Cérémonies du Thé en Chine

21 06 2020

 

 

 

 

 

 

Loin des dégustations de bon ton qui ont cours en Occident, les pays qui ont une longue tradition du thé en ont tiré différentes cérémonies, hautement spirituelles et empreintes de religiosité. C’est naturellement le cas de la Chine, qui a la première initié puis codifié l’usage du thé.

 

De tous les thés de l’Inde, de la Chine et des îles environnantes, y compris le Japon, il faut savoir congrûment user. Il faut garder la relation qui sied avec une infusion si chargée de sens et de mémoire. Celui que l’on appelle »l’amateur », en Occident, pourrait paraître animé du souci d’un usage séant si l’on prend pour scrupule réel le soin qu’il met au rituel du breuvage. Mais de tels soucis, comme celui par exemple mis à s’interroger sur la présence de lait dans le thé, celui de savoir si la denrée doit être versée a posteriori dans l’infusion brûlante ou si du lait froid doit en protéger la porcelaine des tasses, n’ont jamais été de nature métaphysique. Ils ressortissent beaucoup plus au sens pratique et au goût du confort de gentleman acagnardés dans du chippendale qu’à des exigences de spiritualité.

 

Pourtant, par son esprit même, le thé conduit malgré soi à des préoccupations de puristes qui font de manies propres à atteindre au bon ton quelque chose qui ressemble déjà à un rituel. En matière de goût, les orthodoxies s’érigent très vite et nous en sommes tous des défenseurs opiniâtres, parce que le bon ton tient lieu de religion à beaucoup qui ne savent pas la moindre dévotion du moindre culte et ne s’en préoccupent guère. Serions-nous prêts au martyre pour courir sus aux assauts des tranches de citron contre la fragrance trop marcescible d’un thé du Fujian ?

 

Nul ne sait et les martyrs sont gens par trop inconfortables en ces temps où le bien-être prime l’être et où la vérité se dit crédible, faute de pouvoir s’affirmer d’une manière autre et prétendre au statut désormais inatteignable d’absolu.

 

Le bon ton toutefois, auquel aspire l’amateur de thé, le garde d’une totale inclusion dans les barbaries de masse et pourrait, pour si peu qu’il le veuille, l’incliner vers une attention à des signes du monde imperceptibles au vulgaire. De cette attention, il tomberait dans le goût du silence, puis dans celui de la méditation, puis dans la réflexion sur le sens des choses et de sa propre vie. Tout cela en buvant du thé comme il convient, selon l’idée qu’il pourrait se faire de ce qui convient, en Occidental pétri d’esprit pratique et de sens de l’efficacité.

On peut rêver.

Mais il est peu probable que quelques petits siècles dérisoires de consommation de thé conduisent l’Europe à comprendre les choses de la même manière que les Chinois ou les Japonais. Les premiers ont codifié son usage depuis le VIIe siècle. Les seconds en boivent depuis le XIIe et ont plus que quiconque transformé la dégustation de thé en prétexte à une cérémonie hautement pénétrée de spiritualité. Chacune de ces cultures a ancré l’usage du thé dans la dévotion religieuse et ce sont des mystiques qui ont codifié successivement les diverses cérémonies à diverses époques et en divers endroits.

 

 

 

 

 

 

La Cérémonie « KUNG FU »

 

 

En Chine, la préparation du thé est clairement réglementée et l’origine en est très ancienne ; elle représente un aboutissement. Elle vient en effet à l’issue de toutes les expériences avec le thé bouilli, le thé en poudre et le thé infusé.

Elle vient au terme des cérémonies de dégustation de thé. Elle fait suite à des trouvailles comme le thé semi-fermenté, le thé fumé et bien d’autres encore. C’est la cérémonie du thé Kung Fu.

 

Chacun connaît la discipline martiale qui porte ce nom, popularisée par le cinéma et la culture de masse. Dans leur fondement, la cérémonie du thé et l’art martial procèdent d’un même souci de méticulosité, de scrupule, de contrôle de soi, de recherche spirituelle que rend précisément le terme Kung Fu. Cette méticulosité, ce scrupule, cette recherche spirituelle se manifestent dans la manière de préparer le thé Kung Fu, que l’on trouve aussi bien en Corée qu’en Chine. Il faut ainsi disposer d’un certain nombre d’ustensiles et d’un thé particulier, le plus souvent du thé Oolong du Fujian ou, à défaut, du thé vert. Ainsi la cérémonie Kung Fu apparut-elle dans une région bien précise, couvrant le sud du Fujian et le nord du Guangdong. Par la suite, l’île proche de Taïwan y sacrifia, puis toutes les régions de l’Asie de l’Est touchées par l’émigration des gens de cette région.

