent seulement dans sa variante « moderne ».  Beaucoup  d’entre eux ne veulent plus l’exercer à la manière de leur père et leur grand- père, assis sur une natte, dans une échoppe sans électricité et avec des outils rudimentaires. Les laminoirs et autres polissoirs électriques achetés en Espagne ou en Italie, la comptabilité informatisée, l’exportation vers l’étranger sont pour eux les constituants indispensables de cette nouvelle manière d’exercer le métier. Mais ces mêmes jeunes sont aussi conscients que leur production n’aura de succès que si les « anciens » continuent à transmettre leur savoir et que si eux, de leur côté, sont capables de préserver les acquis techniques et artistiques légués par leurs aïeux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Tatiana Benfoughal

Muséum  national  d’Histoire Naturelle -Paris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




L’Art Sassanide

8012019

 

 

 

 

 

L’époque sassanide (226 – 644) marque une seconde grande période de l’histoire de la Perse. Cette dynastie s’ingénie à faire revivre et à développer les traditions de la période achéménide. L’art sassanide est un art au service du roi et de sa suite, un art dominé par la royauté et la noblesse féodale. Les Sassanides s’appuient sur une administration perfectionnée qui sera reprise par les califes.

 

 

En architecture, ils renouvelèrent l’usage de l’iwan, grande salle voûtée fermée seulement sur trois côtés, et emploient le stuc comme matériau de décor. Leur habileté architecturale la plus marquante consiste à passer du carré au cercle par l’élévation d’une coupole. Ils utilisent des trompes d’angle ou arcs construits au-dessus de chaque coin de la pièce de forme carrée, arcs destinés à soutenir la coupole.

 

 

 

 

 

L’Art Sassanide  dans Art 1542539102-firuzabad

Un iwan du palais d’Ardashir à Firuzabad

 

 

 

 

 

 

L’art sassanide est un art électrique. Une faible production de sculptures en ronde bosse paraîtrait inaperçue si nous ne connaissions pas le célèbre lion de Saint-Marc, érigé à Venise en 1176. Les formes trouvent une nouvelle expression dans l’art du relief rupestre taillée dans des falaises rocheuses. A Naqsh-e Rustam ou à Taq-e Bostan, la statuaire extériorise un art de cour dont le but est d’immortaliser le pouvoir et la grandeur du souverain. Les artistes dominent dans le travail de l’argent avec de nombreux plats, coupes, aiguières ornées de scènes en relief, offertes en hommage aux autres souverains.

 

 

 

 

 

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La grotte principale de Taq-e Bostan

 

 

 

 

 

 

Les Sassanide sont l’un des rares peuples à ne pas avoir pratiqué les « arts du feu » car, pour les zoroastriens, la terre ne doit pas être souillée. En dehors de quelques récipients à eau, gourdes de pèlerins ou jarres à grain, la céramique est rare.

 

 

 

 

 

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Tête de cheval en ronde bosse, argent partiellement doré ,IVe siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

En Europe, de nombreuses églises abritent des textiles sassanides. D’abord expédiées en cadeau à des dignitaires occidentaux qui en firent des parures de décorations, les étoffes servirent vers l’an mil, au moment des Croisades, à envelopper les reliques chrétiennes rapportées de Palestine. Le décor de ces tissus montre des motifs répétés géométriques ou floraux. On y voit également des médaillons entourant des chevaux ailés, des dragons-paons, des coqs, des canards, des sangliers, des scènes de chasse, des symboles religieux comme l’arbre de vie. Le rouge et le vert sont les couleurs dominantes de ces tissus de soie ou de lin.

 

 

 

Le rayonnement de l’art sassanide fut considérable : c’est à partir du temple du Feu que se développa la notion de coupole, élément important de l’architecture islamique. L’art byzantin, l’art carolingien et l’art roman lui sont redevables de nouvelles formes artistiques (portail, Christ en majesté, auréole). L’art sassanide a donné également naissance à l’art irano-bouddhique, dont l’essor fut grand, du Ve au VIIIe siècle, des grottes sacrées d’Afghanistan (Hadda, Bamiyan) jusqu’à celles de Chine (Longmen).      

