Les Premières Campagnes de Fouilles à Sedrata (Ouargla)

13 10 2020

 

 

 

 

 

 

 

Les Premières Campagnes de Fouilles à Sedrata (Ouargla)  dans Archéologie 200629073406535904

Niche, période rostemide, Sedrata (Ouargla) Xe s

 

 

 

 

 

 

 

Quittant leur royaume de Tâhert, vers l’an 909 de notre ère, et sa capitale assiégée par des tribus rivales, les Ibadites fuient dans le désert, sous la conduite de leur saint Imam. «Ils tournent le dos, disent les chroniques arabes, au monde corrompu et affaibli par les divisions intestines et marchent vers le Sud jusqu’à Ouargla. Malgré les fièvres terribles qui y règnent l’été et l’aridité absolue du désert environnant ils décident d’y construire leur ville.» Et le chroniqueur ajoute: «Parce qu’ils y trouvent, à 60 m de profondeur, la mer du déluge, immense nappe artésienne qui rebondit dans toute cette région sur une sorte d’écueil souterrain. C’est là que nos Ibadites s’arrêtent avec la résolution de fertiliser ce sol et de conserver intact, loin des envahisseurs, le dépôt de leur foi. Et les gerbes d’eau d’une puissance incroyable qui s’échappent des puits creusés par les fugitifs font bientôt fleurir tout ce désert.»

 

Ainsi naquit Sedrata. Et, quelque fantaisiste que puisse paraître ce récit, il est plus fidèle qu’on ne pourrait le penser. Les recherches sur le site nous ont fait découvrir un réseau serré de canalisation qui, non seulement arrosaient la vaste zone de cultures située autour de la ville, mais se prolongeaient jusqu’aux palmeraies des oasis de Ouargla et de Rouissat, à plusieurs kilomètres de distance.

 

Sedrata, la capitale ibadite, qui connut une si grande prospérité au Xe et au XIe siècle, eut la vie courte. Vers le milieu du XIIIe (1) siècle, expulsés une deuxième fois, les ibadites furent contraints de se réfugier sur le plateau aride du Mzab, plus facile à défendre et où ils sont restés.

 

 

 

 

 

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Une fois abandonnée par ses habitants Sedrata fut rapidement reconquise et recouverte par les sables. Ce n’était point la première fois que la ville ensevelie excitait la curiosité des chercheurs. En 1881, un membre de la Commission du Transsaharien, H. Tarry, profita de quelques loisirs pour dégager en partie et avec l’aide d’une nombreuse mains-d’œuvre locale deux ou trois maisons de la ville, une mosquée et quelques salles d’un Palais ou «Mahakma», où il recueillit un grand nombre de fragments d’ornementation en plâtre qu’il rapporta à Alger et à Paris: «deux charges de chameau», dit-il dans les quelques notes qu’il a laissées. Hélas, de tout ce butin il n’est rien resté. Malgré toutes les recherches à Paris et en Algérie il a été impossible de retrouver aucune trace. Une entreprise semblable équivaut à un pillage.

 

En 1898, le prof. Paul Blanchet fit quelques fouilles sur l’emplacement de la ville, mais sa mort prématurée l’empêcha d’en rien publier.

Un petit nombre de relevés sommaires, de notes et de photographies et les fragments du Musée d’Alger, c’était là tout ce qu’on connaissait de Sedrata lorsqu’au mois de mars 1950 Mlle Marguerite Van Berchem arrivait pour la première fois à Ouargla, chargée d’entreprendre le dégagement de l’ancienne capitale ibadite. Deux compagnes de fouilles ont été effectuées la première en 1951 et la deuxième en 1952 précédée d’une mission de reconnaissance en mars-avril 1950.

 

 

Mlle van Berchem rend compte à l’Académie des deux campagnes de fouilles qu’elle a effectuées à Sedrata de Ouargla, dans le Sud Algérien. Ces fouilles, entreprises sous le patronage de la Direction des Antiquités de l’Algérie, à l’aide des crédits mis à sa disposition par la Direction de l’Intérieur et des Beaux-Arts au Gouvernement général, ont été précédées en 1950, d’une mission de reconnaissance au cours de laquelle, grâce au concours de l’aviation militaire en Algérie, une série de vues aériennes du site furent prises.

