Histoire de Constantine
17 10 2020
Voici une des histoires contée par les Maures de Constantine.
Sous le Bey Manamani*, il y avait, dans la ville, un jeune homme qui se vantait d’avoir beaucoup d’amis, et qui tournait son père en ridicule parce que celui-ci n’en avait qu’un. Le vieillard résolut de lui donner une leçon. Il s’en fut au marché, fit emplette d’un mouton, l’égorgea, le dépouilla et le recouvrit d’une pièce de toile; puis il dit à son fils : J’ai eu le malheur de tuer un homme ; va, cours chez tes amis, demande-leur de nous assister.
Le jeune homme part et frappe à toutes les portes ; il ne trouve que des gens effrayés qui tremblent de se compromettre; il en restait un sur lequel il comptait beaucoup ; ce fut celui qui le trahit. De retour au logis où il revenait tristement, le père lui dit : Mon fils, tes nombreux amis t’abandonnent; essayons donc du mien, envoyons-le chercher. L’ami arrive en toute hâte ; il s’informe, et le père fait son conte : Quoi, dit-il, n’est-ce que cela ? Nous ferons deux parts du cadavre, et chacun en emportera la moitié. Non, dit le père, il vaut mieux l’enterrer sous cette Voûte obscure. Le travail était à peine achevé qu’on frappe à la porte de la maison. C’est un topdji qui vient arrêter le coupable. Le père se laisse emmener sans résistance et comparaît devant le Bey : On t’accuse, dit le prince, d’avoir commis un meurtre : qu’as-tu à répondre?
Seigneur, dit le père, excusez-moi, je suis innocent.
Prends – garde, reprend le Bey avec sévérité, d’aggraver ton crime par un mensonge. J’entends que le cadavre soit retrouvé sur-le champ.
On le ramène chez lui, et les perquisitions commencent. Le topdji remarque, sous la voûte, un endroit où la terre avait été fraîchement remuée , il l’écarte et découvre un linge ensanglanté. Alors l’ami s’écrie : C’est moi qu’il faut punir, je suis le seul coupable ! Le topdji, embarrassé, les arrête tous les deux, et les mène au palais. On enlève le linceul , et le Bey, surpris, à la vue d’un mouton dépouillé : Que veut dire ceci ? s’écrie-t-il. Seigneur, répond le père, Dieu me garde de commettre un crime ! J’ai Voulu donner une leçon à mon fils, en lui montrant combien les Vrais amis sont rares. Alors il lui raconta tout, et le prince, admirant sa sagesse, le renvoya comblé de présents, tandis que le jeune présomptueux essuyait les railleries des assistants.
* Mohammed-Bey-Malamli , ou Mohammed-Bey-Manamanni de son nom Mohammed-Bey Ben-Khan (en arabe محمد محمدي باي بن خان) calife et caïd-ech-chair, caïd-djebel-el-renem, d’origine turque, est un bey de la province de Constantine, qui règne de décembre 1824, à fin juillet 1826 (1241 de l’Hégire)
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