 

 

 

 

 

 

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Le « cube de Zoroastre » à Naqsh-e Rostam, qui servait probablement de temple du feu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La Spiritualité dans l’Art Islamique

25112018

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le cadre d’une étude sur la «La corporation de métier des porteurs d’eau», Mohamed Mokri a traduit un petit traité du métier de porteur d’eau remontant au moins au XIVe siècle. Ce trait (Resâla-ye saqqâyi) comprend les pièces et formules consacrées que le porteur d’eau doit réciter, lorsqu’il est près du puits, lorsqu’il prend le seau, le descend dans le puits, le remplit, le remonte, le saisit, puis remplit l’outre avec l’eau, et ainsi de suite. Chaque opération est sacralisée par une prière. Le texte mentionne également sept obligations du porteur d’eau: ( 1. Prononcer les paroles pures, 2. professer sa foi en l’Islam, 3. observer la prière et le jeûne, 4. prêter la main au pacte et le respecter, 5. s’abstenir de faire ce qui est illicite, 6. être généreux, 7. posséder la pure sincérité. Il lui faut de plus ne pas être avare, et tout ce qu’il gagne, il doit le dépenser dans le chemin du Dieu Très-Haut.)

 

 

 

 

 

 

 

Bien que concernant un métier qui n’a rien d’artisanal, ce texte est révélateur de l’interaction entre le geste et la spiritualité. A propos d’un texte compagnonnique en persan, le « rituel de compagnonnage des artisans de tissus imprimés». Henry Corbin écrivait que la spiritualité du métier « transformer les actes professionnels en autant d’actes liturgiques. » «Procédant par questions et réponses, ce Fotowat-nâmeh développe un riche symbolisme, attaché aux instruments de travail aussi bien qu’aux gestes qui en assurent le maniement . Un ta’wîl  (herméneutique) subtil rattache un verset coranique à chacun de ses gestes et à chacune des phases du travail. La production du tissu imprimé est allusivement mise en connexion avec l’opération alchimique». La spiritualité et le métier sont ainsi intimement liés: la pratique artisanale est le support symbolique de la spiritualité, dans la mesure où le sens attribué aux outils et aux opérations inspire la foi, nourrit une conscience  contemplative, détermine des valeurs éthiques. Il n’est pas question d’une spiritualité qui se vit en dehors du monde et des activités sociales, ni d’un métier dépourvu d’implications spirituelles et de contenu sapientiel objectif.  Selon les Ikhwân al-Safâ’, pratiquer un art avec excellence rapproche l’homme de Dieu, car Dieu est l’Artisan Sage et Parfait et, selon un hadith, il aime l’artisan habile. 

 

 

 

 

 

 

 

Enracinée dans l’Islam et plus ou moins influencée par une sensibilité mystique, la spiritualité corporative et / ou individuelle, donne ainsi une valeur rituelle aux gestes, à la production artisanale, à l’exercice général du métier, et en définitive à la vie de l’artisan. Dans la tribu marocaine des Aït Ouaouzguite, la réalisation des tapis fait l’objet d’un rituel précis: l’espace du tissage est purifié par des fumigations, le métier à tisser est orienté vers la Mecque, prières et offrandes sont faites pendant l’installation du métier, la tisseuse purifie son corps avant les opérations de teinture. Ces rites ont « pour but d’établir un lien permanent entre le travail de la tisseuse et le sentiment religieux, et de sanctifier ainsi le futur travail. »   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Spiritualité dans l'Art Islamique  dans Art 1540103622-telechargement

Tapis du Haut-Atlas, Ait Ouaouzguite / Début du XXème siècle 

Ce tapis fait partie du groupe des tapis des Aït Ouaouzguites, tribue qui peuple le territoire se trouvant entre Ouarzazate et Taznakht. Les tapis aussi dits, Glaoua du Haut Atlas associent trois techniques de fabrication: le nouage, le tissage plat dit kilim, et le tissage dit Soumakh. Modèle tissé à point noué, travaillé à la main, Les Berbères utilisaient parfois ce type de tapis comme des sacoches pour lors de leur nomadisation. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la culture kabyle, le métier à tisser est de même un élément sacré, fréquenté par les anges. Il est une entité vivante, avec laquelle la tisseuse parle comme avec un être humain. Reflet de la personnalité intime et d’un mystère du féminin, le tissage est un acte rituel, comme l’écrit Makilam, en décryptant les légendes attachées au métier à tisser: 

 

 

 

Le caractère magique du tissage est en rapport direct avec la femme qui, en créant la vie en lui, influence les forces invisibles bienfaisantes que représentent les anges. La tisseuse les appelle tout au long de son travail et sait les attirer afin de remettre son ouvrage sous leur protection dès qu’elle s’absente. C’est elle qui établit le lien entre le monde invisible dont il fait partie et le monde visible.     

