La Bataille d’El Amri (Résistance des Bou Azid)
1 03 2019
Contexte général
1 – L’irréductible tribu face à ses épreuves
Une Terre inhospitalière
Tout au long de cette vaste dépression, bien au dessous du niveau de la mer, s’étale le piémont, du versant sud de l’Atlas Saharien.
En ces lieux désertiques, le temps se suspend aux immenses cieux éternellement bleus. On n’y voit presque jamais, ces nuages lourds qui annoncent ailleurs, les féconds jours de pluie. Ici, dans ces immenses espaces, les jeux de lumière créent d’insolites ambiances qui selon les heures, se modifient à l’infini. C’est la céleste où le soleil est roi. Le terrible astre raille et irradie à longueur de journée un maigre sol où ne poussent que d’insignifiantes végétations. C’est le domaine de la rocaille, des basses ronces et des éparses broussailles. La terre est toute craquelée, assoiffée, comme portée à incandescence et continuellement attisée par l’indomptable sirocco. C’est un paysage morne et triste qui s’étend à l’infini. Il n’inspire que la soif, la peur et la désolation. La température y est suffocante, la sécheresse étouffe la sporadique flore, et flétrit sans cesse la chétive végétation ; même les rares insectes, les plus tenaces et les plus téméraires, peinent pour y survivre. Par endroits, on y rencontre des hautes dunes de sable fin, que les vents poussent à leur guise. Les jours de tempête on y voit surgir brusquement, des colonnes de poussières et de brindilles s’élevant en tourbillons dans le ciel, avant d’aller s’incliner par devant sa majesté « Râ (1) » le grand astre céleste.
Les quelques pousses rabougries de cette végétation toute primaire, offrent tout juste, un semblant de refuge aux reptiles : serpents, vipères et lézards avec leurs inséparables compagnons, les indestructibles scorpions, porteurs de mort et gardiens de ces lieux sinistres. Ces bestioles sont à l’affût du moindre signe de vie, pour mordre et piquer, distribuant avec générosité, leur poison à qui se hasarderait sur leur territoire, leur royaume, leur chasse gardée où s’hérisse haut la masse granitoïde du Djebel G’Soum (2). Ce vieux mont, si rebelle, semble confirmer la légende selon laquelle il aurait refusé de se soumettre aux vicissitudes de « Chronos (3) », pour protéger ses voisins terrassés à ses pieds, et que l’on appelle ici, « les sept dormants (4) ». Son sommet dénudé, très haut culminant, soutient vaillamment une vieille couronne de roches toutes épointées, défiant encore l’érosion, qui l’assaille depuis des millénaires. Il n’a pas fini de surprendre l’attentif observateur. Il ose encore donner naissance à de maigres oueds, qui quittent subrepticement ses plissements pour aller se jeter dans l’imprévisible Oued Djeddy (5), unique affluent du chott Melghir. Par ses quelques signes désuets, le vieux mont, parvient encore à exposer, avec une certaine présomption, les traces de ses splendeurs antérieures. Le peu d’eau qu’il libère, suffit pour éveiller la farouche volonté humaine, dont le travail acharné permit l’émergence des Zibans (6).
Ce mont s’ingénue à miroiter et à renvoyer sur ses alentours, les rayons de l’ardent soleil, pour les accabler. Dominant les vastes plaines qui s’étendent vers le sud, il ferme l’horizon d’une large perspective et offre un même paysage qui, selon les lueurs du jour, se teinte de bleu argenté, de rose tendre, ou d’ocre, pour mieux souligner chacun de ces caractères changeants. Il arrive parfois, que l’on surprenne à voir, loin au fond d’un lit d’oued rocailleux, un semblant de pale verdure, qui comme un mirage, colore ce paysage et l’agrémenté d’un léger camouflage. Seul le maître du ciel impose sa loi sur ses angoissants reliefs. Ici, il n’y a point de saisons. L’éphémère hiver ne dure que le temps s’une averse, après, c’est l’été permanent. Très tôt, dès l’aurore, le soleil surgit de son mystérieux orient pour aller se hisser sur son trône du zénith, où il offre avec vigueur sur cet espace. Là, il se plaît à libérer toute sa puissance destructrice. L’insupportable canicule rend vain tout effort du genre humain. Ce n’est que tard le soir, au moment de son déclin, qu’il laisse s’adoucir l’air environnant. Cet instant là se transforme en apothéose du désastre. L’occident s’illumine comme pour une fête grandiose. Il prend les formes d’un gigantesque brasier, un brasier digne de la géhenne, d’où jaillissent et s’entremêlent toutes les nuances du rouge et du violet. C’est le signe final qui annonce la fin du jour. L’unique instant où émerge une curieuse esthétique que n’admirent nullement les malheureux habitants de ces lieux. En effet, la mise en valeur de cette terre d’exclusion est un défit à la nature, que seuls peuvent entreprendre de téméraires agriculteurs.