 

Cette reconnaissance aérienne révéla une ville importante qui s’étendait sur plus de 2 kilomètres de longueur, orientée du Nord-Ouest au Sud-Est. L’extrémité nord de la ville se trouve à environ 8 kilomètres à vol d’oiseau au Sud de Ouargla et la pointe sud à 5 ou 6 kilomètres au Nord de la Gara Krima (2).

 

Retraçant dans ses grandes lignes l’histoire de ces schismatiques musulmans d’origine berbère, les Ibadîtes, Mlle van Berchem à évoqué les circonstances dans lesquelles, quittant en l’an 909 de notre ère leur capitale de Tâhert, l’actuelle Tiaret dans la province d’Oran, alors assiégée par des tribus rivales, ils se sont enfoncés dans le Sahara et ont fondé, à 800 kilomètres au Sud d’Alger, la ville de Sedrata (3), aujourd’hui ensevelie depuis huit siècles dans les sables du désert.

 

Au cours de ces deux campagnes de fouilles, au prix des plus grandes difficultés dues à la situation isolée de ces ruines, perdues en plein désert, à la nature du sol et aux terribles vents de sable qui ravagent constamment cette région, deux maisons importantes ont été mises au jour.

 

La première, dégagée en 1951, est située à la périphérie ouest de la ville et mesure environ 20 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur. Sur une cour centrale s’ouvrent, à l’Est et à l’Ouest, plusieurs chambres communicantes, longues et étroites. L’une de ces pièces était divisée en trois par deux arcs, supportés par deux couples de fines colonnettes dont l’une est parfaitement conservée. Elle se terminait par deux petites alcôves ou iwans. La pièce contiguë, peut-être une antisalle, était séparée de la cour par des arcs outrepassés qui reposent sur des piliers carrés cantonnés de colonnettes engagées (4), également bien conservés. De l’autre côté de la cour, dans une pièce utilisée comme magasin à provisions, deux jarres, encastrées dans un massif de maçonnerie et qui servaient pour la conservation des dattes ont été retrouvées intactes (5).

 

Pour protéger cette fouille contre les vents de sable qui gênaient considérablement les travaux, Mlle van Berchem a fait construire une palissade de djérids (branches de palmiers coupées après la récolte des dattes) qui a parfaitement résisté d’une année à l’autre et a réussi à préserver cette maison de l’ensablement. Divers travaux de consolidation ont aussi été effectués.

 

La campagne de fouilles de 1952 a mis au jour une maison située à la périphérie Est de la ville, au centre de la zone d’irrigation. C’est, en effet, le point vers lequel convergent les larges et nombreuses seguia (canalisations à ciel ouvert) aujourd’hui ensablées, que l’on distingue si bien d’avion, mais qu’il est très difficile de suivre sur le sol parce qu’elles disparaissent tour à tour sous les hautes dunes de sable qui se sont accumulées sur les ruines de la ville.

 

Cette maison semble avoir été un véritable palais ; elle était entourée d’une enceinte qui vient d’être partiellement dégagée avec une de ses tours d’angle. Dans la partie qui servait d’habitation les restes d’une splendide décoration murale en plâtre ont été recueillis. Le dégagement entier d’une salle de réception et le transport difficile et mouvementé, par camions, d’une cinquantaine de caisses de cette décoration au Musée d’Alger vont permettre à Mlle van Berchem de reconstituer cette salle dans son ensemble.

 

Autrefois recouverte d’une voûte en berceau, dont quelques parties ont été retrouvées enfouies dans le sable, cette salle mesure 7 m. 50 sur 2 m. 20 et se termine aux deux extrémités par deux iwans, précédés d’un arc soutenu par deux colonnettes rondes dégagées.

 

La décoration murale qui ornait la partie supérieure des parois et les encadrements des portes se composait d’une variété étonnante de motifs profondément sculptés dans le revêtement de plâtre du mur. Ce sont tantôt de grandes rosaces, toujours diverses, d’un dessin ferme et élégant, des semis de fleurs stylisées, des palmettes de tous genres, petites et grandes. Quelques éléments de feuilles d’acanthe et des rinceaux de feuilles de vigne courant en bordure d’un arc trahissent encore leur origine hellénistique. Ailleurs des palmiers stylisés, des enroulements encadrant un autre arc dont l’intrados est orné d’un motif en tuyaux d’orgue, semblable aux fameux modillons à copeaux de la Grande Mosquée de Cordoue (Xe siècle). Comme fond à ces motifs on trouve souvent un réseau serré d’alvéoles creusées en biseau.