 

 

 

 

 

 

 

Souvent, le rythme du geste artisanal est soutenu par des chants et des prières. Dans ce poème de l’Inde, les opérations de filage sont associées à des oraisons (dhikr) particulières:    

 

 

 

Quand tu prends le coton tu dois t’exercer au dhikr-i djali! 

 

Quand tu étires le coton tu dois t’exercer au dhikr-i qalbi! 

 

Quand tu embobines le fil tu dois t’exercer au dhikr-i ‘aini!

 

Les fils du souffle doivent être comptés un à un, ma sœur!     

 

 

 

 

 

 

 

 

 Ainsi, successivement, le nom de Dieu est prononcé à haute voix  (dhikr-i djali), puis répéter dans le cœur (dhikr-i qalbi), afin que la fileuse soit absorbée dans sa concentration pour Dieu (dhikr ‘aini). D’autres poèmes de Bijapur établissent un ensemble d’analogies entre des préceptes islamiques et soufis et le métier des fileuses. Le corps est comparé au rouet, la langue au fil non-tissé pour le message de Dieu. Le filage est alors associé à une riche symbolique, dans laquelle chaque opération est liée à une signification spirituelle et à un rythme à la fois corporel (artisanal), psychologique et spirituel: la répétition du dhikr épouse la rotation du rouet, «chaque activité servant de métronome pour l’autre.»

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans les artisanats, les outils sont volontiers les supports symboliques de la spiritualité et d’une alchimie de l’âme. Dans le manuel persan des artisans de tissus imprimés, on peut lire que: 

 

 

 

Le chaudron est le creuset (bota) du tissu; l’intérieur (l’ésotérique) du chaudron, c’est le but que l’on se propose (morâd). L’extérieur du chaudron, c’est la compassion. Le feu et le chaudron sont l’un envers l’autre comme le maître et le disciple. Par le feu de la concentration intérieure (himma), tous deux sont compagnons de voyage. Par le chaudron, on opère la teinture du tissu. (L’objet de) l’amour c’est la teinture. Le serviteur du chaudron, c’est le bois. Le chaudron et le tissu sont l’un envers l’autre comme la prophétie et la walâyat

 

 

 

 

 

 

L’exigence de la spiritualité n’est pas seulement présente dans les métiers artisanaux, on la retrouve dans l’architecture, la calligraphie, la peinture, la poésie et la musique. Dans les textes consacrés à la calligraphie, nombreuses sont les mentions qui lient la qualité intérieure du calligraphe à la beauté de son écriture. Dans un traité persan du début du XVIIe siècle, l’auteur insiste sur la solidarité entre la spiritualité et la qualité de la calligraphie. Évoquant, Ali quatrième calife des sunnites et premier imam des chiites, il écrit: 

 

 

 

 

Le but de Murtadâ ‘Ali dans l’écriture 

 

n’était pas simplement de reproduire un discours, des lettres et des points

 

Mais des principes essentiels, la pureté et la vertu

 

Pour cette raison il daigna tendre à une belle écriture.          

 

 

 

 

 

 

 

Dans le même traité, on peut lire que «la base de la renommée dans l’art d’écrire réside dans la pratique de la vertu». Dès lors, il y a solidarité entre la spiritualité et la qualité de la calligraphie: « la pureté de l’écriture est la pureté de l’âme», peut-on lire dans le même traité. Un calligraphe contemporain, Abdel Ghani Alani, écrit de même que « l’acte calligraphique est une forme de prière, cela oblige le calligraphe à être pur spirituellement, c’est-à-dire qu’il doit être en accord avec lui-même et qu’il doit avoir foi en ce qu’il écrit.» 