El Amri, Place publique 1880
2- Intrigues pour une Dépossession
C’est bien dans ce milieu damné, la conquête se poursuivant, que l’armée coloniale a choisi d’y déporter en mai 1876, les survivants – veuves et orphelins – de la bataille d’El Amri que lui livra la vaillante tribu des Bou Azid. Depuis de longs mois déjà, les fils de cette tribu résistaient à l’envahisseur avant d’être écrasés dans leur bourg ancestral. Ce sont donc les descendants de ces bannis, qui fondèrent et mirent en valeur, l’immense plaine de Doucen (7). Pendant longtemps, le soir, au crépuscule, on voyait réapparaître des ombres floues, à peine recouvertes d’amples gandouras ceintes à la taille par de lourdes cordelettes tressées en crins de palmiers. Ces ombres allaient et venaient à travers champs. Elles animaient cet espace silencieux et indéfini, faisant semblant de cultiver de minuscules jardins. Obstinément, ces êtres suaient et transpiraient pour redonner vie à ce milieu d’enfer. Ils récupérèrent et sauvegardèrent ingénieusement la moindre goutte d’eau, la puisant dans la nappe phréatique, au prix d’un considérable effort. L’implacable canicule du jour contraignait ces malheureux à se terrer dans d’insignifiantes habitations faites de branchages et de briques en terre simplement séchées au soleil. Leur souci quotidien, c’était leur lutte contre la sécheresse et le dessèchement. La répression coloniale, l’aridité de la terre, la soif et la famine étaient autant d’épreuves qui les poussèrent à se surpasser dans un effort surhumain. C’est dire qu’en dehors du travail de la terre et de la prière, ils n’avaient rien d’autre à faire que marmonner leurs ressentiments contre ceux qui les réduisirent à un indicible esclavage. Depuis leur déportation, tous les horizons leurs avaient été fermés. Ils ne pouvaient s’évader ni physiquement ni mentalement. Comme des pitres fous, ils marmonnaient de sempiternelles imprécations contre leurs implacables dominateurs. Seules la leçon des cuisants échecs de leurs pères massacrés sans jugement, les empêchait de renouveler l’expérience d’une nouvelle et sanglante révolte qu’ils savaient perdue d’avance. Ils supportaient stoïquement leur triste sort comme un moindre fardeau en s’astreignant à un illusoire espoir. C’est pour cela que tard dans le soir, ils sortaient réparer les absolus dégâts, que leur causait le soleil, après qu’il eût daigné aller rejoindre son ouest douillet.
Les petites parcelles qu’ils avaient arrachées au désert, après les travaux forcés, les avaient occupés pendant de longues années. Ils végétaient, la nuit venue, sur ces bouts de champs, qu’ils animaient miraculeusement. Dans la pénombre on distinguait à peine leurs ombres qui se mouvaient comme des fantômes nocturnes. Avec le frémissement de la bise du soir et les dernières lueurs crépusculaires, ils réapparaissent courageusement pour effectuer leurs travaux. On devinait à peine leurs formes vespérales, esquissant de temps à autre, un imperceptible mouvement. Leurs silhouettes se pliaient, se courbaient et se redressaient avec une lente cadence, comme pour une insolite prière. Leurs cadences et leurs rythmes se conjuguaient avec le subtil jeu de lumière, pour créer une irréelle ambiance entre ciel et terre, que seul un peintre du talent d’Etienne Nasredine Dinet saurait colorier avec toutes les nuances voulues. Au-dessus de leurs têtes, la voûte céleste s’illuminait de multiples constellations, et les étoiles scintillantes leurs faisaient l’aumône d’éclairer leur minuscules champs. L’ordre naturel des choses s’éveillait sans brusquerie en ces instants, où tout n’était que silence et patience.
Les aïeux de ces étranges cultivateurs furent du temps de leur splendeur, de redoutables guerriers. Ils constituaient, à ce titre, les forces auxiliaires des Bou Okkaz, les seigneurs des Daouaouida (8). C’était dans cette famille que l’on choisissait, par consentement, le titulaire de la prestigieuse fonction de Cheikh el Arab, qui commandait à tous les habitants des vastes régions s’étendant du sud de l’Atlas Saharien jusqu’aux confins de la Kabylie, en passant par le Hodhna, les Hauts Plateaux allant de Sétif à Oued Zénati et même au-delà vers Guelma. Depuis leur dépossession et leur déportation en ces lieux, les descendants de la puissante tribu des Bou Azid, s’habituèrent à supporter toutes les rigueurs administratives et climatiques qui leur furent imposées. Ils avaient du mal à dissimuler leur misère et leur haine qui remplissaient leurs cœurs ensanglantés. Blasés, peu leur importait le lieu où ils se trouvaient et le temps qu’il y faisait. Cette dramatique insouciance, les aida à oublier jusqu’au nom des jours qui passaient. Ils avaient appris à renoncer à compter ce temps dont on les avait spoliés par la force des armes, pour les rabaisser au niveau bestiaire. Ce douar de l’oubli ne comptait que quelques masures. Ses habitants avaient fini par accepter leur isolement et leur solitude, sachant qu’ils étaient soustraits au reste du monde. Ils avaient conscience qu’ils n’étaient plus que des morts vivants. Ils devaient effacer de leurs mémoires, leur récente histoire. Ils oubliaient même, très souvent de manger. Aux diverses privations, s’ajoutait celle de la liberté. Ils n’affichaient plus que leur amnésie collective pour se supporter. Ces hommes repensaient souvent à la grandeur d’âme de leurs aînés, à leur poids sécuritaire, à leur juste rôle, dispensés autour d’eux, dans toute la région des Ziban. Maintenant, ils ne sont plus que des naufragés voguant au hasard sur un océan d’incertitudes. Ils sont devenus victimes d’un complot politique très particulier. Alors ils s’accrochaient aux lopins nourriciers qu’ils avaient arrachés à cette terre de limbes, uniquement pour s’éviter de nouvelles dérives. Ils ont été transférés là, par punition collective, pour payer l’audace de leurs pères révoltés. Les hommes fiers avaient refusé de renier et de se soumettre à l’humiliation et à l’injustice coloniale.