 

Au sommet de ces panneaux couraient de larges inscriptions coufiques, d’un style très noble, où ne figure aucune date, mais que leurs caractères permettent de faire remonter à la fin du Xe ou au XIe siècle. L’une de ces inscriptions, qui a pu être partiellement reconstituée, est une formule de bénédiction : « baraka » répétée trois fois, formule courante dès les premiers siècles de l’Hégire sur les monuments comme sur les céramiques, les armes, les ustensiles de ménage, etc.

 

Dans la cour du palais, de belles amphores vernissées, des restes de parures féminines, épingles, pierres de colliers, d’innombrables tessons et morceaux de verre ont été retirés du sable.

 

Une partie de l’enceinte qui entourait cette vaste demeure a été dégagée, avec l’entrée et la rampe à degrés qui y conduisait, en tournant à angle droit. Au-dessous, à l’extérieur, des bassins et des restes de canalisations maçonnées ont été mis au jour.

 

Les murs, dans tous les monuments de Sedrata, sont construits en blocage revêtu de timchent, le plâtre gris du pays encore en usage aujourd’hui.

 

La richesse et la variété de la décoration murale qui vient d’être découverte témoignent d’une civilisation raffinée qu’on ne se serait pas attendu à trouver en plein Sahara.

 

S’il est encore prématuré de se prononcer sur l’origine et sur le caractère de cet étonnant décor on peut toutefois émettre quelques suggestions. A l’aide de projections Mlle van Berchem a montré qu’à côté des survivances hellénistiques qui sont nombreuses dans cet ensemble ornemental, sa parenté avec certains monuments chrétiens d’Afrique ne saurait être niée. On trouvera dans les ornements sculptés exposés au Musée copte du Caire maints éléments qui s’en rapprochent. Mais l’influence orientale, en particulier celle de la Perse et de la Mésopotamie, a aussi été très forte. Ceci n’a rien d’étonnant si l’on tient compte des relations étroites qui existaient au Moyen Age entre les noyaux ibadîtes d’Afrique du Nord et les centres urbains de l’Iran et de l’Irak.

 

L’histoire nous apprend qu’au VIIIe siècle Tahert, où vivaient de nombreux marchands venus de l’Irak et de Perse, rivalisait de splendeur avec Belekh, ville du Khorassan, si bien que les Ibadîtes lui avaient donné le nom de « Belekh de l’Occident ». Lorsque Tahert fut mise à sac et que les Ibadîtes l’abandonnèrent en 909 pour venir fonder Sedrata, ils songeaient sans doute à faire une autre Tahert qui pût à son tour rivaliser avec la Belekh persane. Ainsi s’expliqueraient la richesse et la variété des décors de Sedrata qui sont peut-être en partie l’œuvre d’artisans persans, venus en Afrique du Nord à la suite des émirs rostémides.

 

Mais tandis que Tahert était située non loin du littoral méditerranéen, à Sedrata nous sommes à 800 kilomètres au Sud d’Alger et à 400 kilomètres au Sud du limes romain, au-delà duquel on ne se serait pas attendu à trouver une civilisation aussi raffinée et un centre aussi important.

 

Cette découverte pose de troublants problèmes. Non seulement elle ouvre un chapitre nouveau de l’histoire de l’Art musulman mais, sur un plan plus vaste, elle viendra combler une lacune et permettra de reconstituer un chaînon qui, jusqu’alors, a manqué dans l’histoire des civilisations.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. La date de la destruction de la ville est encore incertaine. Les historiens arabes la placent tantôt au XIe tantôt au XIIIe siècle. La seconde de ces dates est la plus vraisemblable.

 

2. Montagne tabulaire qui domine isolée le désert et sur laquelle on trouve des traces d’anciennes habitations ainsi qu’un puits aujourd’hui ensablé.

 

3. Sedrata, en berbère Isedraten, tire son nom d’une ancienne tribu berbère.

 

4. Ces piliers ne sont pas sans analogie avec ceux qu’on voit dans la mosquée d’Ibn Tûlun au Caire (IXe siècle).

 

5. Cette maison a été fouillée en 1881 par Tarry qui en a laissé quelques dessins d’après lesquels on constate qu’elle était alors en beaucoup meilleur état. Les arcs, aujourd’hui détruits, étaient bien conservés. Après avoir été utilisée par les fouilleurs comme habitation elle fut abandonnée ensuite aux déprédations du temps et des hommes sans qu’aucune précaution ait été prise pour sa conservation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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