Mqidech :Le Personnage Populaire Berbère
6 02 2020
Le thème du Petit Poucet, c’est-à-dire celui de la lutte d’un enfant chétif, mais rusé, contre l’ogre, ou plutôt ici l’ogresse, dont il finit par venir à bout, est un des plus fréquemment traités dans toute la Berbérie. Il en existe d’innombrables versions, plusieurs même parfois, légèrement différentes, dans la même tribu. Le héros est extrêmement populaire : d’un bout à l’autre de l’Afrique du Nord il porte souvent le même nom : Mqidech, Qeddidech, Biqedech, Biqedich, etc. (Kabylie, Chenoua, Beni-Snous, etc.), Haddidouan (Arabes de l’Oranie, Beni-Snous, Rif, Tazeroualt, etc.). Chacun de ces deux groupes de noms devait correspondre à l’origine à une version différente ; mais les aventures de ces deux héros primitifs ont fini par si bien s’emmêler qu’ils sont devenus aujourd’hui à peu près interchangeables. D’autres noms encore, çà et là, de héros analogues : Baghdidiis ou Medjitata de Ouargla, ‘Ali-ou-Mes’oud de Tamazratt, Hamed Agezzoum des Ntifa, Hammerkejjoud des Infedouaq, etc. Dans ces contes, toutes sorties d’éléments. Les versions des arabisés sont d’ordinaire plus niches, ce qui semblerait indiquer une origine orientale ; mais on trouve aussi dans certaines versions, celle du Rif par exemple, de très nettes affinités occidentales.
D’une manière générale, on peut distinguer deux groupes de versions dans cette histoire de la lutte de l’enfant contre l’ogresse. Dans le premier, le héros, comme Petit Poucet, est le dernier né d’une nombreuse famille ; sa petitesse (s’explique par des raisons magiques (1).
Les enfants, exposés dans la campagne parce qu’ils ne peuvent être nourris, ou pour tout autre cause, rencontrent une ogresse qui les emprisonne et veut les manger ; ils sont sauvés par la sagesse du dernier. Souvent celui-ci, qui était déjà en butte à l’animosité de ses frères, manque encore d’être victime de leur ingratitude. Parfois le héros du conte est une petite fille, et les frères sont remplacés par autant de sœurs. Un thème un peu différent montre les enfants, au nombre de deux, perdus par suite de la haine de leur marâtre. Ce groupe semble être plutôt celui qui a pour héros Mqidech.
Dans le second groupe, l’enfant engage seul la guerre, et délibérément, contre l’ogresse. Chacun a sa maison : l’ogresse guette le héros, dont l’astuce déjoue tous ses pièges et toutes ses fourberies, à sa grande humiliation, jusqu’au jour où il se laisse prendre. Il sert l’ogresse, va enfin être mis à mort pour faire les frais d’un grand repas d’ogres, et juste à ce moment, parvient à substituer à lui la fille de l’ogresse, la lui fait manger, tue les enfants de ses hôtes et se sauve chez lui. La substitution des enfants de l’ogresse, comme dans Petit Poucet, aux victimes désignées est un trait commun aux deux groupes; comme aussi la conclusion ordinaire, qui est la mort de l’ogresse dans les flammes. Le second groupe a plutôt pour héros Haddidouan.
(1) Thème très fréquent de l’homme qui a sept femmes et sept juments stériles, consulte un magicien qui lui donne sept fruits, un pour chaque femme, et sept baguettes pour frapper les juments : d’où naissance d’autant d’enfants et de poulains. La dernière femme, n’ayant eu qu’une moitié de fruit, et la dernière jument, n’ayant été frappée que d’une demi baguette, donnent naissance à un enfant et à un poulain moitié moins grands que les autres.
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