Leurs harcèlements sont apparus, dès la destitution de Cheikh el Arab, Ferhat Bou Okkaz (9), et son remplacement par Bouaziz Bengana (10), en 1844, le jour même de l’entrée des Français à Biskra. Ce changement eut lieu sur les ordres du Duc d’Aumale, commandant le corps expéditionnaire français. Un tel ordre bouleversa la hiérarchie traditionnelle, et indisposa toutes les tribus de la région des Ziban. Dès qu’il reçut les insignes de sa désignation, Bouaziz Bengana qui attendait avidement cette promotion depuis bien plus longtemps, répartit le territoire régional de la manière féodale suivante (11) : il se réserva me commandement des Ziban Est (Zab Chergui) dont il était originaire, jusqu’à Touggourt et au-delà. Il confia le caïdat de Biskra ville à son parent Mohamed Seghir, et les Ziban Ouest (Zab El Gharbi) à son fils Boulakhras (12) qu’il promut Bachagha. Il se dota d’un cabinet (diwan) avec différents secrétaires, et des cavaliers chargés du courrier et des liaisons, dont il confia la direction à Ahmed Yahia (13), un honnête intellectuel d’une famille de lettrés de la tribu des Bou Azid.
Le secteur des Ziban Ouest confié à l’arrogant Boulakhras, s’étendait le long de la route Biskra / Bou Saâda. Il englobait les villages et bourgs suivants : Aïn Ben Naoui, Bouchagroun, Zaâtcha, Farfar, Tolga, Bordj Ben Azzouz, Foughala, El Amri, Ouled Djellal et Sidi Khaled. Le bourg d’El Amri était fief de la puissante tribu des Bou Azid, qui furent pendant très longtemps, le fer de lance de la famille des Bou Okkaz. Il comptait une population d’environ 12 000 âmes, laquelle vivait jusque là, dans un petit paradis plusieurs fois centenaire. El Amri était pour l’époque une importante bourgade de plus de 2000 maisons, ce bourg était arrosé par l’oued Ghrouss. Il s’y effectuait d’intenses échanges commerciaux. Ses habitants vivaient paisiblement cachés au milieu d’une gigantesque forêt de palmiers où s’enfouissaient de spacieuses habitations. La palmeraie comportait plus de cent mille arbres, des dattiers, des grenadiers, des abricotiers, des figuiers, des vignes en treille, des oliviers, des orangers, des citronniers et s’étendait sur plus de 1500 hectares. Un véritable Eden, dont les habitants avaient fait jaillir de multiples sources d’eau, qui faisaient l’admiration de tous les cultivateurs de la région. Cette forêt était d’une telle densité, disait-on, que les visiteurs piétons avaient de la peine à trouver leur chemin pour accéder au village qui s’y dissimulait. Mi cultivateurs, mi pasteurs, ces villageois savaient judicieusement concilier les deux activités. Ils constituaient l’essentiel des forces auxiliaires pour le maintien de l’ordre régional et l’équilibre social dans les vastes régions de l’Est algérien au service des Bou Okkaz, pour le compte du Bey de Constantine et même, pour celui de l’Emir Abdelkader. Ils pouvaient rapidement mobiliser quelques 1500 cavaliers et des dizaines de fantassins. En fait ces hommes confondaient leur mission sécuritaire entre le devoir régional et les intérêts particuliers de leur Cheikh el Arab.
La Révolte Des Bou Azid
1- Exécution d’un Crime de Guerre
Dès leur prise de fonction, les Bengana se mirent à abuser de leur pouvoir et à importuner les chefs des tribus concernées. Ils s’attribuèrent un droit régalien de vie et de mort sur chacun des membres des tribus de cette région. Bientôt une certaine résistance régionale commençait à se manifester contre leurs turpitudes. Les braves oasiens toléraient mal l’inquiétude présence des Français et surtout celle de leurs zélés serviteurs. C’est dans ce contexte qu’éclata, cinq ans plus tard, la révolte de Bou Ziane dans l’oasis martyr de Zaâtcha en 1849. Evidemment les Bou Azid ne ménagèrent pas leur aide et leur soutien à leurs frères lors de cette bataille. Cette assistance les avait rendus encore plus que douteux, aux yeux des zélés collaborateurs de l’armée coloniale les Bengana père et fils. En dépit de leur éloignement de Biskra, ils étaient continuellement espionnés. D’autant qu’ils refusaient de continuer à fournir les contingents habituels de sécurité, au profit de ces renégats. Les arrogants Bengana (14) exigeaient tout bonnement, de faire des Bou Azid des mercenaires à la solde des généraux de l’armée coloniale. Aussi, leur refus de se soumettre aux injonctions itératives, attisa contre eux l’exaspération de cette famille. Pour se les assujettir, ces suppôts en exigèrent le paiement immédiat, avec effet rétroactif, de l’impôt dit « lezma (15) » dont les Bou Azid en étaient exemptés. Le bénéfice de cette faveur leur était accordé par le régime beylical, non encore modifié ou abrogé par les Français. De part et d’autre la méfiance s’installa. La tribu devenait donc coupable d’un crime de « lèse majesté ». Quant à elle, elle reprochait aux Bengana de nombreux griefs, comme leur trahison durant la résistance du Bey Hadj Ahmed (16), leur attitude néfaste lors de la révolte de Zaâtcha, ou encore leurs entraves au soutien des populations à la légitime révolte d’El Mokrani (17) en 1871. Elle avait donc de sérieuses raisons de se défier des véreux bachagha qui ne tardèrent pas à appeler à leur rescousse la puissante armée d’Afrique, dans le but de la réduire et lui faire subir le même sort de ses frères de Zaâtcha. Dès lors, Boulakhras monta contre elle une cabale de la pire espèce. Les généraux français n’avaient plus qu’à programmer l’anéantissement de la valeureuse tribu, dont les membres ont été considérés comme fauteurs de troubles. Ce fut un crime de guerre avec toutes ses conséquences. La cruelle bataille d’El Amri avait été couverte d’un épais voile noir. Ce massacre déshonora à jamais les prétentieux généraux Carteret et Roquebrune, ainsi que leurs troupes aguerries.
