Du Nom des Énigmes en Kabyle
31 07 2020
Selon les différentes localités kabyles, une douzaine de termes sont employés encore aujourd’hui pour désigner les énigmes.
1 – Tamsaɛreqt (pl. timsaɛraq, timsaɛraqin, timsɛraqin): «celle qui égare», du verbe aɛreq: «s’égare», «échapper(s)», «se tromper», «ne pas deviner», «disparaître», «cacher», «ne plus se rappeler».
2 – Tamsefruţ (pl. Timserfa): «celle qui explique» du verbe efru: «expliquer», «résoudre», «terminer», «séparer les belligérants», «ramener la paix» (tifrat = paix), «tirer».
3 – Asefru désigne également le poème ou une composition rimée charge d’un sens ésotérique à l’attention des esprits sagaces.
4 – Taqnużt (masc. Aqnuż, pl. Tiqwnaż, iqwnaż) est à l’origine, un jeu de dames dans lequel deux joueurs déplacent 24 pièces (12 x 2) sur un plateau (une pierre plate) carré, divisé en 144 cases. Nous l’avons trouvé sous le nom de tiddas et de damma (lat. damina?). verbe qwennez: «jouer aux dames», «gagner la partie».
Qqunneż «donner sa langue au chat» (au jeu des énigmes) et Squnneż «faire donner sa langue au chat» (toujours au jeu des énigmes) sont les formules qui permettent au sphinx d’additionner des «points d’échec» (iqwnaz). Aqnuż c’est le point, c’est une partie gagnée. À ne pas confondre avec aqennuż qui signifie «embarras», «gêne», «complication», «boule dans la gorge» (angoisse: «il m’a laissé dans l’embarras» (yeğğa-yi-d aqennuż). Cela signifie aussi «grumeaux», «bosse», «grosse bouchée», «boule», «boulette».
5 – Tamesbbibbit (pl. Timesbbibbay) qui est l’origine également d’un toute autre jeu d’enfants et d’adolescents: les joueurs (jeunes des deux sexes) font cercle accroupis. Ici, le sphinx s’appelle «le hibou» (bururu), car il a les yeux bandés.
Chacun des joueurs choisit un nom d’animal. Le jeu consiste à transformer sa voix de façon à ce que le «hibou» ne la reconnaisse pas. S’il reconnaît «l’animal» ou «l’oiseau» qui vient de parler, celui-ci le remplace en portant à son tour le bandeau du hibou, non, sans avoir auparavant porté «le hibou» sur le dos (ibbibbi) d’où le nom tamesbbibbit «celle (jeu) où l’on se porte sur le dos». il est aujour’hui un simple jeu d’enfants qui consiste, à «se porter sur le dos» (timbibbit). Dans le jeu des énigmes, on retrouve le verbe Bbibb dans plusieurs formules: «Je te charge!» (A-k sbbibbeɣ!), dit le sphinx à l’un des joueurs qui donne sa langue au chat. «Je donne ma langue au chat!» (Aqnuż!)
L’Oedipe ajoutera: «Charge-moi!) (Sbbibbi-yi!). Le sphinx dit, par exemple: «Porte-moi jusqu’à Bougie des ancêtres».
6 – Tamɛayt (pl. timɛayin), c’est l’histoire plaisante l’anecdote à sens amusant ou moral; une parabole, un proverbe ou une mésaventure: «J’ai vécu une mésaventure» (Tedra felli-i tem₃ayt).
7 – Taqsiţ (pl. Tiqsidin) est en fait la petite histoire, l’anecdote amusante, le court récit (de l’arabe elqissa?) .
8 – Tamacahuţ (pl. Timucuha), c’est le conte, l’histoire merveilleuse qui par extension s’applique aussi à l’énigme. Par le masc. (amacahu) on désigne aussi, «le mythe» (izri). A-macahu! «Ô conte! Ô mythe!» est la formule pour annoncer le commencement d’un conte ou d’une énigme qui signifie «il était une fois» .
9 – Tamacahuţ usefru (pl. Timucuha usefru) ou encore asefru n tamacahuţ (pl. Isefra n tmacahuţ) sont les structures sous-jacentes qui forment la combinaison du 3 et 8 ci-dessus qui, littéralement, veulent dire «conte de poème» (conte rimé) et «poème de conte» (poème conté).
10 – Tamkersuţ (pl. Timkersa) «celle qui est nouée», du verbe ekres «faire un nœud», «compliquer, rendre les choses difficiles»: «La situation m’est difficile» (Tekres fell-i teswiɛt). «Il a ridé sont front», il boude (Ikres tawenza-s/ anyir-is). «Mon sang s’est noué»: J’ai des varices (Kersen idammen-iw).
L’énigme est donc perçue comme «un nœud» (tiyersi) qu’il faut défaire, pour trouver la solution.
11 – Tamsaɛwweqt (pl. Timsaɛwiqin) «celle qui gêne», du verbe «gêner», «embarrasser» (saɛwweq). «Être gêné», «être embarrasé» (ɛawwqeɣ), «Il m’embarrasse» (iɛewweq-iyi), «Je ne sais comment faire avec lui» (ɛawwqeɣ deg-s)
12 – Tameckalt (pl. Timeckalin) «celle qui entrave», du verbe «entraver de liens» (cekkel). Nous retrouvons la même idée qu’au niveau de 10 et 11. Cckal signifie aussi «patte», «attache», «empêchement» et «sûreté d’une arme à feu».
13 – Tamcellakt (pl. Timcellakin) «celle qu’il faut deviner» du verbe «deviner» (cellek). En fait, c’est le terme qui désigne la devinette même. Comme il a été dit plus haut,en acquérant ses lettres de noblesse comme genre littéraire oral, la devinette a laissé place à «l’énigme» (tamsaɛreqt). Tant est si bien que l’énigme a fait oublier la devinette (tamcellakt) .
Source: La langue et la mémoire de Youcef Allioui
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