 

 

 

 

 

 

 

Le fameux architecte Sinan, qui a renouvelé l’architecture ottomane au XVie siècle, a rendu solidaire la compétence technique de l’architecte de certaines qualités morales et spirituelles. Sinan est l’auteur de cinq textes, qui consignent des éléments autobiographiques et des considérations personnelles sur l’architecture et ses propres constructions. Dans l’un d’eux (Tuhfetü ‘l-Mi’mârîn), il écrit que l’architecte «doit avant toutes chose être vertueux et pieux.» Il poursuit en écrivant que l’architecte doit veiller à la fermeté de l’emplacement, à la solidarité des fondations, éviter toute erreur dans la conception des différentes parties de l’édifice (arcs, dômes, structures). Sinan ajoute que l’architecte doit éviter de construire à la hâte, en se fiant au proverbe selon lequel «la patience apporte la victoire», afin de «trouver la guidance divine pour la pérennité de son oeuvre à travers l’assistance de Dieu.»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La signature de Mimar Sinan (l’humilié et le pauvre en Allah Mimar Sinan)

 

 

 

 

 

 

Les calligraphes et les artisans ont laissé de nombreux témoignages de piété dans le colophon des manuscrites, les inscriptions des monuments ou les plans d’architecture. I. I. Notkin remarque par exemple que, sans doute sous l’influence d’idées soufies, des formules sacrées ont été écrites sur des dessins de muqarnas (alvéoles géométriques). Il cite l’exemple d’un dessin du XVIe siècle venant d’Asie centrale, représentant une couverture à quatre dômes. Au centre est écrit la Shahâhda («Il n’y a pas de divinité si ce n’est Dieu et Mohammed est le prophète de Dieu») alors que dans la périphérie du dessin a été répété plusieurs fois, également en écriture koufique,«la puissance appartient à Dieu». Dans le mihrâb de la mosquée Lotfollâh à Ispahan, construite au début du XVIIe siècle, une inscription cite l’architecte:«un homme humble et pauvre, anxieux de la miséricorde de Dieu, nomme Ustad Mohammed Rizâ, fils d’Ustad Hussein, architecte à Ispahan en 1028 [date de l'Hégire]». Dans l’iwan occidental de la mosquée du Vendredi d’Ispahan, une composition en céramique comprend le nom de l’artisan-calligraphe dans un carré sur pointe: Mohammed Mo’men Ibn Mohammed Amin. Autour, quatre éléments quadrangulaires en forme de cerf-volant portant un poème pieux en persan, écrit sous forme labyrinthique avec des lettres blanches sur fond bleu foncé : 

 

 

 

 

 

Une fois qu’a été enroulé la lettre de nos 

 

péchés, on l’a emmenée et pesée avec 

 

la balance des actions. Nos péchés étaient plus 

 

nombreux que ceux d’autres personnes, mais 

 

on nous a pardonné pour l’amour de Ali. 

 

 

 

 

 

 

 

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Calligraphie coufique, Mosquée du Vendredi, Ispahan / Iran 1700 – 1701  

 

 

 

 

 

 

 

 

Selon un traité de musique arabe du XIe siècle, le musicien le plus parfait doit réunir quatre qualités: «la disposition naturelle, la maîtrise, la tendresse (« expression » ou « sensibilité ») et le savoir.» Le musicien doit non seulement connaître son art(le jeu, la gamme, l’ornementation, les modulations), la science (mathématique, cosmologie), mais également avoir une vie conforme à la musique, faite de dévouement, de modestie, de contemplativité, de silence. Partant du principe que l’art implique l’union d’un savoir-faire (çinâ’a), d’une science (‘ilm) et d’une sagesse (hikmat), Marc Loopuyt écrit: 

 

 

 

 

Dans la musique arabo-andalouse, l’aspect çinâ’a correspond à la maîtrise formelle impliquant la mémorisation, le contrôle des timbre, l’ornementation et la paraphrase, vocale ou instrumentale; l’aspect ‘ilm est la science du nombre dans le mètre musical et poétique et la connaissance (‘irfân) de l’arbre des modes dans ses implications anthropologiques et cosmologiques; quant à l’aspect hikmat, il est nécessairement relatif au sama’, à l’écoute recueillie par l’oreille du cœur, qui doit pouvoir assimiler toute mélodie à son mode (taba’), à son archétype et, en dernière analyse, au son primordial.