Le bachagha Boulakhras, en petit despote, s’ingénia à se trouver de multiples prétextes pour provoquer sans cesse les Bou Azid et les pousser dans une situation de rébellion, pour les déposséder ensuite. Croyant à une parade de prestige et d’intimidation, il tenta contre eux, une première expédition de démonstration de force. Il pensait que son armada, un millier de soldats, suffirait à semer la peur et le désarroi chez ses adversaires. Il croyait pouvoir briser définitivement toute véhémence de cette tribu. Or, dès que son importante troupe entra sur leur territoire, en octobre 1875, elle fut encerclée et totalement isolée. C’est alors que commencèrent des palabres sans fin. Les manigances, de ce bachagha, étaient sous tendus par son désir de s’enrichir toujours davantage au détriment de ses victimes. Il prépara leur spoliation tout en les offrant à la vindicte de l’armée coloniale. En minable féodal, il voulait dominer non seulement les corps mais aussi les esprits de ces fiers paysans / guerriers qui demeuraient aussi indomptables que le roc des leurs éternelles montagnes. La nocivité machiavélique de ce sinistre bachagha se révéla dans toute sa laideur. On a vu que le cabinet de son père, Cheikh el Arab, Bouaziz, était placé sous la conduite d’un intellectuel issu de la tribu des Bou Azid, l’honnête Ahmed Yahya. Homme aussi intrépide dans le maniement des armes qu’érudit dans les sciences humaines, il s’occupait de tout le secrétariat de ses employeurs, et assurait à ce titre, toutes les relations avec tous les chefs de tribus des Ziban. Son aura dépassait même les limites régionales. Dans l’exercice de ses fonctions, il ne tarda pas à se rendre compte que les relations entre ses employeurs et sa tribu allaient de mal en pis. Ce qui ne pouvait le laisser indifférent.
De plus, Ahmed Yahya avait découvert les infâmes duplicités des Bengana avec les généraux de l’armée d’Afrique. Il refusa de cautionner plus longtemps leurs macabres agissements. C’est que les Bengana, père et fils, avaient pris la criminelle habitude de lui faire inviter, aux motifs de concertations, les grands chefs des tribus locales, qui manifestaient quelques velléités de résistance à l’égard de l’occupant français. Ahmed Yahya connu par la noblesse de ses actes et par le respect de la parole donnée, il inspirait confiance à tous. Mais en vérité, il était seulement utilisé comme aval aux préliminaires, par les sordides Bengana. Ils s’en servaient pour tromper la méfiance de leurs invités, auxquels ils dressaient de véritables traquenards. Dès que les correspondances aboutissaient et que les invités arrivaient à Biskra, ils étaient reçus avec fastes et apparats selon les règles de la « diffa coutumière ». Mais la nuit venue, les malheureux chefs de tribus disparaissaient mystérieusement.
Le Cheikh el Arab et ses enfants, les faisaient assassiner pendant leur sommeil, en les décapitant, pour envoyer, dans des sacs, leurs têtes ensanglantées, à leurs maîtres les militaires français, comme signes de leur indéfectible subordination. Un traitement aussi vil, ne pouvait être partagé, par celui qui signait les correspondances d’invitations, recevait les hommes de marque, et négociait avec eux les accords et les ententes. Le code d’honneur, chez toutes les nations du monde, ne saurait tolérer tant de reniement. Las des tromperies de ses employeurs, Ahmed Yahya, quitta précipitamment son poste à Biskra, et alla se réfugier à El Amri chez son frère Messaoud, cadi de la tribu, c’était en décembre 1875. Bien évidemment cet abandon de fonction ne fut pas du goût de ses patrons. Boulakhras considéra Ahmed Yahya, comme séditieux et exigea son retour immédiat et sans condition, comme s’il s’agissait d’un esclave.
