Chant kabyle sur la Mort du Caïd Turc de Bordj-Sebaou
18 11 2019Chant de Mâmer-ou-Ali des Ihassenaouen, confédération des Aït-Aïssi
Vallée du Sebaou
A ouin its id iâoussen,
Bab n el ârch lak d’el korsi,
A l khebar id innoulfan!
Iour’ ii el h’al d’eg ath Âissi.
Ekfan le djouad’, iggad’ ilhan,
amalah! Ia Meh’ammed n’ath K’assi.
Ô toi qui veille sur le monde,
Maître du trône céleste et de la toute-puissance!
Quelle nouvelle vient de se répandre!
Elle m’a surpris chez les Aït Aïssi.
Ils ne sont plus les nobles et vaillants guerriers!
Infortuné Mehammed-n-Aït-Kassi!
Ma ireggem ak ladr’a ak inçah’,
thiirsi ichoudden attefsi,
isetcha seg ial l erbah’
thammemth ed’ oud’i amerchi.
mi ithehesst’ ad’ innechrah’,
in nk, a l djid’, fi ras i.
Lorsqu’il vous faisait une promesse, il y était toujours fidèle,
le nœud le plus serré était délié;
il servait à ses hôtes des mets choisis de toute sorte,
du miel, du beurre, la plus pure farine de froment;
quand il était de bonne humeur, il devenait expansif,
il vous disait : « Noble guerrier, ton affaire est dans ma tète ».
A Meh’ammed, a izem abedjah’,
Hammouda bacha a Thounsi!
Bou themed’ehebth s el selah’,
Er ratheb is izga iouli.
Inr’a l k’aid’ r’ef eçd’ah’
D’eg el bordj iggouth el r’achi.
O Mehammed, lion bondissant!
Hammouda pacha, le Tunisien! (1)
Au fusil doré, aux belles armes;
Sa position était toujours grande.
Il a tué le caïd sur la terrasse.
Au milieu du bordj rempli de monde.
Mençour, a ithri n eçbah’,
A l baz ah’arour bou le keboul,
A thah’azamth n el bey Salah’,
Aômar r’ef nedehenel’ t’eboul.
Ma iour’dhadh izem itchah’,
Ibdha l âk’el d’oumerh’oul.
Mançour, étoile du matin, (2)
Faucon de noble race au capuchon,
Ceinture du bey Salah, (3)
Ômar, pour qui rappellent les tambours! (4)
Lorsque le lion en fureur rugit,
La caravane perd la tête.
Oufir’ ecch chaouch enni ijah’
Ir’il a th iarez amm outhoul,
Inna ias: ass a d’agsouah’
A tharouih’ath d’eg netsmoukoul!
Inr’a ech chaouch d’egg oumrah’
Le khebar ibbodh Est’amboul.
Ce chaouch était insensé,
Il croyait le garrotter comme un lièvre;
Mançour lui dit: «ce jour est fatal,
Ô ma vie, je te vois finir».
Il a tué le chaouch dans la cour,
La nouvelle en est arrivée à Stamboul
As el le khemis louhi el âcer
S oud’em ne temeddith
Le khebar ibbodh r’er ezmoul
rekeben at tseriah’ith,
Rouh’en le djouad’ akken ellan,
Gan r’er el bordj thimelilith.
Le jeudi, à l’heure de l’âcer,
À l’approche du soir,
L’ordre arriva aux zemoul (5)
Les cavaliers aux reahia montèrent à cheval;
Ils partirent tous, les nobles guerriers,
Et se donnèrent rendez-vous au bordj (6)
Mi iberrah’ s el aman ikhed’â ____ oud’em ne touar’ith
Idhemâ ad igeri es le çelah’ ____ ir’il ad’ igeri es thalouith.
A Meh’ammed n ath K’assi, ai ounegal! ____ rebbi ithebbeth ith;
Seg zik thezouar asen ____ tsaneçelith;
Issali eznad’ inebha s ____ iouth el K’aid’ isser’li th.
Après avoir publié l’aman, il les trahit, __ Le visage de malheur!
Il voulait survivre en paix à ses victimes, __ il croyait rester et vivre en repos.
Ô Mehammed-n-Aït-Kassi, ô beau guerrier! __ Dieu lui donna la fermeté;
Depuis longtemps se transmet dans sa famille __ la pureté de race;
Il arma son pistolet et, après avoir averti __ Il frappa le Caïd et le renversa.
Ou bellah a k azemer’ at’t’ir __ ifeg ik âlli th;
R’er izouaoun d’i thleth __ izem oula h’add ith.
Si Kaf el Âougab ar Mek’lâ __ thamethilt is oula h’add its.
Par Dieu! Je t’enverrai en message, ô oiseau, __ élève ton vol dans les cieux;
Dirige-toi vers les Izouaoun (7); ils sont tois __ mais le lion n’est plus parmi eux.
Depuis le Kaf-el-Aogab (8) jusqu’à Meklâ (9) __ il n’y avait pas son pareil.
Ai agellid’ its inechan
Allah! Ai amr’ith,
Daâr’ k in, a bab igenouan,
S eç çah’aba at tsârdhith,
Djemiâ akka id nemsemlal
Kera ih’adheren d’a reh’am ith.
Ô roi qui as créé le monde
Dieu protecteur!
Je t’implore, ô maître des cieux
Par les compagnons du Prophète, ces modèles d’honneur;
Sois miséricordieux pour nous tous qui sommes rassemblés
Aie pitié de tout ce qui est ici présent.
Le contexte historique: Ici
N.B:
(1): pour faire l’éloge de Mehammed-n-Aït-Kassi, l’auteur le compare à Hammouda Pacha, bey de Tunis, mort en 1814 et dont la mémoire est restée très populaire dans le pays.
(2): Mançour-Abou-Khalfiou, assassiné dans le bordj Sebaou par Ali-ou-Mahiddin de Taourga.
(3): le bey Salah est un bey de Constantine, mort en 1793.
(4): Mançour est comparé à l’Agha Ômar, grand dignitaire du gouvernement turc.
(5): dans la vallée du Sebaou, on appelle zemoul, pluriel de zmala, les villages de la tribu Makhzen des Âmraoua. Il est question ici de l’ordre donné par le Caïd de réunir les goums au bordj Sebaou.
(6): le bordj Sebaou, situé au sommet d’une montagne dont le pied est baigné par le Sebaou, est à 4 lieues environ au-dessus de Tizi-Ouzou.
(7): les Izouaoun sont les membres de la famille de Ahmed-Azouaou, assassiné dans le fort.
(8): le Kaf-el-Âougab ( le rocher des milans) est situé près du Sebaou, un peu au-dessus du bordj Sebaou. Au pied du rocher se trouve un village qui porte le même nom.
(9): Meklâ, village des Âmraoua d’en haut.
Laisser un commentaire