 

 

 

 

 

La création ou l’exécution d’une pièce de musique réclame une certaine préparation mentale, comme le révèle le texte suivant. On demandait à Ishâq, célèbre poète et musicien arabe du IXe siècle, comment il criait des airs : «Je vide mon esprit de toute préoccupation, simule intérieurement la transe, et les inflexions de l’air en moi découlent, je les mène en me laissant guider par le rythme et me revoilà ayant touché juste et obtenu ce que j’escomptais.» Dans les milieux mystique, l’interprétation musicale est solidaire d’une pratique spirituelle. Jean During écrit, à propos de la musique soufie, que son efficacité dépend de trois facteurs: la réceptivité de l’auditeur, la qualité de l’interprète et de son interprétation, la musique elle-même. Pour les soufis, des musiques traditionnelles ou des versets de Coran ont un pouvoir intrinsèque, indépendant de l’interprète, mais l’effet d’une musique sur un auditoire peut être amplifié et intensifié par le musicien. Or, le pouvoir de l’interprète est lié à sa personne morale: «plus l’âme de l’interprète est pure et parfaite, plus sa musique à un effet spirituelle». Un musicien iranien du XXe siècle, Hâtam Asgari, établit même une correspondance étroite entre des degrés initiatiques du soufisme et des degrés de maîtrise du musicien: aux degrés soufis de disciple, maître et pôle correspondent les niveaux de l’apprentissage, de la maîtrise et de la maîtrise totale de la musique. 

 

 

 

 

 

 

 

Au point de vue soufi, seule une spiritualité sincère et continue permet de jouer sous l’effet d’un hâl, c’est-à-dire d’un état spirituel qui transfigure l’interprétation et le sens de la musique. Sous l’influence d’un hâl, le musicien atteint une dimension transcendante de sa personnalité et de son art, comme l’écrivent Nelly Caron et Darioche Safvate: 

 

 

Lorsqu’il atteint un haut point de cet état, l’artiste jouit d’une extraordinaire facilité d’exécution. Sa sonorité change. La phase musicale lui livre son secret. La création jaillit. Il semble que l’essence même de la musique se manifeste, délivrée des interférences habituelles de la personnalité humaine.   

 

 

 

 

 

 

 A propos des qualités du poète, Samarqandi (XIIe siècle) écrivait que celui-ci doit être versé dans plusieurs sciences, et allier un tempérament tendre, une pensée profonde, un esprit sain, une vision claire et la rapidité des idées. D’autres auteurs rattachent la création poétique à une sensibilité de type mystique. Nizâmi écrivait dans un texte soufi que la poésie asseoir «sur l’Arbre du Paradis». Toutefois, il conditionnait la pratique poétique à un suivi fidèle de l’islam: «Jusqu’à ce que tu sois versé dans la loi islamique, prend garde, ne t’attache pas à la poésie.» Il insistait également sur la nécessaire humilité du poète, car «ceux qui ont le plus de connaissance sont les plus humbles».». Pour Nizâmi, la poésie est une forme de paroles prophétiques, qui exige une spiritualité profonde du poète, seule susceptible d’ouvrir l’âme à une perception contemplative et à une inspiration spirituelle. 

 

 

 

 

 

 

 

En dépit de la diversité des pratiques artisanales ou artistiques, l’art apparaît le plus souvent solidaire, à divers degrés et selon des modes différents, d’une spiritualité et d’une conception cosmologique ou même métaphysique. La solidarité entre démarche spirituelle et créativité artisanale, artistique ou littéraire, s’est exprimée par le rattachement de la plupart des artisans, poètes, calligraphe, peintres ou musiciens à un ordre soufi, ou du moins à un enseignement mystique. L’affiliation des corporations d’artisans à des confréries soufies est un phénomène général dans le monde musulman. Ces confréries, qui trouvent généralement leur origine en Irak, en Iran et en Asie centrale, ont essaimé parfois d’un bout à l’autre du monde musulman: la Qâdiriyya remonte à Abd al-Qâdir Djilâni (Iraq, XIIe siècle), la Sohravardiyya à Omar Sohravardi (Iraq, XIIe siècle), les Mevlevis à Rumi (Asie mineure, XIIIe siècle), la Shâdhiliyya à al-Shâdhili (Egypte, XVIIIe siècle), la Naqshbandiyya à al-Din Naqshband (Asie centrale, XIVe siècle), la Ni’mat-Allâhiyya à Ni’mat Allâh Vali (Iran, XVe siècle), pour ne citer que ces exemples. 

