Bulla Regia ou Bulla la Royale!
26 11 2020
Tel est le nom de l’un des sites insignes du patrimoine archéologique national tunisien. Il désigne un ensemble exceptionnel situé au pied de Jbel Rebiaa, à quelques kilomètres au nord de la ville de Jendouba. Composé d’un mot berbère (Bulla) et d’un adjectif latin (Regia) qui a été ajouté à l’époque romaine, probablement en rappel de son rôle de l’une des résidences des rois numides, ce nom est celui d’une ville où saint Augustin aimait passer et aux habitants de laquelle il reprochait leur comportement de mauvais chrétiens!
Comme les autres villes antiques de la région telles que Simitthus (Chimtou), Thuburnica (Sidi Ali Belgacem/Ouerghech), Vaga (Béja), Sicca Veneria (El Kef), Thugga (Dougga) et tant d’autres, Bulla Regia est une agglomération de fondation autochtone à une date encore inconnue. La présence d’une source semble avoir été l’un des facteurs déterminants de l’occupation de l’endroit depuis les premiers temps protohistoriques. Elle a fini par fixer les hommes et favoriser la naissance d’une agglomération appelée à devenir, quelques siècles plus tard, l’une des villes principales du royaume numide. C’est d’ailleurs dans cette ville que fut capturé le roi Hiarbas par le chef militaire romain Pompée en l’année 82 avant J-C. comme le rapporte l’auteur Paul Orose. Sous la domination romaine, elle est attestée comme ville «libre» (oppidum liberum) avant d’accéder au rang de municipe sous Vespasien, puis à celui de colonie sous le règne de l’empereur Hadrien (117-138 après J.-C.). son passé prestigieux et sa situation sur l’une des plus grandes voies e la province d’Afrique proconsulaire, celle qui reliait Carthage à Hippo Regius (aujourd’hui Annaba, en Algérie) ne devaient pas être étrangers à cela. Durant la période du Haut-Empire, elle connaîtra une grande prospérité. De nombreux monuments y sont alors édifiés grâce notamment à la contribution des familles aisées. Ils lui conféreront l’aspect d’une ville romaine où les loisirs ne manquaient pas, avec un théâtre resté fréquenté jusqu’à la veille de l’invasion vandale comme en témoigne Augustin et avec un amphithéâtre qui devait attirer les grandes foules les jours de spectacles. Le théâtre a été fouillé peu d’années après l’indépendance dans le cadre d’un chantier de lutte contre le chômage. En plus de ce monument, ces fouilles de 1960-1961 ont permis de mettre au jour dans ce secteur un vaste ensemble d’édifices publics assez bien conservés entourant deux grandes places, surtout des temples dont l’un à triple cellae qui était consacré au culte de la famille impériale de Septime Sévère (gens Septimia) ainsi qu’un sanctuaire de la déesse égyptienne Isis. À ces édifices, s’ajoutent les nombreux thermes publics qui participaient à ce mode de vie à la romaine. Par leur splendeur et leur luxe, ceux offerts à la ville par Julia Memmia et dont les vestiges imposants dominent de leur masse l’entrée principale du site archéologique, devaient être un motif e fierté pour les habitants.
Ce ne sont pas là les seuls monuments qui témoignent de cette prospérité passée.
Le forum, repéré au début du siècle dernier, dégagé vers 1949-1952, était entouré de bâtiments publics et religieux, en particulier sur le côté ouest, un temple qui semble être le Capitole, dont seul le soubassement a subsisté; à l’est une grande salle à double abside qui était la basilique judiciaire, au nord, le temple d’Apollon qui était le dieu poliade de Bulla Regia et où ont été retrouvées des statues de culte qui sont exposées aujourd’hui au musée National du Bardo à Tunis; et au sud-ouest, le marché avec ses deux rangées de boutiques. Une porte monumentale qui donnait accès à la place, signalée par les premiers explorateurs, a été détruite à la fin du XIXéme siècle.
Mais ce qui constitue l’originalité du site, c’est son architecture domestique. Celle-ci se distingue en effet par les maisons à étage souterrain conçu comme un étage d’habitation. Cet étage en sous-sol est composé en général d’un petit espace central sur lequel donnent les pièces: son aménagement et la qualité de son décor ne laissent pas de doute quant à sa fonction: celle d’être destiné à l’habitation. Parmi ces demeures, les plus somptueuses sont la «Maison de la Chasse», fouillée en 1904, la «Maison de la Pêche», fouillée en 1910 et la «Maison de Vénus marine» qui comprend une grande salle décorée d’une mosaïque représentant le couronnement de Vénus.
Au sud-ouest de l’îlot de la Chasse, un petit complexe paléochrétien composé de deux églises mitoyennes et d’un petit établissement thermale fournit un reflet de la ville à la fin de l’Antiquité, à une époque qui a vu un net recul de la superficie urbaine et l’utilisation de quartiers entiers d’habitat comme champs de sépulture. Cette régression de la vie urbaine va se poursuivre de manière inexorable jusqu’à son extinction totale. La renaissance aura lieu bien de siècles plus tard avec le passage en 187980, de l’autre côté la Majerda, de la ligne de chemin de fer Tunis-Ghardimaou et la création de la petite gare de Jendouba qui sera à l’origine de la naissance de la ville aujourd’hui chef-lieu de gouvernorat du même nom. Mais cela est une autre histoire !
Et un peu plus loin, se trouve un fortin qui a été aménagé en maison de fouilles et à l’extérieur de la clôture du site archéologique s’étend une vaste nécropole païenne qui est restée en usage durant l’Antiquité tardive et dont l’exploration entreprise dès 1889-1890 se poursuit encore de manière très sporadique.
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