Dans une ultime tentative de rapprochement des points de vue, Messaoud le frère d’Ahmed et non moins cadi du bourg, se rendit à Biskra pour essayer de trouver une solution acceptable par les deux parties. Le malheureux fut immédiatement décapité, dès son arrivée. Un tel crime souleva l’indignation de toutes les populations régionales. Malgré cela, Boulakhras continua à réaffirmer ses oukases, avec moult menaces, exigeant la levée de l’encerclement de sa troupe, la remise du fugitif, le paiement de lourdes amendes avec les rappels de la « lezma ». En fait, sur les conseils d’un certain capitaine Lefroid chef du « bureau arabe » agissant pour le compte de Lagrenée nouvellement promu, commandant supérieur du cercle de Biskra, le bachagha s’était référé à la toute nouvelle loi coloniale dite : « loi Warlier » de 1873, qui légalisait la dépossession des tribus algériennes de leurs terres. Ainsi les terres algériennes avaient été francisées pour être facilement transférées à la colonisation (18). A cette époque la corruption avait libre cours au sein des cercles d’officiers qui avaient en charge l’administration locale, et le sieur Boulakhras était passé maître dans cette spécialité de brigandage. Il savait comment s’y prendre pour rallier à sa cause, les officiers les plus réticents. Dans ses sombres manigances contre les Bou Azid, il invoqua aussi un imparable argument. Il les accusa injustement d’avoir assassiné le dernier Cheikh el Arab déchu, Ferhat Bou Okkaz, crime qu’il a lui-même organisé, et de donner asile aux déserteurs de tout acabit, pour mieux préparer, selon lui, leur imminent soulèvement. De telles insinuations ne pouvaient laisser indifférents les colonisateurs. Il souligna en outre, avec force détail, les discours incendiaires d’un poète Bouzidi, nommé Ahmed ben Ayache (19), qui disait-il, était un dangereux agitateur religieux, agissant au profit des Bou Okkaz, famille toujours considérée comme ennemi de la France. Selon ce véreux bachagha, le feu couvait, et très bientôt, on assisterait à un embrasement généralisé de toute la région des Ziban Ouest.
Ben Ayyash al Jabbari, Chef de la révolte des Bouazid, Amri(entre Doucen et Foughala), Biskra, 1876
Grâce à ses allégations, Boulakhras réussit à entretenir la confusion et à allumer l’incendie. Il inonda le commandement militaire de rapports aussi inquiétants que fallacieux. En fait, il accula les Bou Azid, dans une situation qu’il savait inacceptable pour eux, car il voulait faire d’eux un exemple pour propager dans la région, sa sinistre réputation d’homme de terreur, qui traite avec une implacable cruauté, tous ceux qui seraient tenté de contester ses oukases. Pour ce sinistre individu, la démonstration de force envers les Bou Azid, devait être exemplaire. L’ébullition gondait et la révolte devenait chaque jour plus perceptible. Les hommes de cette tribu qui se sont toujours considérés comme libres, de vrais Amazigh, se sentaient trahis et bafoués par leur lâche ennemi. On imagine aisément leur répulsion contre les graves entorses à leurs droits, et surtout leurs aversions contre tout paiement d’impôts indus.
Ils ne tardèrent pas à constater l’entrée en action des militaires français. Ceux-ci se présentèrent dans une première phase comme des conciliateurs, mais en étant à la fois juges et parties, à la manière de « raminagrobis » (20). Ils demandaient la levée de l’encerclement sur la troupe de Boulakhras, la livraison d’Ahmed ben Yahya et celle d’Ahmed ben Ayache et le tout sans condition. Ces exigences ont été repoussées par la fière tribu, qui rompit tout contact avec les faux émissaires dès fin décembre 1875. Les Bou Azid tombèrent dans le piège apprêté, car en fin de compte, ils furent placés devant le dilemme suivant : devenir les serfs de Boulakhras ou mourir dans l’honneur pour protéger leurs biens. Il ne restait plus aux officiers conciliateurs que de les déclarer en situation de rébellion et de faire marcher sur eux la puissance armée coloniale. Le général Carteret arriva en février 1876, avec des troupes fraîches, libéra ainsi, les hommes encerclés de Boulakhras, et les enrôla dans ses effectifs, et commença la mise en place d’un dispositif d’encerclement d’el Amri. Il continua à demander et recevoir de plus en plus de renforts. Ainsi les assiégés, sans moyens, furent contraints de se battre à 1 contre 10. Ils ne disposaient que de quelques 492 fusils archaïques, dont la portée ne dépassait pas 250 mètres, qu’ils ne pouvaient charger qu’en position debout, s’offrant ainsi comme cibles idéales à leurs ennemis disposant de fusils perfectionnés et de longue portée (de 650 mètres).
Défavorisés matériellement, ils n’avaient que leur bravoure et leur connaissance du terrain pour s’opposer à une puissante armée moderne. Ils subirent donc, en position de faiblesse, de nombreux assauts guerriers savamment préparés. Le plan de bataille avait été étudié par les espions français depuis de longs mois et soumis à un état major qui décida de la mise en œuvre de matériel de guerre ultra sophistiqué, comportant une lourde artillerie. Il y avait aussi ces terribles mitrailleuses à tir rapide, jusque là inconnues des habitants d’El Amri. L’armement individuel des assaillants comportait aussi des fusils rechargeables par leur culasse, et dont les tirs portaient à une distance de 650 à 800 mètres. Après de multiples escarmouches, la bataille s’engagea le 3 avril 1876.