 

 

 

Le soufisme a profondément imprégné la civilisation musulmane et pénétré tous les niveaux de la société. Son influence, largement attestée, appartient pourtant à une réalité impalpable et difficilement quantifiable, irréductible aux statistiques, aux catégories sociologiques, et aux réductionnisme historique. Le soufisme a par ailleurs emprunté des visages divers, qui ce sont interpénétré: soufisme pieux et fervent, dépourvu de grandes spéculations philosophiques, répandu dans les milieux populaires, ou soufisme philosophique, présent dans les cercles de savants et de poètes, les cours aristocratiques ou les milieux bourgeois, ou encore soufisme ascétique et contemplatif, solitaire et parfois asocial, minoritaire, mais à l’influence souvent considérable. Le soufisme a pu fournir, aux artisans, au lettrés, ou aux musiciens, au moins deux apports: d’une part, une spiritualité plus fervente et approfondie que la générosité, parfois littéraliste, codifiée par la jurisprudence et pratiquée dans la communauté; d’autre part, une symbolique et une doctrine plus ou moins complexe, qui ont pu se diffuser dans les milieux savants par des traités philosophiques et dans des milieux populaires par des contes, des poèmes, des mythes, des figures visuelles ou sonores. 

 

 

Dans cette perspective, on peut comprendre comment l’art islamique peut générer du sens, former un paradigme symbolique et s’harmoniser avec la spiritualité musulmane. Les artisans à qui nous devons les décors ou des objets n’était pas, dans la plupart des cas, des érudits ou des lettrés. En revanche, par leur participation à une corporation initiatique et à un ordre mystique, ils partageaient un ensemble de symboles et de mythes relatifs à leur métier, à sa pratique, à ses outils et à ses productions. Ces conceptions traduisaient, sous une forme « mythologique» ou poétique, des notions cosmologiques, spirituelles ou même métaphysiques, exprimées sur  un mode plus philosophique dans les milieux savants. Les artisans se faisaient ainsi les transmetteurs, plus ou moins conscients, d’une perception symbolique du monde, qui pouvait s’interpréter à différents niveaux. 

 

 

 

Ensuite, les exigence spirituelles et éthiques attachées au métier ou à certaines formes d’art (calligraphie, poésie, musique, etc) induisent une attitude intérieure en harmonie avec l’esprit du Coran et des traditions. Au point de vue musulman et soufi, en effet, la spiritualité à pour fonction de purifier l’âme, et par là même de la prédisposer à entrer en contact avec une inspiration surnaturelle, un saint patron, un ange, un Imam ou même Dieu. Les prières, le code de valeurs et les pratiques ascétiques suivis par les artisans et les artistes entretiennent une réceptivité spirituelle, propice à la compréhension des symboles, à la sérénité et à la contemplation. 

 

 

Enfin, les formes esthétique détiennent une dimension symbolique, comme on aura l’occasion de voir: qu’il s’agisse des structures et des éléments architecturaux comme les salles à coupole, de la calligraphie, des motifs décoratifs floraux, des formes géométriques ou encore des thèmes poétiques. En employant quotidiennement un vocabulaire ornemental d’étoiles, de soleils ou de rosaces, un artisan vit et oeuvre avec un monde de signes, qu’il peut ne pas comprendre dans leur complexité philosophique, mais dont la signification apparaît clairement dans des traités et des poèmes mystiques ou théologiques. 

 

 

Autrement dit, il y a non seulement des arts de l’islam, mais un islam des arts, c’est-à-dire une manière musulmane de vivre, de ressentir et d’appréhender les symboles. L’univers symbolique de l’art islamique est une langue vivante, Employant des signes multiples (naturels, culturels, sacrés), elle est inséparable de la vitalité d’un Islam à la fois juridique, rituel, philosophique, spirituel et mystique. C’est sur quelques chemins de ce langage, avec ses mots, ses grammaires, ses expressions, ses significations, que nous allons nous engager à présent. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

    

 

 

 

 




Meska ou Meskïa (bijou traditionnel)

12102018

 

 

 

 

 

Meska ou Meskïa (bijou traditionnel)  dans Art

 

 dans Art

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cassolette en deux parties ressemblant à une poire aplatie et suspendue à une chaîne par une bélière. 