La première opération à effectuer avec soin consiste à chauffer l’eau. On dispose pour cela d’un réchaud à charbon de bois et d’une bouilloire en terre cuite, avec un éventail cassé pour attiser les braises. Le symbole de l’éventail cassé rappelle que l’homme, tout en étant exigeant, doit accepter la part inévitable d’imperfection et d’insuffisance de la vie et comprendre aussi qu’imperfection et insuffisance ont leur beauté et leur utilité.

 

Les ustensiles de la fabrication et de la fabrication et de la dégustation du thé sont une théière de petite taille, une cuillère à thé en bois et un récipient cylindrique en terre cuite, d’environ vingt-cinq centimètres de diamètre et d’une quinzaine de haut. Ce récipient, dit ‘’bateau’’, est recouvert d’un couvercle de même matière, percé de quelques trous. Enfin, de petites tasses sans anse servent à la dégustation; elles sont disposées en cercle sur le couvercle autour de la théière. On plonge la théière dans le bateau plein d’eau bouillante pour la réchauffer. On verse cette eau dans un crachoir à proximité, en replace le plat à thé avec ses tasses sur le bateau et l’on met du thé Oolong à mi-hauteur de la théière à l’aide de la cuillère en bois. Si l’on utilise du thé vert, il n’en faut qu’au tiers de la théière. On voit donc que l’infusion est extrêmement concentrée.

 

 

 

 

 

Des Théières en Terre Culottées

 

On verse d’abord de l’eau bouillante dans la théière, pour la jeter aussitôt par les trous du plat à thé. Il s’agit en effet dans un premier temps de laver les feuilles. C’est ensuite que l’infusion a lieu. Elle dure trente secondes pendant lesquelles l’hôte répand de l’eau bouillante sur les tasses et les égoutte.

Enfin, ces dernières sont remplies dans un mouvement tournant. Les invités, malgré l’exiguïté des tasses, ne doivent pas boire d’un trait, mais déguster lentement un breuvage concentré et parfois amer. Suivent deux infusions d’une dizaine de secondes, elles sont plus légères mais se savourent toujours avec une religieuse lenteur. Dès que tout le monde a bu, l’hôte verse le liquide restant et les feuilles de thé, puis essuie les ustensiles. Toutes ces opérations, menées par un maître, s’effectuent sans qu’une goutte d’eau tombe autour du bateau à thé, ce qui demande une évidente dextérité.

 

Peu d’exigences se manifestent dans le choix des ustensiles, le Kung Fu ne doit pas être un étalage de luxe. La théière, le bateau, les tasses sont de diverses matières. Pourtant, rien n’empêche que des maîtres exigeants usent des meilleures théières de Chine, fabriquées à Yixing, au sud de Shangaï. Elles passent pour avoir été inventées à la fin du XVe siècle par un moine, le thé touchant toujours à la religion en Chine et au Japon. Ce sont des récipients de terre cuite enrichie d’un sable appelé Zisha. Elles peuvent être ocre ou vertes et ne sont pas émaillées, ce qui leur permet de garder l’odeur du thé après s’en être longuement imprégné. Elles doivent en conséquence être « culottées » avec précaution et patience, avec toujours le même thé. Leurs formes ont été diverses au long des siècles et il s’en trouve de très simples et classiques aussi bien que de très baroques, reproduisant des animaux ou des plantes. Elles ne sont jamais lavées, faut-il le dire, comme toutes les théières, et l’on voit, dans chaque cérémonie, aussi bien chinoise que japonaise, le maître pourvu d’un chiffon de soie destiné à l’essuyage des ustensiles, lequel fait partie d’un rituel rigoureux, méticuleux où se mêlent lenteur et rapidité et où tout est empli d’une signification spirituelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Florence Samson, créatrice de la maison de thé « Song Fang » à Shanghai, nous raconte l’histoire du thé en Chine tout en nous proposant sa dégustation à travers le rituel du Gong Fu Cha. Deux thés très différents sont ainsi préparés, un thé oolong parfumé à la fleur d’osmanthe et un thé vert Anji Bai Cha.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source: Hommes et Migrations, n°1234, Novembre-décembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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