Dès la première charge de la cavalerie des Bou Azid, commandée par Ahmed ben Ayache, les Français utilisèrent leurs mitrailleuses lourdes. Soigneusement dissimulées, elles cachèrent leurs feux nourris et décimèrent le plus grand nombre de cavaliers. Ahmed ben Ayache tomba parmi les premiers martyrs. Ces valeureux cavaliers ignoraient l’existence de cette redoutable arme. Les survivants refluèrent en désordre vers leur épaisse palmeraie et se mirent sous le commandement d’Ahmed Yahya (21) assisté de nombreux chefs de fractions, et notamment ceux des Ouled Saoud. Ce commandant sut comment organiser une relativement longue résistance. Il fit investir à ses hommes tous les espaces libres de leur bourg qu’ils défendirent âprement. Ces valeureux combattants lancèrent durant tout ce mois de combats, de fulgurantes mais vaines opérations pour brises leur encerclement. Ils ne parvinrent pas à percer la ligne ennemie. Leurs assauts souvent nocturnes, ou à la faveur des vents de sables en cette période printanière, furent tous repoussés. Certes, au cours de leurs ripostes désespérées, ils firent payer à l’ennemi un lourd tribut, et faillirent même remettre en cause. Le plan du Général Carteret savamment élaboré. Ils se battirent souvent à l’arme blanche, en l’absence de munitions. Mais, les bombardements à l’arme lourde, qui leurs étaient imposés, à distance, pratiqués selon les tactiques militaires modernes, se poursuivirent sans discontinuer. Ces bombardements continus ne laissèrent aucun répit aux combattants et à la population martyre. Les troupes coloniales avançaient inexorablement détruisant maison après maison, et achevant impitoyablement tous les blessés rencontrés. Ces bombardements et ce siège hermétique les soumirent à une mort dans l’honneur.
Cavalier de la tribu des Bou Azid
Devant la farouche résistance des assiégés, Carteret, mobilisa sans cesse de nouvelles forces et dut appeler à son secours le général Roquebrune qui arriva à marche forcée de la lointaine Bou Saâda. On rappellera que l’exécution de cette bataille nécessita du côté français la mobilisation d’effectifs importants. Ils arrivèrent de Biskra, de Batna, de Constantine et enfin de Bou Saâda. C’est comme si toute la région de Biskra était en feu.
Les troupes engagées dans cette bataille sont les suivantes :
1. Le millier de fantassins du bachagha Boulakhras.
2. 300 goums du commandant Lagrenée, stationnés à Biskra.
3. 200 cavaliers et 500 fantassins de Mohamed Esseghir Bengana caïd de Biskra.
4. Le 1er Régiment d’artillerie du Colonel Barrue avec 14 canons lourds et 14 obusiers.
5. La 1ère compagnie de Tirailleurs indigènes.
6. Le 11ème Bataillon des chasseurs d’Afrique du colonel Debuche.
7. Le 3ème spahi du commandant Gallet.
8. Le 3ème RTA du commandant Gélez.
9. Le 3ème Zéphyrs du capitaine Fabre.
10. Le 3ème bataillon d’infanterie légère.
11. Le 11ème escadron du train.
12. Le régiment de Bou Saâda arriva le 22 avril, avec à sa tête le général Roquebrune et son adjoint le colonel Bruneau. Ces officiers supérieurs commandaient une troupe exclusivement composée d’un millier de soldats d’origine européenne, disposant de 16 canons lourds tractés, ce qui porte la puissance destructrice de cette soldatesque à plus de 50 engins de mort. El-Amri, pays de la prospérité, de l’opulence et de la douillette vie, fut dévasté jour après jour, et à jamais perdu.
Le Général Carteret s’étant assuré le concours de Roquebrune, éleva ses effectifs à plus de 20 000 hommes, et s’adjoignit 4 colonels, 7 commandants et 12 capitaines avec un nombre considérable de sous officiers, formés dans les écoles de guerre napoléoniennes. Ainsi, il isola hermétiquement cette bourgade et empêcha les assiégés de recevoir une quelconque aide des tribus voisines.
Les combattants isolés recoururent donc à leurs sabres et à leurs couteaux rouillés, bien inefficaces en pareils cas. Le combat ne cessa que par épuisement des défenseurs, qui perdirent des centaines de morts. El Amri entièrement rasé, le bilan final fut terrible : 2100 Bouzidi et 400 moudjahidine de Selmia et Rahmane massacrés. La glorieuse oasis d’El Amri tomba finalement le 30 avril 1876, et fut totalement vidée de ses derniers habitants. Les efforts de plusieurs générations sur plusieurs siècles de labeur, furent réduits en cendre, en un mois de combats par cette soldatesque impitoyable. Au cours de la bataille, elle utilisa plus de 50 canons, des dizaines de mitrailleuses lourdes et des fusils à répétition des toutes dernières productions de la puissante industrie du Creusot et de Saint Etienne.
Les officiers du 3e bataillon léger d’Afrique
Le commandant Gallet, chef de corps du 3e Zéphyrs et trois de ses capitaines
Après la reddition, on obligea les femmes et les enfants à sortir des décombres de la palmeraie pour les cantonner en plein air sous la garde du capitaine Fabre, et ses soldats du 3ème zéphyr. Ce capitaine demeura tristement célèbre pour sa barbarie et ses crimes. Longtemps, son souvenir sera rappelé inopinément pour terroriser les petits enfants. Cet ignoble officier eut pour sale besogne de procéder aux identifications des familles, et d’exécuter froidement tous les combattants blessés, ainsi que tous les suspects ayant disposé d’une arme. En effet, la simple possession d’un couteau confondait les combattants et les condamnait à la mort. Le sinistre capitaine usa et abusa de sa mission, pour effectuer un véritable carnage sur la population vaincue. Il fit mettre le feu à l’âme de l’oasis, un patrimoine culturel considérable, constitué de plusieurs centaines de manuscrits. Il procéda aussi à l’inventaire des richesses qu’il déclara comme butins de guerre, pour le distribuer ensuite selon ses propres volontés.