 

Le mot mesk désignait autrefois une pochette de cuir dans laquelle on serrait les bijoux. Telle est l’origine de ce bijou qui a beaucoup d’analogie avec le pendant de cou, suspendu à un jaseron, du XVIIe siècle. 

 

 

 

Elle sert à mettre du musc (mesk) ou d’autres parfums essence de rose, de géranium, de jasmin et de civette qui vient, dans des cornes de rhinocéros, du centre de l’Afrique, par le Mzab. 

 

Presque toujours en or, la meska est faite en filigrane, décorée de pierres précieuses avec pendeloques de perles, d’émeraudes, de rubis non taillés et percés. On en rencontre d’une grande richesse dans lesquelles le travail est en plané, ajouré au oiseau des deux côtés et orné d’émeraudes carrées, rectangulaires ou en losange, ou encore de saphirs et de rubis cabochons. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

meskia 

 Pendentif porte-amulette (meskia ou meska) en or, perles et pierres fines. Alger entre le 17ème et le 18ème siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La monture sertissant les pierres est en argent doré. La belle meska à nervures d’or, bordée d’une guirlande de perles fines porte des pendentifs de pierres précieuses à l’état brut. Lorsqu’elle est filigranée, celle cassolette est souvent légèrement bombée. La fermeture très primitive consiste en un simple petit crochet. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

meskia tunisienne 

 

 

 

 

 

 

A Tunis, la Meska ou Meskia est faite le plus souvent de filigrane et rarement de plaques découpées avec  incrustations de pierres  précieuses. C’est la même parure à peu près que la précédente. Elle a la forme d’une amande et laisse pendre à sa base des perles ou des pendants d’or. Quelquefois le motif principal de l’ornementation consiste en une rosace entourée d’arabesques. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




L’Artisanat domestique féminin Algérien

29072018

 

 

 

 

 

L’artisanat familial et l’artisanat professionnel constituent un savoir-faire au service de la société, savoir-faire qui s’était développé par nécessité, par besoin d’autonomie et d’autosuffisance. Les techniques de fabrication étaient transmises de mère en fille et de père en fils. 

Grâce à la créativité populaire et à une main-d’oeuvre nombreuse et bon marché, le travail manuel traditionnel permettait au familles, aux veuves et aux orphelins de gagner honnêtement un peu d’argent pour acheter de quoi manger ou apporter un appoint indispensable au maigre salaire du chef de famille. 

 

 

En plus des nombreuses activités et travaux ménagers ordinaires et quotidiens, les mères de famille qui ont une résistance à la fatigue et un courage exceptionnels, font le sacrifice de leur temps de repos et de loisir. Elles se retrouvent, en été, au moment de la sieste (la sieste pour les autres), dans le patio, assises, sur des peaux de moutons, pour effilocher, carder ou filer à la quenouille, la laine qu’elles avaient auparavant lavée et séchée au soleil. Lorsque le tas de laine filée suffisant, la femme en fait des écheveaux en se servant de son pied et de sa main gauche comme deux piquets et de la main droite, elle passe le fil de la laine en décrivant un cercle. Les écheveaux rattachés entre eux sont prêts à être vendus le lendemain .

 

Parfois, l’une des voisines disposait d’un métier en bois et fabriquait des tapis dans un coin de la cour près de sa chambre. Tous ces travaux se réalisent pendant que la discussion battait son plein.  »El Hadith wa l’moghzel » ; (Paroles et quenouille) sont la traduction littéraire, ce que veut dire que le dialogue et la discussion continuent pendant que les mains voltigeaient habilement et utilement, le travail ne s’arrête pas, le temps est précieux, « Time is money » disent les Anglo-Saxons. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Artisanat domestique féminin Algérien  dans Art 1529933278-algier-spinning 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans les familles les plus huppées, les activités artisanales sont d’un niveau plus élevé. La broderie avec fil d’or ou d’argent sur velours ou sur peau en cuir, était un art que les femmes ainsi que les hommes de la bourgeoisie pratiquaient à l’intérieur des maisons ou dans des échoppes mal éclairées. Le velours brodé servait à la confection des caftans et des caracos, habits de grand standing pour la jeune mariée issue de famille aisée. Avec les peaux de cuir brodées par les femmes, les hommes fabriquaient des selles (es-serdj) pour chevaux de parade ou de fantasia (el-goum), des babouches, des coiffes coniques pour la mariée (chéchiat el Aroussa), etc. 