1. L’inventaire du butin récupéré sur les Bou Azid fut considérable. Il comportait des centaines de chevaux et autant de mulets, des milliers d’ânes, un millier de dromadaires, 143380 moutons et chèvres. Fabre récupéra aussi 75 400 francs or. Il dépouilla les femmes de tous les bijoux. C’est dire que tous les biens de la tribu furent spoliés. Avec cela, les survivants furent condamnés à payer :
2. 10 000 FR/or à valoir sur une contribution de guerre de 210 000 FR/or, payable sur une période de 5 ans. En fait, ils continuèrent à la payer jusqu’en 1910.
3. 6 000 FR/or, au titre de la « dia » prix du sang, des goumiers tués pendant la bataille.
4. 3 000 Fr./or pour chaque cheval tué, de la cavalerie coloniale.
5. 45 200 FR/or au titre d’indemnité pour 452 prétendus fusils non livrés.
6. 50 100 Fr./or pour de prétendus fusils (501) qui auraient été remis aux tribus voisines, soit un total de 314 300 FR/or, équivalent à plus de trois cents milliards de centimes.
En attendant l’acquittement de ces sommes colossales, que l’on comparera à la somme de 5 milliards de francs, que les Allemands exigèrent des Français lors du siège de Paris en 1871, les biens agricoles des Bou Azid à El Amri et à Foughala furent placés sous séquestre. L’arrêté de mise sous séquestre fut signé par le gouverneur général de l’Algérie le 10 juin 1876.
Autant dire que la malheureuse tribu a été condamnée définitivement à l’esclavage pur et simple. Ses immenses palmeraies furent cédées à trois colons Treille, Forcioli et Sarradin, le 3 novembre 1879. Quant à celles de Foughala, avec leurs 600 hectares de terre, elles furent confiées à la gestion de la Cie coloniale de Biskra et de l’Oued Rhir, qui les cèdera en 1920, au colon Buchère. Celui-ci les liquidera, à son tour, au profit du transporteur Rhodari de Biskra. Ainsi, la tribu des Bou Azid fut la deuxième tribu algérienne, après celle d’El Mokrani en 1871, à subir toute la rigueur de l’inique loi Warnier. Et ce n’est pas tout !
Dès qu’il termina le massacre et le dépouillement des Bou Azid, Fabre fit déplacer les femmes (veuves et orphelins ne dépassant pas l’âge de 14 ans) vers la plaine désertique de Doucen, distante de 30 km au sud. Ces déportées furent obligées de créer leur propre cantonnement de fortune avec des branchages divers. Quant aux rescapés mâles et leurs ouvriers agricoles, ils furent frappés de disgrâce et expulsés, par petits groupes, très loin d’El Amri vers les régions suivantes :
1.Les survivants des Ouled Saoud à Biskra, chez les Ouled Bou Aoun, pour une première partie, une deuxième à Batna, et une troisième à Constantine. Son but était de faire en sorte que cette fraction ne puisse jamais se regrouper et former un groupe important.
2.La fraction des Djebabra fut déplacée vers la lointaine Tiaret.
3.La fraction des Ouled Driss à M’sila.
4.La fraction des Ouled Youb à Tebessa.
5.Les chefs de familles (kébir de Djemaâ), et tous les notables furent déportés définitivement, comme prisonniers rebelles en Nouvelle Calédonie, 19 en Corse et 68 otages détenus à El Koudia, la triste prison de Constantine, où ils moururent, sans grâce.
Le capitaine Fabre du 3e Chasseurs d’Afrique entouré de ses officiers (à gauche le slt Aubel, à droite le Lt Laribe)
2. Punitions et Harcèlements
Enfin, un millier d’hommes valides et les ouvriers agricoles, jugés physiquement utiles par Fabre, parce qu’assez vigoureux furent condamnés aux travaux forcés et enrôlés pour la construction des 2 tronçons de routes, reliant Biskra à Batna (130 km) au nord, et Biskra à Aumale (Sour el Ghozlane) (300 km) au ouest/nord. Autant dire qu’il les condamna à une mort certaine. Ceux qui en revinrent furent infirmes. Les témoignages qu’en firent les chroniqueurs militaires, comme le commandant Sécora et autres, sont accablants, absence de nourritures, d’eau et d’abris, sans aucun soin pour les malades, et victimes des morsures venimeuses. Quand ils décédaient, leurs geôliers leurs refusaient le droit à une simple sépulture. Ils les abandonnaient au bord de la route, à la merci des chacals et des hyènes, invoquant la perte de temps pour creuser des tombes.