 

 

 

 

 

 

 

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Selle d’apparat- Tlemcen 1937 

 Selle d’apparat de type  » tsata  » avec ses tapis et étriers se composant de : – une chemise de selle – un harnais – une sangle double à extrémités de cuir avec deux boucles – trois cordelières attachés et repliées – un arçon dit  » Herbous  » comporte à l’arrière un haut troussequin dit  » guedda  » – un tapis de selle tissé – un tapis de selle tisé à motifs de chevrons – six tapis de selle fixés sur une housse de cuir ( les couleurs des tapis de feutre ( de l’extérieur vers l’intérieur ) 1 noir- 1 rouge – 1 jaune- 1 vert- 2 blancs ) – un support de présentation de la selle

 

 

 

 

 

 

 

Les métiers fins comme la broderie ou la couture, sont l’apanage des femmes de l’aristocratie qui, d’ailleurs, gardent jalousement secrètes les techniques de travail. Elles s’adonnent à leur activité presque en cachette. Si un (ou une) visiteur (se) survient et les surprend en plein action, elles s’arrêtent de travailler et couvre nonchalamment leur ouvrage, comme d’un geste machinal. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Caftan long en velours de Gênes du XVIIIe siècle provenant de la ville d’Annaba. (©Association Arrawnek El-Annabi)

 

 

 

 

 

 

Ces familles ne transmettrons leurs connaissances techniques qu’à leurs propres enfants. Il y a en fait, une protection du brevet de fabrication ou de la marque déposée. Elles ignorent que le Prophète avait dit: (Quiconque cache une science à mes croyants, Allah le punira en lui mettant un mors chauffé à blanc entre les mâchoires, le Jour du Jugement dernier.)

 

 

 

Certaines femmes développent progressivement leur propre entreprise à l’intérieur même de leur domicile. Elles commencent avec un métier, puis deux, puis trois, puis davantage. Elles emploient des ouvrières, jeunes filles ou femmes divorcées et des apprenties fillettes pour la fabrication de tapis par exemple. C’est ainsi qu’à Tlemcen de nombreuses fortunes sont dues à l’esprit d’entreprise de la femme. 

 

 

L’épouse peut donc, quand elle a les qualités intellectuelles requises, aider son mari à s’élever dans l’échelle sociale, si ce n’est pas matériellement comme raconté précédemment, cela peut être par des conseils judicieux, en l’encourageant et en lui donnant confiance en ses possibilité comme elle peut aussi le diminuer en le critiquant à tout moment et lui donner des complexes d’infériorité qui les paralysent dans toutes ses entreprises et ses décisions ou par sa façon de gérer le foyer, en évitant le gaspillage et en faisant des économies. D’où, encore une fois, le rôle important que peut jouer l’épouse intelligente et sage dans un foyer musulman. 

 

 

Dans le milieu rural, le couscoussier (qallal), les plateaux à pain (tbaq), les nattes, les éventails, les balais, etc. étaient tressés par les mains expertes des campagnardes, à l’aide de l’alfa et des feuilles de palmier nain (doum).

Les marmites (qadra), les plats (tadjine), les gargoulettes (el-qoulla), les braseros (nafekh et medjmer) confectionnés en terre cuite étaient la spécialité des femmes de Nedroma. Peut-être est-ce dû à la présence d’une argile de qualité dans la région. 

 

 

 

 

 

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Arabe tressant un samour

 

 

 

Finalement, les femmes algériennes étaient polyvalentes dans le travail. Elles savaient tout faire. Elles ne se plaignaient jamais et n’avaient sans doute pas conscience de leur situation. 

C’était, en quelque sorte, un sacrifice perpétuel qu’elles acceptaient volontairement, stoïquement, pour le bonheur de la famille. Quelle abnégation!  Nos grands-mères, nos mères et nos sœurs étaient de véritables saintes sans auréole. Elles ont droit à notre reconnaissance infinie, à notre hommage sincère et éternel car ce sont elles, par leur abnégation de tous les instants, qui ont élevé et éduqué les générations de militants qui ont éveillé le sentiment nationaliste du peuple algérien et réussi à libérer le pays du joug colonial. Plus près de nous, les jeunes femmes ont accéléré le mouvement pour l’émancipation du sexe faible en participant avec ardeur au combat pour la libération de l’Algérie. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 






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