Quant à Doucen, le lieu choisi pour y cantonner les femmes et les enfants, il répondait parfaitement aux soucis stratégiques de l’occupation coloniale. Les militaires retinrent ce lieu semi désertique, à mi distance d’El Amri et d’Ouled-Djellal, (25 km), à peine deux heures de trot à cheval, pour humilier leurs prisonniers en les contrôlant plus facilement. Le cantonnement forcé de ces orphelins de martyrs et de leurs mères, les arrangeaient pour réaliser divers travaux d’intérêts domestiques militaires. De ce lieu aride et contraignant, partie du Sirocco et des vents chauds, aucune tentative d’évasion n’était possible. Les jeunes forçats fournirent des efforts surhumains pour continuer à exister. Pour eux tous, ce fut le dernier voyage. Seul le cimetière qu’ils créèrent à flanc de colline, connut une expansion continue. L’armée coloniale, force répressive aveugle, voulait montrer à ceux qui auraient été tentés de suivre l’exemple de leurs pères, comment elle appliquerait la loi d’airain aux indigènes contestataires. Cette féroce répression avait bien pour but d’effacer de l’esprit des vaincus toute velléité d’irrévérence ou de fierté, qu’ils manifesteraient envers ses représentants. Les déportés furent obligés de construire, à titre de corvée permanente, une digue sur l’oued pour la retenue d’eau, puis l’extension d’une forteresse militaire, couvrant un hectare, au sommet d’une colline dominant la vaste plaine.
Ainsi, ce fut dans la douleur, que se décida l’émergence de l’actuelle oasis de Doucen. (22)
Source: La colonisation française de l’Algérie De Mohamed Salah Hasnaoui
Notes:
(1) Râ : Dieu soleil dans l’Egypte ancienne.
(2) Le Djebel G’soum est le plus haut sommet dans cette partie de l’Atlas Saharien. Il culmine à 1200 m.
(3) Chronos : dieu du temps dans la Grèce antique.
(4) Dans la mythologie grecque, il dit que « Atlas » a été condamné par Zeus, à soutenir sur ses épaules, la voûte céleste.
(5) Cet oued prend sa source dans le Djebel Amour, près d’Aflou, à 3300 m d’altitude, côté versant sud, de la même montagne que son « frère » jumeau l’oued « Chlef » plus favorisé, qui lui prend sa source sur le versant nord, bien mieux arrosé. Oued Djeddy est très souvent à sec, mais par grande crue, il devient dévastateur. A une certaine époque, les hydrologues, ont pu noter, à hauteur de la ville d’Oumache, au sud de (Biskra) que ses eaux pouvaient s’épandre et couvrir jusqu’à 11 km de terre.
(6) Zibans : terme « chaoui » qui veut dire oasis.
(7) Selon Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères) au 14e siècle Doucen, avait été le lieu d’une grande bataille entre les troupes des Hafsides de Tunis et celles d’Abou Hammou roi de Tlemcen. Elle est aujourd’hui une bourgade située à 72 km au sud ouest du chef lieu de Biskra, l’antique Vescra des Puniques et qui deviendra, plus tard, Vecera avec les Romains.
(8) Les Daouaouida ou (Dawawida) formaient une puissante confédération de tribus semi nomades, qui, faisait et défaisait tous les royaumes du Maghreb Central, l’Algérie. Cette confédération fut éclatée pour mieux dominer ses multiples composantes. On dit que les Daouaouida, sont des descendants des Zénètes (mélange de Berbères et d’Arabes), lesquels sont les héritiers des ancêtres les fiers Gétules.
(9) Les Bou Okkaz étaient les fidèles représentants de l’Emir Abdelkader à Biskra. Ferhat sera assassiné sur le territoire des Bou Azid, pour leur faire imputer ce crime et disculper ses commanditaires.
(10) Les Bengana seraient originaires de l’Oued Righ au sud de Biskra.
(11) Il s’agit d’un commandement de façade tout à fait oligarchique, à la manière des seigneurs de guerre asiatiques.
(12) Cet individu fourbe et ambitieux sera lui-même promu Cheikh El Arab à la mort de Bouaziz.
(13) Certaines sources le nomment aussi M’Hamed Yahya.
(14) Cette famille aurait fait assassiner, Ferhat Bou Okkaz, sur le territoire des Bou Azid, pour leur en faire endosser le crime.
(15) La « lezma » était un impôt spécial exigé des indigènes possédant des palmiers dattiers.
(16) On rappellera que le Bey hadj Ahmed a finit par se rendre à l’armée française le 05 mais 1848.
(17) On sait par ailleurs que la révolte d’El Mokrani dura plus de dix mois et qu’elle s’était étendue à tout l’est algérien.
(18) Cette loi, sera finalement suspendue en 1890.
(19) Ahmed ben Ayache était un mystique de la tribu, qui aimait versifier en vantant les mérites de la famille des Bou Okkaz, et celles de l’Emir Abdelkader. Pendant le soulèvement, il joua un rôle patriotique et tomba parmi les premiers chouhada.
(20) Aux prétendus conciliateurs Ahmed ben Yahya leur aurait fait cette célèbre réponse : « Sortez dans la plaine avec vos goums et je vous répondrai ».
(21) Ahmed Yahya qui appartenait à la fraction des Ouled Driss était secondé par les Kébir de Djemâa des fractions : Ouled Saoud qui payèrent un lourd tribut, des Djebabra et des Ouled Youb.
(22) Pendant longtemps Doucen ne fut qu’un douar sans plaque indicative, sans signalisation extérieure. Il ne figurera que bien plus tard sur les cartes d’état major. Ce doux et ancien nom qui fut maintenu par les « réprouvés ». il paraissait insignifiant aux militaires français, mais en fait il était chargé d’une forte symbolique, qui signifie littéralement : refus et insoumission permanente.
Cette expédition sauvage et barbare s’est perpétuée en Algérie jusqu’en juillet 1962. La France s’obstine à ne pas reconnaître tous ces odieux crimes, et continue sa besogne au nom de la civilisation.